La devise de la République est « Liberté, égalité, fraternité ». Nous pouvons lire cette devise sur les frontons des édifices publics. Depuis quelques années la laïcité occupe une place importante dans le débat public. Ce thème est indissociable de notre république. C’est pourquoi il m’est apparu intéressant de réfléchir sur « la République, la Liberté, l’Égalité, la Fraternité et la Laïcité », ces mots qui sont constitutifs de notre état de citoyen.
LA REPUBLIQUE
Le mot république vient du latin « res publica » c’est-à-dire « la chose publique ». Étymologiquement la « res publica » c’est le bien commun à tous, à distinguer de « la chose privée » propre à certains.
La république avec un « r » minuscule désigne un régime politique où les dirigeants sont désignés par le peuple ou ses représentants. Un régime où la souveraineté et la légitimité du ou des chefs provient du peuple directement ou de ses représentants. C’est un régime politique antinomique des régimes comme la royauté où la souveraineté ne vient pas des hommes mais est de droit divin. A la révolution française s’est établi à la suite de la monarchie un régime politique qui est baptisé « république ». En conséquence de l’abolition de la royauté la première république française est proclamée. La République française est la fille de la révolution.
1792 première République. 1848 deuxième République, 1875 troisième République, 1946 quatrième république et 1958 cinquième République. Aujourd’hui, à part quelques illuminés nostalgiques de l’ancien régime, personne ou presque n’envisage de sortir de la République pour revenir à la royauté.
La République, avec un R majuscule, est l’ensemble des éléments de la puissance publique propre à un État qui a choisi comme forme de régime politique la république. Cet État est accessible également à tous ses citoyens et est la propriété collective de tous. La chose publique comprend tout ce qui est public dans un pays donné, le domaine public (les routes, les fleuves, le domaine maritime, …), les services publics, la justice, les lois et règlements d’administration publique, le gouvernement, le parlement, la force publique etc… donc tout ce qui n’est pas privé. La République est propre à un État donné mais est indépendante de la forme de gouvernement. Le mot république est souvent confondu avec le mot démocratie par opposition avec le despotisme. Mais l’histoire de France montre que la République n’est pas forcément démocratique.
La république est aujourd’hui la forme de régime politique la plus répandue dans le monde : sur 193 pays, 136 sont des républiques, 34 des royaumes ou sultanats, trois des principautés et neuf des unions ou fédérations qui peuvent mélanger plusieurs formes d’États.
En France la constitution de 1958 est le texte fondateur de la Ve République. Adoptée par référendum le 28 septembre 1958, elle organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. Elle est le quinzième texte fondamental de la France depuis la Révolution Française (ou le vingt-deuxième si l’on compte les textes qui n’ont pas été appliqués).
Norme suprême du système juridique français, elle a été modifiée à vingt-quatre reprises depuis sa publication par le pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès, soit directement par le peuple à travers l’expression du référendum. Son Préambule renvoie directement et explicitement à trois autres textes fondamentaux : la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la constitution de 1946, la charte de l’environnement de 2004.
La constitution de 1958 dans sa forme actuellement en vigueur précise :
Article 1 – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.
Article 2 – La langue de la République est le français.
L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L’hymne national est la « Marseillaise ».
La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Article 3 – La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.
Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques.
Article 4 – Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.
Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l’article 1er dans les conditions déterminées par la loi c’est-à-dire l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.
La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.
Ces quatre articles contiennent l’essentiel des principes sur lesquels repose l’organisation de l’État en France. – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Les partis et groupements politiques contribuent à l’exercice de la démocratie. La loi garantie les expressions pluralistes des opinions.
Les principes c’est une chose et la pratique une autre. Les différentes modifications de la constitution de 1958 et sa pratique font qu’elle est qualifiée de monarchie républicaine. De plus en plus de voix s’élèvent pour souhaiter une sixième république plus en conformité avec ces principes.
LA LIBERTE
La constitution dans son préambule fait référence explicitement à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui indique que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Elle définit la Liberté comme ce qui consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.
La Loi n’a le droit d’empêcher que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas interdit par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. En clair dans une république démocratique tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Si l’on ne peut faire que ce qui est autorisé alors nous sommes dans une société dictatoriale où l’État décide de ce qui peut être fait, ce qui est contraire aux droits de l’homme et à la liberté de chacun.
La liberté doit être très large mais elle n’est pas illimitée, elle s’arrête à partir du moment où elle nuit à autrui. Certains comme les libertariens défendent la liberté sans limite ce qui ne peut qu’aboutir à la loi du plus fort. Toute société qui n’organise pas les limites de la liberté dans le respect de chacun ne peut que mener à ce que certains soient plus libres que d’autres. Donc chaque citoyen est libre dans un cadre donné défini par la loi.
La loi garantit l’expression du pluralisme des opinions et donc la liberté de conscience.
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi (article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen).
L’EGALITE
L’article 1 de la constitution précise que la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.
Les hommes naissent égaux en droit mais que se passe-t-il après la naissance ? La République nourrit ses enfants et les instruit. L’histoire nous prouve que l’égalité des droits n’empêche pas les inégalités.
Même si tous les gouvernants affirment orienter l’action de la puissance publique dans le sens d’une plus grande égalité entre les citoyens, nous voyons bien, notamment ces dernières années, que les inégalités s’accroissent.
Les privilèges de la naissance ont été abolis sans complètement disparaitre et ont été remplacé par les privilèges de la richesse économique qui se répercute sur le plan culturel, social et régional. Même l’école qui a été un formidable instrument d’éducation et d’émancipation reste encore trop un facteur de reproduction sociale.
LA FRATERNITE
Pendant la Révolution française « Salut et fraternité » est le salut des citoyens. A cette époque il est institué des fêtes nationales pour conserver le souvenir de la Révolution et entretenir la fraternité entre les citoyens et les attacher à la constitution. Il ne fait pas de doute que l’introduction de la fraternité dans la devise républicaine y trouve son origine.
La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies à Paris en 1948 parle de la notion de fraternité dans son article premier : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »
Il ne faut pas confondre fraternité et solidarité comme c’est souvent le cas. La devise républicaine invite, en vertu de l’unité du genre humain, de l’égalité entre les hommes, de l’égale dignité de l’homme et de la femme, du respect des droits de chacun, de l’humanisme, à considérer l’autre comme mon frère. La fraternité républicaine n’est pas une fraternité de l’immédiateté, fusionnelle et sentimentale. C’est la constitution d’esprits libres décidés à défendre les droits de tous. Les sujets libres et égaux en droit sont frères parce qu’ils produisent la chose publique qui à son tour les unit.
Si je dis que l’autre est mon frère, cela signifie qu’il est un autre moi-même. Qu’il a les mêmes droits que moi, mais que je lui dois, comme je me le dois à moi-même, le respect de ce qu’il est, la volonté de le voir grandir de la même façon que je travaille à ma propre croissance. Je lui dois de l’attention et de la bienveillance.
Mais ne faisons pas preuve de naïveté excessive, il y a parfois loin de l’idéal à la réalité. Là aussi l’histoire nous enseigne que la volonté de fraternité entre les hommes ne permet pas d’éviter les conflits meurtriers individuels et collectifs.
Comme l’écrit Victor Hugo dans « Le Droit et la loi », Liberté, Égalité, Fraternité sont les trois marches du perron suprême. La liberté, c’est le droit, l’égalité, c’est le fait, la fraternité, c’est le devoir. Tout l’homme est là.
Depuis des années de glissements en glissements l’idéologie différentialiste se fait entendre et est en passe de devenir l’idéologie dominante. Le racisme avance, l’antisémitisme ressurgit, l’homophobie s’installe, l’indifférence vis-à-vis des plus faibles s’étend … Il faut réaffirmer une conception de l’humanité qui transcende les héritages biologiques, sociaux, culturels et religieux et restaurer l’universalisme républicain qui seul libère l’individu et bâtit le collectif. La fraternité est la condition d’un cadre commun qui permet l’émancipation de tous.
LA LAÏCITE
Nous pouvons constater que la laïcité a été malmenée depuis quelques décennies. Paradoxalement c’est dans une période caractérisée par une majorité croissante de non croyants que nous assistons à un retour de la question religieuse dans tous les domaines de la vie sociale et civile. Les fondamentalistes de tout poil prétendent imposer leur vérité à l’ensemble de la société.
L’article 2 de la constitution de 1958 cité en début de cet article précise que :
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.
La laïcité c’est
• la liberté de conscience qui ne peut se réduire à la seule liberté religieuse qui n’en est qu’une version particulière,
• l’égalité de droits de tous les citoyens quelles que soient leurs convictions,
• le primat de l’intérêt général, du bien commun à tous.
La laïcité est une règle de vie en société démocratique. Elle impose que soient donnés aux hommes, sans distinction de classe, d’origine, de confession, les moyens d’être eux-mêmes, libres de leurs engagements, responsables de leur épanouissement et maîtres de leur destin.
La laïcité est un idéal d’émancipation.
La laïcité est un idéal qui permet à tous, croyants et athées, de vivre ensemble sans que les uns ou les autres soient stigmatisés en raison de leurs convictions particulières.
L’État laïque incarne la promotion simultanée de la liberté de conscience et de l’égalité, de la culture émancipatrice et du choix sans entrave de l’éthique de vie personnelle.
L’école laïque a pour tâche de réaliser cette émancipation. Elle doit tenir à distance la société civile et ses fausses urgences. La laïcité à l’école c’est le fait de refuser aux puissances de conditionnement d’entrer dans les classes, d’ouvrir à chaque esprit la chance de penser sans tutelle, sans emprises.
L’acquisition de savoirs et l’élévation culturelle sont les instruments d’une émancipation individuelle et collective. L’émancipation par l’instruction doit être à la portée de tous c’est-à-dire gratuite, obligatoire, laïque, et la puissance publique doit en assurer la promotion partout et pour tous.
L’école laïque fournit à la liberté de conscience le pouvoir de juger qui lui donne sa force.
L’enseignement public doit être affranchi de tout prosélytisme religieux ou idéologique.
C’est en vertu de ce principe qu’il est inconcevable d’apposer sur le mur de la classe une croix, un croissant ou une étoile de David symbole d’une religion. C’est aussi la raison de l’interdiction du voile et de tout signe ostentatoire d’appartenance religieuse à l’école.
De même impensable dans un État laïque d’orner les salles de tribunaux ou les chambres d’hôpitaux publics de signes religieux ou de faire prêter serment sur la bible ou le coran.
L’école est un moyen de transmission du savoir mais c’est aussi le moyen de fabriquer une communauté nationale de citoyens.
L’humanisme laïque repose sur le principe de la liberté absolue de conscience.
Liberté de l’esprit c’est à dire émancipation à l’égard de tous les dogmes ; droit de croire ou de ne pas croire en Dieu ; autonomie de la pensée vis-à-vis des contraintes religieuses, politiques, économiques ; affranchissement des modes de vie par rapport aux tabous, aux idées dominantes et aux règles dogmatiques.
La laïcité vise à libérer l’enfant et l’adulte de tout ce qui aliène ou pervertit la pensée, notamment les croyances ataviques, les préjugés, les idées préconçues, les dogmes, les idéologies opprimantes, les pressions d’ordre culturel, économique, social, politique ou religieux.
La laïcité vise à développer en l’être humain, dans le cadre d’une formation intellectuelle, morale et civique permanente, l’esprit critique ainsi que le sens de la solidarité et de la fraternité.
La laïcité vise dans ce contexte à donner les moyens à l’être humain d’acquérir une totale lucidité et une pleine responsabilité de ses pensées et de ses actes.
La liberté d’expression est le corollaire de la liberté absolue de conscience. Elle est le droit et la possibilité matérielle de dire, d’écrire et de diffuser la pensée individuelle ou collective.
Le refus du racisme et de la ségrégation sous toutes ses formes est inséparable de l’idéal laïque. La société ne peut pas être la simple juxtaposition de communautés qui, au mieux s’ignorent, au pire s’exterminent.
L’éthique laïque mène inévitablement à la justice sociale : égalité des droits et égalité des chances. L’éducation laïque, l’école, le droit à l’information, l’apprentissage de la critique sont les conditions de cette égalité.
La séparation des Églises et de l’État est la pierre angulaire de la laïcisation de la société.
Elle ne saurait souffrir ni exception, ni modulation, ni aménagement. Cette séparation est la condition de son existence. Elle est la seule façon de permettre à chacun de croire ou de ne pas croire en libérant les églises elles-mêmes des logiques de liaisons conventionnelles avec l’État. Si les églises veulent exister, que les fidèles leur en fournissent les moyens, la religion étant affaire de conviction personnelle.
Si l’État garantit la totale liberté des cultes comme de l’expression et de la diffusion de la pensée, il n’en favorise aucun, ni aucune communauté, pas plus financièrement que politiquement.
La loi républicaine ne saurait par conséquent reconnaître le délit de blasphème ou de sacrilège qui déboucherait inévitablement sur l’institutionnalisation de la censure.
La première manifestation du caractère laïque d’un pays est l’indépendance de l’État et de tous les services publics vis-à-vis des institutions ou influences religieuses.
La laïcité n’est pas une notion passéiste mais au contraire une idée de progrès.
La laïcité est action et volonté. Elle implique la plénitude de l’égalité de traitement, par la République, des athées et des croyants. Cette égalité est la condition d’une véritable fraternité, dans la référence au bien commun, qui est de tous.
Dans l’Église catholique, le laïc, avec un « c », est un simple fidèle par opposition au clerc investi d’une mission officielle dans l’organisation ecclésiastique.
Laïque, avec « que », découle de la même racine, du terme grec laos qui veut dire peuple, population comprise dans son unité. Laïque signifie indépendant de la religion. La laïcité implique l’égalité des droits sans distinction de convictions personnelles. Laïque ne s’oppose pas à religieux mais à clérical. L’esprit clérical, c’est la prétention des clercs à dominer au nom d’une religion. La laïcité ne se confond pas avec l’athéisme et ne se réduit pas au combat anticlérical.
Admettre que chacun puisse à titre individuel ne pas croire ou pratiquer le culte de son choix sans que la société n’en impose aucun est un principe qui consiste à laisser chacun libre de ses choix selon ses propres règles morales avec pour seule limite de ne pas nuire à autrui, sans subir celles que lui imposerait la religion ou n’importe quelle idéologie totalitaire d’État.
L’humanisme laïque est le ciment qui donne toute sa force et sa plénitude à la devise républicaine.
avril 1919
Tout est dit et clairement.