La France est une société libérale ! un mythe ?

Depuis quelques années s’opposent ceux qui pensent que la France est devenue une société libérale et ceux qui estiment qu’avec son niveau élevé de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires (58,1% du Produit Intérieur Brut – PIB) la France libérale est un mythe.

Pour tenter de faire la lumière sur cette question, le site « Alternatives économiques » a publié un dossier assez complet abordant plusieurs thèmes visant à démontrer que si la France n’est pas devenue un « enfer ultra-libéral » car l’État social fait de la résistance, il n’en reste pas moins que la tendance de fond est aux mesures d’inspiration libérale, même si les temps semblent commencer à changer.

La désindustrialisation

La France s’est engouffrée dans le mouvement mondial vers le libre-échange et la libéralisation financière. Au cours des quatre dernières décennies la place de l’État dans l’économie a nettement reculé. Le nombre d’entreprises contrôlées majoritairement par l’État et le nombre de salariés employés par ces sociétés ont été considérablement réduits. Qui se souvient encore des entreprises qui étaient sous contrôle public : Elf, Rhône-Poulenc, Compagnie générale d’électricité (CGE), Renault, Saint-Gobain, Pechiney, Usinor, CGM…

Les nouveaux propriétaires ont modifié la stratégie suivie. Les privatisations ont accéléré la désindustrialisation en évacuant les activités les moins rentables notamment dans les conglomérats, ces entreprises qui combinaient plusieurs activités variées. Les actionnaires demandent à maximiser le bénéfice par action. La financiarisation des entreprises françaises a ainsi été accélérée.

La tutelle publique était un frein à l’internationalisation de leur stratégie de développement. Grandir à l’international signifie souvent racheter ses concurrents étrangers. Voir une entreprise appartenant à l’État français mettre la main sur une firme nationale pouvait être perçue comme une nationalisation par la France. Les privatisations ont été l’étape nécessaire pour permettre et accélérer cette stratégie d’internationalisation. Elles sont à l’origine de plusieurs champions nationaux français. Ce qui, dans un sens, peut être considéré comme une chance pour la France mais, à contrario, le lien de ces multinationales avec le territoire se trouve amoindri. Plus de la moitié de l’emploi des grandes firmes françaises est aujourd’hui située à l’étranger. Le pays n’a pas su conserver une base industrielle comme l’Allemagne ou le Japon.

La financiarisation des entreprises, et notamment des entreprises à capitaux publics, ne s’est pas faite contre l’État. L’idéologie dominante parmi les hauts fonctionnaires de Bercy s’est imposée avec comme résultat une désindustrialisation et une financiarisation accrues.

La libéralisation des services publics

La conception française des services publics a été bousculée par le droit de l’Union Européenne. L’application d’une logique libérale aux services publics a des conséquences sur le prix, la qualité du service et la cohésion sociale.

Les entreprises jouissant d’un monopole de service public de réseau (électricité, gaz, chemin de fer, postes, télécommunications…) sont ouvertes à la concurrence. Dans le domaine social, l’État a organisé la venue du privé lucratif et imposé un référentiel marchand à tous les acteurs du champ. La privatisation de l’offre et du financement des services publics imprègne les façons de penser et de faire au sein des services : le raisonnement courant devient « pour que l’État et les collectivités dépensent moins, mieux vaut s’en remettre au privé ».

Les expériences dans le domaine social, de la santé (Hôpitaux, Ehpad, Crèches…), de l’éducation et même dans les services publics de réseau montrent les limites du raisonnement. Les prix augmentent et la qualité du service n’est pas forcément améliorée. La privatisation de l’offre ne signifie pas nécessairement une baisse de la dépense publique car elle finance le privé lucratif. Les conditions de travail dans ces secteurs reflètent ces évolutions (suicides de nombreux salariés, troubles dépressifs, absentéisme élevé…)

Les travaux de l’INSEE montrent que les services publics contribuent pour les deux tiers à la réduction des inégalités. Or, la privatisation de l’offre et du financement accroit les inégalités dans l’accès aux services publics et contribue à mettre à mal la cohésion sociale.

Un marché du travail au service des entreprises

Sous le prétexte du plein emploi, la protection sociale et le code du travail subissent des mesures à caractère libéral. Le pays a basculé en réorientant les dépenses publiques en direction des entreprises pour inciter à la création d’emplois et en pensant qu’il faut réduire le coût du travail pour que les entreprises embauchent.

Certes le chômage diminue mais reste supérieur en France par rapport à la moyenne européenne. Les pistes de libéralisation du marché du travail s’inscrivent dans un mouvement à l’œuvre depuis près de quarante ans. Les mesures d’assouplissement pour recourir aux contrats flexibles se sont multipliés et n’ont pas produit les résultats escomptés mais la qualité de l’emploi s’en est trouvée altérée. Les salariés à temps partiel, les travailleurs en contrat à durée déterminée et en intérim ont vu grimper leur part dans l’emploi. Le revenu de solidarité active (RSA) versé aux personnes sans ressource est de plus en plus assorti de « devoirs ». Le fait de fermer progressivement le robinet des allocations n’a pas fait baisser le taux de chômage. Mais ceux qui redoutent une flambée des dépenses sociales peuvent se rassurer, l’Unedic anticipe un excédent « historique » pour les années 2023 à 2025.

Des pans entiers du droit du travail sont délégués aux partenaires sociaux, en partant de l’idée que le conventionnel donne de meilleurs résultats que la loi. Mais comme en même temps une batterie d’outils contribue à affaiblir le pouvoir des syndicats, la capacité de négociation des salariés se trouve diminuée. 

Les coûts cachés de la libéralisation financière

La France s’est résolument engagée dans la libéralisation et l’internationalisation du financement de son économie. Liberté pour les entreprises et l’État de se financer auprès des marchés plutôt qu’auprès des banques. Liberté de ces dernières de développer leurs activités d’échanges de produits financiers plutôt que d’octroyer des prêts aux entreprises et aux ménages. Le mouvement de dérèglementation est complété avec les privatisations de banques et de compagnies d’assurance.

Les banques françaises croissent plus vite que l’économie et sont devenues des mastodontes complexes à gérer. Ce surpoids provient du développement des activités spéculatives sur les marchés financiers et d’une concentration accrue du secteur. La déréglementation financière s’est également traduite par une plus grande présence des banques dans les paradis fiscaux.

La financiarisation de l’économie a mis les actionnaires en position de force. Les entreprises non-financières dépensent aujourd’hui moins en investissements et plus en dividendes nets.

L’État, en faisant de la dette publique une marchandise sur les marchés financiers, a réussi à faire diminuer le taux d’intérêt réel et à augmenter le nombre de ses créanciers. Il a donc été capable de soutenir des déficits publics plus élevés et donc à pratiquer moins d’austérité.

Les idées libérales se sont imposées dans le débat public  

Taxer les riches les fait fuir et nuit à la compétitivité du pays. Le privé est toujours plus efficace que le public. L’assurance chômage trop généreuse pénalise l’emploi. Comment ces idées libérales sont-elles devenues hégémoniques ?

L’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher au Royaume Uni et de Ronald Reagan aux États-Unis avec la victoire de la gauche en France pousse la droite à se reconstruire en développant les idées libérales qui lui permettent de marquer son opposition à la politique économique du gouvernement de gauche. En 1983, tiraillé entre deux ambitions, « l’Europe ou la justice sociale », le président de gauche choisit la première et annonce un plan d’austérité. L’idée est de bâtir une mondialisation avec des règles. L’économie de marché mondialisée est désormais l’horizon des plus grandes formations politiques du pays.

L’hégémonie du discours néo-libéral s’explique aussi par la diffusion de dogmes proférés par des hauts fonctionnaires qui ont fait émerger « une pensée unique ». Le chômage est dû à des salaires trop élevés. La hauteur de la dette publique atteint des sommets dramatiques. La commission Attali au début des années 2010 dénonce des règlementations qui brident l’initiative privée et insiste pour que les réformes recommandées soient mises en place. Les médias jouent un rôle majeur dans la diffusion et la légitimation des idées néolibérales et dans la disqualification des alternatives.

Les dogmes néolibéraux sont aussi promus par des « think tanks » qui produisent des notes didactiques souvent reprises par les médias. La crise de 2008 et le retour de la promotion du rôle de l’État ont suscité une contre-révolution.  Les messages sont clairs : il faut équilibrer à tout prix les comptes publics, les impôts sont trop élevés, les syndicats ne sont bons qu’à bloquer le pays, etc… A force d’être répétés ces messages donnent l’impression que ce sont des idées de bon sens.

La permanence de ces idées dans le débat public tient aussi à l’évolution des sciences économiques et leur enseignement. L’économie dominante traite de l’économie de marché comme un modèle idéal qu’il faudrait au mieux améliorer. Les rapports de force sociaux, le pouvoir des grandes firmes, les dérives de la finance, le protectionnisme, l’entreprise comme institution politique… sont des thèmes largement délaissés. Tant à l’université que dans les médias, nous assistons à la domination d’une lecture libérale du monde.

L’hégémonie des idées économiques libérales a été quelque peu écornée avec les crises, la prise de conscience des inégalités, la contestation de la réforme des retraites, la question climatique. Le libre-échange n’est plus autant loué même s’il n’est pas frontalement remis en cause. Il existe désormais des formations universitaires en économie qui sont ouvertes à d’autres approches. Mais ces inflexions sont encore loin de venir à bout de la doxa libérale.

L’État ne prépare plus l’avenir

Depuis quarante ans, l’investissement public ne cesse de décroître en France sans que l’investissement privé ne prenne pleinement le relais. Une trajectoire inquiétante pour le futur. L’État investit de moins en moins pour construire des routes, des barrages, des logements, pour la recherche et développement (R&D) ou encore pour faire face au réchauffement climatique. Moins d’investissement public ne signifie pas plus d’investissement privé. Au contraire, l’investissement public stimule l’investissement privé.

« Le rôle premier de l’investissement public est de transformer l’environnement de long terme pour améliorer le bien-être de la population et la productivité des entreprises », résume l’Office Français de Conjoncture Économique (OFCE). Pourtant, au nom du respect de sacrosaintes règles d’orthodoxie budgétaire et de choix politiques assumés, certains continuent de s’opposer à la prise en charge des investissements par l’État. Si on renonce au levier fiscal pour augmenter les recettes publiques et qu’on cherche en même temps à réduire fortement la dette, on fait forcément passer l’investissement public au second plan.

Annoncé pendant la crise sanitaire, le plan de relance de 100 milliards d’euros, dont 36 dédiés à l’investissement public, marque une inflexion de la tendance observée ces quarante dernières années. La création, concomitante, d’un Haut-Commissariat au Plan va dans le même sens. Mais quarante ans de politiques de désarmement de l’État et d’organisation de son incapacité à agir pour préparer l’avenir ne prennent pas fin si facilement.

Le néo-libéralisme est à bout de souffle

C’est le thème que défend Christophe Ramaux, économiste, maître de conférence à l’université Paris I-Panthéon Sorbonne, dans le dernier article qui clôture ce dossier. Il estime que les résultats accablants de ces politiques néolibérales doivent nous inciter à en sortir.

Le premier pilier de l’État social est la protection sociale. Les dépenses sociales ont été comprimées mais la protection sociale est loin d’avoir disparue. Le montant total des dépenses de protection sociale dépasse les 900 milliards. Une part de ces dépenses ne fait que réparer les dégâts du néolibéralisme.

La valeur ajoutée des services publics non marchands est stable mais masque en fait une dégradation car une société qui s’enrichit devrait consacrer une part croissante de ses activités à l’éducation, la santé et la culture.

Pour les services publics marchands, les entreprises publiques, la dégradation est encore plus marquée. Le rapport entre leur valeur ajoutée et celle des sociétés non financières privées a fortement baissé avec les privatisations.

Les services publics ont été dégradés mais ils n’ont pas disparu ! Pour les réhabiliter le mieux est d’avoir une stratégie offensive. Lorsqu’ils fonctionnent bien, ils sont moins couteux que le privé. Pas d’actionnaires à rémunérer, pas de dépenses de publicité, des écarts de rémunération bien moindres.

Le néolibéralisme a radicalement changé la donne en termes de politiques économiques. Outre les privatisations, son noyau dur c’est la finance libéralisée, le libre-échange, l’austérité salariale et la contrerévolution fiscale, avec la moindre taxation des plus riches et des entreprises.

Il faudrait oser renationaliser. N’est-il pas aberrant que les énormes rentes de Total ou d’Engie ne puissent être mobilisées pour financer les investissements requis pour l’écologie, cette nouvelle frontière du XXIe siècle ? L’eau est moins coûteuse quand elle est publique. Il faudrait recréer un pôle public pour les médicaments… Le gouvernement français, selon cet économiste, devrait aller au clash pour remettre à plat les règles de la concurrence en Europe qui reste prisonnière d’une Allemagne libre-échangiste.

Le néolibéralisme est à bout de souffle. Mais on ne pourra en sortir qu’en mettant en cause ses différents volets, car la finance libéralisée, le libre-échange, l’austérité salariale et la contre-révolution fiscale se tiennent entre eux. Au-delà, la force du capitalisme néolibéral tient à l’absence d’alternative globale.

Jean Jaurès (1859-1914)

Les quatre piliers de l’État social constituent encore des leviers importants. Avec eux des sphères entières d’activité échappent au capital. L’enjeu est de les développer. Encore faut-il pour cela se départir de ce que Jaurès a appelé, dans un discours de 1908, « le catastrophisme puéril ».

Conclusion

J’ai tenté de vous livrer l’essentiel de ce dossier qui me semble d’un grand intérêt pour comprendre ce qui se déroule sous nos yeux. Il analyse globalement, sans les saucissonner, différents problèmes auxquels nos sociétés sont confrontées. Il montre que la gestion de la société est une question de choix, et que ces choix ne vont pas de soi, ils dépendent du type de société que nous voulons promouvoir. Si ce thème vous intéresse, pour profiter pleinement de ce dossier, le mieux serait d’y accéder directement sur le site « Alternatives-economiques.fr ». Ce dossier illustre très bien mon article intitulé « Le Néolibéralisme, ça marche ? » qui traite des fondements philosophiques du Libéralisme, publié le 7 mai 2023 sur ce blog.

Le Néolibéralisme, ça marche ?

Lors d’une discussion entre amis je développais ma critique du néolibéralisme, théorie politique complète. En réaction à mes propos un des participants me dit droit dans les yeux : « moi je suis néolibéral et j’espère que je peux continuer à prétendre être qualifié d’humaniste !  Je suis néolibéral parce que ça marche ! Tu confonds néolibéralisme et ultralibéralisme ? ». Je lui ai conseillé de lire Milton FRIEDMAN ou Friedrich HAYEK. Ne souhaitant pas transformer le désaccord en polémique nous sommes passés à autre chose. C’est cet évènement qui m’a conduit à écrire cet article. Qu’est-ce que le libéralisme, l’ultralibéralisme, le néolibéralisme ? Est-ce que ces doctrines politiques influencent nos gouvernants ? Est-ce que ça marche ? Et pour qui ?

Le libéralisme classique 

Le libéralisme est un projet de société élaboré pendant la seconde moitié du XVIIIème siècle, siècle des Lumières, au Royaume Uni, en France, aux États Unis et en Allemagne. C’est un projet de société qui prône un espace de liberté beaucoup plus étendu que celui qui avait été pratiqué dans le passé. Ce projet a eu, et continue à avoir une grande influence sur les idées que beaucoup de dirigeants politiques se font sur l’organisation de la société.

Au-delà de cette revendication de « plus de liberté », les libéraux classiques avaient, entre eux, des divergences sur beaucoup de questions : le rôle de l’État, l’enseignement public, l’économie, la croissance des richesses, l’esclavage, les corvées, la torture etc… Le plus souvent le libéralisme est considéré comme une doctrine excluant toute intervention de l’État dont l’interférence est néfaste. Cette considération est simpliste et erronée. Même une lecture rapide des libéraux classiques (Adam Smith, Turgot, Jefferson, Condorcet, John Stuart Mill…) montre qu’ils proposent un grand nombre d’interventions de l’État. A titre d’exemples, Turgot nomma une commission des meilleurs scientifiques de l’époque pour élaborer un projet de système intégré de communications fluviales et routières. Condorcet en France et Jefferson en Virginie ont été les inspirateurs du système d’enseignement public. Jefferson a fait adopter par le Congrès la mise en place de la Poste Fédérale.

 Les libéraux classiques n’étaient pas des partisans de la non-intervention de l’État, ils approuvaient certaines interventions et en désapprouvaient d’autres. De même ils n’étaient pas favorables à n’importe quelle liberté. Leur but était de comprendre et d’expliquer comment fonctionne l’esprit humain et la société afin de les améliorer. Les lois et les institutions humaines sont évalués en fonction de leurs effets sur la communauté. Le critère suprême utilisé est le bonheur qui en résulte pour la société. L’idée générale est assez simple, dans de nombreux domaines de l’activité humaine la liberté conduit mieux au bonheur de la communauté que la contrainte. Le devoir de l’État est de se doter des institutions nécessaires au respect de la justice (l’armée, la police, les juges, les tribunaux, les prisons mais aussi l’éducation du peuple et l’aide aux plus démunis).

Dans le domaine économique ce qui est le plus important pour le bien-être du peuple c’est quand la société progressivement acquière plus de richesses et que la grande masse du peuple est plus heureuse et vit plus confortablement. Dans son livre « La Richesse des Nations » en 1776, Adam Smith, que l’on peut considérer comme le fondateur du libéralisme classique, aborde une grande diversité de questions historiques et philosophiques mais son but principal est de chercher les institutions et la politique économique qui conduisent un pays le plus surement à la richesse. Il ne voit pas du tout la « main invisible » à l’œuvre partout comme cela est souvent écrit mais se prononce souvent en faveur de la règlementation et de l’intervention de l’État en matière de taux d’intérêt, de santé publique, d’instruction publique, de navigation, etc… L’exercice de la liberté de quelques individus, lorsqu’elle peut compromettre la sureté de toute la société, est et doit être restreint par les lois quel que soit le gouvernement, le plus libre comme le plus despotique. Smith pense la société comme un système auto-organisé englobant l’économique et le social. La « main invisible » n’est que le mécanisme par lequel l’ordre social ainsi que l’ordre économique émergent spontanément. L’effort de chaque homme pour améliorer sa condition contribue à la satisfaction de l’intérêt général. Le travail est l’élément commun à toutes les activités économiques. Ce que chaque chose coûte réellement c’est le travail et la peine que l’on doit s’imposer pour l’acquérir. Le marché joue le rôle de régulateur central par le prix pour adapter l’offre et la demande. Un des droits les plus importants du libéralisme économique est le droit de propriété, condition nécessaire à l’existence paisible et ordonnée de la société.

L’ultra-libéralisme

Les ultra-libéraux se distinguent d’abord des libéraux classiques par l’hostilité qu’ils manifestent à l’égard toute intervention de l’État destinée à résoudre un problème économique et social. Ils sont partisans d’un État faisant le strict minimum.  Selon eux le libéralisme est la doctrine qui considère la liberté au-dessus de tout autre but social. On ne doit jamais limiter une liberté afin de promouvoir un autre but comme le bien-être par exemple. Les ultra-libéraux du XIXème siècle estimaient que l’État devait se cantonner au devoir de justice et ne pas intervenir dans le domaine social. De plus ils définissaient ce devoir de justice de manière restrictive en le limitant aux tâches sécuritaires. L’aide de l’État aux plus démunis, l’action publique en faveur de la santé et de l’hygiène, des arts et des sciences sont non seulement inutiles mais nocives car elles aggravent le mal qu’elles sont censées guérir. L’analyse des ultra-libéraux consiste à souligner les effets pervers secondaires que produit l’aide publique aux pauvres. Il faut donc supprimer toute aide publique, même modique.

L’ultra-libéralisme considère que toute mesure prise par l’État pour résoudre un problème économique ou social produit plus d’effets nocifs que d’effets utiles. Le fonctionnement de la société est harmonieux spontanément et n’a pas besoin d’être réglementée. Les libéraux classiques pensaient que l’intérêt personnel coïncide souvent mais pas nécessairement avec l’intérêt collectif et donc dans ce cas l’État doit intervenir avec des interdictions ou des encouragements. Au contraire pour les ultra-libéraux les deux intérêts coïncident automatiquement. Les ultra-libéraux aiment à interpréter la phrase de Smith sur la « main invisible » comme une profession de foi pour le laisser-faire total.

Les évolutions après le XVIIIème siècle

Ces deux approches du libéralisme datent de la deuxième partie du XVIIIème siècle et ont accompagné le développement de l’économie. Depuis la situation économique et sociale a beaucoup changé. Les actions régulatrices de l’État ont prouvé leur utilité. Dans pratiquement tous les pays développés la presque totalité de l’enseignement est dispensé par des fonctionnaires rémunérés par l’État. Dans le domaine de la santé publique des progrès considérables ont été effectués. L’apparition de nouveaux produits comme l’électricité, le gaz, l’eau au robinet, le transport par chemin de fer etc… et leur distribution ont amené les pouvoirs publics à intervenir pour retirer ces activités du domaine de la libre entreprise afin d’éviter la formation de monopoles ou au moins les soumettre à une réglementation plus ou moins détaillée.

La conception libérale de la société est que l’économie lorsqu’elle est livrée aux seuls intérêts individuels fonctionne d’une manière satisfaisante et tend vers l’équilibre et le plein emploi. L’histoire de nos démocraties modernes montre à l’évidence que le développement économique ne mène pas spontanément à l’équilibre et au plein emploi. Sont apparues d’autres théories politiques et économiques apportant des réponses différentes de celles du libéralisme pour l’organisation de la société. Ce n’est pas l’objet de cet article de les exposer.

Le Néolibéralisme, aujourd’hui

Après le redéploiement économique d’inspiration Keynésienne de l’après-guerre, le monde va être confronté au ralentissement du développement, à l’accroissement de l’inflation et du retour du chômage. Les politiques de relance économique, fondées sur l’utilisation du budget public, vont être abandonnées sous le feu des critiques d’économistes comme Friedrich Hayek et Milton Friedman.

Friedrich Hayek

Hayek (1899-1992) estime que  ces politiques keynésiennes de relance économique , produisent sur le long terme à la fois inflation, stagnation économique et augmentation du chômage. Friedman (1912-2006) initia une pensée économique d’inspiration libérale dont les prescriptions s’opposent de front à celle de Keynes. Il remet en cause le bienfondé des politiques de relance qui, pour lui, ne peuvent que provoquer de l’inflation contre laquelle il faut lutter. Ses idées se diffusèrent progressivement et devinrent populaires parmi les milieux politiques dans les années 1980, influençant profondément les mouvements conservateurs américains. Ses idées économiques sur le monétarisme, la fiscalité, les privatisations et la dérèglementation ont inspiré les politiques économiques de nombreux gouvernements à travers le monde, notamment ceux des États Unis, de Grande Bretagne, du Chili de Pinochet , ou du Canada.

Milton Friedman

Le néolibéralisme est un ensemble d’idées que l’on retrouve dans le consensus de Washington, initié par la Banque mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI) et le département du Trésor Américain. A partir des années 1980, la crise de la dette dans les pays du tiers monde va donner à ces institutions l’occasion d’imposer les remèdes libéraux les plus rigoureux en leur imposant de sacrifier les investissements les plus indispensables à leur développement (éducation, santé, infrastructures etc…) afin de dégager les excédents budgétaires pour assumer le service de leur dette.  En Europe, le discours néolibéral a gagné tous les gouvernements. Réduction du déficit budgétaire et politique d’austérité deviennent la règle. Quand les régimes communistes de l’Est se sont effondrés vers la fin des années 1980 ils ont laissé la place sans transition aux formes les plus extrêmes du capitalisme néolibéral. La Chine aussi est passée du socialisme à un socialisme de marché combinant la propriété collective des moyens de production et la régulation marchande. La pensée néolibérale a eu réponse à tout. C’est le « There is no Alternative » de Madame Thatcher.

Margaret Thatcher

Les prophètes du néo-libéralisme de « l’école de Chicago » étaient convaincus que du déchainement des appétits privés jaillira un bien-être collectif. Ils promettaient l’opulence par le libre jeu du marché, le plein emploi par la croissance, la productivité par la compétition, la prospérité commune par la rentabilité, la mise en valeur de toute la planète par la libre circulation des capitaux et la richesse monétaire comme valeur suprême. L’État doit se limiter aux fonctions régaliennes. Le mode de production capitaliste est progressivement étendu à la quasi-totalité des activités humaines. L’augmentation de la fiscalité est un obstacle au dynamisme économique. La théorie du ruissellement doit générer la prospérité pour tous.

Le développement de l’Union Européenne, la division sociale du travail dans une économie globalisée, la nouvelle révolution industrielle, la société numérisée, l’évolution des rapports de production, la menace du réchauffement climatique, le recul de la biodiversité et les changements de meurs et de mentalité ont entrainé une mutation de la société.

La libre circulation et la concentration des capitaux dans le monde, la globalisation et la financiarisation de l’économie ont pour moteur la fructification des patrimoines financiers. L’appareil productif n’est plus fait pour mettre en valeur des territoires, produire des richesses et créer du bien-être dans la société, mais pour l’accroissement du capital financier. Les inégalités s’aggravent considérablement aussi bien à l’intérieur des nations qu’à l’échelle du monde.

La prise de conscience progressive de la menace que fait peser le réchauffement climatique sur la planète et la crise sanitaire mondiale provoquée par la Covid 19, ont peut-être laissé espérer un changement de cap face à l’hégémonie du néolibéralisme. Mais cela ne semble pas en prendre le chemin et tout semble reprendre « Après » comme si rien ne s’était passé. La philosophie néolibérale des politiques publiques reste la toile de fond de leur action.

Face à ce triste tableau, peut-on affirmer que « le néolibéralisme ça marche ! » Peut-être, mais cela dépend pour qui. En tout cas, pas pour le plus grand nombre. L’ambition d’atteindre le bien-être de l’humanité devra attendre.

Références bibliographiques :

Francisco Vergara – « Les fondements philosophiques du libéralisme » Éditions La Découverte 1992

René Passet – « Les grandes représentations du monde et de l’économie à travers l’histoire » LLL 2010

Difficile de faire mieux pour favoriser le populisme

Il est difficile de faire mieux que le gouvernement pour favoriser la dynamique du vote en faveur de l’extrême droite populiste. La réforme des retraites, son contenu et la manière de l’imposer, le mépris manifesté à l’égard de l’opinion publique et le passage en force au Parlement sont les manifestations d’une attitude qui est le plus sûr moyen d’organiser un boulevard aux partis populistes de droite aux prochaines élections.

Les lendemains politiques de cette « réforme »

« La Grande Conversation », site internet du cercle de réflexion « Terra Nova », a publié le 15 mars une note de Bruno Palier (Directeur de recherches du CNRS au centre d’études européennes de sciences po) et Paulus Wagner (Doctorant en sciences politique au centre d’études européennes de sciences po). Dans cette note les auteurs estiment qu’imposer cette réforme des retraites contre l’opinion des français et malgré l’importance des mobilisations va faire perdre de nombreuses voix aux partis l’ayant soutenue (majorité présidentielle et Les Républicains), et en faire gagner à leurs opposants, et plus particulièrement au RN.

Selon eux cette réforme concentre les mécanismes nourrissant le ressentiment social qui alimente lui-même les partis populistes de droite radicale. Elle touche les classes moyennes peu qualifiées. Elle impose de travailler plus longtemps aux personnes qui supportent de moins en moins la dégradation des conditions et des relations au travail. L’impact de cette réforme a fait l’objet de la part du gouvernement d’une présentation erronée voire mensongère. Enfin le gouvernement cherche à faire passer cette réforme malgré des sondages d’opinion très défavorables et des mobilisations massives, en utilisant toutes les procédures de réduction du débat parlementaire.

Les perdants du projet de « réforme »

Michäel ZEMMOUR, Maître de conférences en économie à l’université Paris Panthéon Sorbonne, chercheur au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP Sciences Po), a souligné que parmi les plus impactés, on trouve les travailleurs en situation de pénibilité reconnue. Les estimations produites par les administrations des ministères sociaux (DARES et DREES) montrent que « la réforme des retraites augmenterait le nombre d’allocataires de minima sociaux (RSA et ASS)et le nombre de personnes au chômage indemnisé. De nombreuses études montrent que les femmes seront plus fortement touchées que les hommes, notamment parce que le report de l’âge de départ sera plus important pour elles. Le minimum de pension à 1200 € annoncé sur un mode particulièrement trompeur ne concernera finalement qu’une partie des retraités touchant des petites pensions.

Des mesures indispensables ?

Selon le gouvernement cette « réforme » est indispensable. Elle se justifie par le vieillissement de la population et l’augmentation de l’espérance de vie. Le report de l’âge légal de départ à la retraite est pour lui le seul moyen de sauver le système de retraite par répartition. Mais ce report n’est pas le seul moyen de faire face au manque de financement des retraites qui s’avère être bien moins alarmant que le prétend l’exécutif. Mais le gouvernement refuse de rechercher d’autres moyens de financer les retraites.

Comme je l’indiquais dans un article précédent daté du 6 mars, l’adoption à marche forcée d’un texte aussi controversé constitue un manquement à la démocratie. Lorsque la légitimité électorale est en conflit avec la légitimité sociale il est indispensable de tenir compte de la complémentarité entre les différentes légitimités démocratiques.

Alors pourquoi cet entêtement?

Difficile de répondre à cette interrogation ! Nous avons peut-être un élément de réponse dans la déclaration du Président de la République rapportée par Les échos et le Figaro. Pour justifier son choix d’utiliser l’article 49.3 de la constitution le chef de l’État aurait tenu devant le conseil des ministres les propos suivants : « Mon intérêt politique et ma volonté politique étaient d’aller au vote. Parmi vous tous, je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège. Mais je considère qu’en l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands. »

En dernier ressort ne reste plus que la justification du « risque financier ». Renoncer à la réforme des retraites risquerait de fâcher les marchés financiers, les rentiers de la dette publique et les agences de notation. Quel argument de mauvaise foi ! Ce que la non réforme couterait au budget en 2023 qui se chiffre en centaines de millions est dérisoire par rapport aux baisses d’impôts consenties aux entreprises sans aucune contrepartie qui se chiffrent en milliards. S’il y a risque financier, il est plutôt dans l’application de la politique économique du gouvernement.

Mais aussi quel message politique inquiétant ! Il existerait une volonté plus forte que l’opinion publique, plus forte même que la démocratie parlementaire, les marchés financiers. Il n’est donc pas nécessaire de manifester ni de voter, la loi des créanciers est au-dessus de tous. C’est le dernier argument de l’Elysée qui est révoltant car il nie la démocratie. C’est un argument de plus qui vient s’ajouter aux précédents ci-dessus pour alimenter les partis populistes de la droite radicale.

L’avenir

Pour préparer l’avenir il ne faut pas faire une réforme purement budgétaire. Michaël Zemmour, économiste spécialiste des retraites déjà cité, estime que sans financement supplémentaire, la retraite sera non seulement plus tardive mais le niveau de vie des retraités des générations nées dans les années 2000 risque d’être inférieur à ce qu’il est aujourd’hui.  Il est,  selon lui, possible d’enrayer ce phénomène encore lointain, mais, il faut pour cela se donner dès maintenant des objectifs, non seulement d’âge mais également de  niveau de vie des retraités, et ajuster, très progressivement, les ressources du système.

Réformer le système des retraites?

Selon le Petit Robert la réforme c’est un changement profond apporté dans la forme d’une institution afin de l’améliorer, d’en obtenir de meilleurs résultats. Depuis plusieurs décennies les gouvernements français successifs s’essaient avec plus ou moins de succès à modifier le système des retraites. L’objectif annoncé est toujours le même : il faut sauver notre système de retraites par répartition si l’on ne veut pas qu’il court à la faillite. A chaque fois, il a fallu remettre l’ouvrage sur le métier par manque de résultat jugés satisfaisants. Aujourd’hui le gouvernement annonce le même objectif. Pour tous ces projets successifs une seule constante, les mesures proposées sont toutes aussi impopulaires et ne répondent pas, semble-t-il, à ce que l’on peut nommer proprement une réforme.

Le projet du gouvernement

Le cœur du projet est le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans et la prolongation progressive du nombre de trimestres de cotisations pour avoir droit à une pension à taux plein. Pour pouvoir obtenir une majorité au Parlement ces mesures sont accompagnées de différentes dispositions complémentaires visant à atténuer la brutalité de cette soi-disant « réforme ». Je ne rentrerai pas dans les détails techniques qui sont relativement compliqués et que l’on peut trouver dans la presse.

Le système actuel est-il en danger ?

Selon Michael ZEMMOUR (ne pas confondre avec l’autre !), Maître de conférences en économie à l’université Paris Panthéon Sorbonne, chercheur au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP Sciences Po), « Peut-être que la meilleure des réformes des retraites en France, c’était la création du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) en 2000 par Lionel JOSPIN ». Ses travaux fournissent une base d’information et de diagnostic, à la fois technique et scientifique, partagée et publiquement accessible.

Les partisans des mesures gouvernementales comme les opposants citent le COR pour argumenter leurs positions. Le 19 janvier le président du COR est auditionné par la commission des finances de l’assemblée nationale sur les perspectives d’évolution du système de retraites. En présentant le rapport annuel du COR publié en septembre 2022, le président déclare devant les députés que les dépenses de retraite ne dérapent pas et qu’elles sont « globalement stabilisées et même, à très long terme, diminuent dans trois hypothèses sur quatre », résumant le document du COR, long de 349 pages. Trois semaines plus tard, le 14 février, devant la commission des finances des sénateurs cette fois, le président de COR n’a pas dévié de sa position, répétant qu’il n’y a pas de dérapage des dépenses de retraites.

Le report de l’âge légal est-il la seule option ?

Selon le gouvernement cette « réforme » est indispensable. Elle se justifie par le vieillissement de la population et l’augmentation de l’espérance de vie. Comme il y a de moins en moins d’actifs et de plus en plus de retraités, le bon sens impose de modifier notre système de retraites si l’on veut éviter son effondrement.

Pour sauver le système par répartition faut-il impérativement reporter l’âge légal de départ à la retraite ? Plusieurs paramètres interviennent dans ce système : la durée de cotisation, l’âge légal de départ, le montant de la cotisation, le montant des pensions, la baisse du chômage, le travail des femmes, l’emploi des séniors etc… Le gouvernement refuse de rechercher d’autres moyens de financer les retraites.

Dans son étude d’impact, le gouvernement écrit qu’une hausse des cotisations serait nuisible à l’emploi, au pouvoir d’achat et à la compétitivité, et qu’une baisse des pensions serait difficilement acceptable.A l’inverse, un report de l’âge augmenterait le taux d’emploi et la production. Mais il n’étaye pas ses arguments par une évaluation de l’impact de chacune de ces options sur la croissance. Selon certains spécialistes les arguments du gouvernement cherchent à faire passer des reculs pour des avancées. Les régimes spéciaux, les femmes, les carrières longues, la pénibilité du travail et de manière générale tous les salariés peu qualifiés semblent être les perdants de cette réforme.

Comparaison n’est pas raison

L’autre argument avancé par les partisans des mesures de modification de notre système de retraite est la comparaison avec les autres pays européens. C’est une absurdité car la réalité en matière sociale dans l’Union Européenne est la diversité et pas la convergence. Pour Jean-Claude Barbier, sociologue émérite au CNRS et au Centre d’économie de l’université Paris-I Panthéon Sorbonne, comparer c’est comprendre à chaque fois le système politique, culturel et économique qui préside à l’organisation de la protection sociale du pays dont on parle. Faut-il d’adopter le système allemand de retraites, qui fait bien plus de pauvres vieillissants dans ce pays que chez nous, ou le système britannique et ses retraites d’entreprise en crise relative, ou l’absence d’une pension décente pour les personnes peu qualifiées. Au Danemark, la protection sociale est très fortement financée par des impôts, alors qu’en France la part des cotisations dans le financement de la protection sociale reste élevée (près de 60 %).  L’Espagne préfère augmenter les cotisations plutôt que réduire les dépenses.

La France n’a jamais adopté le même système que la plupart des autres pays : un système par répartition qui s’impose pour le premier « pilier », c’est-à-dire la retraite de base, et le second, la retraite complémentaire. Si on avait suivi les recommandations de la Banque mondiale et de la Commission européenne, nous n’aurions plus de retraite complémentaire par répartition mais un système par capitalisation.

Les français rejettent cette « réforme »

L’ensemble des organisations syndicales sont opposées à cette réforme. Elles la jugent brutale et injuste. Selon les enquêtes d’opinion seul un tiers de la population est favorable au texte du gouvernement. C’est « un soutien très faible dans l’absolu surtout pour une réforme aussi emblématique » selon Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Frédéric Dabi, directeur général opinion de l’Ifop, estime cette adhésion molle dans la mesure où « les gens se disant tout à fait favorables ne dépassent jamais les 10% des personnes interrogées ». L’analyse de la structure du soutien montre que ce soutien vient surtout de ceux qui sont peu concernés par la réforme, les catégories aisées et les retraités, très peu les classes populaires.

Cette réforme est-elle légitime ?

Le président de la république affirme que son projet, qui a été présenté pendant la campagne présidentielle, a été validé par sa victoire électorale. Cette légitimité du point de vue de la légalité est incontestable explique Pierre Rosanvallon, historien et sociologue, professeur honoraire au Collège de France interrogé par Anne Chemin pour « Le Monde ». Mais il précise que du point de vue social voire morale, ceux qui critiquent le projet de retraites du gouvernement estiment simplement que son projet n’est pas conforme à l’intérêt général, parce qu’il ne répond pas à une exigence de justice ou de solidarité.

A côté de la légitimité électorale il y a la légitimité syndicale inscrite dans la loi depuis 1945. Cette légitimité est aussi fondée sur le fait social que les syndicats, lors du débat sur les retraites, ont été reconnus par l’opinion comme de bons interprètes de la réalité du monde du travail. La position unitaire des syndicats et la participation très importante aux manifestations de rejet de ce projet de réforme renforce cette légitimité.

L’adoption à marche forcée d’un texte aussi controversé constitue un manquement à la démocratie. Lorsque la légitimité électorale est en conflit avec la légitimité sociale il est indispensable de tenir compte de la complémentarité entre les différentes légitimités démocratiques.

Si le gouvernement ne disposant pas d’une majorité à l’assemblée nationale s’entête à imposer sa réforme avec l’appui de la droite sénatoriale ou sans vote du Parlement, il risque de voir se développer dans le pays une rancœur tenace qui se manifestera probablement lors des prochaines élections par une nouvelle augmentation des abstentionnistes et /ou par un vote en direction des extrêmes.

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine est une vieille histoire

Il est difficile de parler de la guerre en Ukraine sans aborder quelques aspects de l’histoire de cette région. Nous pouvons trouver dans cette histoire les racines du conflit qui aujourd’hui bouleverse l’équilibre du monde.

La Rus’ de Kiev

La Russie est le plus grand pays du monde au moins par sa superficie. Pendant toute son histoire il s’est étendu dans toutes les directions. Nous pouvons situer son point de départ au IXème siècle autour de la ville de Kiev et d’autres villes composées de comptoirs commerciaux le long du Dniepr et sur la route de la Volga fondés par des Vikings et peuplées par des slaves. Ces villes sont tenues par des princes d’une même dynastie venus de Scandinavie et sont très prospères. La Russie et l’Ukraine se réfèrent au même mythe fondateur : la Rus’ de Kiev. C’est une principauté gouvernée par les Riourikides du nom de leur chef Riourik. Au XIème siècle cette principauté s’étend jusqu’aux Carpates à l’ouest, à la mer Baltique au nord, à la Volga à l’est, et à la mer Noire au sud. En 1240 Kiev va être rasée lors des invasions turco-mongoles et restera tiraillée entre les influences turques, lituaniennes et polonaises.

le Dniepr
Naissance de l’empire russe

La principauté de Moscou, marginale au départ, prend le pas sur les autres villes. Progressivement le Grand-Duché de Moscou réussit à instaurer une unification à partir du milieu du XVIIème siècle et impose sa domination aux principautés cosaques de la région du Dniepr. La Rus’ de Kiev est un élément central de l’imaginaire russe. A la suite du Grand-Duché de Moscou, en 1721, l’empire russe qui lui succède établit sa capitale à Saint- Pétersbourg. Les territoires situés sur son flanc sud-ouest autour du Dniepr sont désignés comme la Petite Russie (Malorossia). L’Ukraine n’a pas d’existence propre. Cette vision de l’histoire russe est héritée de la période tsariste durant laquelle l’empire russe se déploie dans toutes les directions : Sibérie, accès à la Baltique, Ukraine, Pologne, Asie centrale et démultiplie son territoire sous le règne de grands conquérants Pierre le Grand, Catherine II, Alexandre premier, Nicolas premier et Nicolas II.

Naissance du nationalisme ukrainien

Une autre vision affirme au contraire qu’il existe dans la région du Dniepr un peuple ukrainien ayant une identité singulière et dont l’histoire ne saurait se confondre avec celle de la Grande Russie. Le territoire qui correspond à celui de l’Ukraine actuelle se partage entre l’Empire austro-hongrois à l’ouest et la Russie des tsars. Cette division accentue la disparité entre l’Ouest pro-européen perméable aux Lumières, et l’Est slavophile, où règnent le servage et l’autocratie. C’est surtout dans l’ouest autour de la ville qui s’appelle Lviv aujourd’hui que naissent les premiers mouvements nationalistes ukrainiens, dénoncés par la propagande tsariste comme inféodés aux puissances européennes. Ces mouvements affirment que les ukrainiens sont les seuls à pouvoir se présenter comme les descendants de la Rus’ médiévale.

Guerre civile dans l’empire russe

En mars 1917, deux jours après l’abdication de Nicolas II, dans la foulée de la création de la Douma, assemblée nationale russe, se crée la rada, assemblée nationale ukrainienne. La République populaire d’Ukraine est proclamée et se définit comme un État indépendant libre et souverain, ne dépendant d’aucun autre. A peine proclamée cette république se trouve contestée d’abord par la République socialiste soviétique d’Ukraine créée par les bolcheviks à Kharkiv puis par la République d’Ukraine Occidentale proclamée en novembre 1918. La première guerre mondiale vient alors de s’achever et les nouveaux États nés sur les décombres des Empires allemand, austro-hongrois et ottoman se partagent les dépouilles. Le territoire de l’Ukraine actuelle devient le théâtre d’une guerre civile. Aux luttes entre « rouges » et « blancs » s’ajoutent une série de pogroms contre les juifs et une famine qui fait près de 700 000 morts. Une seule entité politique survit : la République Socialiste Soviétique d’Ukraine qui adhère en 1922 à l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS). Déjà à l’époque une éphémère République du Donetsk créée par des bolcheviks est intégrée à l’Ukraine sur l’injonction du Comité central du parti bolchevik alors qu’elle ne voulait pas s’intégrer à l’Ukraine. Selon l’historienne Hanna Perekhoda, chercheuse à l’université de Lausanne, le parti bolchevik, dans la perspective d’une révolution mondiale, considérait l’Ukraine comme un foyer de diffusion du mouvement révolutionnaire en direction de l’Europe occidentale. De plus le contrôle de l’Ukraine et de ses ressources en charbon et en blé sont essentiels pour la survie du régime que les bolcheviks mettent en place.

Lénine
Développement de l’URSS

En remportant la guerre civile en Russie, les révolutionnaires réussissent en quatre ans à former une immense URSS. En 1929 l’URSS met en œuvre le premier plan quinquennal qui implique la collectivisation des terres, la mise en place des kolkhozes et l’expropriation des propriétaires terriens, les koulaks. Cette politique provoque un climat de révolte dans les campagnes, particulièrement en Ukraine. Dans la perspective de coller aux objectifs du plan, Staline intensifie les réquisitions de grains à compter de 1931. En Ukraine la famine est terrible et on estime de 3 à 4 millions le nombre de victimes. C’est ce que les ukrainiens appellent l’holodomore. Le souvenir de cette tragédie a continué durant toute la période soviétique. Après 1945 les vainqueurs de la seconde guerre mondiale se partage les territoires qu’ils ont libérés. L’URSS parvient ainsi à s’agglomérer les « pays frères » de l’Europe de l’est. Sa zone d’influence se trouve encore une fois agrandie.

Implosion de l’Union Soviétique

Mais les pays de l’Est, les pays Baltes, le Caucase, l’Asie centrale, la Biélorussie, l’Ukraine organisent une succession de sécessions et provoquent une implosion de l’Union Soviétique. Le 7 décembre 1991, les présidents de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie actent que l’Union des républiques socialistes soviétiques a cessé d’exister.

chute du mur de Berlin

Suite à la dislocation de l’URSS, à la faveur de l’indépendance de l’Ukraine en 1991, se sont construits deux discours de plus en plus inconciliables qui ont finis par se traduire par l’invasion de la Crimée par l’armée russe et l’annexion de la péninsule et l’organisation de révoltes pro-russes dans le Donbass. Après un cessez-le-feu à Minsk en 2014, les négociations entre la Russie et pro-russes ukrainiens du sud d’une part et l’Ukraine d’autre part, sous les hospices de la France et de l’Allemagne ne donnant pas satisfaction aux parties, la Russie décide d’envahir l’Ukraine le 24 février 2022.

Depuis sa naissance la Russie est en expansion constante de son territoire. L’empire russe n’a pas de frontière. Les mouvements de population et les déportations sont courants. Quel que soit la nature du régime, l’État russe est un État impérialiste et colonisateur. L’empire tsariste assurait sa grandeur et sa domination. L’URSS assurait son rôle dans la révolution mondiale.

Cette longue histoire débouche sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie au mépris de toute règle internationale, sans parler de la manière dont se déroule cette guerre qui ne donne pas son nom.

La guerre de la Russie contre l’Ukraine

Depuis plusieurs semaines je réfléchissais à la publication d’un article sur la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Cette hésitation venait du fait de ne pas savoir comment aborder ce sujet sans excès tellement la manière dont cette agression a été déployée et le massacre des populations civiles sont insupportables. L’attribution du prix Nobel de la paix 2022 à l’ONG ukrainienne Centre pour les libertés civiles, ainsi qu’au militant biélorusse Ales Bialiatski et à l’ONG russe Memorial, me donne l’occasion de concrétiser cette publication.

C’est en lisant le discours de Oleksandra Matviichuk, présidente de l’ONG Ukrainienne, prononcé à Oslo lors de la remise du prix et publié dans son intégralité par l’édition numérique du monde ce dimanche 11 décembre, que je me suis décidé. Le plus simple aurait été de reproduire ce discours intégralement mais sa traduction est protégée et soumise à autorisation. Je vous invite, si vous en avez la possibilité, à le lire dans « Le Monde ».

A défaut je vais vous donner l’essentiel de son discours et l’analyse qu’elle fait de la situation en Ukraine et dans le monde.

Les droits humains ne sont pas respectés

Cette guerre déclenchée par la Russie depuis plus de huit ans a pour conséquence que les termes « bombardements », « torture », « déportation », « camps de filtration » sont devenus des termes ordinaires. Le peuple ukrainien résiste courageusement aux tentatives de destruction de son pays. Ce prix Nobel rend hommage aux militants des droits humains qui luttent contre la menace militaire qui pèse sur le monde entier. Les droits et les libertés ne sont pas des acquis définitifs même dans les démocraties développées. Les forces qui remettent en cause les principes de la Déclaration Universelle des droits de l’homme gagnent du terrain. Quand des journalistes sont tués, des militants de la paix sont emprisonnés, des manifestations pacifiques sont dispersées c’est une menace pour les citoyens mais aussi pour la région et pour la paix dans le monde entier.Les droits humains devraient avoir autant de poids dans les décisions politiques que les bénéfices économiques ou la sécurité.

La Russie perpètre des crimes en toute impunité

La Russie ne respecte pas systématiquement le droit aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Les troupes russes perpètrent des crimes dansdifférents pays depuis plusieurs années en toute impunité. La Russie a annexé la Crimée sans que personne ne réagisse. Aussi la Russie a estimé qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait sans grand risque. Elle s’en prend aux civils pour mettre un terme à la résistance des ukrainiens et occuper l’Ukraine. Immeubles d’habitation, églises, écoles, hôpitaux sont détruits. Les couloirs d’évacuation sont bombardés. Les gens sont enfermés dans des camps de filtration. Les déportations forcées se multiplient. Dans les territoires occupés des personnes sont enlevées, torturées, tuées. C’est une tentative de restaurer son ancien empire par la force dont le peuple russe devra assumer la responsabilité.

La paix mais pas l’occupation

Le peuple d’Ukraine est pour la paix, mais s’il déposait les armes, ce ne serait pas la paix mais l’occupation. Les ukrainiens se battent pour la liberté et en paient le prix le plus lourd. Ils ont le droit indiscutable de vivre dans un État ukrainiens souverain et indépendant et de faire vivre la langue et la culture ukrainiennes. En tant qu’êtres humains, ils ont le droit de déterminer leur propre identité et de faire leurs propres choix démocratiques.  Les Tatars de Crimée et les autres peuples autochtones ont le droit de vivre librement sur leur terre natale de Crimée.

Une guerre entre deux systèmes

Cette guerre est une guerre entre deux systèmes : l’autoritarisme et la démocratie. Les ukrainiens veulent construire un État où les droits de chacun sont garantis, où les autorités doivent rendre des comptes, où les tribunaux sont indépendants et où les manifestations pacifiques ne sont pas violemment réprimées.

Le système international garantissant la paix doit être réformé

Le système international créé à la fin de la deuxième guerre mondiale pour garantir la paix et la sécurité ne fonctionne plus. Il fait preuve d’une indulgence injustifiée envers certains pays. Ce système doit être réformé pour garantir efficacement la sécurité et les droits humains des citoyens de tous les États quelles que soient leur capacité militaire et leur puissance économique. Les droits humains doivent être au cœur de ce nouveau système.

Traduire les criminels de guerre devant la justice

Le cycle de l’impunité doit être brisé. Sans justice, il ne pourra y avoir de paix durable qui libère de la peur et apporte l’espoir d’un avenir meilleur. Nous devrons instituer un tribunal international et traduire les criminels de guerre devant la justice. C’est audacieux mais nous devons prouver que l’État de droit fonctionne.

Renforcer la solidarité mondiale

Les droits humains ont besoin d’un nouveau mouvement humaniste qui rallie un vaste soutien des populations et implique celle-ci dans la protection des droits et des libertés. Les défis planétaires que sont les guerres, les inégalités, les atteintes à la vie privée, la montée de l’autoritarisme, le dérèglement climatique pourront être surmontés pour faire de ce monde un endroit plus sûr. Il est urgent d’assumer nos responsabilités.

Le discours se termine par un appel à la solidarité. Il n’est pas nécessaire d’être ukrainien pour soutenir l’Ukraine. Il suffit d’être humain.

Ce discours qui se termine sur ces dernières phrases est un appel à la solidarité internationale mais aussi à la raison et à la défense universelle des droits de homme pour que l’humanité ait un avenir. Après avoir lu ce discours nous pouvons mieux comprendre que les ukrainiens se battent pour leur propre existence mais aussi pour la défense de nos propres valeurs au sein de sociétés indépendantes et démocratiques.

Aucun humaniste ne peut rester insensible à ce discours même s’il peut être considéré comme utopique. Mais comme chacun le sait l’utopie d’aujourd’hui peut être la réalité de demain.

PROMOUVOIR LA LAÏCITÉ

Chaque année, au début du mois de décembre, tous ceux qui sont attachés aux principes fondamentaux de la République résumés dans le triptyque républicain, Liberté, Égalité, Fraternité, que l’on peut lire sur les frontons des édifices publics, ont à cœur de fêter la Laïcité le jour anniversaire du vote de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Mais pourquoi est-il important de fêter la Laïcité ?

La Laïcité malmenée

Nous pouvons constater que la Laïcité a été malmenée depuis quelques décennies. Paradoxalement c’est dans une période caractérisée par une majorité croissante de non croyants que nous assistons à un retour de la question religieuse dans tous les domaines de la vie sociale et civile. Les fondamentalistes de tout poil prétendent imposer leur vérité à l’ensemble de la société.

Aux sources de la Laïcité

Au XVIIIème siècle, siècle des Lumières, les philosophes, dans le prolongement des idées héritées de la Renaissance, ont combattu l’obscurantisme, la superstition et l’irrationnel des siècles passés. Ils ont renouvelé les connaissances et l’éthique de leur temps.

La Déclaration universelle des Droits de l’homme adoptée par l’ONU en 1948 indique que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Elle définit la Liberté comme ce qui consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Elle garantit l’expression du pluralisme des opinions et donc la liberté de conscience.

La loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État est un des actes fondateurs de la sécularisation de l’État.

L’article 1 de la constitution de 1958 spécifie que  » La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. « 

La Laïcité est un principe général consubstantiel à la République qui ne se réduit pas seulement au rapport de l’État et des Églises. Elle est avant tout une construction juridique fondée sur une exigence de la raison : l’égalité en droit de tous les êtres humains. Le principe de Laïcité est la convergence d’une évolution législative de plusieurs siècles aboutissant à la séparation des Églises et de l’État et une pensée philosophique humaniste universelle assurant à chacun la liberté de conscience et le primat de l’intérêt général, du bien commun à tous.

Une règle de vie en société démocratique.

La Laïcité impose que soient donnés aux hommes, sans distinction de classe, d’origine, de confession, les moyens d’être eux-mêmes, libres de leurs engagements, responsables de leur épanouissement et maîtres de leur destin.

Un idéal d’émancipation.

La laïcité est un idéal qui permet à tous, croyants et athées, de vivre ensemble sans que les uns ou les autres soient stigmatisés en raison de leurs convictions particulières. L’État laïque incarne la promotion simultanée de la liberté de conscience et de l’égalité, de la culture émancipatrice et du choix sans entrave de l’éthique de vie personnelle.

L’école laïque

 L’école laïque a pour tâche de réaliser cette émancipation.Elle doit tenir à distance la société civile et ses fausses urgences. La laïcité à l’école c’est le fait de refuser aux puissances de conditionnement d’entrer dans les classes, d’offrir à chaque esprit la chance de penser sans tutelle, sans emprises. L’acquisition de savoirs et l’élévation culturelle sont les instruments d’une émancipation individuelle et collective. L’émancipation par l’instruction doit être à la portée de tous c’est-à-dire gratuite, obligatoire, laïque, et la puissance publique doit en assurer la promotion partout et pour tous. L’école laïque fournit à la liberté de conscience le pouvoir de juger qui lui donne sa force.

L’enseignement public doit être affranchi de tout prosélytisme religieux ou idéologique. C’est en vertu de ce principe qu’il est inconcevable d’apposer sur le mur de la classe une croix, un croissant ou une étoile de David symbole d’une religion. C’est aussi la raison de l’interdiction du voile et de tout signe ostentatoire d’appartenance religieuse à l’école.

L’école est un moyen de transmission du savoir mais c’est aussi le moyen de fabriquer une communauté nationale de citoyens.

La liberté de conscience

L’humanisme laïque repose sur le principe de la liberté de conscience. Liberté de l’esprit c’est à dire émancipation à l’égard de tous les dogmes ; droit de croire ou de ne pas croire en Dieu ; autonomie de la pensée vis-à-vis des contraintes religieuses, politiques, économiques ; affranchissement des modes de vie par rapport aux tabous, aux idées dominantes et aux règles dogmatiques.

La laïcité vise à libérer l’enfant et l’adulte de tout ce qui aliène ou pervertit la pensée, notamment les croyances ataviques, les préjugés, les idées préconçues, les dogmes, les idéologies opprimantes, les pressions d’ordre culturel, économique, social, politique ou religieux.

La laïcité vise à développer en l’être humain, dans le cadre d’une formation intellectuelle, morale et civique permanente, l’esprit critique ainsi que le sens de la solidarité et de la fraternité.

La laïcité vise dans ce contexte à donner les moyens à l’être humain d’acquérir une totale lucidité et une pleine responsabilité de ses pensées et de ses actes.

La liberté d’expression est le corollaire de la liberté de conscience. Elle est le droit et la possibilité matérielle de dire, d’écrire et de diffuser la pensée individuelle ou collective.

Refus du racisme et de la ségrégation

Le refus du racisme et de la ségrégation sous toutes ses formes est inséparable de l’idéal laïque. La société ne peut pas être la simple juxtaposition de communautés qui, au mieux s’ignorent, au pire s’exterminent.

L’éthique laïque mène inévitablement à la justice sociale : égalité des droits et égalité des chances. L’éducation laïque, l’école, le droit à l’information, l’apprentissage de la critique sont les conditions de cette égalité.

Séparation des Églises et de l’État

La séparation des Églises et de l’État est la pierre angulaire de la laïcisation de la société. Elle ne saurait souffrir ni exception, ni modulation, ni aménagement. Cette séparation est la condition de son existence. Elle est la seule façon de permettre à chacun de croire ou de ne pas croire en libérant les églises elles-mêmes des logiques de liaisons conventionnelles avec l’État. Si les églises veulent exister, que les fidèles leur en fournissent les moyens, la religion étant affaire de conviction personnelle.

Si l’État garantit la totale liberté des cultes comme de l’expression et de la diffusion de la pensée, il n’en favorise aucun, ni aucune communauté, pas plus financièrement que politiquement. La loi républicaine ne saurait par conséquent reconnaître le délit de blasphème ou de sacrilège qui déboucherait inévitablement sur l’institutionnalisation de la censure. La première manifestation du caractère laïque d’un pays est l’indépendance de l’État et de tous les services publics vis-à-vis des institutions ou influences religieuses.

Une idée de progrès

La Laïcité n’est pas une notion passéiste mais au contraire une idée de progrès. Elle est action et volonté. Elle implique la plénitude de l’égalité de traitement, par la République, des athées et des croyants. Cette égalité est la condition d’une véritable fraternité, dans la référence au bien commun. Laïque signifie indépendant de la religion. La Laïcité implique l’égalité des droits sans distinction de convictions personnelles. Laïque ne s’oppose pas à religieux mais à clérical. L’esprit clérical, c’est la prétention des clercs à dominer au nom d’une religion. La Laïcité ne se confond pas avec l’athéisme et ne se réduit pas au combat anticlérical.

Admettre que chacun puisse à titre individuel ne pas croire ou pratiquer le culte de son choix sans que la société n’en impose aucun est un principe qui consiste à laisser chacun libre de ses choix selon ses propres règles morales avec pour seule limite de ne pas nuire à autrui sans subir celles que lui imposerait la religion ou n’importe quelle idéologie totalitaire d’État.

L’humanisme laïque est le ciment qui donne toute sa force et sa plénitude à la devise républicaine.

Voilà pourquoi il me parait essentiel de célébrer chaque année, le 9 décembre, la Fête de la Laïcité en rappelant sans cesse qu’elle est une idée de progrès qui complète la devise républicaine, qui implique liberté de conscience sans limite, ouverture, bienveillance, respect des autres, primat de l’intérêt général sur l’intérêt particulier, respect de la loi commune, neutralité de l’État et des services publics, neutralité qui a pour objectif l’égalité des citoyens et leur rassemblement par-delà leurs différences, universalisme dans le respect de la diversité plutôt que différencialisme et enfin émancipation à l’égard de tous les dogmes.

Un système de santé au bord du gouffre

Le nouveau ministre de la santé, en prenant ses fonctions, a fait un constat alarmiste : « tout notre système de santé est à bout de souffle ». Tentons de rechercher l’origine des difficultés pour orienter les pistes de rénovation de notre politique de santé publique.

La mondialisation

La mondialisation c’est d’abord la mondialisation de l’économie mais elle comporte aussi de nombreux autres aspects : les flux internationaux des idées et des connaissances, le partage des cultures, la société civile mondiale, l’avenir écologique de la planète etc.…

Les tenants de la mondialisation affirment qu’elle va améliorer le sort de tous, élever les niveaux de vie dans le monde entier, ouvrir les marchés extérieurs aux pays pauvres pour leur permettre de vendre leurs produits, développer les investissements étrangers dans les pays pauvres pour leur permettre de produire de nouveaux produits à meilleur prix, ouvrir les frontières pour permettre la circulation des hommes et des produits pour le bien de tous. Ce qui sous-tend cette affirmation c’est la pensée économique libérale qui a muté à partir des années 1980 en un rameau néolibéral.

Dans les années 1990, le « consensus de Washington » établi par le Fond Monétaire International (FMI), la Banque mondiale, le Trésor des États-Unis, préconisait de réduire l’intervention des États afin de réduire les déficits budgétaires, de déréglementer, de libéraliser, de privatiser au plus vite le maximum de secteurs. C’est sur cette base que les politiques économiques se sont déployées dans presque tous les pays.

La crise financière de 2008 a fait la démonstration que contrairement à l’idéologie néolibérale le « laisser faire » ne conduit pas à l’équilibre. Les banques ont été jugées « trop grosses pour faire faillite ». Les gouvernements les ont perfusées d’euros et de dollars pour éponger les frasques de financiers cupides et irresponsables. Mais cela n’a pas entrainé une remise en question de la doxa néolibérale.

La crise sanitaire de 2020

En début d’année 2020 nous sommes confronté à une nouvelle crise : le coronavirus apparu en Chine se généralise sur toute la planète. La Covid-19 est au moins autant contagieuse que la grippe saisonnière mais est surtout beaucoup plus mortelle.

Au début les mesures de confinement sont le seul moyen efficace de lutter contre la propagation de l’épidémie. Les soignants à l’hôpital et dans les cabinets médicaux demandent pouvoir exercer leur métier sans se mettre en danger ni mettre en danger leurs patients. Ils manquent de masque, de gants, de blouses, de matériels médicaux. L’utilisation de tests est réclamée par certains. Toutes ces demandes mettent en évidence notre dépendance vis à vis d’autres pays. Nous n’avons pas de tests en suffisance car les réactifs sont importés principalement d’Asie, avec difficulté. Nous n’avons pas de stock suffisant de gants car ils ont été réduits pour des raisons de restriction budgétaire. Ces manques sont les conséquences de la désindustrialisation de notre économie et de la réduction des dépenses publiques.

La crise sanitaire s’est abattue sur un service public de santé affaibli et met en lumière les tares de notre système de soins. Comme l’explique le professeur de médecine André GRIMALDI, l’État a abimé l’hôpital public depuis des années, depuis qu’a commencé le règne des économistes de pensée libérale ou néolibérale pour qui les activités humaines doivent être mesurées, valorisées, et mise en concurrence sur un marché. La tarification à l’activité a mis la santé dans une logique de marché. C’est l’entrée du « new public management » dans l’hôpital.

Les médicaments sont devenus des marchandises comme les autres. Les laboratoires abandonnent la production des principes actifs à l’Inde et à la Chine au nom de la rentabilité. Les stocks deviennent une immobilisation financière. L’hôpital devient une entreprise aux mains de managers. On ne répond plus à des besoins on gagne des parts de marché. On travaille à flux tendus. La novlangue a envahi l’hôpital et s’est emparée des esprits. C’est ce qui explique la diminution des lits de réanimation, le manque de médicaments, la pénurie de masques et de tests, etc…

La vision néolibérale de la santé publique

Dans un entretien au journal « Le Monde » daté du 10 avril 2020, Barbara Stiegler, Philosophe, enseignante à l’université de Bordeaux Montaigne où elle dirige le master « Soin, éthique et santé » commente l’impréparation générale des gouvernements néolibéraux face à la pandémie du corona virus. Selon la vision néolibérale de la santé publique nous allons vers un monde immatériel de flux et de compétences, censé être en avance sur le monde d’avant fait de stocks et de vulnérabilités. Nos économies fondées sur « l’innovation » et sur « l’économie de la connaissance » devaient déléguer aux continents du Sud, principalement à l’Asie, la fabrication industrielle des biens matériels. Nos gouvernants ont renvoyé l’épidémie infectieuse et l’industrie manufacturière à un monde sous développé et à des temps anciens que nous, Occidentaux, aurions dépassés. Au fond un tel virus était, comme les stocks de masques, trop archaïque pour concerner nos sociétés, trop performantes pour y être exposées. Quel rapport nos vies aseptisées et nos systèmes de santé ultramodernes pouvaient-ils avoir avec ces images déplaisantes de chauve-souris et de volailles infectées, pourtant emblématiques de notre économie mondialisée qui entasse les vivants dans des environnements industriels de plus en plus dégradés. Le néolibéralisme préfère tourner ses regards vers l’avenir radieux promis par l’innovation biomédicale et continuer d’occulter les facteurs sociaux et environnementaux de toutes les pathologies, tant infectieuses que chroniques.

La vision néolibérale de la médecine est que notre système sanitaire doit en finir avec la vieille médecine clinique. A notre vieille médecine jugée « réactive », la vision « proactive » est une conception qui passe exclusivement par la responsabilité individuelle et qui refuse d’assumer une vision collective des déterminants sociaux de santé, soupçonnée de déboucher sur une action sociale trop collectiviste.

C’est ce qui explique un long retard au démarrage pour prendre des mesures collectives de santé publique, doublé d’une spectaculaire pénurie alors même que des alertes sur les maladies émergentes se multipliaient dans la littérature scientifique depuis des années.

Les maux de l’hôpital

Pénurie de médecins, d’infirmières, d’aides-soignants, fermeture ou fonctionnement dégradé de plusieurs services d’urgence. Les maux des établissements de santé prennent leur source dans plus de vingt ans de réformes avec un objectif de réduction des coûts. La lente asphyxie budgétaire imposée par ces réformes est en grande partie responsable de cette crise.

La croissance de la production de soins s’est accompagnée d’une augmentation bien moindre des effectifs dans les dix dernières années selon Pierre-Louis Bras, ancien Directeur de la Sécurité sociale. Pour combler le déficit de la « sécu » les économies se concentrent sur l’hôpital, plus facile à restreindre que les dépenses de médecine de ville.

Une prise en charge plus légère sur moins de vingt-quatre heures, permis notamment par les progrès de la médecine, justifie une part importante des réductions des capacités des établissements. A partir de ce constat le leitmotiv de toutes les réformes a été la réduction du nombre de lits. Mais les restrictions semblent bien avoir dépassé cette nécessaire transformation.

La gouvernance de l’hôpital constitue l’autre sujet crucial qui a rythmé les débats des vingt dernières années dans l’hôpital public. L’équilibre entre pouvoir médical et pouvoir administratif est difficile à trouver. Les Agences régionales de Santé ont été installées pour piloter et réguler l’offre de santé dans les régions.

Le manque de médecins s’est aggravé avec l’idée que pour limiter la progression des dépenses il fallait diminuer le nombre de médecins. L’hôpital souffre aussi du fait que la permanence des soins (nuit, week-end) s’est concentrée toujours plus entre ses murs, à mesure que « les déserts médicaux » ont progressé en médecine de ville.

Au tournant des années 2000, les pouvoirs publics décident de modifier le mode de financement des hôpitaux. Jusque-là, ils recevaient une dotation globale pour fonctionner, chaque année la même somme. Le principe qui s’impose alors consiste à prendre en compte l’activité réelle des établissements. La tarification à l’activité a fait dériver le système vers un hôpital-entreprise qui ne correspond pas à la mission de l’établissement de soins.

Repenser la politique de santé publique

Des chiffres édifiants : 20% des personnes déclarant avoir renoncé à au moins un soin sont dans diplôme dont un tiers appartient aux 20% de ménages aux revenus les plus bas. Les inégalités se creusent dès le plus jeune âge et se maintiennent tout au long de la vie. Ces éléments sont connus depuis longtemps, de multiples rapports y sont consacrés. Notre politique de santé publique n’est pas satisfaisante. Il faudrait la repenser en nous donnant comme objectif de réduire au maximum les inégalités sociales de santé et sortir d’une approche principalement comptable.

La situation actuelle est la conséquence d’un contexte idéologique intervenu dans les années 1980 selon lequel il faut que l’économique et le social soit séparés et que l’État doit uniquement fixer les règles du jeu économique et éviter dans la politique sociale tout ce qui peut avoir un effet général de redistribution de revenus. C’est une vision néolibérale de l’organisation et du fonctionnement de la société. Comme le dit Barbara Stiegler le néolibéralisme n’est pas seulement dans les grandes entreprises, sur les places financières et sur les marchés, il est aussi en nous et dans nos manières de vivre qu’il a progressivement transformé et dont il s’agit de reprendre le contrôle.

Le système de soins doit être réformé afin de mieux répondre aux besoins de la population et aux crises sanitaires. Passer d’un modèle de santé centré sur l’offre de soins à un modèle axé sur les besoins de santé de la population. Il doit garantir un accès équitable à la santé dans tous les territoires.

La pandémie due au coronavirus a montré d’une part que la santé pouvait être un obstacle à la liberté et à la sécurité des personnes, et d’autre part les carences de notre état sanitaire. La santé publique est une fonction régalienne et doit être considérée comme telle dans sa gestion politique, institutionnelle et financière. L’État stratège doit fixer les objectifs de santé publique, les choix stratégiques et technologiques, mais aussi le financement nécessaire. Comme au lendemain de la dernière guerre nous devons reconstruire un système de santé performant et solidaire avec pour objectif le bien-être de la population.

Transition ou Transformation ?

Cette année le monde a basculé. Les différents rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) confortés par les évènements climatiques ont amené progressivement une grande partie des pays de la planète à parler de la nécessité d’une transition écologique. La guerre en Ukraine et la volonté de s’affranchir du pétrole et du gaz russe a provoqué une crise énergétique et une crise alimentaire qui a pour conséquence la relance de l’inflation et la menace de crises sociales. Mais n’est-on pas déjà en retard et ne faut-il pas plutôt parler de transformation écologique ?

Au-delà de certaines limites …

Déjà en 1972 le Club de Rome publiait le rapport Meadows qui appelait le monde à prendre conscience des atteintes infligées à la nature : surexploitation de certaines ressources, dégradation de l’atmosphère des villes, de fleuves, de côtes suite aux naufrages répétés de plusieurs pétroliers géants.

En 1985 il se vérifie que les chlorofluorocarbones attaquent l’ozone stratosphérique. La question des émissions de CO2 (dioxyde de carbone) et de leur impact sur la température de la planète se trouve confirmée en 1989 par les études de la NASA.

Les grandes fonctions régulatrices du milieu naturel se trouvent menacées :

  • Filtration du rayonnement ultraviolet d’origine solaire sans laquelle la vie n’aurait pu se diversifier et s’étendre ;
  • Régulation thermique maintenant la planète dans des limites de températures compatibles avec la pérennité de la vie ;
  • Diversité des formes indispensables à la stabilité du vivant.

La biosphère est un vaste système complexe autorégulé et autoreproducteur de régulations interdépendantes, dans la reproduction duquel la vie, et par conséquent l’espèce humaine, joue un rôle primordial. Le développement de la vie contribue à modifier ce système. L’existence de limites, en-deçà et au-delà desquelles la vie ne peut pas se développer, joue un rôle fondamental dans sa pérennité. La diversité des espèces est un facteur essentiel de sa pérennité.

La nature tend à tirer de l’énergie solaire le maximum de biomasse. La biomasse est la matière organique d’origine végétale, animale, bactérienne ou fongique utilisable comme une source d’énergie. Elle peut être valorisée de manière thermique, chimique ou biochimique. L’écosystème tend naturellement à optimiser ses stocks, niveau qui correspond à la quantité la plus importante de biomasse qu’il peut porter compte tenu de la quantité d’énergie solaire qu’il reçoit.

Les rythmes d’exploitation des ressources naturelles par les hommes ne respectent pas les temps des cycles naturels, ils franchissent les limites des possibilités de reproduction des ressources renouvelables et des rythmes d’autorégulation des écosystèmes.

Nous ne pouvons plus ignorer le fait que le développement des activités humaines a des conséquences sur l’avenir de la planète. Le réchauffement climatique et la baisse de la biodiversité représente un danger que le développement des sciences et des techniques ne suffira pas à contenir.

Le programme des Nations unis pour l’environnement

Les travaux du programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), précisent la nature des problèmes et les perspectives qui en découlent pour l’humanité. L’eau est menacée quantitativement et qualitativement. La biodiversité est compromise. Les effets du changement climatique sont incontestables. La hausse moyenne des températures mondiales est estimée à 0,7°C pour le siècle passé et 1,8°C pour le siècle en cours alors que certains scientifiques pensent qu’une hausse de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels est un seuil au-delà duquel la menace des dégâts majeurs et irréversibles devient plus plausible. Et les inégalités ne cessent de s’accroitre entre les pays riches et les pays pauvres et à l’intérieur de chaque pays entre les plus riches et les plus pauvres.

La crise environnementale, la crise du développement, et la crise de l’énergie sont interdépendantes. Elles n’incluent pas seulement le changement climatique, le recul de la biodiversité et la faim mais aussi d’autres problèmes liés à la croissance de la population mondiale, à la hausse de la consommation des riches et au désespoir des pauvres.

La Cop 21, qui s’est tenue en France en 2015, a pris une portée mondiale : les délégués sont parvenus à un projet d’accord final, adopté à l’unanimité par les 175 pays participants. Le texte, non contraignant, a fixé l’objectif de limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, en visant la barre des 1,5°C.

A mesure des réunions des COP de plus en plus de pays prennent des engagements conformes à l’accord de Paris mais peu parviennent à les respecter. La communauté internationale a échoué à s’engager sur une hausse des efforts collectifs dans la lutte contre le changement climatique, malgré les catastrophes qui se multiplient à travers le monde.

Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) dans son rapport annuel publié le 27 octobre 2022 nous indique que, même si les États respectaient leurs engagements, la planète est sur une trajectoire de réchauffement de 2,5°C à la fin du siècle. Et si rien ne change, l’élévation de la température pourrait même atteindre 2,8°C en 2100. La baisse des émissions de gaz à effet de serre est en augmentation en 2021, la baisse de 2020 liée à la pandémie n’aura été qu’une parenthèse.

La directrice exécutive du PNUE estime que « Le temps des changements progressifs est révolu. Désormais, seule une transformation radicale de nos économies et de nos sociétés peut nous sauver de l’accélération de la catastrophe climatique ». Elle ajoute que « Réformer l’économie mondiale et réduire de près de moitié les émissions de gaz à effet de serre en huit ans est un défi de taille, voire impossible selon certains, mais nous devons essayer » (citée par Audrey Garric -Le Monde du 28 octobre 2022).

Une transformation radicale

Les enjeux de la crise climatique sont considérables. Pour y faire face il est indispensable de :

  • Se mobiliser à tous les niveaux (international, européen, national, local et bien sûr, individuel) pour sortir de la dépendance à l’énergie fossile.
  • Préserver la biodiversité pour atteindre la neutralité carbone en accroissant la capacité d’absorption du carbone grâce à la protection des océans, au développement des forêts et à la préservation des terres agricoles.
  • S’adapter au réchauffement climatique et à ses conséquences.
  • Anticiper et aider les pays les plus pauvres qui sont les plus exposés à mieux s’y préparer car même si l’on atteint la neutralité carbone le monde restera, pendant deux ou trois décennies, lancé sur la trajectoire d’un réchauffement climatique.

Les tensions mondiales qui se sont multipliées ont accentué et bouleversé des équilibres fragiles dans de nombreux pays. Le monde est entré dans une ère d’incertitudes, mêlant le dérèglement climatique, des transformations de l’énergie et des matériaux laissant présager des bouleversements sociétaux peut-être aussi importants que le passage des sociétés agricoles aux sociétés industrielles.

Le réchauffement climatique, l’extinction de la biodiversité, l’appauvrissement des sols, l’épuisement des ressources minérale obligent à agir simultanément sur tous les fronts. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre il faut développer de façon massive les énergies renouvelables, s’appuyer sur le nucléaire pour assurer la transition, éviter si possible de recourir au charbon ou au gaz de schiste et continuer les recherches pour trouver des solutions alternatives.

Tous les secteurs de la vie économiques vont devoir se transformer profondément. La production industrielle, l’énergie, l’agriculture, les services, les moyens de transport, les modes de construction, les services financiers, les administrations devront se passer des énergies fossiles sur le long terme. Les conséquences au niveau de l’emploi sont difficilement mesurables. Les efforts de formation à déployer sont énormes. Tout cela doit être organisé au niveau des États et coordonné au moins à l’échelle européenne. Faire une confiance aveugle au Marché pour s’adapter à ces mutations ne pourra que nous mener à une succession de crises.

Le coup d’arrêt à l’activité économique dû à la pandémie nous montre que si la décroissance peut réduire le réchauffement climatique elle ne fait qu’aggraver les inégalités. Les innovations technologiques ne nous permettront pas d’échapper à la sobriété. Celle-ci devra être principalement le fait des pays les plus développés et des ménages les plus aisés. Il ne peut y avoir de lutte contre le réchauffement climatique sans une aide financière inédite aux pays les plus pauvres

Il nous faut trouver un chemin qui donne satisfaction à la fois sur la baisse du réchauffement climatique et la baisse des inégalités. La néo libéralisation du monde enclenché depuis les années 1980 n’est pas une réponse. Le dogme néolibéral de la dérèglementation, de la privatisation, de la non intervention de l’État dans le domaine économique, de la réduction des déficits budgétaires, de l’autorégulation des marchés, etc. pousse à la réduction des coûts à tout prix sans prendre en compte la baisse des services que cela entraine inévitablement. L’économie doit être au service des hommes et pas l’inverse. Il nous faut développer tous ce qui concoure au développement de la vie et au bien-être des humains, des animaux et de la nature. Les humains font partie de la nature et ils ont la spécificité d’assumer la responsabilité de la préserver.

La prochaine conférence annuelle des parties d’ONU Climat (COP27) se réunit à Charm el-Cheikh en Égypte le 18 novembre sur la mise en œuvre des mesures climatiques nous fera -t-elle avancer dans cette direction ? Les dirigeants du PNUE pensent que cela sera difficile mais ne perdent pas l’espoir d’y parvenir cette année ou les suivantes. Quant à nous, citoyens du monde, nous souhaitons que nos dirigeants auront la sagesse de ne pas attendre que le chaos se généralise pour agir.

Politique de la ville et emploi dans les quartiers populaires

En juin 2022 la Cour des comptes vient de communiquer à l’Assemblée Nationale un rapport sur « les dispositifs en faveur de l’emploi des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (exercices 2015-2021). Ce rapport, établi à la demande du Président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée Nationale, est le résultat d’une enquête sur ces dispositifs. Il constitue, ce qui n’est pas souvent le cas, une évaluation de l’action publique en la matière.

Qui est concerné ?

Sont concernés 1514 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) répartis sur 859 communes du territoire national. Selon l’Insee ces quartiers prioritaires accueillaient au 1er janvier 2018 8% de la population française soit 5,4 millions d’habitants. Ces quartiers se définissent par un critère unique de bas revenu. Il s’agit de territoires où des difficultés, liées entre elles et autoentretenues, se combinent et présentent un effet de masse rendant nécessaire une approche globale de la part des pouvoirs publics, à la fois quantitative et qualitative.

Dans ces quartiers, le revenu disponible médian est beaucoup plus faible (13770 €) que celui du reste de la population métropolitaine (21 730 €) et provient beaucoup plus des prestations sociales (22,9%) ; le revenu issu de l’activité rémunérée en représente 62,7% contre 74,5% hors de ces quartiers. Le revenu de solidarité active est perçu par 25% de la population.  La part des jeunes âgés de moins de 25 ans est de 39,1%, quand elle n’est que de 29,9% en métropole. Les jeunes habitant ces quartiers sortent plus tôt du système éducatif et sont plus fréquemment concernés par le décrochage scolaire : le taux de scolarisation des 15-24 ans y est plus faible et la part des 16-25 ans non scolarisés et sans emploi y est presque le double de la moyenne nationale. Le niveau de qualification des habitants de ces quartiers est en moyenne plus faible que celui des autres habitants. Il y a une forte présence d’étrangers (21,8%) principalement en Île-de-France et dans les grandes unités urbaines.

Les données en matière d’emploi

En matière d’emploi les données produites depuis une vingtaine d’années montrent que le taux de chômage de ces populations a toujours été supérieur que dans les autres quartiers (entre 1,9 et 2,7 fois). Les autres indicateurs en matière d’emploi confirment le caractère constant de la situation dégradée de ces quartiers.

A défaut d’un suivi précis des dépenses réalisées en faveur de l’emploi des habitants de ces quartiers prioritaires par le ministère chargé de l’emploi, la Cour estime à environ 0,8 Md€ en 2018 ainsi qu’en 2019 le montant des dépenses imputées au budget de la mission Travail et Emploi en faveur de ces quartiers, soit une part du total des dépenses d’intervention inférieure à la part des habitants des quartiers prioritaires dans les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi. Pourtant leurs besoins d’accompagnement et de formation devraient conduire à une dépense individuelle plus élevée en leur faveur que pour la moyenne des autres demandeurs d’emploi.

Les analyses réalisées par la Cour sur les quartiers prioritaires montrent que les dispositifs de droit commun donnent des résultats assez similaires à ceux obtenus dans les autres quartiers, ce qui ne permet pas à la situation des habitants de ces quartiers de se rapprocher de celle des habitants des autres quartiers.

Évaluation des politiques de l’État

Les politiques de l’État en faveur de l’emploi dans ces quartiers prioritaires n’avaient jamais été évaluée.  Selon la Cour des comptes ces politiques n’ont pas permis de réduire entre 2015 et 2021 l’écart y existant avec les autres quartiers.

Le critère déterminant qui distingue ces habitants est leur éloignement du marché du travail. Outre la mise à disposition de dispositifs spécifiques en complément des outils de droit commun de la politique de l’emploi et les efforts réalisés pour surmonter les difficultés rencontrées en matière de qualification, de santé, de logement ou de mobilité, la Cour estime que la recherche d’approches visant à susciter, chez les jeunes de ces quartiers, intérêt et motivation pour s’engager dans une démarche d’insertion socio-professionnelle est indispensable. Si les dispositifs comme la garantie jeunes, l’accompagnement intensif des jeunes (AIJ) et les contrats aidés remplissent leur objectif de procurer temporairement un emploi aux jeunes, ils ne constituent pas pour autant un véritable tremplin vers le monde du travail et peinent à s’inscrire dans la durée.

Constats

Si les politiques de l’emploi peinent à faire effet dans les quartiers prioritaires c’est avant tout parce qu’elles ne leurs sont pas spécifiques. Pour expliquer la persistance d’une situation dégradée sont souvent cités la mobilité résidentielle et le trafic de stupéfiants. Il convient de ne pas sous-estimer les effets indirects de ces éléments qui contribuent à la détérioration globale de l’image de ces quartiers et alimentent leur manque d’attractivité et les phénomènes de discrimination en matière d’emploi.

Deux caractéristiques socio-éducatives devraient davantage être prises en compte car leurs effets sur l’insertion économique et l’emploi sont importants : la pauvreté et l’échec scolaire.

La pauvreté n’est pas seulement une forte entrave à l’insertion professionnelle, c’est aussi une caractéristique transmissible aux enfants qui se traduit par des difficultés scolaires dès le plus jeune âge et, à terme des difficultés d’intégration sur le marché du travail de la génération suivante.

L’échec scolaire caractérise une part importante des jeunes habitants des quartiers prioritaires. L’orientation scolaire est souvent subie et les possibilités de réorientation sont faibles. Les efforts pour faciliter l’accès des jeunes à l’apprentissage a peu bénéficié aux jeunes de ces quartiers malgré plusieurs initiatives.

Comment améliorer les dispositifs ?

Le cloisonnement entre les politiques publiques menées par le ministère chargé de l’emploi et celui chargé de la ville aboutit à un pilotage national très insatisfaisant. Faute de pilotage national il n’existe pas de diagnostic partagé. Il faut simplifier la palette des dispositifs de la politique de l’emploi et harmoniser les conditions d’éligibilité, mieux piloter l’accès des jeunes de ces quartiers à l’apprentissage, développer le travail collaboratif entre les services pour établir un diagnostic partagé et mieux intégrer les spécificités des publics concernés.

Orienter les demandeurs d’emploi vers la formation constitue, à ce jour, l’un des meilleurs moyens de faire progresser le taux d’emploi dans les quartiers. La formation professionnelle entraine 50% de sorties supplémentaires en emploi pour les demandeurs d’emploi en quartier prioritaire. Selon la Cour des comptes c’est la seule des politiques de l’emploi à privilégier parmi celles existants.

Une attention particulière doit être portée aux associations de proximité, qui sont essentielles pour toucher les publics les plus éloignés des institutions. Elles ont besoin de moyens financiers stables afin d’inscrire leur action dans la durée. Les entreprises devraient être intégrées dans toute démarche d’insertion dans l’emploi par la mise en place de plateformes d’échanges, d’actions de parrainage, d’immersions ou l’organisation d’évènements sportifs et culturels permettant la mise en contact entre les employeurs et les personnes en recherche d’emploi.

La Cour des comptes

Cet organisme est une juridiction financière, chargée principalement de contrôler la régularité des comptes publics. Il informe le Parlement, le Gouvernement et l’opinion publique sur la régularité des comptes. La page d’accueil de son site internet contient en exergue la phrase suivante : « S’assurer du bon emploi de l’argent public, en informer les citoyens ».

Les rapports de la Cour des comptes se distinguent depuis plusieurs années par leur orthodoxie budgétaire. La trame de ces rapports s’apparente plus à la doxa néolibérale, met régulièrement le doigt sur les déficits budgétaires et rappelle systématiquement la nécessité impérieuse de réduire les dépenses publiques.

La communication dont je viens de vous livrer un court résumé change un peu de ce qu’on a l’habitude de lire sous la plume des conseillers de la Cour des comptes mais correspond bien à l’objectif de s’assurer du bon emploi de l’argent public qui est un bien commun destiné à répondre aux besoins des citoyens.

Après les élections : le nouveau paysage politique français

Après une période électorale terne, perturbée par la guerre en Ukraine et le bouleversement de l’ordre mondial qui en est la conséquence directe, quel est le nouveau paysage politique français ?

Une assemblée orientée à droite

Tout d’abord l’abstention a atteint des niveaux records et les partis de gouvernement ont été éliminés à la présidentielle et très affaiblis aux législatives. Le Président sortant a été réélu confortablement mais par rejet de la candidate d’extrême droite, et grâce à un Front Républicain qui a encore une fois fonctionné. Ce succès par défaut se trouve confirmé par les législatives.  Celles-ci n’ont accordé qu’une majorité relative à la coalition présidentielle comme si les électeurs voulaient empêcher le Président de continuer à gouverner tout seul en petits comités et l’obliger à composer avec le parlement. Ceci étant cette nouvelle assemblée est largement dominée par le Centre droit, la Droite classique et l’Extrême Droite. La gauche de gouvernement sauve les meubles mais se trouve largement dominée par une Gauche qui se définie elle-même comme radicale. L’élection de racialistes, indigénistes, décoloniaux, et autres « wokistes » n’est pas une bonne nouvelle pour la France.

Une progression attendue de l’Extrême Droite

L’Extrême Droite qui a fait de gros efforts pour se dé-diaboliser progresse notablement et envoie 89 députés à l’assemblée. Elle devient incontournable dans la répartition des responsabilités dans l’organisation de l’assemblée et accède même à la vice-présidence. Elle continuera à se présenter comme fréquentable jusqu’à son arrivée au pouvoir, mais après ? Quand les milieux populaires qui la supportent réaliseront sa vraie nature on peut craindre qu’il sera trop tard.

Un gouvernement prêt à se porter encore plus à droite

Ces élections donnent à la Droite classique un important pouvoir de négociation. Elles poussent le gouvernement à se porter encore plus à droite, à accentuer sa politique pro-entreprise et baisser ses dépenses sociales et environnementales pendant que l’Extrême Droite tente de se banaliser et que la Gauche assiste impuissante à renverser le cours des choses.

 Le gouvernement avec sa coalition de 250 députés doit s’adjoindre une quarantaine de députés pour pouvoir accéder à la majorité au sein de l’Assemblée et éviter l’immobilisme. Dans l’immédiat aucun groupe n’a intérêt à provoquer une élection anticipée. C’est auprès des députés de la Droite classique que le gouvernement devra aller chercher prioritairement les compromis par affinités doctrinales. Il y a des points de convergence comme la réforme paramétrique des retraites portant l’âge légal à 65 ans, l’alignement des régimes spéciaux et le retour à l’équilibre financier du régime à court terme.  Convergence aussi sur la réforme des droits de succession et la baisse des impôts de production.

Sur le plan fiscal le gouvernement sera soumis à la double injonction de la Droite, baisser les impôts pour les entreprises et les ménages de manière pérenne et en même temps stabiliser la dette. C’est donc sur le registre des dépenses que le gouvernement devra concéder c’est-à-dire sur l’adaptation du système de santé, de la formation et du changement climatique. 

Première épreuve : la loi sur le pouvoir d’achat

La loi sur le pouvoir d’achat va nous donner des indications sur la manière dont vont se résoudre ces différences. En cette matière la stratégie du gouvernement est de privilégier les mesures temporaires et agir directement sur l’indice des prix en limitant les hausses de l’énergie et du logement, gros contributeurs à l’inflation. La philosophie est très différente du coté de la Droite qui veut préserver le pouvoir d’achat via des baisses pérennes de fiscalité, baisse de la TVA, plafonner le prix de l’essence à 1,50 euro, baisse de la CSG sur les retraites, baisse générale des cotisations sociales des salariés pour booster les salaires nets. Ces mesures auront pour conséquence de restreindre de façon durable les recettes fiscales de l’État et rendre impossibles les dépenses indispensables pour faire face aux crises du système de santé, de l’éducation et aux échéances climatiques.

Une nécessité : revivifier la démocratie

Face aux grands défis qui se présentent à nous (le changement climatique, le recul de la biodiversité, le développement des inégalités provoqué par les politiques néolibérales, le désintérêt des populations pour la politique qui ne peut que préoccuper les démocrates, la nécessité de mettre les sciences et les techniques au service de l’humanité) ce n’est pas le moment de baisser les bras pour tous ceux qui sont attachés à l’humanisme républicain et démocratique. C’est au contraire en portant sur la place publique les débats nécessités par ces grands défis, en sollicitant les citoyens sur les grands choix sociétaux qui s’imposent à nous que l’on pourra revivifier notre système démocratique et œuvrer pour faire en sorte que les citoyens puissent se prononcer en toute connaissance de causes sur ce qui influencera vraiment leur vie à venir.

 La voie de l’union à gauche

Comme je l’indiquais dans mon article du début avril, intitulé « la gauche en miettes », en France la gauche a toujours été diverse et les partis de gauche n’ont pu accéder au pouvoir que lorsqu’ils ont trouvé la voie de l’union. Dans le cadre des élections législatives qui suivent les élections présidentielles du mois d’avril 2022, les partis de gauche ont décidé de constituer « la Nouvelle Union Populaire écologique et sociale » afin de présenter dès le premier tour des candidats communs. Ont-ils retrouvé la voie de l’union ou s’agit-il d’une simple alliance de circonstance ? Les gauches dites irréconciliables ont-elles trouvé un terrain d’entente ? Les insoumis ont-ils phagocyté les écologistes, les communistes et les socialistes ? Cette union est l’objet de nombreuses critiques à droite et à l’extrême droite mais aussi au sein même des partis concernés. Qu’en est-il exactement ?

Un accord purement électoraliste ?

Dans son éditorial du samedi 7 mai le journal « le Monde » estime que même si ses protagonistes évoquent l’histoire, le Front populaire de 36, l’union de la gauche et le programme commun de gouvernement de 1972, et la gauche plurielle de 1997, cette union est en réalité un accord purement électoraliste qui a pour objectif, pour chacun des participants, soit de limiter ses pertes, soit de maximiser ses gains. Il faut y voir de simples manœuvres destinées à sauver ou à gagner des places. Le résultat est le produit de marchandages dans lesquels a été pris en considération l’accès au financement public. Le Canossa des défaits de la présidentielle a non seulement été illustré par le faible nombre de circonscriptions électorales favorables qui leur a été alloué, mais également par un alignement sur les exigences programmatiques de « La France insoumise ».

Une grande convergence

L’alliance des partis de gauche est due en premier lieu à la forte pression des électeurs de gauche. Ces derniers sont à 93 % favorables à un rassemblement auquel les candidats à la présidentielle et leurs écuries se sont refusés obstinément jusqu’au 4 mai. Plus lucides que les états-majors, les citoyens ont bien perçu que les gauches soi-disant irréconciliables sont en réalité bien plus proches qu’il n’y parait. L’analyse des programmes des différentes forces de gauche montre une grande convergence dans les objectifs.

 Dans une tribune au sein du journal « le Monde », neuf universitaires estiment qu’il existe une immense convergence au sein de l’ensemble de la gauche. Au-delà de leur diversité les gauches portent en elles l’idée d’une transformation socio-économique radicale, transformation des modes de production, de consommation et des modes de vie, pour réduire les inégalités et les injustices, et faire face aux urgences écologiques. Tous se retrouvent également sur la nécessité de sortir urgemment de l’hyper-présidentialisation d’une Vème République à bout de souffle et de mettre en place des modes de fonctionnement démocratique renouvelés. Tous partagent aussi la conviction que ces transformations passent par la puissance publique, mobilisée à tous ses échelons, et tous accordent aux services publics et à l’État social une place centrale. Tous sont convaincus que ces transformations se feront par la loi, le dialogue social mais également en mobilisant toutes les initiatives citoyennes et qu’ils ont comme instruments la fiscalité, l’investissement public et le conditionnement des aides aux entreprises privées.

L’accord ne nie pas les différences

Constater les convergences ne doit pas amener à nier les différences et les clivages qui existent entre les structures partisanes, principalement sur l’Europe, les questions internationales, leur conception de la République, les droits des minorités ethniques et religieuses, la prééminence des questions écologiques sur tout autre impératif, mais aussi le rôle de l’État, le nucléaire ou la croissance économique.

Ne peut-on admettre que des échanges approfondis permettraient de lever bien des oppositions apparemment insurmontables ? Par exemple, peut-on imaginer que les défenseurs de la République négligent les discriminations ou que les combattants des discriminations puissent revendiquer un régime politique plus adapté à leur combat que la République ? Sur l’Europe, depuis les dernières élections européennes, une grande partie du fossé n’a-t-elle pas été comblée, dès lors que tous s’accordent désormais à dire que les traités actuels ne sont pas acceptables et récusent le libéralisme économique européen, quand symétriquement plus personne ne demande aujourd’hui un Frexit ?

Ces différences ne sont pas plus importantes que celles qui séparaient les forces au sein du Front populaire ou de la gauche plurielle.

Une alliance historique ?

L’alliance des partis de gauche avant le premier tour des élections législatives est en soit un fait majeur. Dénier la réalité politique et surtout la volonté du peuple de gauche aurait été suicidaire aux législatives. Comme l’analyse Isabelle This Saint-Jean, secrétaire aux études du Parti socialiste et chroniqueuse dans les colonnes d’« Alternatives économiques » : « Le projet politique est en grande partie le même, et les modalités d’action ne sont pas si loin les unes des autres. »  Ce qui est historique c’est l’inversion du rapport de force. C’est la gauche la plus radicale qui organise des alliances avec trois petits partis alors qu’auparavant c’était les modérés qui étaient la force centrale.

Avec cet accord la gauche semble revenir à ce qui fait sa fonction première : représenter une alternative au cours normal des choses, aux injustices, aux inégalités, à la domination du capital sur les femmes et les hommes, à l’exploitation de la nature, à la sous-estimation du changement climatique et du recul de la biodiversité.

Il faudra attendre le 19 juin pour savoir si l’accord passé entre les principaux partis de gauche, regroupés derrière la bannière de la Nouvelle union populaire écologique et sociale est historique et s’il est en mesure de limiter l’importance de la majorité présidentielle voire de l’empêcher.

Le règne du vote utile

Lors du premier tour de ces élections présidentielles les électeurs se sont comportés en stratèges et ont plébiscité le vote utile quel que soit leur choix d’orientation réelle. C’est en tout cas le sentiment que l’on peut avoir en analysant les résultats.


A l’extrême droite, c’est la candidate du Rassemblement National qui a bénéficié du vote utile. Les électeurs de droite radicale ont préféré l’apparente modération aux discours excessifs du polémiste d’extrême droite. Ils ont sans doute estimé que c’était le plus sûr moyen d’accéder au second tour. Pari couronné de succès.

A la droite républicaine la candidate écartelée entre une tendance modérée et une tendance clairement identitaire a vu les intentions de vote en sa faveur fondre comme neige au soleil. Une partie de ses électeurs se sont ralliés au président candidat de centre droit et une partie des identitaires préférant la candidate du Rassemblement National. Au-delà du meeting raté c’est cette division qui a probablement annulé les ambitions de ce camp.

Le candidat des insoumis, se qualifiant lui-même de gauche radicale, a très vite appelé au vote utile, estimant qu’il était le seul à espérer arriver au deuxième tour. Malgré son attitude dominatrice à gauche son appel a été entendu et lui a permis de passer de 9% des intentions de vote à un résultat frisant les 22% des votants attirant une bonne partie des électeurs de Europe écologie les verts, du Parti communiste et du Parti socialiste. Ces derniers, sans pour autant adhérer au programme des insoumis, motivés sans doute par l’espoir que la gauche soit présente au second tour, se sont ralliés au candidat des insoumis.


Alors que les sondages depuis de nombreux mois indiquaient que les français dans leur grande majorité ne voulaient pas se retrouver avec un deuxième tour en 2022 semblable à celui de 2017 avec un duel centre droit contre droite radicale. Dans cette perspective la droite républicaine estimait être la seule à pouvoir accéder au second tour et battre le président sortant au deuxième tour. Le polémiste d’extrême droite espérait battre la candidate du Rassemblement national avec, pour aller vite, de la surenchère identitaire. La gauche divisée animée de la volonté de ne pas renouveler le sortant, a permis au candidat insoumis de profiter de la faiblesse de ses concurrents de gauche sans pouvoir accéder au second tour. La stratégie des différents candidats additionnée aux stratégies des électeurs a donné un résultat à l’opposé de ce que souhaitait la majorité des français.

Les électeurs de gauche comme les électeurs de la droite républicaine se retrouvent devant le choix qu’ils souhaitaient éviter à savoir de choisir entre La République en Marche et le Rassemblement National. Est-ce qu’ils refuseront de choisir ou est-ce qu’ils voteront pour éliminer le candidat le plus néfaste de leur point de vue ? Que va faire l’électeur stratège ? La réponse au soir du deuxième tour !


Ceci étant dit, les choses ne seront pas réglées du point de vue de ces électeurs frustrés de n’avoir que la possibilité d’éviter le pire. Quelque soit la personne élue au deuxième tour Président de la République, il restera aux français à se prononcer aux élections législatives. Le seul moyen de peser sur la politique des cinq prochaines années, en dehors de la mobilisation dans la rue pour ceux qui aspirent à la baisse des inégalités et au progrès social et écologique, sera d’éviter de donner une majorité parlementaire « godillot » au prochain Président. La droite républicaine devra s’appuyer sur son implantation locale si elle ne veut pas disparaitre au bénéfice du centre droit et de la droite radicale. La gauche diverse devra trouver le chemin du dialogue et du compromis si elle ne veut pas être réduite à une portion congrue. A force de répéter que le clivage gauche droite n’a plus de signification aussi bien dans les médias que dans les forces politiques adeptes du flou artistique, nous avons assisté à un marché de dupe qui risque d’avoir des conséquences graves pour l’avenir de la démocratie.

La Gauche en miettes

Élections présidentielles de 2022

Le Parti Socialiste dominant dans la gauche française en 2012 a accédé à la magistrature suprême, à une majorité au Parlement et une majorité dans un grand nombre de territoires. Aujourd’hui la candidate du Parti socialiste à l’élection présidentielle a peu de chance de dépasser les 5% de vote selon les sondages à deux semaines de l’élection. L’ensemble des force politiques qui se réclament de la gauche ne peuvent espérer beaucoup plus que les 25% au premier tour de cette élection. Comment en est-on arrivé là ? Ce recul d’influence peut s’expliquer par de multiples facteurs, d’abord internes à la gauche mais aussi externes.

La gauche est diverse et divisée. La montée progressive de la petite musique indiquant que gauche et droite de gouvernement c’est la même chose justifiant le « ni gauche ni droite » et permettant l’apparition du « et de droite et de gauche » rassemblant le centre gauche, le centre droit et une partie de la droite modérée.

Mais le mal est plus profond. D’abord la chute du mur à l’est et le sentiment courant qu’il n’y avait pas d’alternative au capitalisme et à l’économie de marché. Mais aussi le nécessaire développement de l’Union Européenne, la division sociale du travail dans une économie globalisée, la nouvelle révolution industrielle, la société numérisée, l’évolution des rapports de production, la menace du réchauffement climatique, le recul de la biodiversité et les changements de meurs et de mentalité ont entrainé une mutation de la société qui nécessite le changement du logiciel de la gauche.

Une gauche diverse et divisée

Historiquement la gauche a toujours été diverse. En France les partis de gauche n’ont pu accéder au pouvoir que lorsqu’ils ont trouvé la voie de l’union : le Cartel des gauches (1924-1926), le Front populaire (1936-1938), à la Libération (1944-1948), l’Union de la gauche (1981-1984), la gauche plurielle (1997-2002).

Dans la période plus récente la division s’explique par une rivalité exacerbée des appareils politiques. Le Parti Socialiste dominant a soit exclu de s’allier à certains jugés trop radicaux, soit considéré ses partenaires comme des supplétifs. De plus il lui a été reproché aussi bien en interne (les frondeurs) que par les autres partis de gauche, certains reniements tant au niveau économique que social. En conséquence le Président socialiste sortant en 2017, a renoncé à se représenter.

La faiblesse des socialistes a donné à la gauche radicale (Le Front de gauche puis Les Insoumis) l’idée de devenir dominant à leur tour. Leur posture de critiques, parfois justifiées, se transformant trop souvent en injures d’abord envers le Parti Socialiste mais aussi envers le Parti Communiste et même Europe Écologie les Verts (EELV). Le candidat des Verts à cette élection a lui-même été atteint par ce syndrome de domination après un succès notable pour son parti aux élections européennes mais restant modeste (13%). C’est la course à celui qui fera le meilleur score, ce qui lui donnera le pouvoir de dominer les autres tout en assurant en final un échec collectif.

Au jour où j’écris ces lignes c’est le candidat des Insoumis qui après avoir copieusement dénigré ses concurrents de gauche appelle au vote utile et donc à voter pour lui. Après avoir distribué des coups de pieds il espère des coups de pouce pour accéder au second tour estime Frédéric Says, journaliste à France Culture. Sauf retournement de l’opinion publique il y a peu de chance que cela se traduise favorablement. De plus les sondages, qui ne sont pas « paroles d’évangile », donnent très peu de chance au second tour quelque soit le candidat face au Président candidat sortant. Une fois de plus la preuve sera faite que la gauche ne peut accéder au pouvoir que si ses composantes sont capables de faire l’union.

Mais au-delà des égos des chefs de file, les gauches sont-elles irréconciliables comme ont pu le dire certains ? Leurs divergences sont-elles insurmontables ? Les objectifs communs ne sont-ils pas suffisamment nombreux et importants pour leur permettre d’élaborer des compromis acceptables par tous ou au moins de trouver une méthode pour faire trancher ces divergences par la voie de la consultation populaire ? Il faudrait que cesse les querelles de chapelle si la gauche veut gagner en crédibilité et retrouver la confiance de la majorité des français !

Une union pour quoi faire ?

Dans son ensemble la gauche se doit de faire face aux grands défis de ce premier quart de XXIème siècle en tenant compte des mutations de la société (voir notre article du 20 mars 2022) : préserver la planète du recul de la biodiversité et du réchauffement climatique ; rejeter les politiques néolibérales qui ne font qu’accroitre les inégalités de revenus et de patrimoine qui sont à l’origine d’inégalités de culture, d’éducation, de formation, de santé ;  repenser la philosophie politique de l’action publique en cessant d’affaiblir les services publics et en privilégiant le temps long sur le court terme et donc en réhabilitant la planification ; réindustrialiser notre économie dans le but de développer la souveraineté et l’autonomie stratégique de la France dans le cadre de l’Europe; œuvrer pour une concertation mondiale pour faire face aux crises auxquelles se trouve confrontée la planète ; enfin mettre les sciences et les technologies au service de l’humanité.

Dans le cadre de ces grands défis, la Gauche doit répondre aux aspirations de la majorité des français qui placent aux premiers rangs de leur préoccupations le recul de leur pouvoir d’achat, leur système de santé à la dérive, l’école laïque publique comme moyen d’émancipation et de progrès social, la sauvegarde de notre système de protection sociale. Elle doit aussi proposer de sortir du monarchisme républicain et retrouver un fonctionnement plus démocratique de nos institutions qui ne peut se réduire au vote tous les cinq ans pour un homme ou une femme qui devra décider de tout pendant son quinquennat avec une majorité parlementaire qui lui est dévouée parce que dépendante. Elle doit faire preuve d’imagination et de créativité pour améliorer la participation des citoyens à la vie politique du pays. Toutes les forces qui se définissent de gauche et qui ont la prétention de gouverner doivent adhérer globalement à ces objectifs. Mais le diable se loge dans les détails. Il se peut que sur la manière de répondre à ces objectifs il subsiste des différences. Quand on analyse les catalogues de mesures que chaque camp propose nous pouvons constater des divergences notamment sur l’Europe, le mix énergétique et le nucléaire, la réforme de la constitution, etc… mais si la gauche veut être crédible il faut qu’elle soit capable de régler ces divergences par la négociation et le compromis.

L’échange et la confrontation des points de vue est un élément essentiel de la démocratie. S’il subsiste l’une ou l’autre question d’importance la seule issue est une solution démocratique et par conséquent l’engagement de la faire trancher par un large débat populaire suivi d’un vote sur une question simple et sans ambiguïté. 

Retrouver le débat gauche droite

C’est l’extrême droite qui la première a remis en cause l’opposition droite gauche qui monopolisait le débat politique. Rappelons-nous de la dénonciation de « l’UMPS ». Ni droite ni gauche mais polarisation sur l’immigration et la défense de l’identité nationale. Puis au sein de cette musique s’est engouffré le centre gauche et le centre droit qui a pris le pouvoir en 2017 avec la promesse de faire du « et de droite et de gauche ». A chacun de juger du résultat de cette alliance et de la politique menée sur les cinq dernières années.

Cette élection va probablement se décider à droite car la Gauche sera absente du second tour. Seuls son éparpillement et sa désorientation en sont l’explication. Elle doit se refonder et clarifier les directions qu’elle souhaite prendre pour se retrouver sur des valeurs de progrès. Elle doit définir « une nouvelle voie politique-écologique-économique-sociale », qui englobe les esprits de gauche, tout en rassemblant les Français humanistes, comme le dit Edgar Morin dans son livre « Réveillons-nous » publié aux Éditions Denoël.

Retrouver le débat gauche droite est non seulement important pour la gauche mais aussi pour la droite républicaine qui doit se libérer de l’influence néfaste des identitaires nationalistes qui, comme l’analyse le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, ramènent tout à des questions d’identité, d’enfermements nationalistes comme cette expression absurde de « grand remplacement » qui n’a de sens que « dans le cadre d’une pensée tribaliste, où une tribu s’inquiète d’être remplacée par une autre ».

Le retour de ce débat est aussi important pour la France, pour lui permettre de sortir du flou et de la confusion générée par le « et de droite et de gauche » qui participe au désintérêt des Français pour la politique, ce qui se traduit par une abstention de 30% prévue par les sondages.

La pandémie a conduit à une intervention puissante de l’État aux États Unis et en Europe, en particulier en France. Le recul de la biodiversité et le réchauffement climatique rendent indispensable une coordination internationale de l’action des États. La guerre déclenchée par la Russie en Ukraine met en évidence, entre autres, l’interdépendance au niveau énergétique. Il est de plus en plus question de souveraineté, d’autonomie et d’indépendance dans plusieurs domaines considérés comme stratégiques. La puissance publique doit reprendre la main. Les États doivent faire face à l’instabilité et intervenir massivement pour faire face aux crises qui surviennent régulièrement. Il faut mettre fin au dogme néolibéral qui prétend que le « laisser faire » est la garantie de l’équilibre, que l’État ne doit pas se mêler d’économie et que l’enrichissement des plus dynamiques bénéficiera par ruissellement à tous. La démonstration est faite que cela ne mène qu’à l’augmentation des inégalités. Le recul des politiques de redistribution par la fiscalité a eu pour conséquence d’augmenter les écarts de revenus et de patrimoine au bénéfice des plus riches par rapport aux catégories sociales moyennes sans pour autant sortir du marasme les catégories les plus défavorisées. Sans un rééquilibrage des taux de croissance du capital et du travail et sans une politique volontariste de redistribution par la fiscalité et les prestations sociales, les inégalités ne pourront que continuer à se développer. Peut-être faudra-t-il aller jusqu’à la remise en question de la propriété privée comme le fait Thomas Piketty dans son dernier livre ?

Dans une étude publiée en décembre 2021, le conseil d’analyse économique montre que la part de la fortune héritée dans le patrimoine total est passée, depuis les années 1970, de 35 % à 60 %. Peut-être faut-il aussi se demander comme le fait dans une enquête Anne Chemin, journaliste au journal Le Monde, si l’héritage va de soi. Après une éclipse de plus d’un siècle, le débat sur le bien-fondé de la transmission héréditaire refait surface. Les Français semblent contre mais ils ignorent que 40% d’entre eux n’héritent de rien.

Xavier Ragot, président de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) et chercheur au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifiques), dans un entretien au journal Alternatives économiques défend l’idée qu’en France, il faut penser les forces productives à l’horizon de dix ans et retrouver un commissariat au Plan, « lieu de rencontres entre universitaires, chefs d’entreprises, syndicats, fonctionnaires etc. pour réfléchir ensemble à l’avenir et construire des compromis ». Nous avons à faire des choix de société dont il faut débattre collectivement. Le capitalisme a de plus en plus besoin de l’État-providence pour la santé, l’éducation, la dépendance etc. Le sujet de fond, c’est comment lui assurer une place plus importante et comment traiter le sujet au niveau européen pour éviter une course au moins-disant social. »

En conclusion, pour autant qu’il soit possible de conclure, je dirais que l’objectif premier de toute société démocratique est d’améliorer le sort de tous. Le bien-être de tous au niveau national comme au niveau international doit être le guide de toute action individuelle et collective. Il n’est plus possible de laisser une petite minorité s’accaparer l’essentiel des richesses car cela entraine un développement de la désespérance qui ne peut que nuire à la démocratie.

Les grands défis de ce premier quart du XXIème siècle

Au cours de cette année électorale 2022 nous allons être amenés à faire le choix d’un président de la République et d’élire une majorité parlementaire pour cinq ans. Année importante pour la démocratie française que beaucoup trouve mal en point. Notre pays se trouve confronté comme la plupart des pays à de grands défis que l’on aimerait voir émerger dans cette campagne électorale. Ce qui n’est toujours pas le cas au moment d’écrire ces lignes à moins d’un mois du premier tour de l’élection.

Quels sont ces défis de mon point de vue ?

Le défi climatique

Recul de la biodiversité

La biosphère est un vaste système complexe autorégulé et autoreproducteur de régulations interdépendantes, dans la reproduction duquel la vie, et par conséquent l’espèce humaine, joue un rôle primordial. Le développement de la vie contribue à modifier ce système. L’existence de limites, en-deçà et au-delà desquelles la vie ne peut pas se développer, joue un rôle fondamental dans sa pérennité. La diversité des espèces est un facteur essentiel de sa pérennité.

La biodiversité est compromise. Les effets du changement climatique sont incontestables. La crise environnementale, la crise du développement, et la crise de l’énergie ne font qu’un. Cette crise n’inclut pas seulement le changement climatique, le recul de la biodiversité mais aussi d’autres problèmes liés à la croissance de la population mondiale.

Le changement climatique

La Cop 21, qui s’est tenue en France en 2015, a pris une portée mondiale. Le projet d’accord final, adopté à l’unanimité par les 175 pays participants. Le texte, non contraignant, a fixé l’objectif de limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, en visant la barre des 1,5°C.

Les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) ont augmenté en 2017 après avoir été stables pendant les trois précédentes années. Cette augmentation souligne la nécessité impérative pour les pays de respecter l’Accord de Paris sur le climat et de maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 2°C.

Au cours des Cop suivantes de légers progrès ont été enregistrés mais la communauté internationale, en revanche, a échoué à s’engager sur une hausse significative des efforts collectifs dans la lutte contre le changement climatique, malgré les catastrophes qui se multiplient à travers le monde. Lors de la Cop26 en novembre 2021 à Glasgow les pays développés se sont engagés à doubler l’aide consacrée à l’adaptation, mais ils sont loin de respecter leurs engagements.

Le nouveau rapport du GIEC

Le nouveau rapport du Groupe d’Experts intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC) publié le 28 février 2022 dresse à nouveau un bilan alarmant. Le changement climatique, causé par les émissions de gaz à effets de serre, a déjà entamé des effets négatifs généralisés et causé des dégâts irréversibles à l’ensemble des sociétés et de la nature. Toute vie sur terre est devenue vulnérable au réchauffement et en particulier aux évènements extrêmes qui ne cessent de se multiplier. Contenir le réchauffement climatique à 1,5°C réduirait considérablement les conséquences sans pouvoir les éliminer. En cas de dépassement de cette limite les effets négatifs et les dégâts irréversibles augmenteront. Il est donc impératif de contenir ce réchauffement et de prendre rapidement des mesures d’adaptation à toutes ses conséquences. Les auteurs du rapport estiment qu’un développement résilient au changement climatique est possible sur la base de l’équité et de la justice. Mais cela sera de plus en plus difficile si l’on tarde à agir.

Le secrétaire général de l’ONU dit que « ce rapport du GIEC est un atlas de la souffrance humaine et une accusation accablante de l’échec du leadership climatique. Les plus grands pollueurs du monde sont coupables de l’incendie criminel de notre seule maison. » Il appelle les pays à sortir du charbon, à faire une transition vers les énergies renouvelables et à financer l’adaptation aux conséquences du réchauffement à hauteur de 50% des fonds climat.

La rupture de l’équilibre entre la planète et les humains qui l’habitent s’appelle l’Anthropocène. Cette rupture fait ressortir notre immense responsabilité mais crée aussi l’opportunité de redéfinir notre rapport à la terre.

Le défi économique et social

Développement des inégalités

Les études de la World Inequality Database sur les inégalités mondiales publiées en décembre 2021 ont permis de montrer que les pays occidentaux, après avoir connu une baisse des inégalités économiques sur le temps long de l’histoire, sont entrés dans une phase de reconstitution de très fortes inégalités depuis plusieurs décennies, non seulement au niveau des revenus mais aussi au niveau des patrimoines.

Les excès de la mondialisation financière expliquent en partie le creusement des écarts de revenus et de patrimoine ces dernières décennies. Les inégalités culminent à des niveaux historiquement élevés. En moyenne les 10% des adultes les plus riches de la planète captent 52% des revenus mondiaux, lorsque 50% des plus pauvres s’en partagent 8,5%. Les disparités de patrimoine sont plus fortes que celles de revenus. La moitié la plus pauvre de la population mondiale ne possède que 2% de la richesse des ménages tandis que les 10% les plus aisés en détiennent 76%.

L’hégémonie culturelle du néolibéralisme

De nombreux discours conservateurs tentent de donner des fondements naturels et objectifs aux inégalités et expliquent que les disparités sociales en place sont dans l’intérêt de la société dans son ensemble. Selon eux les inégalités sont nécessaires pour accroitre la productivité et la croissance.

Dans la deuxième partie du XXème siècle les prophètes du néo-libéralisme de « l’école de Chicago » sont convaincus que du déchainement des appétits privés jaillira un bien-être collectif. Ils promettent l’opulence par le libre jeu du marché, le plein emploi par la croissance, la productivité par la compétition, la prospérité commune par la rentabilité, la mise en valeur de toute la planète par la libre circulation des capitaux et la richesse monétaire comme valeur suprême.

Les politiques néolibérales sont devenues culturellement dominantes et ont bouleversé le panorama des inégalités. La promesse néolibérale de dynamisation de la croissance par la baisse de la fiscalité des plus riches n’a pas marché. La théorie du ruissellement n’a pas généré la prospérité pour tous. Le recul des politiques de redistribution par la fiscalité a eu pour conséquence d’augmenter les écarts de revenus et de patrimoine au bénéfice des plus riches par rapport aux catégories sociales moyennes sans pour autant sortir du marasme les catégories les plus défavorisées.

Repenser la philosophie politique de l’action publique

Depuis que cette vision néolibérale s’est imposée le taux de croissance des revenus du capital s’est accéléré alors que la croissance des revenus du travail a stagné voire reculé. Sans un rééquilibrage de ces taux de croissance du capital et du travail et sans une politique volontariste de redistribution par la fiscalité et les prestations sociales, les inégalités ne pourront que continuer à se développer.

Le mouvement des « gilets jaunes », la crise sanitaire et la guerre en Ukraine remettent l’État et son intervention stratégique au cœur de la dynamique économique. Depuis deux ans les politiques publiques volontaristes visent à limiter les conséquences de la crise sanitaire et à relancer l’économie. Il est nécessaire de repenser la philosophie politique de l’action publique dans l’économie. Le développement économique tant au niveau national qu’européen ne peut être pensé indépendamment des enjeux environnementaux, des exigences sanitaires, des questions de réindustrialisation, des logiques redistributives et ce dans la perspective d’une diminution de notre dépendance dans tous les secteurs stratégiques que sont l’énergie, l’alimentaire et le sanitaire. Les enjeux sont tels qu’ils nécessitent le retour d’une planification sur le temps long structurant et guidant l’action publique au niveau économique.

La réalisation du profit maximum à court terme ne peut plus être la seule motivation en matière d’activité économique. L’objectif premier de toute société démocratique est d’améliorer le sort de tous. Le bien-être de tous au niveau national comme au niveau international doit être le guide de toute action individuelle et collective. Si l’État continue à laisser le 1% de la population s’accaparer l’essentiel des richesses et mettre à contribution les classes moyennes et populaires, il laisse se développer une désespérance qui ne peut que nuire à la démocratie.

Le défi politique

La fin de l’histoire

Il y a trente ans, Francis Fukuyama prédisait le triomphe du modèle libéral sur toute la planète. Il pense que la 3ème guerre mondiale n’aura jamais lieu mais craint une résurgence du terrorisme et des guerres de libération nationale. Il prédit la fin des idéologies du XXème siècle au profit d’un marché mondial ouvert. Dans les mois qui suivent, le bloc soviétique s’effondre et le monde se transforme. La mondialisation mute en globalisation. La financiarisation de l’économie au niveau mondial, le développement d’un capitalisme dominateur sans limite qui ignore les frontières, la concurrence de tous contre tous entrainent un bouleversement de l’ordre du monde qui ne crée pas le bien-être de tous mais une explosion des inégalités entre les pays développés et les pays en développement et à l’intérieur des pays les inégalités entre riches et défavorisés ainsi qu’un appauvrissement des classes moyennes.

Yoshihiro Francis Fukuyama
Un nouvel affrontement

L’affrontement monde capitaliste contre monde socialiste disparait progressivement et laisse la place à l’affrontement entre démocraties et autocraties. La Chine et la Russie multiplient depuis plusieurs mois les déclarations agressives contre l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et contre les ingérences extérieures. La Chine a pris violement le contrôle total de Hong Kong et a maté les revendications de démocratie dans l’île. Elle ne cache pas sa volonté de se rattacher Taïwan Aujourd’hui c’est la Russie qui, après avoir défié l’occident en Syrie, a envahi l’Ukraine avec pour ambition de la ramener dans le giron russe. Les dirigeants chinois et russes ne cachent pas leur mépris du système démocratique qui est faible et incapable d’assumer des risques importants. Ils louent ensemble l’efficacité de leur système autocratique et se promettent une amitié sans limite.

Le retour de l’arme nucléaire

Alors que, pendant la guerre froide, l’arme nucléaire était destinée à ne pas être employée, son utilisation est aujourd’hui brandie comme possible. Depuis le début de l’offensive en Ukraine, le Président russe agite la menace nucléaire. Il a averti les pays qui s’opposeraient à son intervention qu’ils s’exposeraient à des conséquences « comme ils n’en ont jamais vu ». Les enjeux de la dissuasion reviennent au premier plan.

Souveraineté et autonomie stratégique de l’Europe

L’invasion de l’Ukraine oblige les États Unis à ne pas regarder que du côté de l’Asie et à respecter leurs engagements en Europe. L’Union Européenne doit prendre conscience qu’elle doit d’abord compter sur elle-même pour sa défense devant les orientations futures de la puissance américaine en direction de l’Asie. La guerre en Ukraine aide à cette prise de conscience qu’il n’est plus possible devant ce nouvel ordre du monde, s’il ne l’a jamais été, d’être uniquement dépendant des Américains. Les chars russes en Ukraine et une agression à ses frontières par une puissance nucléaire ont réveillé l’Union Européenne.

Après la crise sanitaire et maintenant la guerre à ses portes qui ont mis en évidence les faiblesses de l’UE et ses dépendances stratégiques, la souveraineté européenne et son autonomie stratégique sont une priorité incontournable.

La nécessité d’une gouvernance mondiale

Plus que jamais le monde est confronté à de multiples défis : dérives financières, épuisement des ressources naturelles, dérèglement climatique, productivisme agricole, manipulations génétiques dangereuses pour notre alimentation, destruction de la biodiversité, rareté croissante de l’eau potable, développement des inégalités inter et intra nationales, menaces terroriste et nucléaire, pandémies virales, dérèglements politiques, … cette liste n’est hélas pas exhaustive. Il s’agit d’une conjonction de crises d’envergure mondiale.

Pour répondre aux problèmes mondiaux il faut des réponses mondiales. Des éléments de régulation internationale et quelques institutions agissent à l’échelle mondiale mais c’est loin d’être suffisant. Les intérêts nationaux prévalent encore en transformant chaque rencontre internationale en séance de marchandages. Comme l’a définie Stéphane Hessel, « la gouvernance mondiale c’est la capacité de s’élever au-delà des marchandages entre intérêts nationaux pour prendre des décisions politiques planétaires au nom de l’humanité. »

L’envergure mondiale des différentes crises auxquelles nous sommes confrontées rend nécessaire, même si cela apparait complètement utopique, au moins une concertation de l’ensemble des pays de la planète. La réforme en profondeur du seul embryon de gouvernance mondiale existant aujourd’hui, l’ONU, semble indispensable. Il reste la seule institution légitime malgré ses faiblesses pour établir un véritable dialogue et affronter les problèmes qui se posent au monde dans un cadre universel démocratique et rénové.

Le défi technologique

Les mutations scientifiques et techniques

Les mutations scientifiques et techniques ont des effets profonds sur l’identité humaine. Le progrès médical a provoqué au XXème siècle un allongement considérable de la vie. Dans le même temps la médecine brouille la définition de la mort. Les enfants qui naissent aujourd’hui ont une espérance de vie de cent ans. La procréation médicalement assistée ne permet pas simplement la naissance d’enfants qui autrement ne seraient pas nés. Elle modifie le désir même d’enfant. Savoir ce qui nous a permis de venir au monde est une question centrale de notre identité subjective. Notre rapport à la santé, à la douleur, au temps, à la mort et à la transmission de la vie, notre manière de nous représenter l’humain et son évolution sont en train de changer. Cela constitue une cassure par rapport à la totalité de l’expérience humaine, ce que Marcel GAUCHET, philosophe, appelle une « rupture anthropologique ».

Confrontation de l’humanité au progrès technologique

Le mouvement transhumaniste voit l’être humain accéder à un stade supérieur de son évolution grâce aux technosciences. Il promeut l’avènement d’un surhomme technologique soustrait à tout ancrage naturel. Il prétend défendre un modèle d’amélioration de l’être humain qui se veut en continuité avec celui promu par le siècle des Lumières. L’amélioration de l’individu et de ses performances physiques, intellectuelles et émotionnelles n’est envisagée que sous l’angle technoscientifique. Cette quête biotechnologique de l’amélioration et de l’augmentation de l’humain occulte la dimension sociale du combat des Lumières pour l’institution d’une société plus juste.

En biologie le clivage entre vivant et non vivant devient problématique. Dans le domaine de l’intelligence artificielle, la différence entre machine et conscience se brouille. Dans le monde numérique, où par définition on ignore les frontières, avec la mondialisation on prétend les abolir. On rêve de s’affranchir des limites du corps, du temps, de l’espace, on s’efforce d’augmenter indéfiniment nos capacités productives, notre confort de vie. Mais une conscience aigüe des limites émerge comme l’autre face de notre présent et révèle une tension entre le désir d’illimité et la conscience des limites.

Contrôler le pouvoir de nuire de la technique

L’individu évolue et se constitue autrement à mesure que bougent les techniques, l’histoire et les sociétés. Il se construit différemment, s’inscrit dans de nouveaux schémas. Longtemps nous avons cru avec le siècle des lumières que la responsabilité des humains était de faire progresser les savoirs, perfectionner les techniques, et ainsi permettre à l’humanité de gagner sa liberté sur terre. Mais l’histoire du XXème siècle a prouvé que sciences et techniques, loin de rendre les humains meilleurs, pouvaient leur permettre de tuer plus. Les progrès des sciences et les raffinements de la culture ne constituent en rien des digues contre la barbarie.

Notre responsabilité est de contrôler le pouvoir de nuire de la technique. Sa puissance est devenue telle qu’une catastrophe pourrait mettre un terme à l’humanité. Avec les nouvelles possibilités de manipulation du vivant, de réorganisation de l’ADN, cette analyse se révèle d’une actualité brulante. Comment faire le tri entre une technique scientifique constituant un progrès légitime et une technique qui menacerait la nature humaine dans son essence biologique ? Préserver les conditions d’une vie éthique collective et démocratique, d’une pensée de la dignité de l’humain, d’une résistance à la prolifération des techniques sous la pression du marché.

La technique n’est pas la science, elle peut devenir de la marchandise, la science pas nécessairement. C’est l’usage capitaliste des techniques, leur rentabilisation immédiate dans la recherche du profit qui favorisent et introduisent des mutations accélérées. La technique est rendue dangereuse par sa prolifération marchande incontrôlée.

La bioéthique, pont entre les sciences de la vie et les valeurs humanistes

La confiance aveugle envers les sciences et les techniques est une erreur, la défiance systématique en est une autre. Ce n’est pas la technique qui est en soit bénéfique ou maléfique, mais les usages qu’on choisit d’en faire. Nous devons rester vigilants quant aux possibles dérives, aux possibles mauvais usages des découvertes scientifiques. Aidons le plus grand nombre à comprendre, à avoir accès aux connaissances, pour que chacun ait les moyens d’un jugement approprié. L’ignorance laisse à un petit nombre la responsabilité des choix qui peuvent être sujet à toutes les influences et notamment à la pression économique dès lors que les découvertes qui ont des applications à grande échelle, laissent entrevoir une rentabilité financière. Gardons un œil critique sur les conséquences sociales et les dérives possibles de la recherche et ses applications. Veillons à faire participer la société au débat sur les orientations de la recherche en biologie et ses applications.

Mettre les sciences et les technologies au service de l’humanité

L’interdépendance des différentes espèces au sein d’un écosystème n’est plus à démontrer. Les activités humaines détruisent des équilibres naturels, produisent des gaz à effet de serre, provoquent le réchauffement climatique, épuisent les stocks d’énergie que l’on sait limités. L’idée que l’humain peut détruire le monde terrestre et ainsi se détruire lui-même émerge et pose le problème des limites de l’activité humaine et de sa responsabilité vis-à-vis de la nature. L’humain est une partie d’un tout qui a la particularité d’être responsable de la conservation de ce tout. Nous devons prendre conscience de nos limites et développer un humanisme différent, un humanisme de la diversité.

Plus que jamais, avec sens des responsabilités et sagesse, l’homme a besoin des principes éthiques des Lumières pour mettre les sciences et les technologies au service de l’humanité et non l’inverse.

Conclusion

Selon la constitution française l’élection présidentielle, quoiqu’on en pense, devrait être un moment privilégié pour permettre aux citoyens de faire des choix importants pour les cinq années à venir. Plutôt que des catalogues de mesures déterminées le plus souvent par des analyses de marketing politiques destinées aux catégories de population dont on souhaite s’attirer les suffrages, mesures qui le plus souvent seront rendues obsolètes par l’évolution du monde, nous aimerions savoir comment les différents candidats comptent faire face à ces grands défis que nous venons d’énumérer et quel type de société ils comptent mettre en œuvre. Ce sont les réponses à ces défis et les grands choix sociétaux qui, en fonction de l’évolution de la situation, détermineront avec un minimum de cohérence les mesures qui devront être prises par les gouvernants en principe sous le contrôle des citoyens. C’est en sollicitant les citoyens sur ces grands choix que l’on pourra revivifier notre système démocratique et les faire se prononcer sur ce qui influencera vraiment leur vie à venir.