Les masques n’étaient pas utiles. Dangereux à manipuler et mal utilisés ils pouvaient être contreproductifs. En fait la France n’avait pas renouvelé ses stocks et avait été coupable d’un manque de prévoyance évident. Le port du masque est aujourd’hui obligatoire.
Nous avons assisté, à peu de chose près, au même scénario avec les tests. Pas utiles, non significatifs puis indispensables en corrélation avec nos stocks de tests. Les délais d’accès et de résultats des tests n’ont cessé de s’allonger et ont empêché d’identifier à temps les personnes contaminées et de les isoler. Les tests se font sans une stratégie clairement établie et sans un isolement systématique des personnes contaminées.
Tous les commentateurs se sont accordés pour dire qu’après l’amateurisme déployé avec les masques et les tests il était impératif de réussir la campagne de vaccination. Après l’ouverture de cette campagne de vaccination le moins que l’on puisse dire c’est que nos dirigeants persistent et signent. Les énarques qui dirigent notre administration, sont loin d’être à la hauteur de leur réputation. Nous sommes la risée de l’Europe et du monde. Quand tous les pays se sont lancés dans la vaccination de masse la France a décidé de ne pas se presser. On croit rêver ! Au moment où j’écris ces lignes les vaccinations se comptent par milliers et parfois par centaines de milliers dans les autres pays alors que la France a du mal à atteindre les cinq cent.
La France a choisi une stratégie que nos dirigeants défendent avec fierté et prétendent même être suivi par les autres pays responsables. D’abord les plus fragiles. II est prévu de commencer dans les établissements pour personnes âgées par les plus de 75 ans et après avoir sollicité leur consentement, en leur laissant cinq jours pour une éventuelle rétractation. Le personnel soignant au contact de ces personnes les plus fragiles ce sera pour après. Stratégie « responsable » mais d’une bien maigre efficacité ! Et pendant ce temps le nombre de morts par jour est équivalent au crash journalier d’un gros airbus comme l’a fait remarquer un commentateur.
Le vaccin Pfizer, seul à notre disposition pour l’instant à raison de cinq cent mille par semaine, nécessite des conditions de distribution très difficiles du fait de la température de conservation (-80°C) et une logistique millimétrée. Le simple bon sens fait penser qu’il vaudrait mieux amener les personnes dans des centres de vaccination plutôt que de s’échiner à transporter les vaccins vers les personnes. Il y a déjà des doses de vaccins qui sont gâchées à cause de ces difficultés aggravées par la stratégie choisie. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué.
Les meilleures intentions du monde peuvent être à la source de catastrophe. Il est encore temps de changer de stratégie et opter pour une vaccination de masse tout en veillant à privilégier les plus exposés notamment les soignants et les personnes fragiles. C’est en tout cas l’avis majoritaire de nombreux spécialistes.
En réalité il faut protéger au moins 60% de la population pour atteindre l’immunité collective, soit 35 à 40 millions de personnes. Si l’on souhaite atteindre cet objectif avant l’été il faut vacciner au moins 6 millions de personnes par mois, 1,35 millions par semaine soit deux cent mille par jour. Le goutte à goutte n’est pas un moyen opérationnel pour atteindre cet objectif.
Voilà maintenant presqu’un an que notre économie est sous perfusion. Chaque jour de retard dans la vaccination c’est des centaines de morts supplémentaires et des centaines de milliers de chômeurs en plus et le risque toujours plus grand de faire subir de gros dommages à nos capacités productives.
En ce premier quart de XXIème siècle, plus que jamais le monde est confronté à de multiples défis. Dérives financières, épuisement des ressources naturelles, dérèglement climatique, productivisme agricole, manipulations génétiques dangereuse pour notre alimentation, destruction de la biodiversité, rareté croissante de l’eau potable, développement des inégalités inter et intra nationales, menaces terroriste et nucléaire, pandémies virales, dérèglements politiques, … cette liste n’est hélas pas exhaustive. Il s’agit d’une conjonction de crises d’envergure mondiale.
Collegium international
Aucun État ne peut prétendre répondre seul à ces défis. Ce constat a été fait déjà en 2002 et a suscité la création d’une association intitulée Collegium international éthique, scientifique et politique. Cette association basée en France a été fondée par Milan Kucan, président de la Slovénie, Michel Rocard, ancien Premier ministre français, coprésidents, Stéphane Hessel, vice-président, et Sacha Golman, secrétaire-général. Parmi les membres nous pouvons citer entre autres Edgar Morin, Peter Sloterdijk, Jurgen Habermas, René Passet, Joseph Stiglitz, Amartya Sen, Mireille Delmas-Marty.
Son objectif : « Prendre la mesure des dérèglements et des contradictions de notre monde, imaginer et proposer des orientations qui soient à la hauteur des périls qui menacent l’équilibre de la planète, rechercher un nouveau sens à donner aujourd’hui à l’aventure humaine, marquée par la mondialisation et l’Interdépendance de tous les pays, tous les peuples et de tous les êtres humains ».
Le Collegium s’appuie sur la diversité de ses membres, leur sagesse politique et leurs connaissances scientifiques, ainsi que leur expérience et leur intégrité. Par sa composition, réunissant aussi bien des hommes de pensée dans les domaines philosophique, scientifique et artistique, que des dirigeants politiques de grande responsabilité, le Collegium veut tenter de répondre pour les hommes et les femmes du XXI siècle aux trois questions essentielles, inspirées d’Emmanuel Kant :
Que voulons-nous faire de notre planète ?
Que voulons-nous faire de l’espèce humaine ?
Que voulons-nous faire de notre vie ?
Appel pour une gouvernance mondiale solidaire et responsable
Dès sa création le Collegium a lancé un Appel pour une gouvernance mondiale solidaire et responsable, aujourd’hui toujours d’actualité de mon point de vue.
Pour résumer cet appel :
Les crises que nous vivons sont fortement interconnectées et forment une seule « polycrise » menaçant ce monde d’une « polycatastrophe ». Aucun État ni aucune Institution Internationale n’est aujourd’hui en mesure de faire respecter un ordre mondial et d’imposer les indispensables régulations globales. L’inter-gouvernementalisme est un échec. Il faut repenser les principes juridiques internationaux et bâtir des mécanismes de prise de décisions planétaires dans l’intérêt de l’humanité. Le premier pas vers cette communauté mondiale est la reconnaissance universelle d’un principe nouveau qui résulte de l’interdépendance, l’intersolidarité planétaire. Principe qui devra préserver la diversité dans un esprit de tolérance et de pluralisme.
Trois mesures sont à prendre d’urgence : l’éradication effective des paradis fiscaux, la séparation des banques de dépôt et d’investissement spéculatif, la taxation des transactions financières.
Relancer des négociations fondamentales relatives
d’une part aux mesures de régulation et de contrôle d’une économie mondialisée tout en assurant un développement durable équilibré et une réduction des inégalités inter étatiques comme intra étatiques et
d’autre part pour la survie de la planète la sauvegarde de la biosphère, la suppression des armes de destruction massive et le contrôle de l’énergie nucléaire.
Selon le Collegium la mise en œuvre de cet Appel suppose :
de réaffirmer l’ensemble des droits fondamentaux des individus dans le respect de l’ordre public national et supranational ;
de reconnaître que la détention d’un pouvoir d’échelle globale implique le corollaire d’une responsabilité globale ;
d’inciter les États souverains à reconnaître la nécessité d’intégrer l’ordre public supranational à la défense des valeurs et des intérêts communs
de favoriser le développement des institutions représentatives des communautés internationales régionales, en même temps que de renforcer la communauté mondiale et l’émergence d’une citoyenneté globale.
Cet Appel invite à concevoir et construire ensemble une communauté mondiale de destin.
Plaidoyer pour une charte d’interdépendance
Depuis sa création, le Collegium a produit de nombreux travaux en rapport avec son objet. Il travaille notamment sur le concept d’interdépendance solidaire et responsable et son application à une gouvernance mondiale qui ne saurait être conçue sur le seul modèle étatique, mais englobe les acteurs supra-étatiques et trans-étatiques, publics (Collectivités territoriales et Organisations internationales) ou privés (Entreprises transnationales), et la société civile.
Les humains sont partie intégrante de l’écosystème constitué par la nature. Doués de raison et de conscience leur spécificité est d’assumer la préservation de la nature. La relation des humains avec les vivants non humains est asymétrique et sans réciprocité. C’est donc aux seuls humains qu’il revient de s’engager sur une véritable « Charte d’Interdépendance » proposant trois principes d’action : préserver les différences, promouvoir des solidarités, répartir les responsabilités.
Ainsi en décembre 2018, le Collegium International a entrepris la création d’une CHARTE D’INTERDEPENDANCE réalisée comme un Appel solennel aux Nations Unies et à son Secrétaire Général, qui a, d’ailleurs, fait part de son soutien à ce projet.
Comme le publie le Collegium, « Adaptée à notre Humanité à la fois unique et multiple, cette Charte n’oppose pas la diversité à l’unité, le différent au commun, le relatif à l’universel. Elle se sert du droit comme d’une boussole afin de rendre compatibles les différences et répartir les responsabilités de façon différenciée. C’est la condition d’une mondialité apaisée qui ne prétend garantir ni la Paix perpétuelle imaginée par Emanuel Kant, ni la Grande paix des Classiques chinois, mais plus modestement préparer le cheminement vers une paix toujours réinventée. »
Dépasser l’inter gouvernementalisme
L’Organisation des Nations unies (ONU) a été créée en 1945 par la Charte de San Francisco, à la fin de la seconde guerre mondiale, en remplacement de la Société des Nations. Elle est née de la volonté de 51 pays qui voulaient construire un monde de paix. Elle regroupe aujourd’hui 193 États. Selon sa Charte l’ONU est un lieu où se construit un avenir meilleur pour tous les êtres humains. Après des débuts prometteurs, notamment la Déclaration universelle des Droits de l’Homme en décembre 1948, et la création d’institutions spécialisées comme la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International, l’Organisation internationale du Travail, l’Organisation Mondiale de la Santé, l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture, l’Organisation mondiale du commerce,… l’ONU a vu ses actions mises en échec par les grands pays occidentaux qui ont montré à chaque occasion peu d’empressement à partager le pouvoir.
Dans les années 80 la vision friedmanienne de l’économie inspirée par l’École de Chicago s’est imposée en quelques années. Toutes les règlementations par nature antiéconomiques selon la doxa néolibérale sont remises en cause. Les nouvelles règles du jeu définies sont simples et ne font l’objet d’aucune contestation : libéralisation généralisée des échanges, liberté totale de mouvement des capitaux, respect sans nuance du dogme de la concurrence, mise au pas des institutions internationales considérées incompétentes. Les multiples discussions dans un cadre onusien concernant la régulation des divers marchés furent bloquées sous la pression des gouvernements des grands pays occidentaux qui considéraient que les errements interventionnistes devaient prendre fin, seul le marché étant habilité à décider du bien et du mal. La marginalisation du système onusien a ainsi été programmée au nom de son immobilisme et de son irréalisme. Un cadre renouvelé de coopération internationale lui a été substitué, d’abord le G5, puis le G7/G8 élargi finalement aux leaders de pays émergents incontournables en devenant le G20.
Pour répondre aux problèmes mondiaux il faut des réponses mondiales. Des éléments de régulation internationale et quelques institutions agissent à l’échelle mondiale mais c’est loin d’être suffisant. Les intérêts nationaux prévalent encore en transformant chaque rencontre internationale en séance de marchandages. Comme l’a définie Stéphane Hessel, « la gouvernance mondiale c’est la capacité de s’élever au-delà des marchandages entre intérêts nationaux pour prendre des décisions politiques planétaires au nom de l’humanité. »
Pour le Collegium international les défis planétaires du XXIème siècle, le réchauffement climatique, la destruction de la biodiversité, les pandémies virales, les difficultés économiques et le développement des inégalités, remettent en question la notion de souveraineté étatique et son expression internationale : l’inter gouvernementalisme. La réforme en profondeur du seul embryon de gouvernance mondiale existant aujourd’hui, l’ONU, semble indispensable. Il reste la seule institution légitime malgré ses faiblesses pour établir un véritable dialogue et affronter les problèmes qui se posent au monde dans un cadre universel démocratique et rénové.
L’individualisme et le chacun pour soi a connu son apogée au XXIème siècle. Le néo libéralisme, à la fois sa conséquence et son origine, a exacerbé les inégalités.
L’activité humaine débridée avec pour objectif la maximisation du profit à court terme est une réalité qui a pour effet l’augmentation de l’émission de gaz à effet de serre, le réchauffement climatique et la baisse de la biodiversité.
La pandémie due au Covid 19 a mis en évidence que l’ensemble de l’humanité est sur un même bateau. Personne n’est à l’abri de la crise sanitaire même si tous ne sont pas atteints de la même façon ni au même moment ni avec la même intensité. Le néolibéralisme et la chasse aux dépenses publiques a affaibli les hôpitaux et donc la capacité de réaction à la crise sanitaire. Nous n’en sortirons qu’avec la mise au point de traitements efficaces et d’un vaccin. Cela rend indispensable une réaction coordonnée de tous les pays.
Au niveau international le repli sur soi de chaque pays est quasi général à part l’Europe qui après quelques difficultés semble se ressaisir.
Et après ?
L’humain n’est pas pensable isolément. La relation à l’autre est constitutive de l’humain. L’émancipation humaine ne peut être que collective dans le respect de chaque individu. Combattre l’individualisme et réduire les inégalités, cela fait partie de l’ADN de l’action pour l’épanouissement de l’humanité.
Nous ne pouvons plus ignorer le fait que le développement des activités humaines a des conséquences sur l’avenir de la planète. Le réchauffement climatique et la baisse de la biodiversité représentent un danger que le développement des sciences et des techniques ne suffira pas à contenir. Le coup d’arrêt à l’activité économique dû à la pandémie nous montre que si la décroissance peut réduire le réchauffement climatique elle ne fait qu’aggraver les inégalités. Il nous faut trouver un chemin qui donne satisfaction sur ces deux objectifs. Il y a des choses qu’il faut réduire mais il y a des choses qu’il faut augmenter. L’économie doit être au service des hommes et pas l’inverse. Il nous faut développer tout ce qui concoure au développement de la vie et au bien-être des humains, des animaux et de la nature. Les humains font partie de la nature et ils ont la spécificité d’assumer la responsabilité de la préserver.
La préservation de la nature et de toutes ses composantes doit être partie intégrante de notre action pour l’amélioration matérielle et sociale de l’humanité.
En démocratie le politique doit primer sur l’économique. Nous devons faire l’éloge de la régulation démocratique dans tous les domaines de l’activité humaine. Les institutions de gouvernance mondiales, si imparfaites soient-elles, doivent être soutenues notamment l’OMS qui doit nous permettre d’éradiquer la Covid 19 et éviter que la course au vaccin soit l’objet de spéculations financières sans égard pour la santé de toute l’humanité.
Le 16 octobre 2020 un attentat islamiste d’une barbarie insupportable a été commis dans les rues de Conflans-Sainte-Honorine. Un professeur d’histoire-géographie a été décapité pour avoir illustré un cours sur la liberté d’expression en présentant aux élèves des caricatures publiées dans le journal Charlie Hebdo. La consternation et l’émotion sont immenses. Des manifestations d’hommage à cet enseignant et de soutien à sa famille et au monde enseignant sont organisées dans toute la France. Demain mercredi 21 octobre une cérémonie d’hommage national lui sera rendu dans la cour de la Sorbonne, monument symbolique de l’esprit des Lumières et du rayonnement culturel. Au-delà des réactions institutionnelles il est nécessaire que chaque citoyen individuellement et collectivement contribue à amplifier le travail des enseignants pour la promotion des principes de la République Française. C’est le meilleur hommage que l’on puisse rendre à Samuel PATY. C’est ce que je vais m’attacher à faire dans cet article en reprenant l’essentiel du contenu d’un article écrit en avril 2019 et publié dans ce blog en mars 2020.
Une République indivisible, laïque, démocratique et sociale
En France la constitution de 1958 est le texte fondateur de la Ve République. Elle organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. C’est la norme suprême du système juridique français. Les quatre premiers articles de la constitution contiennent l’essentiel des principes sur lesquels repose l’organisation de l’État en France.
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Les partis et groupements politiques contribuent à l’exercice de la démocratie. La loi garantit les expressions pluralistes des opinions.
La liberté
La constitution dans son préambule fait référence explicitement à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui indique que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Elle définit la Liberté comme ce qui consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. La liberté doit être très large mais elle n’est pas illimitée. Toute société qui n’organise pas les limites de la liberté dans le respect de chacun ne peut que mener à ce que certains soient plus libres que d’autres. Chaque citoyen est libre dans un cadre donné défini par la loi.
La loi garantit l’expression du pluralisme des opinions et donc la liberté de conscience.
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi (article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen).
L’Égalité
L’article 1 de la constitution précise que la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Les hommes naissent égaux en droit. La République nourrit ses enfants et les instruit. L’histoire nous prouve que l’égalité des droits n’empêche pas les inégalités. Même si tous les gouvernants affirment orienter l’action de la puissance publique dans le sens d’une plus grande égalité entre les citoyens, nous voyons bien, notamment ces dernières années, que les inégalités s’accroissent. Les privilèges de la naissance ont été abolis sans complètement disparaitre et ont été remplacés par les privilèges de la richesse économique qui se répercutent sur le plan culturel, social et régional.
La Fraternité
La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies à Paris en 1948 parle de la notion de fraternité dans son article premier : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »
La devise républicaine invite, en vertu de l’unité du genre humain, de l’égalité entre les hommes, de l’égale dignité de l’homme et de la femme, du respect des droits de chacun, de l’humanisme, à considérer l’autre comme son frère. La fraternité républicaine n’est pas une fraternité de l’immédiateté, fusionnelle et sentimentale. C’est la constitution d’esprits libres décidés à défendre les droits de tous. Les sujets libres et égaux en droit sont frères parce qu’ils produisent la chose publique qui à son tour les unit. La fraternité est la condition d’un cadre commun qui permet l’émancipation de tous.
La Laïcité
C’est dans une période caractérisée par une majorité croissante de non croyants que nous assistons à un retour de la question religieuse dans tous les domaines de la vie sociale et civile. Les fondamentalistes de tout poil prétendent imposer leur vérité à l’ensemble de la société. L’article 2 de la constitution précise que : La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.
La séparation des Églises et de l’État est la pierre angulaire de la laïcisation de la société.
La laïcité c’est la liberté de conscience, la liberté de croire ou de ne pas croire. C’est l’égalité de tous les citoyens quelles que soient leurs convictions. C’est le primat de l’intérêt général, du bien commun à tous.
La laïcité est une règle de vie en société démocratique, un idéal d’émancipation. Elle permet à tous, croyants et athées, de vivre ensemble sans que les uns ou les autres soient stigmatisés en raison de leurs convictions particulières. L’État laïque incarne la promotion simultanée de la liberté de conscience et de l’égalité, de la culture émancipatrice et du choix sans entrave de l’éthique de vie personnelle.
La laïcité vise à développer en l’être humain l’esprit critique ainsi que le sens de la solidarité et de la fraternité. La laïcité vise dans ce contexte à donner les moyens à l’être humain d’acquérir une totale lucidité et une pleine responsabilité de ses pensées et de ses actes.
La liberté d’expression est le corollaire de la liberté de conscience. Elle est le droit et la possibilité matérielle de dire, d’écrire et de diffuser la pensée individuelle ou collective. Le refus du racisme et de la ségrégation sous toutes ses formes est inséparable de l’idéal laïque.
L’éthique laïque mène inévitablement à la justice sociale : égalité des droits et égalité des chances. L’éducation laïque, l’école, le droit à l’information, l’apprentissage de la critique sont les conditions de cette égalité.
L’école laïque
L’école laïque a pour tâche de réaliser cette émancipation. Elle doit tenir à distance la société civile et ses fausses urgences. La laïcité à l’école c’est le fait de refuser aux puissances de conditionnement d’entrer dans les classes, d’ouvrir à chaque esprit la chance de penser sans tutelle, sans emprises. L’acquisition de savoirs et l’élévation culturelle sont les instruments d’une émancipation individuelle et collective. L’émancipation par l’instruction doit être à la portée de tous c’est-à-dire gratuite, obligatoire, laïque, et la puissance publique doit en assurer la promotion partout et pour tous. L’école laïque fournit à la liberté de conscience le pouvoir de juger qui lui donne sa force.
L’enseignement public doit être affranchi de tout prosélytisme religieux ou idéologique. C’est un moyen de transmission du savoir mais c’est aussi le moyen de fabriquer une communauté nationale de citoyens.
Une réponse citoyenne à l’obscurantisme
La promotion de nos principes républicains, leur large diffusion, leur popularisation sont l’indispensable réponse citoyenne à l’obscurantisme liberticide et meurtrier. Elle complétera utilement la nécessaire fermeté de la puissance publique qui doit réaffirmer que la seule loi qui prévaut en France est la loi républicaine, votée par la représentation nationale. Jamais la loi de Dieu ou d’une toute autre croyance, brandie pour contester la règle républicaine, ne doit pouvoir s’imposer à la souveraineté nationale.
Les autorités sanitaires françaises ont commencé par nous expliquer que les masques n’étaient pas utiles. Dangereux à manipuler et mal utilisés ils pouvaient être contreproductifs. Et tout le monde y est allé de sa démonstration, responsables politiques comme responsables scientifiques mobilisés par le gouvernement, pour rendre crédibles ses déclarations.
En fait, voir notre article du 31 mars 2020 intitulé « pourquoi n’étions-nous pas prêts », la France n’avait pas renouvelé ses stocks et avait été coupable d’un manque de prévoyance évident d’autant que nous n’avions plus de capacité de production suffisante pour faire face aux besoins en cas de pandémie que certains spécialistes ne manquaient d’annoncer comme possible. Nous nous sommes donc trouvés sur les marchés internationaux pour nous approvisionner, en Chine notamment, en même temps que tous les autres pays partageant notre imprévision, hélas très nombreux puisque la réduction des dépenses publiques est le souci le plus partagé dans le monde.
Il eût mieux valu à l’époque dire que nos stocks permettaient tout juste de satisfaire les besoins prioritaires des soignants plutôt que de raconter n’importe quoi sur l’utilité du masque.
Puis soudainement, dès que l’approvisionnement a été suffisant, les masques sont devenus très utiles et même deviennent de plus en plus indispensables et dans certains cas obligatoires. Comment s’étonner dès lors du scepticisme de certains de nos compatriotes devant les déclarations de l’autorité publique ?
Les risques de contamination varient en fonction du type d’activité, du milieu et de la circulation de l’air. Le British Médical Journal a publié une étude sur le niveau de risque de transmission du virus par des porteurs asymptomatiques selon l’endroit où ils se trouvent, l’aération ou la densité humaine. Les milieux clos sont la source d’une majorité de contaminations, parce qu’ils sont souvent moins bien ventilés, avec une population plus dense que dans les espaces extérieurs. Plus il y a de personnes au même endroit, plus les postillons et micro gouttelettes expulsées par la bouche peuvent être inhalés par d’autres. Plus le niveau de bruit ambiant est élevé, plus les participants devront parler fort, et expulser plus de postillons pour se faire entendre. Le masque réduit efficacement la quantité de postillons émise dans l’air, son absence accroît les chances que d’éventuelles particules virales soient inhalées.
Une synthèse des travaux scientifiques publiée par l’Organisation mondiale de la santé estime que le risque de transmission du virus est cinq fois moindre à deux mètres qu’à un mètre.
Même scénario pour les tests
Nous avons assisté, à peu de chose près, au même scénario avec les tests. Pas utiles, non significatifs puis indispensables en corrélation avec nos stocks de tests.
Catherine Hill, épidémiologiste, ancienne chercheuse à l’Institut de cancérologie Gustave-Roussy, dans une tribune publiée dans « Le Monde » le 21 août 2020, explique que « pour contrôler l’épidémie, il faut chercher systématiquement les porteurs du virus en testant massivement la population, plutôt que cibler les « clusters » comme le font les autorités françaises ». En effet une personne contagieuse qui se déplace peut contaminer d’autres personnes ici où là, sans que ces contaminations correspondent à un foyer identifiable.
Après avoir énuméré les différents moyens qui s’offrent aux autorités pour suivre l’épidémie, Catherine Hill estime que le nombre de cas connus n’est que la partie émergée de l’iceberg. Elle en conclut « qu’à l’heure actuelle, les tests se font sans aucune stratégie identifiable : ils sont certes gratuits et sans ordonnance, mais les personnes les plus probablement positives ne sont pas particulièrement incitées à se faire dépister. Ce n’est pas ainsi que l’épidémie va être contrôlée. »
Les délais d’accès et de résultats des tests n’ont cessé de s’allonger et empêchent d’identifier à temps les personnes contaminées et de les isoler. Tester plus d’un million de personne c’est bien mais être incapable de donner les résultats rapidement diminue l’intérêt de ces tests. Il est indispensable de définir les personnes prioritaires de façon à désengorger les laboratoires.
Même si la critique est facile et l’art difficile, avec de telles performances il n’est pas étonnant que de nombreuses voix s’élèvent pour taxer les autorités publiques d’amateurisme.
En France, mais aussi dans plusieurs pays au passé colonial, cette question fait débat. Elle est apparue au moment de la contestation des violences policières notamment à l’encontre des minorités visibles et ce en lien avec la motivation raciste de certains policiers.
Depuis la mort de Georges Floyd le 25 mai à Minneapolis aux États-Unis on assiste au développement d’un mouvement international contre le racisme, Black Lives Matter, « les vies noires comptent ». Dans notre pays à Paris et dans plusieurs villes de province, plus de 15000 manifestants ont répondu à l’appel du comité Adama en participant à la marche nationale « vérité et justice ». Progressivement le mouvement antiraciste prend de l’ampleur. La jeunesse se mobilise pour l’égalité des droits et la démocratie. Il faut s’en réjouir.
Dans ce contexte des voix s’élèvent pour demander le déboulonnage de statues : Léopold II en Belgique, Christophe Colomb aux États-Unis, Winston Churchill et Edward Colston au Royaume Uni, Victor Schœlcher en Martinique, Colbert, Gallieni, Faidherbe, etc… en France. Même si les situations européenne et américaine ne sont pas comparables cela dénote notamment dans la jeunesse et pas seulement, une prise de conscience et une volonté d’œuvrer à l’abolition du racisme sous toutes ses formes, du racisme mais aussi des inégalités et de toutes les formes de discrimination.
Déboulonner les statues de certains personnages historiques, débaptiser des lieux publics, changer le nom de rues peut paraître anecdotique mais pour beaucoup, tant les partisans que les opposants, c’est lourd de symboles.
Pour les premiers ces hommages rendus à des personnages liés de près ou de loin au commerce des esclaves et à la colonisation sont une blessure permanente ravivée par les discriminations qu’ils doivent affronter tous les jours. Certains vont jusqu’à évoquer le poids de l’héritage colonial et le caractère systémique des discriminations. En France dans un rapport publié le 22 juin, intitulé « Discriminations et origines : l’urgence d’agir » le défenseur des droits estime que les discriminations ne sont pas le résultat de logiques individuelles mais que c’est le système qui reproduit les inégalités. Même si de manière majoritaire le monde occidental rejette en principe le racisme, l’injustice et les discriminations, nous sommes loin de les avoir éliminés. Quand ils sont noirs ou basanés nos concitoyens sont encore souvent victimes de discriminations dans les contrôles de police, l’embauche, le logement, l’éducation, la santé, la formation, les loisirs, etc…
Pour les opposants (je laisse de coté la minorité adepte du suprémacisme blanc et de la supériorité naturelle du monde occidental) tout en partageant les objectifs d’une lutte contre le racisme et les discriminations, il faut se garder de regarder l’histoire exclusivement avec les yeux d’aujourd’hui. L’anachronisme est un danger auquel les historiens sont souvent confrontés. Il était un temps où l’occident comme le monde arabe pratiquait l’esclavage et la traite des êtres humains. Fourier et Proudhon étaient antisémites. Les pères fondateurs des États Unis avaient des esclaves. En France, les dirigeants de la IIIème République étaient colonialistes. La liste pourrait être encore très longue. Déboulonner les statues ne modifiera en rien l’histoire et ses dérives. Pour certains historiens*, dans une tribune publiée dans « Le Monde » du 25 juin 2020, « il faut éviter faire passer l’histoire sous le rabot uniforme d’une déploration rétrospective, mais remettre tout dans son contexte et, dans les divers lieux de la pédagogie républicaine, l’école, l’université et les médias, expliquer, expliquer, expliquer … »
Il est aussi difficile d’oublier les précédents fâcheux du dynamitage des statues géantes des Bouddhas de la vallée de Bâmiyân au centre de l’Afghanistan par les Talibans, la destruction des statues du musée de Mossoul et des mausolées de Tombouctou par des islamistes, volontés d’éradiquer tout témoignage d’un islam de tolérance.
Laissons là le déboulonnage des statues qui n’est que la conséquence de la persistance du racisme et des inégalités et examinons le fond de la question. Les discriminations fondées sur l’origine restent massives en France et affectent la vie quotidienne de millions d’individus et mettent en cause leurs droits les plus fondamentaux. Comme le souligne le défenseur des droits, « les politiques publiques de lutte contre les discriminations sont insuffisantes et favorisent l’affaiblissement du discours public sur l’égalité au profit du discours sur l’identité. » Comment s’étonner dès lors de la prolifération en réaction d’un discours indigéniste radical, et, chez certains, le remplacement de la lutte des classes par la lutte des races ?
Il faut réaffirmer une conception de l’humanité qui transcende les héritages biologiques, sociaux, culturels et religieux et restaurer l’universalisme républicain qui libère l’individu et bâtit le collectif. L’article 2 de la constitution française précise que : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». La promotion et le respect de cet article de notre loi fondamentale doit être le fondement de toute l’action des pouvoirs publics.
30 juin 2020
* Jean-Noël Jeanneney, Mona Ozouf, Maurice Sartre, Annie Sartre, Michel Winock,
Le monde est en proie avec un virus extrêmement virulent. La crise sanitaire a entrainé dans sa suite une crise économique de grande ampleur. Et cela intervient au moment où la planète commence à prendre conscience du réchauffement climatique et de ses conséquences, qui, selon l’avis de nombreux spécialistes du climat, risque à terme de nuire gravement à l’avenir de la planète et de l’humanité.
Sortir de la crise sanitaire
« Covid-19 » pour Corona (Co), virus (vi), disease (d) qui signifie maladie en anglais, et 19 pour désigner l’année de l’infection. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dans un bulletin publié le 12 janvier 2020, indique que l’épidémie de Covid 19 a commencé au début du mois de décembre 2019, dans la ville de Wuhan, dans la province de Hubei, en Chine. Des études scientifiques ont constaté de nombreuses similitudes entre ce virus et des coronavirus prélevés sur des chauves-souris qui pourraient avoir été transmis à l’homme par un animal intermédiaire. Le pangolin est le principal suspect.
Le scénario d’une infection chez l’homme sous sa forme pathogène actuelle et à partir d’une source animale augmente le risque de futures épidémies, car la souche pathogène du virus pourrait encore circuler en population animale et pourrait à nouveau infecter les humains. C’est la conséquence de la présence toujours plus importante des humains dans des « écozones ».
Parti de Chine, la Covid 19 s’est progressivement étendu à l’Asie, le Moyen Orient, l’Europe, les Amériques, l’Afrique. C’est devenu un évènement planétaire. La quasi-totalité des pays est touchée. Les scientifiques estiment que cette maladie est un réel danger. Ce virus est très contagieux et surtout très mortel. A ce jour il n’existe pas de traitement pour l’éradiquer.
Dès le début l’objectif a été de ralentir la propagation du virus par une politique de confinement associé à des mesures de distanciation sociale et d’hygiène. Il s’agit d’éviter que le nombre de patients gravement atteints dépasse les capacités des hôpitaux à les prendre en charge. En Europe seuls les Pays Bas et la Suède ont choisi de miser sur l’immunité collective, ce qui revient à sacrifier une partie de la population et atteindre la contamination d’au moins 60%. Plus de la moitié de la population mondiale est confinée. A ce jour dans le monde, nous avons plus de 2,6 millions de cas et plus de 175500 décès.
La réduction drastique des déficits budgétaires prônée par la doxa néolibérale a entrainé une baisse des dépenses publiques. La santé publique n’a pas échappée à cet impératif. Nous assistons pratiquement partout à un manque de stocks de produits et matériels médicaux permettant de faire face à la pandémie et à une concurrence effrénée des États pour se procurer ce qui leur manque pour protéger leur population. C’est le chacun pour soi qui domine.
Pourtant face à une pandémie mondiale l’histoire nous enseigne que la coopération internationale est nécessaire. La propagation de l’épidémie dans n’importe quel pays met en péril l’humanité entière. L’OMS, quel que soit ses insuffisances par manque de moyen, est le seul instrument mondial permettant de lutter contre la pandémie. La meilleure défense dont nous disposons contre les pathogènes, ce n’est pas l’isolement, c’est l’information. C’est en mettant en commun leurs informations que les scientifiques parviendront à comprendre les mécanismes de l’épidémie et les moyens de la combattre.
Bien que tous les pays ne soient pas touchés avec la même intensité, le pic de l’épidémie est progressivement atteint. Mais le nombre de cas graves reste élevé et conserve un taux de morbidité élevé. Nous ne sortirons vraiment de cette pandémie que lorsque nous aurons découvert un traitement pour diminuer l’impact du virus et des vaccins pour immuniser les populations. En attendant il faudra bien vivre avec.
Sortir de la crise économique et sociale
La crise économique s’est diffusée à la suite de la crise sanitaire. La Chine représente 20% de la Production Intérieure Brute mondiale et plus de 30% du commerce international. Compte tenu du poids de la Chine dans l’économie mondiale et son intervention dans tous les secteurs d’activité, le ralentissement brutal de son activité industrielle du fait de l’épidémie a eu des répercutions sur l’économie mondiale. Les conséquences économiques et sociales de la pandémie sont colossales. La présidente de la Banque Centrale Européenne estime que nous assistons à « l’un des plus grands cataclysmes macroéconomiques des temps modernes ».
La baisse de la production doublée d’un recul de la consommation, l’arrêt des activités industrielles et de services dues au confinement, l’augmentation du chômage et la chute du pouvoir d’achat ont des conséquences sociales très importantes et ce malgré les mesures de compensation prises par les États. Les pays entrent en récession et les économistes prévoient un recul des produits intérieurs bruts variant de 7% à 10% selon les pays, voire plus. Pour faire face à cette situation les États injectent massivement des liquidités dans les circuits afin de lutter contre la récession et ses conséquences sociales. Oubliés le moins d’État et l’austérité budgétaire préconisés par le néolibéralisme. Le rôle de stabilisateur et de régulation de l’État est redécouvert. Après avoir abondamment privatisé les bénéfices, on collectivise les pertes.
Les dommages économiques issus de la pandémie vont affecter le monde entier. La croissance va être en berne voire négative. Les faillites d’entreprise vont se multiplier et le chômage devenir massif. Les inégalités entre pays et à l’intérieur de chaque pays seront encore augmentées. Seuls les États peuvent gérer une crise d’une telle ampleur et organiser nationalement et internationalement la relance de la machine économique. Les pays sont tellement interdépendants économiquement qu’une coordination internationale est indispensable. Malheureusement ce type de crise fait naître et se développer le chacun pour soi et la croyance que le cadre national est le seul permettant d’échapper aux difficultés.
Au moins au niveau européen un plan de relance fort, coordonné, solidaire et coopératif doit être mis en œuvre. Il faudra bien que les pays de l’Union Européenne trouvent les moyens de surmonter leurs divergences et leurs intérêts immédiats. Ceux qui ont le moins souffert s’ils refusent la solidarité envers les autres qui sont aussi leurs principaux clients, devront vite se rendre à l’évidence. Ils ne peuvent condamner l’Union à l’impuissance et par là même risquer de la voir sérieusement remise en cause. Si l’union Européenne ne permet pas de faire face solidairement à une telle crise, elle perd une grande partie de sa justification. Faire plus et mieux ensemble que chacun séparément, peser ensemble significativement sur le reste du monde, en être moins dépendant, tenir ses promesses de prospérité et défendre ses valeurs humanistes sont les raisons de son existence.
Cette dimension internationale de la crise ne signifie pas pour autant que l’action au niveau national est devenue obsolète. Pour qu’il y ait une coordination supranationale encore faut-il qu’il y ait des niveaux nationaux à coordonner. Par exemple chacun s’accorde à penser qu’il n’est plus possible d’être dépendant de la Chine pour les médicaments et le matériel médical. Il est peu probable que chaque pays puisse seul fabriquer tout ce qui lui est indispensable à ce niveau, à un prix compétitif dans une économie ouverte. Par contre il est concevable de le faire au niveau européen.
La souveraineté nationale et européenne permet de conserver un espace de décision politique pour faire valoir des préférences collectives (notion développée par Dani Rodrik, économiste américain) qui ne sont pas partagées par d’autres pays. Il faut donc réduire la mondialisation de sorte que les préférences collectives sur lesquelles chaque nation bâtit son contrat social sont respectées. Même si certains y aspirent, Il parait difficile de déconstruire totalement la mondialisation. Il est plus envisageable de la réduire en préservant les activités stratégiques notamment en matière de santé, d’éducation, d’énergie, de transport, de culture. La souveraineté collective nationale et européenne doit permettre le dépassement de la société de marché. La conception du rôle de l’État doit être transformée à l’occasion de cette crise.
Sans oublier la transition écologique
Avant la crise sanitaire et ses conséquences économiques, la prise de conscience du réchauffement climatique pouvait laisser penser que nos sociétés finiraient par s’engager dans la voie de la transition écologique. L’arrêt de la production et de la consommation dans une grande partie du monde a entrainé une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre. Cela confirme, s’il en était besoin, le lien entre l’activité humaine et le réchauffement climatique. Cela n’empêche pas les adeptes du néolibéralisme de vouloir revenir au plus vite au monde d’avant.
Les États ne doivent pas se contenter de faire les pompiers. Les fonds publics indispensables à la relance économique doivent permettre à la puissance publique de retrouver sa place centrale. Il faut restaurer une approche planifiée et stratégique, et ne pas s’en remettre uniquement au marché. Et dans le contexte mondialisé cela doit se faire de manière coordonnée au niveau européen. Il faut regagner de la souveraineté économique dans les secteurs stratégiques et organiser la transition écologique. Il ne faut pas injecter de l’argent à l’aveugle, ce serait contre-productif. Il faut orienter les investissements dans le respect de la transition écologique. En clair, à titre d’exemples, ne pas relancer l’industrie automobile sans se préoccuper de la conversion vers la voiture propre, ni de s’engager sur un plan de soutien à l’aérien sans un engagement à moins polluer. Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique les propositions sont nombreuses pour relancer l’emploi, notamment dans l’agriculture et l’industrie, et mettre en avant les métiers essentiels pour la satisfaction des besoins sociaux.
Tout d’abord, ce matin j’ai entendu à la radio un entretien avec Martin HIRSCH, directeur général de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP). Cette émission donnait la possibilité aux auditeurs d’intervenir et de poser des questions à l’invité. Une dame a interpellé monsieur HIRSCH sur la nécessité de sortir des dogmes libéraux sur la gestion des hôpitaux et des politiques d’austérité qui ont présidé à la gestion des services publics. Cela s’est traduit par la réduction des lits, du personnel, des stocks de produits et matériels médicaux. Nous pouvons en mesurer aujourd’hui les conséquences.
Le directeur de l’APHP a répondu qu’il était d’accord sur la sortie des dogmes, mais il faut que tout le monde sorte des dogmes sinon cela ne fonctionne pas. Aujourd’hui dans les hôpitaux personne n’est resté sur des dogmes. Tous ceux qui ont vécu de très près cette épidémie, sont immunisés contre les dogmes. Nous avons été tellement confrontés à des difficultés que personne n’a envie de revenir en arrière. Il a déclaré partager aussi les interrogations sur le fait que l’Europe et la France soient dépendants de la fabrication de choses aussi simples que des masques, des sur blouses… Il faudra que les services publics, la finance et l’industrie soient capables en économie de crise de s’adapter, d’être indépendants et être au service de tous. C’est une leçon majeure de la crise.
En clair il faut que chacun accepte de se remettre en question et balaie devant sa porte. Il ne s’agit pas d’opposer un dogme à un autre mais de tirer les leçons d’une situation difficile et prendre les mesures pour éviter que cela se reproduise. « La santé et l’État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, déléguer notre capacité à soigner est une folie, nous devons en reprendre le contrôle… quoiqu’il en coûte » dirait le chef de l’État.
Par ailleurs après cette interview je me suis plongé dans la lecture d’un article de Yuval Noah Harari, auteur de « Sapiens. Une brève histoire de l’humanité » (Albin Michel, 2015), et de « 21 leçons pour le XXI siècle » (Albin Michel, 2018) et Maître de conférences au département d’histoire de l’Université hébraïque de Jérusalem. Cet article est un plaidoyer sur la nécessité de s’appuyer sur la solidarité internationale et la coopération pour vaincre le Covid 19. Je vous en livre les éléments essentiels.
Face à l’épidémie du corona virus certains accusent la mondialisation et pensent que le seul moyen d’éviter que ce scénario se reproduise est de démondialiser le monde, construire des murs, restreindre les voyages, limiter les échanges. Pourtant les épidémies ont tué des millions de gens bien avant l’ère de la mondialisation. La peste noire au XIVème siècle s’est répandue de l’Extrême orient à l’Europe occidentale. En 1520, au Mexique, une épidémie de variole a décimé un tiers des habitants. En 1918 la grippe espagnole a contaminé plus d’un quart de l’espèce humaine. Depuis l’humanité est devenue encore plus vulnérable aux épidémies par l’effet combiné d’une amélioration des transports et de l’augmentation des populations. Mais l’ampleur et l’impact des épidémies ont, en réalité, considérablement diminué grâce aux scientifiques du monde entier qui ont mis en commun des informations et sont parvenus ensemble à comprendre les mécanismes des épidémies et les moyens de les combattre.
L’histoire nous apprend que, face aux épidémies, pour que l’isolement nous protège efficacement, il faudrait retourner à l’âge de pierre. La coopération internationale est également nécessaire pour que les mesures de confinement soient efficaces. Il est indispensable de comprendre que la propagation de l’épidémie dans n’importe quel pays met en péril l’humanité entière. Les frontières qu’il faut protéger sont celles qui séparent le monde des hommes de celui des virus.
L’humanité doit faire face au corona virus mais aussi à la défiance que les hommes ont les uns envers les autres. Pour vaincre une épidémie il faut que les gens aient confiance dans les experts scientifiques, les citoyens dans les autorités publiques et que les pays se fassent mutuellement confiance. Espérons que l’épidémie actuelle aide l’humanité à comprendre le danger que représente la désunion mondiale.
En conclusion,
sortir des dogmes, prendre conscience que la santé et l’État-providence sont des biens précieux, préférer la coopération, l’entraide et la solidarité internationale plutôt que la concurrence sauvage et le règne de la cupidité sont des valeurs humanistes que nous devons promouvoir et qui permettront à l’humanité de progresser. Mais il faut bien reconnaitre que vu l’état du monde et la montée des nationalismes il y a de quoi s’inquiéter.
Nous constatons que la quasi-totalité des pays occidentaux ont été pris de court par la pandémie de coronavirus. Pourtant il ne manquait pas de lanceurs d’alerte nous mettant en garde contre les risques de développement de nouvelles maladies. Mais comme je l’indiquais dans mon article précédent les thèses néolibérales sont devenues le guide plus ou moins avoué des politiques économiques des pays occidentaux et européens en particulier. Il fallait réduire les déficits budgétaires, déréglementer, libéraliser, privatiser au plus vite le maximum de secteurs. La politique sanitaire des États en a fait les frais.
Le cas de la France est particulièrement intéressant. Rappelons-nous de la violente mise en cause de la ministre de la santé en 2009 pour la politique qu’elle avait mis en place pour lutter contre l’épidémie de la grippe provoquée par le H1N1. Elle avait commandé en masse masques et vaccins. A l’automne 2009, la France compte un stock de 1,7 milliards de masques. Que sont-ils devenus ?
C’est Claude LE PEN, spécialiste de l’économie de la santé, professeur à l’Université Paris-Dauphine, qui nous fournit l’explication dans un article publié dans Le Monde daté du 31 mars 2020. A la suite de l’épidémie de grippe aviaire (H5N1) le gouvernement de l’époque a fait adopter en mars 2007 la « Loi relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur ». Cette loi mettait en place la réserve sanitaire et créait « l’Eprus », établissement public de préparation et de réponse aux urgences sanitaires. Sa mission principale était « l’acquisition, la fabrication, le stockage, la distribution et l’exportation des produits nécessaires à la protection de la population face aux mesures sanitaires graves. »
La crise H5N1 avait mis en évidence diverses faiblesses dans la réponse logistique de l’État. Cet établissement a eu les moyens d’acheter des millions de vaccins, d’aiguilles d’embouts et pipettes, de traitements antibiotiques, et antiviraux, des masques de filtration et chirurgicaux, des tonnes de substances actives en cas de pandémie grippale, des tenues de protections, des équipements de laboratoires et des extracteurs ADN/ARN.
Lors de la crise du H1N1 de 2008-2009, la haute administration a eu le sentiment d’en avoir trop fait et d’avoir surestimé la crise. La cour des comptes a estimé que des fonds publics ont été gaspillés inutilement. L’État s’est ainsi convaincu qu’une réduction de la voilure était nécessaire. Le budget de l’Eprus a été réduit et les stocks n’ont pas été renouvelés. En 2011 un changement doctrinal de l’État a conduit à distinguer deux types de stocks pour les produits médicaux, les stocks « stratégiques » à vocation nationale détenus par l’État avec l’Eprus et les stocks « tactiques » confiés aux établissements de santé pour les besoins locaux. Cela a fragmenté le dispositif d’autant que les hôpitaux ont été soumis à une très forte pression budgétaire et ne se sont pas suffisamment dotés..
De plus l’Eprus a disparu et a été noyé en 2016 dans le nouvel institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique appelé « Santé publique France » . Dans cette intégration se mélangent des questions importantes de santé publique avec la gestion logistique des menaces virales. Cela a conduit à démanteler un remarquable dispositif de préparation à une crise sanitaire majeure estime le professeur Claude LE PEN.
Nous voyons donc qu’en plus de l’obsession de la réduction des déficits budgétaires « quoiqu’il en coûte», la certitude que le monde était à l’abri de tout danger épidémique majeur entrainant un changement doctrinal et institutionnel, explique les cruels manques de produits et de matériel auxquels nous devons faire face.
A l’issue de la crise actuelle, l’État disposera sans doute d’un stock de produits de santé équivalent à celui de 2007. Il lui faudra se préserver de l’immédiateté financière et conserver une vision sur longue période pour protéger la santé publique et éviter que l’histoire se répète.
La mondialisation c’est d’abord la mondialisation de l’économie mais elle comporte aussi de nombreux autres aspects : les flux internationaux des idées et des connaissances, le partage des cultures, la société civile mondiale, l’avenir écologique de la planète etc.… Sur le plan économique, ce que l’on appelle maintenant la globalisation de l’économie, l’intégration économique croissante des pays du monde par intensification des flux de biens et de services, de capitaux et même de main d’œuvre. Les tenants de la mondialisation affirment qu’elle va améliorer le sort de tous, élever les niveaux de vie dans le monde entier, ouvrir les marchés extérieurs aux pays pauvres pour leur permettre de vendre leurs produits, développer les investissements étrangers dans les pays pauvres pour leur permettre de produire de nouveaux produits à meilleur prix, ouvrir les frontières pour permettre la circulation des hommes et des produits pour le bien de tous. Ce qui sous-tend cette affirmation c’est la pensée économique libérale qui a muté à partir des années 1980 en un rameau néolibéral. Dans les années 1990, le « consensus de Washington » établi par le Fond Monétaire International (FMI), la Banque mondiale, le Trésor des États-Unis, préconisait de réduire l’intervention des États afin de réduire les déficits budgétaires, de déréglementer, de libéraliser, de privatiser au plus vite le maximum de secteurs (voir mon article de décembre 2019 sur la mondialisation). C’est sur cette base que les politiques économiques se sont déployées dans presque tous les pays.
La crise financière de 2008 a fait la démonstration que contrairement à l’idéologie néolibérale le « laisser faire » ne conduit pas à l’équilibre. Les banques ont été jugées « trop grosses pour faire faillite ». Les gouvernements les ont perfusées d’euros et de dollars pour éponger les frasques de financiers cupides et irresponsables. Mais cela n’a pas entrainé une remise en question de la doxa néolibérale.
La crise sanitaire
En ce début d’année 2020 nous sommes confronté à une nouvelle crise : le coronavirus apparu en Chine est en train de se généraliser sur toute la planète. Les scientifiques estiment que cette maladie est un réel danger. La Covid-19 est au moins autant contagieuse que la grippe saisonnière mais est surtout beaucoup plus mortelle. Les modalités de transmission sont multiples. La transmission se fait de personne à personne mais aussi au contact de surfaces ou d’objets sur lesquels le virus est présent. Les médecins n’ont pas à ce jour de traitement pour l’éradiquer. Ils recommandent la vigilance, la protection et le confinement associé à des mesures de distanciation sociale et d’hygiène.
Les mesures de confinement sont le seul moyen efficace de lutter contre la propagation de l’épidémie. Encore faut-il qu’il soit plus rigoureux et que, avec les soignants, seuls les secteurs essentiels puissent continuer à travailler notamment l’équipement médical, l’alimentaire, les transports, le nettoyage et le traitement des déchets.
Les soignants à l’hôpital et dans les cabinets médicaux demandent pouvoir exercer leur métier sans se mettre en danger ni mettre en danger leurs patients. Ils manquent de masques, de gants, de blouses, de matériels médicaux. L’utilisation de tests est réclamée par certains. Toutes ces demandes mettent en évidence notre dépendance vis à vis d’autres pays. Nous n’avons pas de tests en suffisance car les réactifs sont importés principalement d’Asie, avec difficulté. Nous n’avons pas de stocks suffisant de gants car ils ont été réduits pour des raisons de restriction budgétaire. Ces manques sont les conséquences de la désindustrialisation de notre économie et de la réduction des dépenses publiques.
La crise sanitaire s’est abattue sur un service public de santé affaibli et met en lumière les tares de notre système de soins. Comme l’explique le professeur de médecine André GRIMALDI, l’État a abimé l’hôpital public depuis des années, depuis qu’a commencé le règne des économistes de pensée libérale ou néolibérale pour qui les activités humaines doivent être mesurées, valorisées, et mise en concurrence sur un marché. La tarification à l’activité a mis la santé dans une logique de marché. C’est l’entrée du « new public management » dans l’hôpital.
Les médicaments sont devenus des marchandises comme les autres. Les laboratoires abandonnent la production des principes actifs à l’Inde et à la Chine au nom de la rentabilité. Les stocks deviennent une immobilisation financière. L’hôpital devient une entreprise aux mains de managers. On ne répond plus à des besoins on gagne des parts de marché. On travaille à flux tendus. La novlangue a envahi l’hôpital et s’est emparée des esprits. C’est ce qui explique la diminution des lits de réanimation, le manque de médicaments, la pénurie de masques et de tests, etc…
Nous payons cash l’application dogmatique des mesures préconisées par le néolibéralisme.
Le Président de la République, dans son allocution du 12 mars 2020, ne dit pas autre chose. Il a déclaré que « la santé gratuite sans condition de revenus, de parcours ou de profession, notre État-providence, ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe » et que « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie à d’autres est une folie, nous devons en reprendre le contrôle ». Il a aussi promis qu’il assumera « dans les prochaines semaines, les prochains mois des décisions de rupture en ce sens ».
C’est un discours humaniste auquel le Président ne nous a pas habitué. Attendons la suite.
La devise de la République est « Liberté, égalité, fraternité ». Nous pouvons lire cette devise sur les frontons des édifices publics. Depuis quelques années la laïcité occupe une place importante dans le débat public. Ce thème est indissociable de notre république. C’est pourquoi il m’est apparu intéressant de réfléchir sur « la République, la Liberté, l’Égalité, la Fraternité et la Laïcité », ces mots qui sont constitutifs de notre état de citoyen.
LA REPUBLIQUE
Le mot république vient du latin « res publica » c’est-à-dire « la chose publique ». Étymologiquement la « res publica » c’est le bien commun à tous, à distinguer de « la chose privée » propre à certains. La république avec un « r » minuscule désigne un régime politique où les dirigeants sont désignés par le peuple ou ses représentants. Un régime où la souveraineté et la légitimité du ou des chefs provient du peuple directement ou de ses représentants. C’est un régime politique antinomique des régimes comme la royauté où la souveraineté ne vient pas des hommes mais est de droit divin. A la révolution française s’est établi à la suite de la monarchie un régime politique qui est baptisé « république ». En conséquence de l’abolition de la royauté la première république française est proclamée. La République française est la fille de la révolution.
1792 première République. 1848 deuxième République, 1875 troisième République, 1946 quatrième république et 1958 cinquième République. Aujourd’hui, à part quelques illuminés nostalgiques de l’ancien régime, personne ou presque n’envisage de sortir de la République pour revenir à la royauté. La République, avec un R majuscule, est l’ensemble des éléments de la puissance publique propre à un État qui a choisi comme forme de régime politique la république. Cet État est accessible également à tous ses citoyens et est la propriété collective de tous. La chose publique comprend tout ce qui est public dans un pays donné, le domaine public (les routes, les fleuves, le domaine maritime, …), les services publics, la justice, les lois et règlements d’administration publique, le gouvernement, le parlement, la force publique etc… donc tout ce qui n’est pas privé. La République est propre à un État donné mais est indépendante de la forme de gouvernement. Le mot république est souvent confondu avec le mot démocratie par opposition avec le despotisme. Mais l’histoire de France montre que la République n’est pas forcément démocratique. La république est aujourd’hui la forme de régime politique la plus répandue dans le monde : sur 193 pays, 136 sont des républiques, 34 des royaumes ou sultanats, trois des principautés et neuf des unions ou fédérations qui peuvent mélanger plusieurs formes d’États.
En France la constitution de 1958 est le texte fondateur de la Ve République. Adoptée par référendum le 28 septembre 1958, elle organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. Elle est le quinzième texte fondamental de la France depuis la Révolution Française (ou le vingt-deuxième si l’on compte les textes qui n’ont pas été appliqués). Norme suprême du système juridique français, elle a été modifiée à vingt-quatre reprises depuis sa publication par le pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès, soit directement par le peuple à travers l’expression du référendum. Son Préambule renvoie directement et explicitement à trois autres textes fondamentaux : la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la constitution de 1946, la charte de l’environnement de 2004.
La constitution de 1958 dans sa forme actuellement en vigueur précise : Article 1 – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. Article 2 – La langue de la République est le français. L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L’hymne national est la « Marseillaise ». La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ». Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Article 3 – La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. Article 4 – Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l’article 1er dans les conditions déterminées par la loi c’est-à-dire l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.
Ces quatre articles contiennent l’essentiel des principes sur lesquels repose l’organisation de l’État en France. – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Les partis et groupements politiques contribuent à l’exercice de la démocratie. La loi garantie les expressions pluralistes des opinions.
Les principes c’est une chose et la pratique une autre. Les différentes modifications de la constitution de 1958 et sa pratique font qu’elle est qualifiée de monarchie républicaine. De plus en plus de voix s’élèvent pour souhaiter une sixième république plus en conformité avec ces principes.
LA LIBERTE
La constitution dans son préambule fait référence explicitement à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui indique que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Elle définit la Liberté comme ce qui consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. La Loi n’a le droit d’empêcher que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas interdit par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. En clair dans une république démocratique tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Si l’on ne peut faire que ce qui est autorisé alors nous sommes dans une société dictatoriale où l’État décide de ce qui peut être fait, ce qui est contraire aux droits de l’homme et à la liberté de chacun.
La liberté doit être très large mais elle n’est pas illimitée, elle s’arrête à partir du moment où elle nuit à autrui. Certains comme les libertariens défendent la liberté sans limite ce qui ne peut qu’aboutir à la loi du plus fort. Toute société qui n’organise pas les limites de la liberté dans le respect de chacun ne peut que mener à ce que certains soient plus libres que d’autres. Donc chaque citoyen est libre dans un cadre donné défini par la loi. La loi garantit l’expression du pluralisme des opinions et donc la liberté de conscience. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi (article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen).
L’EGALITE
L’article 1 de la constitution précise que la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Les hommes naissent égaux en droit mais que se passe-t-il après la naissance ? La République nourrit ses enfants et les instruit. L’histoire nous prouve que l’égalité des droits n’empêche pas les inégalités.
Même si tous les gouvernants affirment orienter l’action de la puissance publique dans le sens d’une plus grande égalité entre les citoyens, nous voyons bien, notamment ces dernières années, que les inégalités s’accroissent.
Les privilèges de la naissance ont été abolis sans complètement disparaitre et ont été remplacé par les privilèges de la richesse économique qui se répercute sur le plan culturel, social et régional. Même l’école qui a été un formidable instrument d’éducation et d’émancipation reste encore trop un facteur de reproduction sociale.
LA FRATERNITE
Pendant la Révolution française « Salut et fraternité » est le salut des citoyens. A cette époque il est institué des fêtes nationales pour conserver le souvenir de la Révolution et entretenir la fraternité entre les citoyens et les attacher à la constitution. Il ne fait pas de doute que l’introduction de la fraternité dans la devise républicaine y trouve son origine. La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies à Paris en 1948 parle de la notion de fraternité dans son article premier : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »
Il ne faut pas confondre fraternité et solidarité comme c’est souvent le cas. La devise républicaine invite, en vertu de l’unité du genre humain, de l’égalité entre les hommes, de l’égale dignité de l’homme et de la femme, du respect des droits de chacun, de l’humanisme, à considérer l’autre comme mon frère. La fraternité républicaine n’est pas une fraternité de l’immédiateté, fusionnelle et sentimentale. C’est la constitution d’esprits libres décidés à défendre les droits de tous. Les sujets libres et égaux en droit sont frères parce qu’ils produisent la chose publique qui à son tour les unit. Si je dis que l’autre est mon frère, cela signifie qu’il est un autre moi-même. Qu’il a les mêmes droits que moi, mais que je lui dois, comme je me le dois à moi-même, le respect de ce qu’il est, la volonté de le voir grandir de la même façon que je travaille à ma propre croissance. Je lui dois de l’attention et de la bienveillance.
Mais ne faisons pas preuve de naïveté excessive, il y a parfois loin de l’idéal à la réalité. Là aussi l’histoire nous enseigne que la volonté de fraternité entre les hommes ne permet pas d’éviter les conflits meurtriers individuels et collectifs. Comme l’écrit Victor Hugo dans « Le Droit et la loi », Liberté, Égalité, Fraternité sont les trois marches du perron suprême. La liberté, c’est le droit, l’égalité, c’est le fait, la fraternité, c’est le devoir. Tout l’homme est là. Depuis des années de glissements en glissements l’idéologie différentialiste se fait entendre et est en passe de devenir l’idéologie dominante. Le racisme avance, l’antisémitisme ressurgit, l’homophobie s’installe, l’indifférence vis-à-vis des plus faibles s’étend … Il faut réaffirmer une conception de l’humanité qui transcende les héritages biologiques, sociaux, culturels et religieux et restaurer l’universalisme républicain qui seul libère l’individu et bâtit le collectif. La fraternité est la condition d’un cadre commun qui permet l’émancipation de tous.
LA LAÏCITE
Nous pouvons constater que la laïcité a été malmenée depuis quelques décennies. Paradoxalement c’est dans une période caractérisée par une majorité croissante de non croyants que nous assistons à un retour de la question religieuse dans tous les domaines de la vie sociale et civile. Les fondamentalistes de tout poil prétendent imposer leur vérité à l’ensemble de la société. L’article 2 de la constitution de 1958 cité en début de cet article précise que : La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.
La laïcité c’est • la liberté de conscience qui ne peut se réduire à la seule liberté religieuse qui n’en est qu’une version particulière, • l’égalité de droits de tous les citoyens quelles que soient leurs convictions, • le primat de l’intérêt général, du bien commun à tous.
La laïcité est une règle de vie en société démocratique. Elle impose que soient donnés aux hommes, sans distinction de classe, d’origine, de confession, les moyens d’être eux-mêmes, libres de leurs engagements, responsables de leur épanouissement et maîtres de leur destin.
La laïcité est un idéal d’émancipation. La laïcité est un idéal qui permet à tous, croyants et athées, de vivre ensemble sans que les uns ou les autres soient stigmatisés en raison de leurs convictions particulières. L’État laïque incarne la promotion simultanée de la liberté de conscience et de l’égalité, de la culture émancipatrice et du choix sans entrave de l’éthique de vie personnelle.
L’école laïque a pour tâche de réaliser cette émancipation. Elle doit tenir à distance la société civile et ses fausses urgences. La laïcité à l’école c’est le fait de refuser aux puissances de conditionnement d’entrer dans les classes, d’ouvrir à chaque esprit la chance de penser sans tutelle, sans emprises. L’acquisition de savoirs et l’élévation culturelle sont les instruments d’une émancipation individuelle et collective. L’émancipation par l’instruction doit être à la portée de tous c’est-à-dire gratuite, obligatoire, laïque, et la puissance publique doit en assurer la promotion partout et pour tous. L’école laïque fournit à la liberté de conscience le pouvoir de juger qui lui donne sa force.
L’enseignement public doit être affranchi de tout prosélytisme religieux ou idéologique. C’est en vertu de ce principe qu’il est inconcevable d’apposer sur le mur de la classe une croix, un croissant ou une étoile de David symbole d’une religion. C’est aussi la raison de l’interdiction du voile et de tout signe ostentatoire d’appartenance religieuse à l’école. De même impensable dans un État laïque d’orner les salles de tribunaux ou les chambres d’hôpitaux publics de signes religieux ou de faire prêter serment sur la bible ou le coran.
L’école est un moyen de transmission du savoir mais c’est aussi le moyen de fabriquer une communauté nationale de citoyens.
L’humanisme laïque repose sur le principe de la liberté absolue de conscience. Liberté de l’esprit c’est à dire émancipation à l’égard de tous les dogmes ; droit de croire ou de ne pas croire en Dieu ; autonomie de la pensée vis-à-vis des contraintes religieuses, politiques, économiques ; affranchissement des modes de vie par rapport aux tabous, aux idées dominantes et aux règles dogmatiques. La laïcité vise à libérer l’enfant et l’adulte de tout ce qui aliène ou pervertit la pensée, notamment les croyances ataviques, les préjugés, les idées préconçues, les dogmes, les idéologies opprimantes, les pressions d’ordre culturel, économique, social, politique ou religieux. La laïcité vise à développer en l’être humain, dans le cadre d’une formation intellectuelle, morale et civique permanente, l’esprit critique ainsi que le sens de la solidarité et de la fraternité. La laïcité vise dans ce contexte à donner les moyens à l’être humain d’acquérir une totale lucidité et une pleine responsabilité de ses pensées et de ses actes.
La liberté d’expression est le corollaire de la liberté absolue de conscience. Elle est le droit et la possibilité matérielle de dire, d’écrire et de diffuser la pensée individuelle ou collective.
Le refus du racisme et de la ségrégation sous toutes ses formes est inséparable de l’idéal laïque. La société ne peut pas être la simple juxtaposition de communautés qui, au mieux s’ignorent, au pire s’exterminent. L’éthique laïque mène inévitablement à la justice sociale : égalité des droits et égalité des chances. L’éducation laïque, l’école, le droit à l’information, l’apprentissage de la critique sont les conditions de cette égalité. La séparation des Églises et de l’État est la pierre angulaire de la laïcisation de la société. Elle ne saurait souffrir ni exception, ni modulation, ni aménagement. Cette séparation est la condition de son existence. Elle est la seule façon de permettre à chacun de croire ou de ne pas croire en libérant les églises elles-mêmes des logiques de liaisons conventionnelles avec l’État. Si les églises veulent exister, que les fidèles leur en fournissent les moyens, la religion étant affaire de conviction personnelle. Si l’État garantit la totale liberté des cultes comme de l’expression et de la diffusion de la pensée, il n’en favorise aucun, ni aucune communauté, pas plus financièrement que politiquement. La loi républicaine ne saurait par conséquent reconnaître le délit de blasphème ou de sacrilège qui déboucherait inévitablement sur l’institutionnalisation de la censure. La première manifestation du caractère laïque d’un pays est l’indépendance de l’État et de tous les services publics vis-à-vis des institutions ou influences religieuses.
La laïcité n’est pas une notion passéiste mais au contraire une idée de progrès. La laïcité est action et volonté. Elle implique la plénitude de l’égalité de traitement, par la République, des athées et des croyants. Cette égalité est la condition d’une véritable fraternité, dans la référence au bien commun, qui est de tous. Dans l’Église catholique, le laïc, avec un « c », est un simple fidèle par opposition au clerc investi d’une mission officielle dans l’organisation ecclésiastique. Laïque, avec « que », découle de la même racine, du terme grec laos qui veut dire peuple, population comprise dans son unité. Laïque signifie indépendant de la religion. La laïcité implique l’égalité des droits sans distinction de convictions personnelles. Laïque ne s’oppose pas à religieux mais à clérical. L’esprit clérical, c’est la prétention des clercs à dominer au nom d’une religion. La laïcité ne se confond pas avec l’athéisme et ne se réduit pas au combat anticlérical.
Admettre que chacun puisse à titre individuel ne pas croire ou pratiquer le culte de son choix sans que la société n’en impose aucun est un principe qui consiste à laisser chacun libre de ses choix selon ses propres règles morales avec pour seule limite de ne pas nuire à autrui, sans subir celles que lui imposerait la religion ou n’importe quelle idéologie totalitaire d’État.
L’humanisme laïque est le ciment qui donne toute sa force et sa plénitude à la devise républicaine.
Il est d’une grande banalité de dire que nous sommes dans un monde en pleine mutation. Mais l’histoire de l’humanité n’est-elle pas l’histoire de son évolution ? A chaque période l’homme pense qu’il vit une accélération du changement. Nous n’échappons pas à cette vision. Plus le temps passe plus l’action de l’homme accélère ces mutations. Sommes-nous arrivés à un moment où l’accélération est telle que l’homme va être submergé par ses propres créations ? Ou, est-il encore temps d’œuvrer à la maîtrise de ces bouleversements ? Quels rapports entre l’humain, les sciences et les technologies ?
N’ayant pas de prétention encyclopédique je me limiterai en matière de mutations technologiques à ce qu’on appelle les NBIC, nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives. Je verrais dans un premier temps la notion d’humain puis succinctement les NBIC et le Transhumanisme pour terminer par les rapports entre sciences, technologies et progrès de l’humanité.
Qu’est-ce que l’humain ?
Dans « L’Origine des espèces » DARWIN bouleverse la façon de concevoir l’humain. Il propose une théorie de l’évolution qui modifie la place de l’homme. Sa thèse majeure est la sélection naturelle. Elle résulte des variations innombrables et aléatoires qui se produisent dans l’anatomie des individus et leur conservation ou leur élimination en fonction des avantages qu’elles présentent ou non pour la survie de l’espèce. Les espèces animales ne sont pas fixes et immuables telles que le Créateur les avait conçues comme le prétendent certains. La vie se façonne et se transforme dans le temps sur des populations très importantes sans que la moindre intention ne dicte ces changements. Ce ne sont pas les plus forts physiquement qui sont sélectionnés mais ceux qui peuvent s’adapter à leur environnement. L’être humain n’est pas une exception. Son anatomie, sa physiologie, sa biologie sont identiques à celles des grands singes. Pour DARWIN tout est évolutif. L’histoire des espèces passe graduellement et d’elle-même, des protozoaires aux mollusques, des reptiles aux vertébrés, des grands singes à l’homme. L’homme n’est pas à part, il s’inscrit dans l’évolution, il est un animal parmi les animaux. Il n’y a pas rupture mais continuité.
Depuis de nouveaux travaux ont conforté cette théorie de l’évolution établissant que c’est dans les gènes qu’interviennent les variations produisant les différences individuelles sur lesquelles s’exerce la sélection naturelle. L’évolution se fait au hasard d’accidents génétiques entrainant des mutations dont certaines permettent l’adaptation à l’environnement.
L’humain n’est pas un animal tout à fait comme les autres ! La raison est constitutive de son humanité. Il dispose de la parole. Le langage est au cœur de toutes les constructions et activités humaines. Il constitue la voie d’accès privilégiée à toutes les créations humaines, qu’il s’agisse des rites religieux, de l’organisation du pouvoir, des mythes, du psychisme, de l’intime, du social … Il existe chez l’homme des pensées, des désirs, des émotions. FREUD parle aussi de pensées qui peuvent échapper à la conscience totalement ou partiellement. L’inconscient psychique est le résultat de conflits enfouis et oubliés, mais toujours actifs. L’humain est un être singulier, sexué, divisé entre pensées consciente et inconsciente, qui parle, crée, rêve, s’inquiète … L’homme n’est pas que biologique. L’homme sait qu’il va mourir et c’est sans doute ce qui le motive à donner un sens à sa vie.
L’humain n’est pas pensable isolément. Le sens ne surgit que de la relation à l’autre. Cette relation à l’autre est constitutive de l’humain. Elle le construit, le façonne et lui permets d’exister. Sa propre subjectivité émerge de tout ce que les autres tissent, par leur existence, leurs discours, leurs désirs, leur présence. Par imitation, échange, opposition, ses connaissances, ses goûts, ses convictions se sont formés et développés en relation avec les autres. Sa subjectivité est entièrement issue d’une intersubjectivité. L’individu émerge d’un vaste réseau qui existe avant lui, sans lui, hors de lui. Sa singularité résulte du mélange constitué de ces éléments. Humain n’a de sens que sur fond d’exigence éthique, de société et d’histoire. L’intersubjectivité occupe le centre de l’existence et de l’identité humaine. L’individu évolue et se constitue autrement à mesure que bougent les techniques, l’histoire et les sociétés. Il se construit différemment, s’inscrit dans de nouveaux schémas. Les mutations scientifiques et techniques ont des effets profonds sur l’identité humaine. Le progrès médical a provoqué au XXème siècle un allongement considérable de la vie. Dans le même temps la médecine brouille la définition de la mort. Les enfants qui naissent aujourd’hui ont une espérance de vie de cent ans. La procréation médicalement assistée ne permet pas simplement la naissance d’enfants qui autrement ne seraient pas nés. Elle modifie le désir même d’enfant. Savoir ce qui nous a permis de venir au monde est une question centrale de notre identité subjective. Notre rapport à la santé, à la douleur, au temps, à la mort et à la transmission de la vie, notre manière de nous représenter l’humain et son évolution sont en train de changer. Cela constitue une cassure par rapport à la totalité de l’expérience humaine, ce que Marcel GAUCHET, philosophe, appelle une « rupture anthropologique ».
Les NBIC et le Transhumanisme
• Les nanotechnologies
Un nanomètre est égal à un milliardième de mètre. Il y a le même rapport de taille entre la Terre et une orange qu’entre une orange et une nanoparticule. La physique quantique est la science qui explique le monde de l’infiniment petit, à l’échelle atomique. Il est devenu possible de déplacer les atomes un par un. A partir de nano objets, les physiciens font évoluer la nanoélectronique, l’électromagnétisme et l’optique. La nanotechnologie est déjà à l’œuvre dans beaucoup de secteurs qui touchent à la vie quotidienne, depuis les cosmétiques jusqu’à internet en passant par la carte de fidélité des firmes de la grande distribution. Autant de moyens de nous situer, de nous pister, de connaître nos centres d’intérêt, nos achats, notre consommation etc… Les nanotechnologies permettent de manipuler la matière et de construire de nouvelles structures à l’échelle du nanomètre c’est-à-dire la taille de quelques atomes. Elles ouvrent la voie à la fabrication de matériaux nouveaux mais aussi à des applications biologiques, médicales et pharmaceutiques, notamment à travers des implants artificiels dans le corps humain.
• Le monde numérique
Du milieu du XXème siècle au début du XXIème nous avons basculé dans un autre monde. L’informatique est partout. Le monde entier en porte la marque dans les moindres aspects du quotidien et dans le développement des sciences et des techniques. Plus personne ne peut s’y soustraire. L’industrie informatique pèse 29% du PIB de la planète soit pratiquement le tiers des activités économiques mondiales. Chaque année la capacité numérique générale augmente de 28%. En 2010 en Europe il y a 362 millions d’internautes qui passent en moyenne plus de 24h par mois en ligne dont un quart sur les réseaux sociaux. 47% des internautes ont moins de 35 ans. Domination des réseaux sociaux et chute du trafic des mails, accroissement de la vidéo en ligne et passage de l’internet fixe à l’internet mobile sont les tendances lourdes actuellement constatées. Cette technique dont les usagers s’emparent, et qui les transforme, mais qu’ils modifient en retour, alimente les interactions entre sciences et société.
Les technologies de l’information et de la communication (les TIC) permettent d’organiser la communication entre des nano puces, c’est-à-dire la création de processeurs miniaturisés à l’échelle micrométrique et des systèmes informatiques situés dans leur environnement. Le monde numérique va-t-il contribuer au bien être de l’humanité ou au contraire la mène-t-il à sa perte ?
• La biologie de synthèse
La biologie de synthèse nous laisse entrevoir que l’humain est sur le point de fabriquer des formes de vie nouvelles. Le 20 mai 2010 le biologiste américain Craig VENTER a annoncé la naissance de la première cellule artificielle, première créature vivante synthétique au génome entièrement fabriqué par l’homme. Même si ce génome n’était que la copie d’un chromosome naturel cet exploit n’est pas négligeable. Cette découverte va déboucher sur une nouvelle industrie pouvant produire des OGM aux propriétés inédites, des médicaments, des biocarburants fabriqués à partir de micro algues pourvues d’un génome artificiel. A terme au lieu de transplanter des organes on devrait pouvoir les faire pousser directement dans le corps, les reconstituer du dedans. La biologie peut agir dans deux directions : la reprogrammation cellulaire c’est-à-dire parvenir à transformer les capacités des cellules et la génomique c’est-à-dire introduire dans l’ADN de nouvelles séquences pour produire des organismes aux propriétés nouvelles.
La reprogrammation cellulaire permet d’envisager la transformation de cellules malades en cellules saines mais aussi de cellules âgées en cellules jeunes. Une fois les maladies vaincues rien ne s’opposerait à l’allongement de la vie humaine. La frontière entre le vivant et le non-vivant s’estompe. Sommes-nous vraiment que des assemblages de matériaux inertes ? Les biotechnologies peuvent elles changer l’humain ? Intervenir directement sur le vivant, modifier l’homme dans sa nature biologique, le faire passer à une autre espèce plus développée ou moins développée, plus évoluée ou moins évoluée est-ce envisageable ? Les enjeux de la biologie de synthèse sont trop importants pour être laissés à la seule appréciation des scientifiques même au sein de groupes pluridisciplinaires. L’intervention de penseurs humanistes et philosophes ainsi que le contrôle citoyen démocratique sont indispensables.
• Sciences cognitives et neurosciences
Grâce aux progrès vertigineux de l’imagerie cérébrale par résonnance magnétique (IRM) les neurosciences se déploient à grande vitesse. Comprendre comment nous recevons les données de l’extérieur, voir en temps réel sur un écran comment le cerveau fonctionne de l’intérieur, c’est l’objet de recherches en neurosciences.
De nombreuses expériences montrent que l’impulsion du mouvement pour exécuter une action précède systématiquement la conscience que le sujet a de passer à l’action. Peut-on trancher expérimentalement des questions comme celles du libre arbitre, des relations entre corps et esprit, de la nature de la conscience ? Que sommes-nous ? Sommes-nous essentiellement en tant qu’être humain, les 1500 cm3 de matière cérébrale contenue dans notre boite crânienne ? Les explorations du cerveau sont influencées et influencent à leur tour les représentations que nous nous faisons de l’homme. Sur des milliards de neurones reliés par quelque 60 milliards de synapses, les plus fines études ne repèrent encore que des phénomènes lacunaires. Les derniers travaux mettent l’accent sur l’importance de l’épigénèse qui englobe tous les mécanismes qui se superposent à l’action des gènes. Le cerveau d’un individu est modelé à la fois par sa croissance biologique et par ses interactions avec son environnement.
Selon David CHALMERS (cognitiviste cité dans « HUMAIN » de M. Atlan & R.P. Droit) les avancées des neurosciences ne proposent jusqu’à présent aucune méthode pour résoudre le problème de la conscience. Le vrai défi de la conscience est celui du problème corps-esprit, celui des débuts de la philosophie. Comment expliquer la présence de notre expérience intérieure subjective ? Entre ce qui s’observe dans nos circuits cérébraux et ce que nous éprouvons, comment faire le lien ? Soit on considère que le cerveau peut produire la conscience, perspective matérialiste qui attribue à la matière cérébrale la capacité de générer les états mentaux, c’est globalement la perspective des neuroscientifiques. Soit la conscience reste une singularité irréductible à toutes les explications qu’on s’efforce de fournir, ce qui mène à soutenir qu’il existe une réalité de la conscience indépendante de ce que les neurosciences mettent en lumière. Cette dernière position est celle que soutient David CHALMERS qui dit y avoir été conduit par l’examen rigoureux de l’insuffisance des arguments opposés.
• Le Transhumanisme
Julian HUXLEY, premier directeur général de l’UNESCO, est le créateur du mot « transhumanisme ». Il avait une croyance dans les capacités bienfaitrices du progrès des sciences qui pousseraient vers le dépassement des limites de l’humanité actuelle. Certains transhumanistes vont jusqu’à parler de « posthumanisme ». Avant de devenir des « post » nous serions des « Trans » œuvrant à la grande mutation.
Ray KURZWEIL, ingénieur et businessman, que Bill GATES considère comme « la personne la plus douée qu’il connaisse en matière d’anticipation de l’avenir de l’intelligence artificielle », estime que l’existence humaine ne dépend pas d’un corps biologique. Quitter le corps ne signifierait pas quitter l’humanité. Ainsi il prévoit de vaincre la mort en transférant son cerveau sur une machine. Il décrit une ultime évolution de l’univers où tout deviendrait intelligence. Il pense que nous aurons un jour des créatures artificielles plus intelligentes que les êtres humains. C’est ce qu’il appelle l’avènement de la « singularité ». La question qui se pose est de savoir si ces créatures seront conscientes ou simplement intelligentes. L’intelligence artificielle sera-telle toujours amicale ? Certains craignent qu’un jour elle se retourne contre les humains et soit à l’origine de la disparition de l’humanité.
Antonio DAMASIO, neurobiologiste, Université de Californie du Sud, estime que la science est en train de remplacer la philosophie par des études expérimentales, de substituer à des discussions sans fin des vérités rigoureusement établies. Pour lui nous sommes déterminés par nos gênes. Le développement in utéro fait que dans le tout début de la vie on en sait déjà beaucoup. Puis vient ensuite l’influence de la parenté et de la culture. Nous sommes déterminés par toutes ces influences. Nous savons maintenant que nos neurones peuvent se régénérer. La mise en lumière de la neurogénèse permet de comprendre que le cerveau adulte a la possibilité de s’adapter aux changements qui surviennent au cours de la vie. Si notre cerveau peut se régénérer indéfiniment n’est-ce pas à terme une remise en question de notre finitude ? Depuis toujours perception, mémoire, intelligence, calcul, langage, conscience, identité sont des domaines privilégiés de réflexion pour les philosophes. Si la science du cerveau parvenait à expliquer la conscience sous toutes ses formes, tout serait élucidé et la philosophie dissoute, c’est la thèse d’Antonio DAMASIO (cité dans « HUMAIN » de M. Atlan & R.P. Droit).
Autour du cerveau et des enjeux de son exploration ce sont des affrontements philosophiques qui se déroulent et qui engagent des représentations de l’humain et de ses relations à la nature. Qu’il y ait une relation étroite entre notre cerveau et nos pensées, personne n’en doute. Mais qu’il s’agisse d’un lien de causalité, de production cela n’est nullement établi. Les avancées scientifiques de la neurobiologie ne risquent-elles pas de négliger d’autres conceptions de l’humain, de l’esprit, du sens, d’autres représentations mentales du réel que celles induites par l’imagerie ?
Sciences, techniques et progrès de l’humanité
Pourquoi la technique, au lieu d’être en harmonie avec ce qui l’entoure, est-elle devenue perturbatrice, voire dangereuse ? Le mouvement transhumaniste voit l’être humain accéder à un stade supérieur de son évolution grâce aux technosciences. Il promeut l’avènement d’un surhomme technologique soustrait à tout ancrage naturel. Il prétend défendre un modèle d’amélioration de l’être humain qui se veut en continuité avec celui promu par le siècle des Lumières. Mais le sociologue, Nicolas Le DEVEDEC dans la revue Esprit de novembre 2015, démontre que le transhumanisme a une conception de l’émancipation humaine étroitement technoscientifique, biocentrée et individualiste. Jamais il n’est question d’apporter une réponse sociale et politique aux problèmes sociaux qui se présentent. L’amélioration de l’individu et de ses performances physiques, intellectuelles et émotionnelles n’est envisagée que sous l’angle technoscientifique. Cette quête biotechnologique de l’amélioration et de l’augmentation de l’humain occulte la dimension sociale du combat des Lumières pour l’institution d’une société plus juste.
En biologie le clivage entre vivant et non vivant devient problématique. Dans le domaine de l’intelligence artificielle, la différence entre machine et conscience se brouille. Dans le monde numérique, où par définition on ignore les frontières, la prétention est de les abolir. Le rêve est de s’affranchir des limites du corps, du temps, de l’espace, nous nous efforçons d’augmenter indéfiniment nos capacités productives, notre confort de vie. Mais une conscience aigüe des limites émerge comme l’autre face de notre présent et révèle une tension entre le désir d’illimité et la conscience des limites.
Sur les mutations en cours, quel est notre pouvoir d’agir ? Qu’est-ce qui nous incombe ? Sur quelle image de l’humain, de sa dignité, de ses capacités pouvons-nous guider nos choix ? Quelles représentations de la science, de la technique et de l’avenir sous-tendent et mobilisent ces réflexions ? Comment ne pas oublier que l’être humain est un individu qui vit en société et que le sort de chacun est lié au sort de tous ? L’humain n’est pas pensable isolément. Le sens ne surgit que de la relation à l’autre. Cette relation à l’autre est constitutive de l’humain. Elle le construit, le façonne et lui permets d’exister. Sa propre subjectivité émerge de tout ce que les autres tissent, par leur existence, leurs discours, leurs désirs, leur présence. Par imitation, échange, opposition, ses connaissances, ses goûts, ses convictions se sont formés et développés en relation avec les autres. Sa subjectivité est entièrement issue d’une intersubjectivité. L’individu émerge d’un vaste réseau qui existe avant lui, sans lui, hors de lui. Sa singularité résulte du mélange constitué de ces éléments. L’humain n’a de sens que sur fond d’exigence éthique, de société et d’histoire. L’intersubjectivité occupe le centre de l’existence et de l’identité humaine. L’individu évolue et se constitue autrement à mesure que bougent les techniques, l’histoire et les sociétés. Il se construit différemment, s’inscrit dans de nouveaux schémas.
Longtemps nous avons cru avec le siècle des lumières que la responsabilité des humains était de faire progresser les savoirs, perfectionner les techniques, et ainsi permettre à l’humanité de gagner sa liberté sur terre. Mais l’histoire du XXème siècle a prouvé que sciences et techniques, loin de rendre les humains meilleurs, pouvaient leur permettre de tuer plus. Les progrès des sciences et les raffinements de la culture ne constituent en rien des digues contre la barbarie.
Pour certains philosophes la technique est autonome et échappe à ses créateurs. Le monde de la technique moderne vide la réalité de toute épaisseur, déshumanise le quotidien, ravale l’existence au statut de marchandise. Hannah ARENDT dans « la condition de l’homme moderne » développe l’idée que le travail dans la société moderne, conditionnée par la technique, transforme profondément le rapport des êtres humains à leur propre vie. Notre responsabilité est de contrôler le pouvoir de nuire de la technique. Sa puissance est devenue telle qu’une catastrophe pourrait mettre un terme à l’humanité.
Face à ce catastrophisme d’autres philosophes mettent l’accent sur la continuité de la technique et la vie. Georges CANGUILHEM, philosophe des sciences, plutôt que d’opposer la technique et la vie, propose de concevoir la technique comme un fait de la vie, son véritable prolongement, sa manière de construire sa relation avec ce qui l’entoure, et ce dans un processus dynamique. Gilbert SIMONDON, philosophe contemporain, s’est efforcé de réhabiliter la technique comme une réalité humaine, une composante de la culture. Il ne s’agit plus d’attendre de la technique l’émancipation de l’humanité, pas plus que de craindre sa déshumanisation ou son anéantissement. Nous sommes responsables de notre compréhension de ce que signifie la réalité humaine de la technique. Avec les nouvelles possibilités de manipulation du vivant, de réorganisation de l’ADN, cette analyse se révèle d’une actualité brulante.
Selon Jürgen HABERMAS, philosophe allemand contemporain le risque principal est celui d’un nouvel eugénisme, c’est-à-dire d’une tentative volontaire d’amélioration de l’espèce humaine. Comment faire le tri entre une technique scientifique constituant un progrès légitime et une technique qui menacerait la nature humaine dans son essence biologique ? Comment préserver la nature humaine ?
Laissons la parole à Jürgen HABERMAS. « Les hommes sont des êtres sociaux qui ne peuvent exister qu’inscrits dans des formes culturelles de vie, et ces formes n’apparaissent qu’au pluriel. Dès le commencement, notre espèce est impliquée dans un processus de développement culturel qui n’a cessé de s’accélérer. Par le biais des progrès techniques cette « seconde » nature empiète sur notre constitution organique. …. La technologie a servi d’abord à améliorer nos organes. Dans cette perspective, on peut être tenté de tenir également pour tout à fait « naturelle » la nanopuce qu’il faudra un jour implanter dans le cerveau afin d’améliorer sa fonction de mémoire. … Tant que les interventions chirurgicales restaurent une fonction organique endommagée, nous considérons qu’elles sont inoffensives. …. Mais, au bout de la chaîne, nous atteignons une zone grise où la limite entre interventions chirurgicales à caractère thérapeutique et interventions chirurgicales visant une amélioration devient floue. … Il est difficile pour les profanes d’apprécier jusqu’où, au juste, on peut aller dans le développement des technologies permettant une « amélioration » de l’organisme humain. Parce que tout cela a lieu en dehors de toute publicité, au sein d’entreprises privées. Le véritable scandale réside dans la naïveté, qui consiste, en accord avec la recherche et l’industrie, à partir du principe que les améliorations eugéniques seraient souhaitables par elles-mêmes. … Nous ne devons pas abandonner les cas les plus évidents « d’augmentation de l’humain », que nous pouvons anticiper aujourd’hui, à la loi du marché. La problématique morale et juridique de ce développement exige une régulation politique. Le véritable défi n’est pas la nouveauté du problème, mais surtout la croissance rapide des développements technologiques commandés par le capital. Ils sont tellement importants qu’une politique volontariste, réactive, doit s’en occuper à temps. Comme d’autres développements à risques, ceux-ci exigent une évaluation morale des suites techniques envisageables, probables. Étant donné que cette estimation ne saurait être abandonnée aux soi-disant experts, c’est finalement une affaire qui relève de la formation de la volonté démocratique – à condition que règne le pluralisme idéologique. … Dans les conceptions abstruses de l’homme de certains « technofreaks » – adeptes fous de la technologie -, les conditions préalables pour une vie en commun ne sont plus satisfaites, je veux dire pour une vie en commun qui pourrait être soumise à une évaluation morale. C’est pour cela que j’ai introduit le concept « d’éthique de l’espèce humaine », qui permet d’évaluer si demeurent réunies les conditions pour un mode de vie en commun, qui soit encore sensible aux questions de justice en général. »
Préserver les conditions d’une vie éthique collective et démocratique, d’une pensée de la dignité de l’humain, d’une résistance à la prolifération des techniques sous la pression du marché c’est le souci constant de Jürgen HABERMAS, convaincu que nous pouvons demeurer responsables des techniques sans être submergés par elles.
Jean-Claude MILNER, linguiste et philosophe contemporain, contrairement à ceux qui considèrent qu’il n’existe qu’un seul vaste ensemble fusionnant sciences et techniques dans la technoscience, maintient la distinction. La technique n’est pas la science, elle peut devenir de la marchandise, la science pas nécessairement. Pour le philosophe c’est l’usage capitaliste des techniques, leur rentabilisation immédiate dans la recherche du profit qui favorisent et introduisent ces mutations accélérées. La technique est rendue dangereuse par sa prolifération marchande incontrôlée.
Toutes les cultures et toutes les philosophies s’accordent sur le fait que ce qui définit l’homme, c’est qu’il ne se produit pas en série. Il n’est ni « sérialisable » ni « sérialisé ». Un individu humain ne peut jamais être un autre, l’un n’est pas substituable à l’autre. Si le clonage humain est possible cela introduit la sérialisation et le substituable. L’éventualité d’une marchandisation des biotechnologies devient d’autant plus forte que le règne de la biologie a désormais succédé à celui de la physique. Pour MILNER il y a une responsabilité générale qui concerne tout le monde, celle de résister à la mise en série par la pression du système marchand qui est pour lui in-distinguable aujourd’hui du système technique.
Finalement les travaux scientifiques nous racontent des histoires de toujours : ne plus souffrir, cesser d’être malade, demeurer durablement jeune, ne pas mourir… Le propre de l’humain est de tisser des histoires, construire des récits. Pas d’humain sans mythes, fables, récits, narrations, autant de manières d’assembler les évènements, de leur donner sens, d’avoir prise sur le monde. C’était vrai dans les huttes de feuillage ou dans les cabanes de pierres sèches, c’est toujours vrai au sein des sciences. Découvrir, pour les scientifiques, c’est aussi raconter une histoire. Nous vivons dans un monde d’innovations permanentes et nos représentations se transforment plus vite que les humains. Certains revivifiés par les nouvelles technologies prolongent le vieux mythe de « l’homme nouveau ». En finir avec l’humain, le transcender, passer à autre chose. Comme au XXème siècle cette histoire d’homme nouveau a provoqué les plus grands amoncellements de cadavres humains, nous avons toutes les raisons d’être méfiants.
La bioéthique est un pont entre les sciences de la vie et les valeurs humanistes. La confiance aveugle envers les sciences et les techniques est une erreur, la défiance systématique en est une autre. La technologie n’est pas, dans son essence, radicalement différente des outils les plus simples. Un marteau peut servir à assembler des planches ou à défoncer des crânes. Dans un cas comme dans l’autre il n’est en rien responsable, seuls le sont ses utilisateurs. Ce n’est pas la technique qui est en soit bénéfique ou maléfique, mais les usages qu’on choisit d’en faire.
La complexité des technologies actuelles n’est pas comparable à un marteau. Leurs usages ne sont pas simplement individuels et le choix lui-même se complexifie. Ce choix ne doit pas être une affaire de spécialistes mais être ouvert à un large public. La bioéthique est l’affaire de tous. Nous devons rester vigilants quant aux possibles dérives, aux possibles mauvais usages des découvertes scientifiques. Aidons le plus grand nombre à comprendre, à avoir accès aux connaissances, pour que chacun ait les moyens d’un jugement approprié. L’ignorance laisse à un petit nombre la responsabilité des choix qui peuvent être sujet à toutes les influences et notamment à la pression économique dès lors que les découvertes qui ont des applications à grande échelle, laissent entrevoir une rentabilité financière. Gardons un œil critique sur les conséquences sociales et les dérives possibles de la recherche et ses applications. Veillons à faire participer la société au débat sur les orientations de la recherche en biologie et ses applications.
L’interdépendance des différentes espèces au sein d’un écosystème n’est plus à démontrer. Les activités humaines détruisent des équilibres naturels, produisent des gaz à effet de serre, provoquent le réchauffement climatique, épuisent les stocks d’énergie que l’on sait limités. L’idée que l’humain peut détruire le monde terrestre et ainsi se détruire lui-même émerge et pose le problème des limites de l’activité humaine et de sa responsabilité vis-à-vis de la nature. L’humain n’est pas la seule source des valeurs, il est une partie d’un tout qui a la particularité d’être responsable de la conservation de ce tout. Les partisans de « l’éthique de la terre » nous font prendre conscience de nos limites et nous obligent à développer un humanisme différent, un humanisme de la diversité et de l’altérité.
Corinne PELUCHON, philosophe, nous propose de retenir la continuité fondamentale de la nature, des animaux et des humains mais en ne perdant pas la spécificité et la responsabilité humaines. Le point de vue humain sur le non-humain peut évoluer, prendre en compte l’écosystème. Il peut aller de l’instrumentalisation au respect, de l’indifférence à la reconnaissance. Il n’en demeure pas moins le point de vue humain.
Aujourd’hui c’est la définition même de l’humain qui est mise en cause, ce qui explique la difficulté qu’il a de se définir, de s’identifier. Nous assistons à la naissance de ce que l’on peut appeler le « posthumain », ou le « transhumain », issu d’une science et d’une technique qui ignorent la morale, effacent la limite entre le permis et l’interdit, n’ont pas à se poser la question du Bien et du Mal. … « Demain avec les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) que restera-t-il de l’humain originel avec ses pulsions, ses désirs, ses fourvoiements ?
Nous devons prendre la mesure du bouleversement en cours, peut-être le plus important de l’histoire de l’humanité, puisqu’il touche à ce qui fait de l’homme et de la femme, des êtres humains, penser cette mutation anthropologique et entreprendre avec ces nouveaux outils l’édification de l’avenir de l’humanité.
Plus que jamais, avec sens des responsabilités et sagesse, l’homme a besoin des principes éthiques des Lumières pour mettre les sciences et les technologies au service de l’humanité et non l’inverse.
Références bibliographiques
« La mort de la mort – comment la techno médecine va bouleverser l’humanité » – Dr Laurent ALEXANDRE – JC Lattès « Humain – une enquête philosophique sur ces révolutions qui changent nos vies » – Monique ATLAN et Roger-Pol DROIT – Flammarion « L’avenir de la nature humaine » – Jürgen HABERMAS – tel Gallimard « La condition de l’homme moderne » – Hannah Arendt – Agora Pocket « La technologie et la science comme idéologie » – Jürgen HABERMAS – NRF Gallimard « Habermas, dernier philosophe » dans Revue Esprit Août-septembre 2015 « Retour vers le futur transhumaniste » de Nicolas LE DEVEDEC dans Revue Esprit novembre 2015
Combien de fois n’avons-nous pas entendu ou lu cette expression suivie d’un point d’exclamation dans la bouche de journalistes ou d’hommes politiques ?
L’intention est louable. Il s’agit de briser l’équation simpliste : islam = islamisme = terrorisme. Il s’agit de prévenir « l’amalgame ». Éviter les stigmatisations et les violences qu’elles peuvent déclencher. Pour viser la paix sociale, affirmer que les djihadistes n’ont rien à voir avec l’Islam c’est considérer que le monde musulman n’est pas concerné par les fanatiques qui se réclament du Coran. C’est suggérer que les djihadistes n’ont aucun lien avec l’islamisme qui n’a lui-même aucun rapport avec l’islam. Ces prises de position présentent deux inconvénients comme le souligne Jean BIRNBAUM, journaliste au « Monde » dans son livre « un silence religieux » publié au seuil. D’une part il occulte la diversité du monde musulman qui n’est pas un. D’autre part il prend à revers tous les musulmans qui opposent la quête spirituelle à la violence. Selon l’islamologue Christian JAMBET l’islam se présente comme la religion du Livre qui parachêve le judaîsme et le christianisme. Mais la question est de savoir comment on envisage le Livre, comme un texte qui appelle une interprétation symbolique ou comme une collection de commandements à respecter à la lettre ? Pour lutter contre le racisme, les préjugés, écarter les amalgames, objectifs sur lesquels nous ne pouvons qu’être d’accord, plutôt que de marteler l’idée selon laquelle « l’islam n’a rien à voir » avec les terroristes, admettons que le djihadisme constitue la manifestation la plus sanglante d’une conception de l’islam, son instrumentalisation politique, et son utilisation à des fins idéologiques et étatiques. Voyons dans un premier temps ce que contient le coran sur lequel s’appuient les plus radicaux. Puis je rappellerai que les autres religions ont eu aussi et peuvent avoir encore leurs intégristes. En suivant, je citerai quelques intellectuels de culture musulmanne partisans d’un islam des lumières qui veulent moderniser l’islam. Nous verrons ensuite les valeurs fondamentales de la république qui ne sont pas négociables. A titre d’exemple nous évoquerons les accomodements raisonnables au Québec qui ne font que mener dans l’impasse. Pour terminer nous verrons l’importance fondamentale de la laïcité pour faire face à la situation avec un appendice sur le voile qui est l’objet de tant de controverses.
Que contient le coran ?
L’islam s’appuie sur le coran Il y a dans le Coran des sourates qui invitent à la guerre, au massacre et à l’égorgement des infidèles. Mahomet lui-même a été un chef de guerre qui allait personnellement au combat. Les textes qui décrivent les faits et gestes du prophète nous donnent des informations : le prophète égorge, tranche des têtes , ordonne des exécutions. Ses propos sont raportés : « Sachez que le paradis est sous l’ombre des épées ». Michel ONFRAY, dans son livre « penser l’islam » publié chez Grasset, cite ces textes du Coran qu’il dit avoir lu crayon à la main. Voici quelques citations. Sur les incrédules : « Exterminez les incrédules jusqu’au dernier » «Ce n’est pas vous qui les avez tués, mais Dieu qui les a tués » « Combattez les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sédition »
Sur l’antisémitisme : « Les juifs s’efforcent de corrompre la terre » « C’est un peuple criminel » « Tout juif qui vous tombe sous la main, tuez le »
Sur les polythéistes : « tuez les polythéistes partout où vous les trouverez »
Sur la misogynie : « Les femmes ont des droits équivalents à leurs obligations, et conformémént à l’usage. Les hommes ont cependant une prééminence sur elles – Dieu est puissant et juste » Les hommes ont autorité sur les femmes, en vertu de la préférence que Dieu leur a accordé sur elles » « Admonestez celles dont vous craignez l’infidélité »
Sur le mariage ; « la famille décide pour elle » Sur l’homophobie : L’homosexuel est la figure de l’abomination »
Il y a donc des textes belliqueux cela ne fait aucun doute. Mais il y a aussi des textes pacifiques et des messages non bellicistes. La contradiction est dans le texte.
Les autres religions
Il y avait dans le nouveau testament les mêmes contradictions. Pendant plus de mille ans, loin d’une vision de paix, de tolérence, d’amour, l’Eglise, le vatican, les croisades, l’Inquisition, les génécides des amérindiens se sont appuyés sur le Jésus en colère. Que n’a-t-on pas tué au nom de Dieu ? L’Eglise a longtemps fait et défait les puissants de l’occident. La papauté avait un programme politique. Depuis la révolution française jusque 1905 c’est une longue bataille qui est livrée pour se libérer de l’lingérence de l’Eglise sur la vie politique. La gestion des cimetières, le droit à des funérailles civiles, l’état civil, le droit de divorcer, l’instruction publique, la laïcisation de l’hôpital, la suppression des prières publiques à l’ouverture des cessions parlementaires, le financement des cultes, etc…. la liste n’est évidemment pas exhaustive ! Pour résumer rappelons la phrase de Victor Hugo : « L’Eglise chez elle et l’Etat chez lui ! ». Déjà à l’époque ce qui était en jeu c’était la domination des consciences. À partir du XXe siècle, malgré quelques soubresauts, l’Eglise a du peu à peu abandonner son pouvoir temporel. Mais toutes les occasions sont bonnes pour tenter des retours en arrière notamment sur l’école privée confessionnelle.
Le judaïsme, bien que non prosélyte et ayant subi des violentes persécutions durant vingt siècles n’a pas échappé à ces questionnements. Les ultrats ortodoxes juifs occupent des quartiers entiers de Jérusalem, absorbés dans la lecture incessante de la Torah, interdisant à leurs enfants toute autre étude, séparant les femmes des hommes dans les transports publics. Dans plusieurs avions de la compagnie israêlienne des passagers ont demandé à être séparés des femmes, qui sont un danger pour l’âme. Devant le refus du commandant de bord ils sont restés debout dans les couloirs, en chantant des psaumes. Si aujourd’hui certains justifient l’existence de l’État d’Israël par une promesse divine, ils empêchent l’établissement d’une paix future avec les pays arabes qui, eux aussi, en appellent à Dieu pour expliquer guerres et attentats meurtriers. Toutes les religions ont leurs fondamentalistes et aucune n’échappe à des dérives intégristes. Dans tous les cas la séparation du spirituel et du temporel est ce qui permet d’en sortir.
Moderniser l’islam
Mais cette séparation ne semble pas prendre pour l’instant au niveau de l’islam. Et pourtant cette idée de séparation accompagne toute l’histoire de l’Islam. Nabil MOULINE, historien et politologue, chercheur au CNRS, dans son ouvrage intitulé : « le Califat », histoire politique de l’Islam, nous décrit comment la recherche de l’unité de l’Oumma (communauté des musulmans) est jalonnée de luttes entre pouvoirs politiques et tenants de l’orthodoxie religieuse, chacun voulant s’appuyer sur l’autre et vice versa mais toujours pour s’assurer la domination du monde arabo-musulman, le califat étant la symbiose des deux. Au XIXème siècle des intellectuels musulmans commencent à plaider pour une modernisation de l’Islam et influencés par les démocraties occidentales poussent à une séparation du politique et du religieux. Leur analyse est la suivante : Dès la disparition du fondateur de l’Islam, une monarchie s’installe. Le califat est une institution humaine. Son titulaire n’est pas le chef religieux de la communauté mais un leader politique dont le pouvoir repose sur la force militaire, ce qui fait de lui un tyran. Donc les musulmans n’ont pas à regretter la chute de régimes autoritaires qui n’ont rien à voir avec l’Islam. Dans son livre « Le retour du califat » publié chez Gallimard, Mathieu GUIDER, professeur des universtés et agrégé d’arabe énumère les différents califats qui se sont succédés depuis la mort du prophète pour aboutir finalement à l’état Islamique en Irak et au Levant, Daech en arabe. Aujourd’hui de nombreux intellectuels de culture musulmane s’investissent dans la modernisation de l’Islam. Quelques exemples ! Malek CHEBEl, Anthropologue des religions et philosophe algérien a écrit un « Manifeste pour un islam de lumières », 27 propositions pour réformer l’islam. Il rappelle que l’islam est pluriel, et qu’il est aussi vivant. Il rappelle que dans le passé, l’islam a été novateur dans bien des aspects de la vie. Rachid BENZINE, islamologue politologue et enseignant franco-marocain, est une des figures de proue de l’Islam libéral francophone. Il plaide pour humaniser les croyances et inscrire l’islam dans le temps des hommes. En 2004, il a publié « Les Nouveaux Penseurs de l’Islam », dans lequel il présente des intellectuels musulmans qui préconisent une relecture du Coran à l’aune des sciences humaines. Abdelwahab MEDDEB, écrivain et poète tunisien, a écrit trois ouvrages dénonçant l’islamisme et appelant à une réforme radicale de l’islam, plus exactement du Coran et de son exégèse. Adonis, poète syrien, estime que les Européens ont réussi à s’adapter à la modernité. Il faut séparer l’islam de l’État et aider les Arabes à rompre avec leur passé et l’obscurantisme. Si on est d’accord sur le principe de laïcité, on peut changer beaucoup de choses. La foi est comme l’amour, elle relève de l’expérience personnelle. La France est le pays des droits de l’homme, de Descartes et de Baudelaire, et elle doit aider à refonder la société laïque arabe, à promouvoir la liberté, la création, l’ouverture vers l’autre. Abdel SAMAD, politologue germano égyptien, ancien membre des « frères musulmans » repenti devenu athée, estime que l’Occident a intérêt à soutenir les forces laïques et démocratiques dans le monde musulman. Et en Egypte, il faut encourager la critique de l’islam au lieu de la réprimer sous prétexte de discours de haine. En apaisant les islamistes et en accommodant leurs demandes obscurantistes dans nos institutions, on ne fait que retarder un processus qui serait salutaire pour les musulmans eux-mêmes, et pour l’humanité. Selon cet auteur il est impossible pour le monde islamique de progresser et d’innover avant qu’il ne se libère de ses démons, de ses complexes, de ses interdits et avant qu’il ne transforme l’islam en religion purement spirituelle invitant ses adeptes à une relation personnelle avec le créateur sans interférence de la part de quiconque fusse un prophète, un individu, une institution ou une mafia religieuse dans sa pratique de la religion ou dans sa vie quotidienne.
Salman RUSHDIE, écrivain, auteur des « Versets sataniques » dans un entretien publié par « Marianne » le 16 décembre 2012, à propos de l’islamophobie dit « qu’on assiste depuis quelques années à des tentatives répétées de musulmans pour éviter toute discussion, toute critique de l’islam, en les qualifiant d’«islamophobie». Il est vrai que se développent en Europe des mouvements d’extrême droite qui s’en prennent aux minorités. Ce n’est évidemment pas acceptable, mais ce n’est pas la même chose de défendre des individus et de défendre leurs idées en interdisant de les discuter. L’islam n’est pas une race et l’idéologie n’est pas une catégorie éthnique. »
Accordons plus de place à ces idées de modernisation de l’islam en mettant en avant ces intellectuels de culture musulmane qui ne sont pas moins représentatifs que les fous de dieu ou ces « associations de lutte contre l’islamophobie » qui sont plus actifs à dénoncer les défenseurs de la laïcité qu’à condamner les terroristes islamistes.
Regardons les choses en face
Déjà après les attentats du 11 septembre, le philosophe Jacques DERIDA appelait à tout faire pour que dans le monde arabo musulman ne prédominent pas les courants qui poussent au fanatisme, à l’obscurantisme, au mépris cruel des droits de l’homme et de la démocratie, au non respect de la vie. Il faut aider ceux qui luttent dans ce sens de l’intérieur.
Nous ne devons pas, comme le dit Elisabeth BADINTER, avoir peur d’être traité d’islamophobe en défendant la laïcité. Pas plus d’être assimilé à l’extrême droite. Ne nous laissons pas intoxiquer par les arguments des défenseurs des intégristes. Nous avons le droit et même le devoir d’avoir vis-à-vis de l’islam les mêmes exigences que vis-à-vis des autres confessions c’est-à-dire : • la séparation du religieux et de l’Etat, le respect de la liberté de conscience, • la primauté de la démocratie sur la théocratie donc de la loi répubilcaine sur la loi religieuse , • le respect des droits de l’homme • l’égalité homme femme. C’est aux musulmans de faire évoluer l’Islam mais, en revanche c’est aux républicains de s’assurer que la pratique des cultes et leur organisation respectent les principes de la République. Nous devons empêcher que le religieux revienne en force, car c’est le religieux fondamentaliste qui est incompatible avec la démocratie, lorsqu’il prétend se substituer à la loi commune. Ce n’est pas en abandonnant ou en renonçant aux principes fondateurs de notre République que l’on aidera les musulmans en désarroi à se soumettre à la loi commune.
Les accommodements raisonnables
Certains plaident pour plus de compréhension et de bienveillance et souhaitent trouver des compromis avec les revendications identitaires. Dans ce domaine l’exemple du Quebec est édifiant. L’écrivain et essayiste d’origine algérienne Djemila Benhabib*, qui vit au Québec, décrypte ce pays, où l’Etat semble s’enliser dans la logique des « accommodements raisonnables ». Port d’un casque à l’école maternelle exigée par les parents pour que leur enfant n’entende pas la mécréante mélopée d’une comptine pour enfants ou l’impureté d’un morceau de flûte à bec.
A propos d’un différent sur le port du Kirpan à l’école – un poignard considéré comme un symbole religieux par les tenants de l’orthodoxie sikhe – à l’école, Les juges ont estimé que l’interdiction absolue n’était ni logique ni raisonnable. «La prohibition totale de porter le kirpan à l’école dévalorise ce symbole religieux et envoie aux élèves le message que certaines pratiques religieuses ne méritent pas la même protection que d’autres. Dans une recommandation écrite datant de 2007, classée comme «fiche culturelle», le service de police de la Ville de Montréal conseille par exemple à ses policières de faire appel à leurs collègues de patrouille de sexe masculin lors d’interventions dans la communauté juive hassidique. L’accommodement qui a fait couler le plus d’encre récemment concerne Zunera Ishaq. Arrivée au Canada en 2008, cette pakistanaise de 29 ans contestait un décret ministériel qui imposait aux femmes de se présenter à visage découvert à la cérémonie d’assermentation pour l’obtention de la citoyenneté. Face à l’offensive de la jeune Pakistanaise, le décret ministériel a été invalidé. C’est finalement le 9 octobre 2015 qu’elle est devenue canadienne… le visage couvert, son mari à ses côtés, vêtu d’un costume gris rayé et filmant la scène. C’est une Victoire symbolique typique du «djihad juridique» dans lequel se sont lancés les islamistes. Pris à son propre piège, l’État s’est enlisé dans la logique des particularismes religieux. Mais comment distinguer une religion de l’intégrisme religieux, d’une secte ou encore d’une croyance marginale ? C’est là le principal reproche à l’égard des accommodements qu’a formulé l’ancienne juge de la Cour suprême, Claire L’Heureux-Dubé. Une fois à la retraite, cette inconditionnelle de la laïcité et de l’égalité a estimé que «les raisonnements juridiques ont ouvert la porte à des accommodements déraisonnables» Dans le monde anglo-saxon enlisé dans le communautarisme certains vont jusqu’à envisager l’instauration de tribunaux islamiques respectant la charia pour la communauté musulmane.
La seule solution : la laïcité
La loi de 1905 dans son article 1 indique que « la république assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.» Dans son article deux « la République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Déjà à l’époque il s’agissait de combattre l’intolérence, le racisme et l’antisémitisme. Jaurès lors des nombreux débats sur la loi de séparation dit que « l’église est devenue le centre de résistance à la démocratie et au progrès humain. Tout cela est d’une actualité brulante mais doit s’appliquer à un autre intégrisme. Pour Caroline FOUREST c’est en faisant front contre l’intégrisme que l’on fera baisser le racisme. Ni capitulation devant l’islamisme ni persécution dit-elle pour paraphraser Ferdinand BUISSON. Nous devons faire face aux deux dangers que sont le racisme et l’intégrisme. Il ne faut pas nier l’existence de réactions racistes, il s’agit de racisme au sein de la société mais pas d’un racisme d’Etat. Au contraire l’Etat est protecteur de la liberté de religion, de croire ou de ne pas croire. Aujourd’hui l’Etat est moins dûr vis-à-vis de l’intégrisme islamique qu’il ne l’a été vis-à-vis de l’intégrisme catholique. L’école publique laïque est l’instrument de lutte contre le racisme et l’intégrisme islamique. Déjà Condorcet assignait à l’instruction publique la lutte contre les préjugés, l’intolérance et les superstitions… ». Enseigner la laïcité, son histoire et la spécificité de la conception française de la laïcité est essentiel. Démontrons comme le fait Caroline FOUREST que la laïcité n’est pas un glaive contre les religions mais un bouclier contre l’intégrisme religieux et le racisme.
Le voile
Quelque mots sur le port du voile qui est l’objet de tant de discussions et d’inquiétudes. Le voile intégral est interdit par la loi car il n’est pas acceptable de cacher son visage dans l’espace public. La raison justifiant cette loi est la sécurité pas la laïcité. Tout signe religieux ostentatoire est interdit par la loi dans les services publics et à l’école pour les élèves. Là aussi cela a été justifié par la necessité de maintenir l’ordre public dans l’école. Donc pas de voile pour les agents des services publics et pour les élèves.
Dans la République française chacun est libre de s’habiller comme il l’entend. Dans quelle société serions-nous si la loi devait décider de comment chacun doit se vétir ? Mais cela ne nous interdit pas non plus de débattre de ce que signifie le port du voile contraint ou volontaire pour l’image et la place que l’on se fait de la femme dans le couple et la société.
Dans le même entretien cité plus haut Salman Rushdie s’exprime sur le voile : « Je suis personnellement un opposant féroce à toutes les formes de voile. Je viens d’une famille musulmane. Mes parents étaient plutôt laïcs, mais une grande partie de ma famille ne l’était pas. Mon grand-père avait fait le pèlerinage à La Mecque, ma grand-mère était très conservatrice et beaucoup de mes tantes et cousines se décrivaient elles-mêmes comme des musulmanes pratiquantes. Mais aucune de ces femmes n’aurait jamais consenti à porter aucune forme de voile! Elles considéraient toutes que c’était l’un des instruments d’oppression de la femme dans le monde musulman, qui renvoie aux autres interdictions : de conduire, de rencontrer des hommes en public, etc. Le hidjab, le niqab, la burqa, le tchador font partie d’un même projet de réduire la population féminine en esclavage. »
Le problème ce n’est pas la laïcité c’est l’intégrisme comme le dit Catherine KINZLER à propos du burkini dans un entretien au Figarovox. Le port du «burkini» sur une plage publique, pas plus que celui d’une soutane ou d’une kippa dans la rue, ne relève d’une question de laïcité: c’est une fausse question laïque. Cela ne veut pas dire que ce «burkini» ne soulève aucun problème, ni qu’il soit anecdotique. C’est une tentative de banalisation du totalitarisme islamiste. Le port du burkini n’est pas un simple geste communautariste c’est un jalon supplémentaire qui s’ajoute à tous ceux posés par une version ultra-réactionnaire et totalitaire de l’islam politique. Delphine HORWILLER, rabin très critique du patriarquat au sein de la tradition juive, souligne justement que quand une femme à la tête couverte, généralement élégante, cultivée et se disant «féministe», dit « JE choisis librement de me voiler. Mon droit est bafoué par une société qui décide à ma place que mon voile est un étendard dont je devrais me justifier», le JE resonne comme un NOUS de revendications communautaires, c’est la voix de groupes identitaires qui s’abritent derrière l’histoire individuelle. Le voile dans son désir d’affichage symbolise un projet politique de domination antiféministe.
En conclusion
Il est absurde de prétendre que tout ça n’a rien à voir avec l’islam, il est la conséquence directe d’une vision litérale et fondamentaliste du coran, un livre écrit il y a 1400 ans dans un contexte aujourd’hui complètement obsolète. Mais il n’y a pas qu’un islam, tous les musulmans ne sont pas des fanatiques. Mais ne soyons pas angéliques sachons que nous devons mener une bataille idéologique et politique car notre conception de la société est mise en cause. Ce combat implique un devoir de réprobation publique, dans le cadre et les limites du droit commun, la défense de la laïcité, la dénonciation de la propagande antilaïque, mais aussi de désenclaver les ghettos, sauver l’école publique, avoir les mêmes exigences vis-à-vis de toutes les religions comme par exemple mettre fin au statut concordataire de l’Alsace Loraine. La laïcité est une valeur essentielle qui peut unir les hommes et les femmes, elle est indissociable de la défense du triptique républicain, Liberté Egalité Fraternité. Au travers de la laïcité nous défendons un projet de société qui est universaliste, humaniste, féministe, égalitaire, de liberté et de démocratie. C’est un combat permanent car rien n’est définitivement acquis. Comme le disait Victor Hugo cité par Mohamed SIFAOUI lors d’un colloque organisé par le Comité Laïcité République et la LICRA : « La liberté consiste à choisir entre deux esclavages, l’égoïsme et la conscience. C’est quand on choisit la conscience que l’on devient libre ! »
Février 2017
Bibliographie : « La laïcité au quotidien » Régis Debray Didier Leschi « Fitna au cœur de l’islam » et « La fracture » Gilles Kepel « Eloge du blasphème » et « Génie de la laïcité » Caroline Fourest « Croyance » Jean Claude Carrière « penser l’islam » Michel Onfray « un silence religieux – la gauche face au djihadisme » Jean Birnbaum « Islamistan » Claude Guibal «Le choc des décolonisations » Pierre Vermeren « Le califat » histoire politique de l’Islam, Nabil MOULINE « Le retour du califat » Mathieu GUIDERE Le blog de Catherine KINTZLER et de nombreux articles publiés par l’Obs, Marianne, Le monde, etc… Colloque organisé par la LICRA et Le Comité Laïcité République : « Faux amis de la laîcité et idiots utiles »