L’alternative au chaos

Une dissolution pour clarifier ?

Dès l’annonce de l’échec de la liste Renaissance aux élections européennes du début juin 2024, le Président de la république annonce la dissolution de l’assemblée nationale. Il décide ainsi de donner la parole au peuple dans la perspective de provoquer une clarification de la situation. Il convoque les élections législatives dans un délai très court avec un deuxième tour le 7 juillet alors que l’extrême droite réalise une poussée notable.

La gauche émiettée réussit en quatre jours à reconstruire son unité en créant le Nouveau Front Populaire (NFP) avec un contrat de législature basé sur un programme économique et social assez développé. Le parti « Les Républicains » explosent avec le ralliement au Rassemblement national (RN) de son président partisan de l’Union des droites. Le parti du Président (Renaissance) se prononce pour le non aux extrêmes de droite comme de gauche. La campagne est courte et très tendue.

Une poussée inquiétante de l’extrême droite

A l’issue du premier tour le RN est en tête avec le plus grand nombre d’élus mais voit se constituer un front républicain sans condition à gauche et avec quelques hésitations chez Ensemble pour la république ( EPR – le nouveau nom de Renaissance) où l’aile droite maintient le « ni-ni ».

Au soir du 7 juillet le rêve de la majorité absolue pour le RN s’effondre. Le désistement de la gauche et d’EPR pour faire barrage au RN relègue ce dernier en troisième position avec un NFP en première position sans atteindre la majorité absolue. EPR s’en tire bien en arrivant à être le deuxième groupe de l’assemblée.

Une assemblée nationale sans majorité

Au sein de l’assemblée nationale, le NFP, le RN et EPR, sont les groupes les plus importants mais aucun n’atteint la majorité absolue nécessaire pour gouverner. La logique institutionnelle aurait dû amener le Président de la république à nommer un premier ministre issu du NFP quitte à ce que celui-ci constitue un gouvernement minoritaire.

Mais le Président de la république a profité de l’organisation des Jeux Olympiques à Paris pour laisser passer le temps. Il permet que se constitue une minorité plus nombreuse alliant EPR et Les Républicains. Le nouveau premier ministre, issu de LR, constitue son gouvernement minoritaire à l’Assemblée avec la neutralité bienveillante du RN qui impose certaines conditions et le tient comme la corde tient le pendu.

Un déni démocratique

En résumé, le président a voulu sortir son camp d’une minorité à l’assemblée et provoquer une clarification de la situation. Le résultat des élections marque un désaveu de la politique menée par le gouvernement sortant. Le président nomme un nouveau gouvernement avec une minorité encore plus faible que la précédente regroupant les perdants des élections législatives, un déni démocratique.

Une situation financière alarmante 

La situation financière s’avère encore plus catastrophique que celle annoncée précédemment et oblige le gouvernement à préparer un budget de crise. Le nouveau premier ministre s’efforce de changer de méthode mais sur le fond pas grand-chose de nouveau. Au niveau économique les ministres concernés sont issus des défenseurs de la politique précédente. IIs veulent continuer la politique néolibérale poursuivie depuis plusieurs années, qui a été rejetée massivement et qui nous a mené dans le mur.

La dette publique s’élève à plus de 3000 milliards d’euros. Après un déficit de 5,5% du PIB (Produit Intérieur Brut) en 2023, la tendance actuelle prévoit 6% cette année et encore plus l’an prochain.

Plus de justice fiscale ?

Certes le premier ministre annonce qu’il faut plus de justice fiscale et veut abandonner le dogme du « pas de nouveaux impôts » soutenu par le président. C’est d’ailleurs une obligation car ce qui est à l’origine de ce déficit, de l’avis de nombreux économistes, c’est le manque de recettes. La croissance qui devait résulter de la politique de l’offre c’est-à-dire, pour aller vite, de l’allègement des charges des entreprises n’est pas au rendez-vous.

Les économistes de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) estiment que la croissance française serait divisée par deux en 2025 si le budget déposé par le gouvernement Barnier était adopté en l’état.

Changer de politique

Changer de politique pour répondre aux besoins des français est le seul moyen d’éviter de nous retrouver dans une impasse dans quelques mois. Le NFP défend une autre stratégie budgétaire et propose de lever de nouvelles recettes. Grâce à ces mesures fiscales, la France serait en mesure de réduire le déficit tout en augmentant immédiatement les investissements dans les services publics et les secteurs d’avenir.

La philosophie est très différente de celle du gouvernement Barnier, qui est centrée sur la simple réduction du déficit, au prix d’effets récessifs significatifs c’est-à-dire réduire la croissance de moitié. Le programme du Nouveau Front populaire propose une stratégie budgétaire qui augmente les dépenses publiques, stimule l’activité économique et permet de dégager des recettes supplémentaires.

A l’Assemblée nationale les différents partis du NFP montrent leur convergence de vue dans le domaine économique et social. L’unité affichée lors du débat budgétaire ne doit pas nous faire oublier que sur l’international, les institutions ou le régalien les positions ne sont pas alignées.

Trouver la voie de l’Union

En France l’histoire nous montre que la gauche a toujours été diverse. Les partis de gauche n’ont pu accéder au pouvoir que lorsqu’ils ont trouvé la voie de l’union. C’est pourquoi les électeurs de gauche, quelque soit leur sensibilité, poussent leurs représentants à faire l’union. Les points d’accord sont bien plus importants que les points de divergence. Chacun doit avoir le souci de respecter ses partenaires et leurs différences.

Au-delà de la guérilla parlementaire qui se déroule à propos du budget 2025, où la Gauche a pu montrer son unité, il faut que chaque composante de la gauche ait en tête l’avenir et recherche les compromis indispensables pour élaborer une politique de long terme qui lierait réforme économique, réforme de l’État et réforme écologique.

Répondre aux défis de ce premier quart de siècle

Ce projet politique doit répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés en ce premier quart de XXIème siècle.

Le défi économique et social avec la mise en place d’une alternative au néolibéralisme et la baisse des inégalités.

Le défi climatique avec la lutte contre le réchauffement de la planète et le recul de la biodiversité.

Le défi technologique avec la confrontation de l’humanité au progrès technologique.

Le défi politique avec l’affrontement larvé entre les États Unis et la Chine pour la domination du monde et l’agression de l’Ukraine par la Russie qui veut reconstituer l’empire russe.

Le défi démocratique en rejetant la verticalité du pouvoir et en favorisant une plus grande participation des citoyens.

Ce sont les réponses à ces défis et les grands choix sociétaux à faire qui détermineront avec un minimum de cohérence les mesures qui devront être prises par les gouvernants sous le contrôle des citoyens. C’est en sollicitant les citoyens sur ces grands choix que l’on pourra revivifier notre système démocratique et les faire se prononcer sur ce qui influencera vraiment leur vie à venir.

Élaborer un projet politique de long terme et répondre à ces défis sont les conditions pour que la gauche redevienne un parti de gouvernement de transformation démocratique et sociale.

Un gouvernement, pour faire quelle politique ?

Après des élections européennes, une dissolution de l’Assemblée Nationale, des élections législatives et deux mois de réflexion et d’hésitation nous voilà nantis d’un gouvernement. Mais nous pouvons légitimement nous interroger sur la politique qu’il va pouvoir mener.

Qui perd gagne ! 

Le résultat des élections européennes de juin 2024 est sans appel. Il marque un désaveu de la politique menée par le Président de la république et son gouvernement. Suscitant l’effroi de ses partisans, le Président a décidé de dissoudre l’Assemblée Nationale pour provoquer une « clarification de la situation » avec l’espoir sans doute de sortir son camp de la majorité relative à l’assemblée. Le résultat est pire que mieux ! Nous nous retrouvons avec une majorité relative encore moins importante que la précédente puisqu’aucun des groupes politiques importants, le Nouveau Front Populaire (NFP), le groupe Ensemble Pour la République (EPR), l’extrême droite, ne dispose d’une majorité suffisante pour gouverner.

Un gouvernement minoritaire

Le président de la république, contrairement à la pratique constitutionnelle a refusé de nommer un premier ministre issu du NFP, groupe arrivé en tête, au prétexte qu’il sera l’objet d’une motion de censure à la première occasion comme annoncé par les autres groupes. Après avoir imposé une longue période de réflexion, il charge un nouveau premier ministre de mettre en place un gouvernement composé des perdants de la période électorale c’est-à-dire « Ensemble pour la République » et « Les Républicains ». A l’assemblée Nationale les élus susceptibles de soutenir ce gouvernement sont environ 230, donc loin d’atteindre la majorité qui nécessite 289 députés. Ce nouveau gouvernement dirigé par un homme issu des rangs « Les Républicains » est composé en majorité des soutiens du Président. Il est minoritaire mais bénéficie, pour l’immédiat, d’une neutralité de l’extrême droite qui ne souhaite pas le censurer tout de suite.

Une situation financière préoccupante

Mais un gouvernement pour faire quelle politique ? La sempiternelle rengaine de la dette publique est chantée sur tous les tons par tous les tenants du néolibéralisme, amplifiés par les médias. Il faut vite préparer les esprits à la mise en œuvre de l’austérité ! Il ne s’agit pas de nier l’évidence, la dette publique de plus de 3000 milliards est préoccupante mais ceux qui le crie le plus fort sont ceux qui l’ont généré pendant de nombreuses années. Les dernières données fournies par Bercy sont inquiétantes. Après un déficit de 5,5% du PIB en 2023, la tendance actuelle prévoit 5,6% cette année et 6,2% l’an prochain. Mais y-a-il trop de dépenses publiques en France ?

Le défi du déficit public

Selon le Fonds monétaire international (FMI), la France a consacré pour ses dépenses publiques l’équivalent de 58,3% de son produit intérieur brut, assez loin devant l’Italie (56,7%), la Belgique (53,5%), l’Allemagne (52,5%) ou encore le Danemark (44,9%). Pour la droite c’est un triste record qui rend indispensable la mise au régime la puissance publique. Ce diagnostic mérite d’être pris avec précautions. En effet le ratio « dépenses publiques /produit intérieur brut » présente des défauts. Il suffit d’une baisse radicale du PIB pour faire grimper le ratio. De plus il fait dire à certains que l’État accapare plus de la moitié des richesses crées ce qui est factuellement faux. En fait l’État prélève 53,5% des richesses en 2022 et redistribue 58,3% sous forme directe en prestations sociales ou sous forme indirecte en services. C’est l’écart entre les deux qui représente le déficit public. L’utilisation de ce chiffre laisse penser que l’État dépense trop. En fait ces dépenses se partagent entre l’administration centrale, la sécurité sociale et les collectivités locales. C’est la protection sociale qui pèse le plus lourd. Enfin ce ratio compare des périmètres très variés. Par exemple les retraites en France sont très largement socialisées alors que dans d’autres pays elles sont davantage privées. Et ce n’est qu’un exemple, il y en a bien d’autres notamment dans le domaine social. Comparer des pays aux fonctionnements très différents c’est comparer des pommes et des poires.

Réduire les dépenses et/ou augmenter les recettes

En 2023 la France a bouclé son budget avec un déficit de 154 milliards d’euros. L’État en a été le principal responsable loin devant les collectivités locales. La sécurité sociale était en excédent. Donc pour réduire le déficit il faut tailler dans les dépenses publiques et /ou augmenter les recettes. Le déficit de 154 milliards d’euros représente la moitié du montant des retraites versé chaque année, c’est presque deux fois le budget de l’Éducation nationale, et presque quatre fois celui de la transition écologique. Il est toujours possible de gratter quelques milliards sur les chômeurs ou les futurs retraités comme cela a été fait ces dernières années, mais on voit bien que les besoins économiques et sociaux sont tels qu’il est illusoire de penser que la France peut retrouver une situation équilibrée budgétairement sans augmenter les recettes.

Des baisses d’impôts coûteuses

Sur la période 2017-2023, il y a eu d’importantes baisses d’impôts dont l’accumulation commence à coûter cher. Selon la Cour des comptes le manque à gagner annuel est de 62 milliards. Qui a bénéficié de ces cadeaux fiscaux ?

Les entreprises, au nom de la compétitivité, ont été particulièrement bien servies. Les impôts de production ont été réduits via différentes mesures. Ce sont principalement les grandes entreprises qui ont profité de ces réductions dont elles n’avaient pas forcément besoin. La facture est de 11,8 milliards d’euros par an. Le taux d’imposition sur les sociétés est passé de 33,3% en 2017 à 25% en 2022. Le manque à gagner annuel pour l’État est de 11,1 milliards d’euros. Selon l’Institut des politiques publiques (IPP) ces mesures ont profité aux entreprises de taille intermédiaire et aux grandes entreprises indépendamment de l’amélioration de leur productivité car le niveau de fiscalité n’est pas le déterminant principal de la compétitivité des entreprises.

Les ménages ont aussi bénéficié de baisses d’impôts. En 2018 un prélèvement forfaitaire unique, flat taxe, de 30% sur les revenus financiers a remplacé un barème progressif. Les très riches sont moins taxés qu’avant. L’impôt sur la fortune a été remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière, 3 milliards de manque à gagner. L’Institut des politiques publiques révèle que le niveau de vie du top O,1% de la population a augmenté de 2,1% du fait de la suppression de l’ISF et de 3,8% du fait de l’instauration de la flat taxe. La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales a profité là aussi aux français les plus aisés. L’impôt sur le revenu a été allégé en milieu de barème après la crise des gilets jaunes. Cela a permis une hausse du revenu disponible de 50% des ménages les plus aisés.

Dans l’ensemble, ce sont les entreprises, les classes moyennes et les plus riches qui ont profité des mesures fiscales mises en œuvre ces dernières années. Les choix budgétaires de ces dernières années ont rendu les impôts de plus en plus injustes.

Il faudrait plus de justice fiscale

L’impôt sur le revenu, l’impôt sur la fortune immobilière et les droits de mutation sont des impôts progressifs. Ils sont en principe plus justes puisque le prélèvement s’accroit avec le revenu. A eux trois ils représentent moins de 10% du montant récolté par l’ensemble des prélèvements obligatoires. De plus ils sont grignotés par de nombreuses niches fiscales.


 

Les cotisations sociales, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et la contribution sociale généralisée (CSG) sont des prélèvements proportionnels et pèsent bien plus lourd que l’impôt sur le revenu. Les cotisations sociales sont légèrement progressives sur les bas salaires et dégressives sur les plus hauts salaires. La TVA pèse proportionnellement davantage sur les revenus des ménages les moins favorisés puisqu’une plus large part de leurs revenus sont consommés. La CSG créée en 1990 pour financer la protection sociale est devenue l’un des principaux impôts en France aujourd’hui. Entre 2017 et 2023 les sommes récoltées par la TVA ont augmenté de 26%, celles de la CSG de 49%, celles de l’impôt sur le revenu de 21% alors que celles de l’impôt sur la fortune ont chuté de 55%. Globalement les impôts contribuent à augmenter les inégalités même si par ailleurs ils servent à financer les services publics et la protection sociale. Les recettes laissent à désirer mais les dépenses changent la donne. 500 milliards d’euros nets par an transitent via la redistribution, des ménages contributeurs nets vers les ménages bénéficiaires nets par le biais des prestations sociales, des retraites ou de l’accès aux services publics.

La protection sociale, responsable du déficit ?

Entre 2017 et 2023 le déficit s’est dégradé de 2,1 points de produit intérieur brut (PIB). Or les recettes de prélèvements obligatoires ont baissé d’à peu près autant sur la même période. Ce qui est dû en partie à des baisse de taux de prélèvement et en partie à des recettes plus faibles qu’attendu en raison de la conjoncture. Les prestations sociales et autres transferts ont, eux, diminué de 0,7 point de PIB, ce qui a contribué à réduire le déficit public.

Ce qui est à l’origine du creusement du déficit c’est la franche diminution des recettes fiscales depuis 2017. La stratégie du dernier gouvernement a consisté à baisser les prélèvements obligatoires, ce qui vide les caisses, en espérant, en retour, de la croissance, ce qui est censé remplir les caisses, et compléter cette politique par une baisse des dépenses publiques afin d’atteindre l’équilibre. Mais le résultat espéré n’est pas là. Le gouvernement sortant a créé les conditions d’apparition d’un déficit et dramatise pour pousser un agenda de réformes qui visent à baisser les dépenses publiques et voir la politique sociale comme une source d’économie pour redresser les finances publiques.


 Reste maintenant à savoir ce que va faire le nouveau gouvernement !

La raison économique, un poison démocratique ?

Après la dissolution de l’assemblée nationale par le président de la République et les élections législatives qui s’en sont suivies, la France se trouve dans une situation plus difficile qu’avant. En effet la gauche unie dans le Nouveau Front populaire (NFP) est arrivée en tête mais sans avoir une majorité à l’assemblée nationale. Toutes les autres forces politiques estiment que son programme est irréaliste. Ces forces revendiquent leur subordination aux lois de l’économie et de la gestion érigées en science. Elles présentent la rigueur comme une antidote aux dérives démagogiques et populistes sans s’interroger sur l’acceptabilité de ce discours voire la violence symbolique ou réelle qu’il véhicule.

La raison économique

Les sciences économiques dans leur version orthodoxe s’accordent sur un point : la maximisation du profit ou de la valeur actionnariale qui gouverne les choix d’investissement dans un cadre concurrentiel, n’ont d’autre vocation que d’instaurer une juste rémunération de tous les facteurs et d’accroître l’efficacité du système productif pour majorer le gâteau à partager au bénéfice de tous. Et là où le marché est défaillant, il revient à l’État de suppléer par une intervention correctrice sociale ou environnementale.

Ce propos raisonnable ne nous dit rien des rapports de force qui se nouent entre les différentes parties prenantes, notamment entre les détenteurs du capital et du travail. Au sommet de la chaîne de décision économique ce sont les grands fonds d’investissement et les banques d’affaires qui règnent en maître sur les choix d’investissement, la performance exigée du capital, la configuration de nos usages et l’avenir de la planète.

Ces décideurs économiques négligent le bien commun pour engranger des plus-values immédiates au profit des gros patrimoines financiers soit une infime portion de la société. Ainsi le contrôle économique se concentre et produit des mastodontes au pouvoir de marché et d’acquisition exorbitant. Cette finance patrimoniale ne se préoccupe pas de savoir que derrière les transactions financières il y a des organisations humaines, des traumatismes à chaque cession, une pression sur la performance, tout cela au bénéfice d’un tout petit nombre et au détriment d’un développement harmonieux et soutenable des entreprises, des territoires et des hommes.

Les sciences de gestion fournissent une caution à cette violence larvée et consacrent un déséquilibre de plus en plus poussé dans le rapport entre le capital et le travail, et entre le capital financier et le capital réel. Les États et les banques centrales, se détournant de leur mission première (régalienne, sociale, infrastructurelle) deviennent les grands serviteurs de cette domination économique.

Les dérives oligarchiques du capitalisme n’ont rien de nouveau et ont pour premier effet de miner la démocratie. Il faut prendre conscience de la violence du logiciel de ceux qui prétendent être au centre du jeu et dont la raison flirte avec la déraison. (voir l’article d’Olivier PASSET – Directeur d’études chez Xerfi, société privée d’études et d’analyses – publié le «  juillet 2024 sur XERFI Canal).

Financiarisation de l’économie

Nous venons de vivre ces dernières années une grande transformation qui a conduit au capitalisme financier. C’est ce que l’on a appelé la financiarisation de l’économie. Le pouvoir économique a été capté par une minorité d’acteurs de la finance et de firmes multinationales sous la coupe de grands actionnaires qui sont parvenus à imposer leurs vues aux politiques. Ils ont imposé la dérégulation, le libre-échange, les paradis fiscaux, les niches fiscales, la forte réduction de la progressivité de l’impôt, les privatisations des services publics, la réduction de l’intervention de l’État dans l’économie donc la baisse des dépenses publiques, etc…

Nous vivons, disait Jean GADREY, professeur émérite à l’Université de Lille, une crise systémique profonde où crise financière et économique, crise sociale, crise écologique, crise démocratique et crise du pouvoir économique sont interdépendantes. Pour s’en sortir il faut s’attaquer à l’ensemble des causes de chacune de ces crises et à leurs interactions.

Hégémonie culturelle du néolibéralisme

Le néolibéralisme amène les dominés à adopter la vision du monde des dominants et à l’accepter comme « allant de soi ». Cette hégémonie se constitue et se développe à travers la diffusion de valeurs qui peu à peu dominent les esprits et permettent d’atteindre le consentement du plus grand nombre. Ces valeurs sont l’affirmation de l’universalité des logiques de concurrence, de propriété privée, de profit, de fongibilité monétaire, de rareté.

Karl Polanyl (1886-1964) dans son livre « the Great Transformation » pense que, contrairement à la lecture contemporaine superficielle du néolibéralisme considéré comme anti-étatiste, l’État joue un rôle central dans son émergence. Il a été mis au service d’une soumission très forte à une logique de concurrence. Celle-ci n’est pas un ordre naturel et son application nécessite une puissante pression politique et idéologique des institutions publiques pour soumettre la société à cette logique. Pour en sortir, il s’agit de penser l’économie en dehors de l’échange marchand.

Économie et humanisme

L’économie a toujours été une activité multidimensionnelle mettant en relation l’individu, la société et la nature. Elle est condamnée à retrouver sa vraie nature d’activité finalisée par la satisfaction des besoins humains et transformant aussi efficacement que possible, à cette fin, les milieux physiques ou vivants sur lesquels se développe la vie des hommes. Gérer rationnellement les ressources utiles et rares de ce monde, afin de satisfaire au mieux et au moindre coût les aspirations humaines, ne constitue qu’une partie des activités des hommes. Il y a aussi ce qui s’étend à l’esthétique, à la gratuité, aux valeurs socioculturelles qui donnent un sens à la vie et à la mort et finalisent les comportements. La sphère de l’économique est un sous-ensemble de celle des activités humaines et socioculturelles.

Amartya SEN, économiste humaniste, prix Nobel en 1998, a conçu l’indice de développement humain des Nations Unies. Cet instrument de mesure inédit qui prend en compte, non seulement les tonnes d’acier et les milliards de dollars d’exportation mais aussi des paramètres concrets pour les citoyens comme l’espérance de vie, la mortalité infantile, le niveau d’éducation, la santé et même les droits politiques. SEN estime que les politiques publiques doivent donner à chacun la «capabilité» de vivre une vie digne de ses attentes. C’est une magnifique ambition de vouloir toujours replacer au centre des dispositifs chaque homme et chaque femme à la fois dans son humanité défendue dans le cadre éthique des droits de l’homme et dans sa qualité d’acteur et d’être humain dont il faut respecter et renforcer la liberté de mener la vie qu’il ou qu’elle souhaite mener et pas seulement comme réceptacle d’objets divers de confort.

Pour conclure

La mise en cause de l’État providence et l’aggravation des inégalités a donné naissance à une forte demande de justice sociale. Il n’est pas possible de continuer à imposer un discours de nature transcendante, incontestable dans ses présupposés comme dans ses conséquences, imposant ses décisions dans presque tous les domaines de la vie sociale et, dans le même temps, prétendre agir en fonction de principes fondamentalement humanistes sur le plan individuel et démocratiques sur le plan collectif (voir l’article d’André BELLON dans la revue « Humanisme » n°291 de février 2011).

Le dénouement de la crise que nous vivons dépend in fine de la sortie du dogmatisme des sciences économiques version orthodoxe pour adopter une version des sciences économiques au service des hommes et des femmes, de la satisfaction de leurs besoins dans le respect des droits humains, au service de tous et pas d’une minorité. Pour cela les pouvoirs publics doivent retrouver leur mission première. Ils ont l’obligation d’investir dans l’avenir, prioriser la santé, la formation, la recherche, les infrastructures de transport, la production d’énergie, la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité, etc…

Ces investissements sont indispensables, ils sont au bénéfice de toutes et de tous. Ils vont nécessairement fortement augmenter face à la dégradation de la situation. Pour les financer soit on refuse par idéologie toute hausse fiscale et l’on se met dans les mains des financements privés, synonymes d’inégalités d’accès et d’une efficacité collective plus que douteuse comme le démontrent les dernières décennies. Soit on assume l’entrée dans un nouveau cycle de socialisation croissante alimentée par une réforme profonde de la fiscalité plus progressive où chacun, citoyen ou entreprise, contribuera en fonction de ses capacités.

Comme le dit Edgar Morin (voir mon article du 30 juin « une voie nouvelle ») il s’agit de « bâtir une nouvelle conception du monde, de l’homme, de l’histoire… »

Quelles leçons tirer de cette période électorale ?

Après les élections européennes et la dissolution de l’assemblée nationale par le président de la République nous sortons (provisoirement !) d’une période pleine d’incertitudes mais néanmoins riche en enseignements. Essayons de faire le point.

Les élections européennes de juin 2024

La participation est de 51,5%, légèrement supérieure aux précédents scrutins européens. Les résultats sont sans appel. C’est un net recul de la liste Renaissance avec un taux de 14,6% qui marque un désaveu de la politique menée par le président de la république et son gouvernement même si ce vote ne concernait pas en principe la politique intérieure. Le Rassemblement national réalise un score de 31,4%, la liste Parti socialiste-Place publique 13,8%, la France insoumise 9,9%, les Républicains 7,3%, les écologistes 5,5% et Reconquête 5,5%.

Dissolution de l’assemblée nationale

Dès les résultats annoncés le Président de la république annonce la dissolution de l’assemblée alors que rien ne l’y obligeait. Il décide ainsi de donner la parole au peuple dans la perspective de provoquer une clarification de la situation. Plusieurs commentateurs ont jugé cette décision très risquée à un moment où l’extrême droite réalise une poussée notable. Sans parler de l’incompréhension et l’effroi ressentis par les élus Renaissance de l’assemblée y compris par le nouveau premier ministre.

Les élections législatives

Dans la foulée de la dissolution le président décide de convoquer les élections législatives dans un délai très court avec un deuxième tour le 7 juillet pour que tout soit terminé avant les Jeux Olympiques qui sont prévus pour la mi-juillet. Le Rassemblement national (RN) est ravi. Il se voit déjà en majorité absolue et désigne son candidat premier ministre.

La gauche émiettée réussit en quatre jours à reconstruire son unité en créant le Nouveau Front Populaire (NFP) avec un contrat de législature basé sur un programme économique et social assez développé. Les Républicains explosent avec le ralliement au RN de son président partisan de l’Union des droites. Reconquête se divise et voit sa tête de liste, théoricienne de l’Union des droites, rejoindre le RN. Le premier ministre chef de la majorité relative sortante se prononce pour le ni-ni : ni RN ni La France insoumise (LFI), non aux extrêmes. La campagne est courte et très tendue. Les noms d’oiseaux volent dans tous les sens.

A l’issue du premier tour le RN est en tête avec le plus grand nombre d’élus mais voit se constituer un front républicain sans condition à gauche et avec quelques hésitations chez Ensemble (le nouveau nom de la majorité relative sortante) où l’aile droite maintien le ni-ni. Au soir du 7 juillet le rêve de la majorité absolue pour le RN s’effondre. Le désistement de la gauche et d’Ensemble pour faire barrage au RN relègue ce dernier en troisième position avec un NFP en première position sans atteindre la majorité absolue. Ensemble s’en tire bien en arrivant à être le deuxième groupe de l’assemblée.

Quelles leçons tirées de ces élections ?

La première leçon que l’on peut déduire de ces élections est que la poussée du RN a pour origine plusieurs éléments. D’abord un rejet du pouvoir Jupitérien, méprisant et autoritaire. La stratégie du « moi ou le chaos » est un lamentable échec. C’est devenu, chez beaucoup de français, « Jupiter ça suffit ». Mais cette poussée est due aussi à une inquiétude face à l’immigration non régulée et l’insécurité exploitées à volonté par l’extrême droite. Enfin la politique de banalisation du RN a sans doute donné quelques résultats et laissé croire à certains que ce parti était devenu un parti respectable comme les autres.

La deuxième leçon de ce scrutin c’est que le Front Républicain, que tous les commentateurs disaient disparu, vient de montrer son efficacité. Deux tiers des français estiment que le RN n’a pas changé et que c’est un parti dangereux pour la démocratie, l’image de la France, la République et ses fondamentaux de Liberté, d’Égalité, de Fraternité, de Laïcité et de Solidarité. Ce parti populiste et illibéral qui n’a pour partenaires que les régimes autoritaires en Europe qui a modifié plusieurs fois ses positions en une semaine de campagne, n’est pas fiable et n’est pas majoritaire en France même s’il a su utiliser habilement les erreurs des dirigeants français de ces dernières décennies.

La troisième leçon concerne la gauche française. Elle a à nouveau montré que lorsqu’elle est capable de s’unir malgré sa diversité, elle fait la démonstration qu’avec un programme économique, social et environnemental orienté sur la lutte contre les inégalités et pour la justice sociale, elle est encore capable de provoquer l’enthousiasme du peuple de gauche. Contrairement à l’idée reçue, rabâchée à longueur de journée dans la presse bien-pensante aux mains des milliardaires, la gauche reste vivante en France même si elle n’atteint pas la majorité à l’assemblée.

Pour quel résultat ?

Au moment où j’écris ces quelques lignes nous ne connaissons pas encore les résultats définitifs et la configuration finale de la répartition des sièges au sein de l’assemblée. Mais il est déjà certain qu’aucun des groupes politiques importants ne dispose d’une majorité suffisante pour gouverner. L’objectif de clarification poursuivi par le président ne semble pas être atteint. Il fallait sortir d’une majorité relative menacée de blocage au vote du prochain budget. Nous nous retrouvons avec une assemblée qui ne peut donner qu’une majorité relative encore moins importante que la précédente.

Certains se mettent à phosphorer pour imaginer une coalition très large mais pour faire quoi ? Continuer la politique néolibérale poursuivie depuis au moins sept ans qui a été rejetée massivement et qui nous a mené dans le mur ?

Changer de politique pour répondre aux besoins des français est le seul moyen d’éviter de nous retrouver dans une impasse dans quelques mois. Le changement d’orientation est celui proposé par le NFP mais il n’est pas majoritaire.

Il n’est pas possible de dissoudre à nouveau l’assemblée avant un an soit pas avant le 8 juillet 2025.

Ne pas trouver le moyen de sortir du blocage probable risque de précipiter encore plus de citoyens dans les bras du RN lors des prochaines échéances électorales. Nous en saurons certainement plus dans les prochains jours ou les prochaines semaines !

Une voie nouvelle

Edgar Morin est sociologue et philosophe, directeur de recherche émérite au CNRS, docteur honoris causa de vingt universités à travers le monde. Ancien résistant et créateur du concept de « pensée complexe », il aura 103 ans en juillet. A l’occasion des élections législatives déclenchées par le président de la république, il vient de publier une tribune dans le journal le Nouvel Obs, afin de nous donner son analyse de la situation.

Une nouvelle configuration politique

Il estime que le président a pris des risques considérables avec la dissolution de l’assemblée nationale mais, paradoxalement, cela a suscité une sortie de léthargie, une revitalisation politique et une nouvelle configuration. En plein émiettement la gauche a pu constituer un Nouveau Front Populaire (NFP). A droite la crise des Républicains et de Reconquête a provoqué la polarisation autour du Rassemblement National (RN). Ces deux blocs écrasent le centre macronien.

Le RN issu du très antisémite Front National, dans sa nouvelle présentation, est devenu philosémite et pro-israélien. Sur l’Europe, le RN a évolué dans le sens de la modération en se déclarant respectueux des règles démocratiques. Il fait campagne sur le pouvoir d’achat mais reste ferme sur ses bases ultra-droitières : rejet de l’immigration et préférence nationale. Ses alliances européennes sont celles des pouvoirs autoritaires.

L’émiettement de la gauche a été surmonté dans le NFP mais essentiellement sur un « contre » (le RN et le macronisme) et non sur un « pour ». L’absence d’une pensée novatrice pèse sur l’avenir de la gauche. Il s’agit de « bâtir une nouvelle conception du monde, de l’homme, de l’histoire, qui viendrait renouveler celle de Karl Marx et combler un vide. Ce travail doit s’accompagner d’un renouveau générationnel et d’une réelle équité homme-femme permettant une réelle féminisation de la politique ». L’auteur de cette tribune dit attendre « la formulation d’une voie nouvelle qui lierait indissolublement réforme économique, réforme de l’État et réforme écologique. » C’est pour lui la condition indispensable pour que la gauche devienne un parti de gouvernement et de transformation. Néanmoins, malgré ses carences et ses fragilités, le NFP a sa sympathie critique et son soutien pour l’importance qu’il attribue à la lutte contre les inégalités et la reprise de l’initiative écologique.

Combattre l’antisémitisme

La guerre à Gaza a suscité un anti-israélisme accompagné d’un confusionnisme généralisé. La dénonciation du carnage de Gaza et du colonialisme israélien ne doit pas être considéré comme de l’antisémitisme. La critique d’Israél par le NFP n’est pas la négation de l’existence d’Israél et de son peuple. « L’oppression des Palestiniens sert aussi de prétexte à un nouvel antisémitisme qui doit être combattu. »

Le stupéfiant projudaïsme du RN, héritier du Front National (FN), ne peut que laisser sceptique même s’il a convaincu Serge Klarsfeld le chasseur de nazis. Il faut rappeler que le RN démocrate camoufle un FN autocrate. Il affiche sa proximité avec les régimes autoritaires et seul l’opportunisme lui a fait prendre ses distances avec le régime de Poutine.

Esprit de Résistance

La crise française de la démocratie fait partie d’une crise mondiale qui a généré divers régimes néo-autoritaires. Pour faire obstacle au RN il faut avoir un grand dessein d’où la nécessité d’une nouvelle pensée fondatrice, d’une nouvelle voie d’avenir, économique, sociale, écologique et d’une politique de réforme de l’État.

L’hégémonie mondiale du profit a provoqué la crise écologique planétaire. La guerre en Ukraine, la guerre israélienne, les potentiels conflits en Corée et à Taïwan font peser la menace d’une troisième guerre mondiale. Les périls intérieurs ne doivent pas nous rendre aveugles sur les périls extérieurs. Gardons notre lucidité face aux propagandes et hystéries collectives. « L’esprit de résistance nécessite la résistance de l’esprit ».

Je crois avoir été fidèle à l’analyse d’Edgar Morin que je trouve très pertinente en cette période d’inquiétude pour ne pas dire d’angoisse. Cette tribune est en accès libre sur le site du journal, je vous en ai livré l’essentiel pour vous donner envie de la lire intégralement. Bien s’informer c’est le début de la résistance.

Les champions de l’ambiguïté et de la dissimulation

En réfléchissant à cet article j’ai longtemps hésité sur le titre, plus précisément sur l’utilisation du mot ambiguïté ou du mot dissimulation. J’ai finalement décidé de les cumuler. Mon objectif est de parler d’un parti qualifié d’extrême droite par la majorité de la classe politique mais qui s’en défend.

L’habit ne fait pas le moine

Depuis plusieurs années la direction de ce parti a mis tout en œuvre pour démontrer sa normalisation. Sa volonté est d’être un parti comme les autres, respectueux de l’ordre républicain et se qualifiant d’être ni de gauche ni de droite, slogan qui a tant profité à l’actuel Président de la République. Les dernières élections législatives de 2022 ont permis à ce parti d’être représenté par un groupe de presque une centaine de députés. Ce groupe s’est appliqué à avoir une présence remarquable de modération dans le comportement verbal et vestimentaire.

Mais, comme le dit le vieux dicton populaire, l’habit ne fait pas le moine. Comme le défend l’éditorial du journal « Le Monde » du 23 et 24 juin 2024, « Aucune des manœuvres destinées à « dédiaboliser » ce parti ne peut faire oublier les racines antisémites et les obsessions raciales d’une mouvance dont le prétendu philosémitisme n’est que le paravent de la haine envers les musulmans. » Le point central du programme de ce parti est la xénophobie au travers de « la priorité nationale » qui contrevient au principe constitutionnel d’égalité de notre république et à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Un évènement significatif

Lors de l’émission « envoyé spécial » un couple blanc, sympathisants de ce parti, a un comportement agressif à l’encontre de leur voisine, une aide-soignante noire. « Te voilà encore toi ? on t’a invitée ? non ! Tu dégages ! j’ai quitté les HLM à cause de gens comme toi » vocifère la femme. « On fait ce qu’on veut, va à la niche ! » La candidate à sa réélection dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais, ancienne présidente de ce parti et ancienne candidate à la présidence de la République, interrogée par « La Voix du Nord » estime que ce ne sont pas des propos racistes mais un simple conflit de voisinage. « La question est de savoir si “va dans ta niche” n’est pas une expression populaire de gens qui se détestent », « Est-ce que c’est raciste ? Moi-même, je peux le dire à l’égard de mes amis ! C’est vous qui tirez la conclusion que c’est raciste du fait de la couleur de peau de la victime. Ça, c’est scandaleux ! répond l’ancienne présidente du parti et met en cause une émission ultra politisée à l’extrême gauche. Si ce parti devait arriver au pouvoir, il est fort à craindre que ces comportements agressifs et racistes se multiplieront avec la certitude de ne pas faire l’objet de poursuite judiciaire. Faut-il rappeler que le racisme est un délit dans notre société civilisée ?

La politique et le droit

Ce parti met en cause l’état de droit en contestant les organes qui le garantissent comme le conseil constitutionnel, le conseil d’état, et l’indépendance de la justice en conspuant le gouvernement des juges. Il pense que la volonté de la majorité peut s’exonérer des grands principes de droit de la constitution et des droits de l’homme. Il s’attaque à la liberté de la presse et propose de privatiser l’audio-visuel public seul garant d’une information pluraliste et indépendante des grands groupes financiers qui contrôlent l’essentiel de la presse et de la télévision. S’il accède au pouvoir il fera supprimer le droit du sol. Il détruira ainsi un principe installé dans notre droit français depuis 1515. Même le gouvernement de Vichy n’avait pas voulu le remettre en cause. Son fond de commerce est l’immigration. Pour ce parti il suffit de bloquer l’entrée des migrants et mettre dehors tous les étrangers qui sont sur notre territoire pour régler tous les problèmes d’emploi et de sécurité. Si c’était si simple il y a bien longtemps que cela serait réglé en France mais aussi dans les pays voisins.

Qui sont ses alliés ?

Autre dicton populaire, « dis-moi qui tu fréquentes, je te dirais qui tu es ». Qui sont au niveau européen les mouvances que côtoie ce parti ? Observez ses alliances en Europe et dans le monde. Il se retrouve toujours avec les partisans d’un pouvoir autoritaire, de l’illibéralisme et même de nostalgiques du fascisme. Il fait preuve de complaisance avec les régimes autoritaires à commencer par la Russie poutinienne. Ce parti est un adepte du pouvoir autoritaire et comme tous ses homologues, une fois en place, il sera quasi impossible de le déloger démocratiquement. Après avoir prôné la sortie de l’Union Européenne et le départ du commandement intégré de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), vu l’expérience désastreuse du Brexit et la menace que fait peser la Russie sur la paix en Europe, ce parti a fait apparemment marche arrière. Mais cela ne l’empêche pas de prévoir des mesures contraires aux engagements de la France en Europe et de cultiver l’ambiguïté dans la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine.

Des investitures qui contredisent sa normalisation

Enfin nombre d’investitures de ce parti à l’occasion des prochaines élections législatives contredisent sa normalisation. Nous pouvons trouver parmi ces candidats des gens qui s’intéressent de près à la France de Vichy, des coutumiers de l’usage de slogans antisémites, des amateurs de blagues racistes, de nombreux soutiens du Kremlin, des adeptes de théories du complot, des climatosceptiques, des militants ayant un passé au sein de groupes violents et identitaires, etc… Pour plus de détails il suffit de se reporter à la presse quotidienne de tout bord politique.

Un parti attrape tout

Ce parti d’extrême droite, à tout le moins populiste et souverainiste de droite radicale, proche des régimes illibéraux en Europe, dirigé par un clan familial depuis des décennies, est un parti attrape tout. Il fait des promesses tout azimut même si elles sont irréalisables et parfois contradictoires les unes par rapport aux autres. Avec un mouvement de va et vient où chaque jour de la campagne électorale voit des mesures adoptées ou retirées, modifiées ou reportées. L’important est d’attirer ses supposées clientèles électorales. Il a beau se déclarer prêt à gouverner, il est difficile de voir dans quelle direction tant à court terme qu’à long terme. Plus l’échéance électorale se rapproche plus les hésitations se multiplient. Sans parler des thèmes absents du programme de ce parti : le défi climatique et le recul de la biodiversité, le défi économique et social avec le développement des inégalités et l’hégémonie culturelle du néolibéralisme, le défi technologique avec la nécessité de mettre les technologies au service de l’humanité, le défi politique avec le retour de l’arme nucléaire, la souveraineté stratégique de l’Europe et la nécessité d’une gouvernance mondiale pour éviter le chaos géopolitique. Comment ne pas voir que dans le bouleversement du monde qui est en cours, l’isolement de la France sans l’Europe face aux puissances constituées par les États Unis et La Chine ne peut que nous affaiblir pour résister à leurs hégémonies.

Refuser de bouleverser l’équilibre démocratique

Nous vivons dans un pays démocratique quels que soient ses imperfections. Nous avons la chance de pouvoir donner notre avis sur la direction que doit prendre notre pays pour les cinq prochaines années, ce que beaucoup de pays nous envient. Même si le vote ne suffit pas à garantir la démocratie, il en est une composante indispensable. Ardent défenseur des droits humains, humaniste et universaliste, républicain et démocrate, partisan d’une république démocratique, fraternelle, sociale, laïque et solidaire, convaincu que l’égalité de toutes les femmes et tous les hommes reste un objectif fondamental de l’humanité, je vous invite à voter en conscience et ne pas contribuer par votre vote à porter au pouvoir un parti qui va bouleverser l’équilibre démocratique de notre pays et détruire les principes sur lesquels se fonde notre République.

L’important c’est de voter !

A la veille des élections européennes les sondages prévoient une très forte abstention qui avoisine les 50%. Même si institutionnellement cela ne remet pas en cause la légitimité des élus, cela ne peut manquer d’inquiéter les démocrates.

Vote et démocratie

Quelle que soit l’élection, quand on sait combien de personnes ont risqué leur vie pour avoir le droit de voter et donner leur avis sur l’organisation de la société, il est indispensable de faire l’effort de se déplacer et d’aller participer à l’élection. C’est ce qu’on appelle faire son devoir de citoyen. En effet c’est un devoir par respect pour tous ceux qui nous ont précédés et qui se sont battus pour ce droit. Le vote est indissociable de la démocratie. L’organisation régulière d’élections est une condition nécessaire pour que l’on puisse parler de démocratie. Cette condition est nécessaire mais, certes, elle n’est pas suffisante. Il existe nombre de pays où le vote se déroule après que les opposants sont empêchés de se présenter au suffrage. Parfois le vote lui-même est entaché de fraudes avec le bourrage d’urnes et le non contrôle des listes électorales ou autre. Il est difficile, dans le cadre de cet article, de citer tous les vices de forme possibles, la liste serait trop longue.

Pour que le vote contribue au développement de la démocratie, il faut aussi qu’il soit universel, ouvert à tous les citoyens, homme ou femme, ayant atteint l’âge de raison, fixé en général à la majorité légale. Il faut qu’il soit transparent et que chacun soit informé et conscient des enjeux. Cela passe donc par l’organisation de cette information de la manière la plus objective possible et accessible à tous. L’organisation de débats contradictoires permettant la confrontation des différentes propositions est aussi essentiel à la réalité de cet exercice démocratique.

L’organisation d’élections périodiques aux différents niveaux de la structuration politique de la société (communes, départements, régions, parlement, etc…) doit être complétée par la liberté de conscience, la liberté d’expression, la liberté politique, la liberté d’entreprendre, la liberté syndicale, la liberté d’association, l’égalité des droits et des devoirs, l’existence de contre-pouvoirs.

Le plein exercice de la démocratie exige aussi la séparation des pouvoirs, entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Le respect de ces principes est indispensable à la démocratie mais tout ne se trouve pas réglé pour autant puisqu’il existe une infinité de variations dans la concrétisation de ces principes. C’est le débat démocratique qui permet de trancher entre ces différentes possibilités.

Les enjeux des prochaines élections européennes

Nous sommes à la veille d’élections européennes que tous les candidats s’accordent à dire que ce sont probablement les plus importantes depuis la création de l’Union Européenne à la lumière des défis auxquels elle se trouve confrontée. Il est donc doublement important d’aller voter. Ce qui doit nous intéresser comme citoyens européens c’est ce que proposent les candidats pour faire face aux défis européens que nous devons affronter pour les cinq prochaines années.  Ces défis sont européens dans un monde instable et en plein bouleversement et non pas nationaux, même si les choses ne sont pas indépendantes. Je veux simplement dire qu’il ne faut pas se tromper de cible. Il ne s’agit pas d’infliger une défaite à l’exécutif national mais de donner son avis sur les défis auxquels l’Union Européenne devra faire face. Ces défis sont d’ordre climatique, économique, politique, et technologique

Le défi climatique

La biosphère est un vaste système complexe autorégulé et autoreproducteur de régulations interdépendantes, dans la reproduction duquel la vie, et par conséquent l’espèce humaine, joue un rôle primordial. La biodiversité est compromise.

Les effets du changement climatique sont incontestables. La crise environnementale, la crise du développement, et la crise de l’énergie ne font qu’un. Cette crise n’inclut pas seulement le changement climatique, le recul de la biodiversité mais aussi d’autres problèmes liés à la croissance de la population mondiale.

Il est impératif de respecter l’Accord de Paris sur le climat et de maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 2°C. Quels que soient les chiffres ou les courbes que l’on regarde les indicateurs sont tous au rouge. Mai 2024 est le mois le plus chaud jamais enregistré à l’échelle mondiale depuis le début des relevés.

Le dérèglement climatique est causé par la hausse continue des émissions de gaz à effet de serre liées à la combustion d’énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz. Les prévisions publiées par l’Organisation météorologique mondiale confirment qu’il est probable que la température moyenne annuelle du globe franchisse le seuil de 1,5°C de réchauffement.

La rupture de l’équilibre entre la planète et les humains qui l’habitent fait ressortir notre immense responsabilité mais crée aussi l’opportunité de redéfinir notre rapport à la terre.

Le défi économique et social

Les inégalités culminent à des niveaux historiquement élevés. En moyenne les 10% des adultes les plus riches de la planète captent 52% des revenus mondiaux, lorsque 50% des plus pauvres s’en partagent 8,5%. Les disparités de patrimoine sont plus fortes que celles de revenus. La moitié la plus pauvre de la population mondiale ne possède que 2% de la richesse des ménages tandis que les 10% les plus aisés en détiennent 76%.

Les politiques néolibérales sont devenues culturellement dominantes et ont bouleversé le panorama des inégalités. La promesse néolibérale de dynamisation de la croissance par la baisse de la fiscalité des plus riches n’a pas marché. La théorie du ruissellement n’a pas généré la prospérité pour tous. Le recul des politiques de redistribution par la fiscalité a eu pour conséquence d’augmenter les écarts de revenus et de patrimoine au bénéfice des plus riches par rapport aux catégories sociales moyennes sans pour autant sortir du marasme les catégories les plus défavorisées.

Sans un rééquilibrage des taux de croissance du capital et du travail et sans une politique volontariste de redistribution par la fiscalité et les prestations sociales, les inégalités ne pourront que continuer à se développer. L’objectif premier de toute société démocratique est d’améliorer le sort de tous. Si les pouvoirs publics continuent de laisser le 1% de la population s’accaparer l’essentiel des richesses et mettre à contribution les classes moyennes et populaires, il laisse se développer une désespérance qui ne peut que nuire à la démocratie.

Le défi politique

L’affrontement monde capitaliste contre monde socialiste disparait progressivement et laisse la place à l’affrontement entre démocraties et autocraties. Les dirigeants chinois et russes ne cachent pas leur mépris du système démocratique qui est faible et incapable d’assumer des risques importants. Ils louent ensemble l’efficacité de leur système autocratique.

L’utilisation de l’arme nucléaire est aujourd’hui brandie comme possible. Depuis le début de l’offensive en Ukraine, le Président russe agite la menace nucléaire. Il a averti les pays qui s’opposeraient à son intervention qu’ils s’exposeraient à des conséquences « comme ils n’en ont jamais vu ».

L’Union Européenne doit prendre conscience qu’elle doit d’abord compter sur elle-même pour sa défense devant les orientations futures de la puissance américaine en direction de l’Asie. La guerre en Ukraine aide à cette prise de conscience qu’il n’est plus possible devant ce nouvel ordre du monde, s’il ne l’a jamais été, d’être uniquement dépendant des Américains. Les chars russes en Ukraine et une agression à ses frontières par une puissance nucléaire ont réveillé l’Union Européenne.

Après la crise sanitaire et maintenant la guerre à ses portes qui ont mis en évidence les faiblesses de l’UE et ses dépendances stratégiques, la souveraineté européenne et son autonomie stratégique sont une priorité incontournable.

L’envergure mondiale des différentes crises auxquelles nous sommes confrontées rend nécessaire, même si cela apparait complètement utopique, au moins une concertation de l’ensemble des pays de la planète. La réforme en profondeur du seul embryon de gouvernance mondiale existant aujourd’hui, l’ONU, semble indispensable. Il reste la seule institution légitime malgré ses faiblesses pour établir un véritable dialogue et affronter les problèmes qui se posent au monde dans un cadre universel démocratique et rénové.

Le défi technologique

La confiance aveugle envers les sciences et les techniques est une erreur, la défiance systématique en est une autre. Ce n’est pas la technique qui est en soit bénéfique ou maléfique, mais les usages qu’on choisit d’en faire. Nous devons rester vigilants quant aux possibles dérives, aux possibles mauvais usages des découvertes scientifiques. Aidons le plus grand nombre à comprendre, à avoir accès aux connaissances, pour que chacun ait les moyens d’un jugement approprié.

L’idée que l’humain peut détruire le monde terrestre et ainsi se détruire lui-même émerge et pose le problème des limites de l’activité humaine et de sa responsabilité vis-à-vis de la nature. L’humain est une partie d’un tout qui a la particularité d’être responsable de la conservation de ce tout. Nous devons prendre conscience de nos limites et développer un humanisme différent, un humanisme de la diversité. Plus que jamais l’homme a besoin des principes éthiques des Lumières pour mettre les sciences et les technologies au service de l’humanité et non l’inverse.

Pour conclure

Il est souvent reproché aux hommes politiques leur vision à court terme. Comme électeurs européens veillons à orienter notre vote en déterminant comment les différents candidats comptent faire face à ces grands défis que nous venons d’énumérer et quel type de société ils comptent mettre en œuvre. Ce sont les réponses à ces défis et les grands choix sociétaux qui en découlent qui détermineront l’évolution de notre avenir.

Armer l’Ukraine pour défendre la France et l’Europe

Ce mémorandum est le résultat du travail mené d’octobre 2023 à mars 2024 par un collectif de soutien à l’Ukraine, « More Arms 4 Ukraine, » et des experts des questions de défense. Il a pour objectif d’alerter l’opinion et d’engager avec les élus et les pouvoirs publics un dialogue sur la nécessité de fournir davantage d’armes à l’Ukraine, afin d’assurer la sécurité de notre pays et de l’Europe.
Le 31 janvier, un appel à nos concitoyens inspiré de ce mémorandum et signé par un collectif d’officiers supérieurs et de personnalités de la société civile a été publié dans Le Monde : Guerre en Ukraine : « Il nous faut augmenter considérablement la production et la livraison d’armes françaises ».

Un danger existentiel et une réponse encore inconséquente

L’agression russe : un défi et un danger pour la France et l’Europe
Depuis deux ans l’Ukraine fait face à une guerre d’agression menée par Vladimir Poutine, dont l’armée pratique à vaste échelle les viols, les tortures, les meurtres délibérés de civils et les déportations d’enfants.
Depuis deux ans, à la surprise du monde entier, l’Ukraine démocratique et son armée ont repoussé l’envahisseur et libéré de nombreuses villes et villages, malgré une infériorité numérique et matérielle.
La nature de cette guerre n’est pas territoriale, susceptible d’être durablement résolue par une cession de territoires, mais négationniste. La Russie nie l’existence d’une identité et d’une nation ukrainiennes pour incorporer son territoire, son peuple et ses ressources dans sa fédération. Ce sont les valeurs et les institutions démocratiques de l’Ukraine que la Russie veut détruire et la volonté du peuple ukrainien de faire partie de l’Europe qu’elle entend briser. C’est un défi qui est adressé à l’Europe et à la France.
Ce défi recèle un danger majeur. L’Europe démocratique est le voisin le plus proche de Moscou. Six pays, la Finlande, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne, la Moldavie (dont une province sécessionniste la Transnistrie dispose de troupes Russes), ont une frontière avec la Fédération de Russie ou son satellite la Biélorussie, sans compter la Géorgie, candidate à l’adhésion à l’Union Européenne.

Une victoire totale ou partielle par un cessez-le-feu qui consacrerait le contrôle de la Russie sur le Donbass et la Crimée augmenterait significativement la menace russe sur les pays frontaliers. La Russie triomphante, une fois ses stocks d’armes reconstitués et accrus d’une panoplie d’armes nouvelles, serait en situation de reprendre son offensive contre Kyiv ou d’autres pays, Baltes, Finlande, Géorgie, Moldavie. Le risque d’un conflit de haute intensité impliquant inévitablement l’ensemble de l’Europe ne pourrait être exclu.
Même en l’absence d’une telle conflagration, l’Europe serait soumise aux assauts répétés d’une guerre hybride que la Fédération de Russie pratique déjà. Les piratages informatiques de nos centres vitaux, les perturbations de la vie démocratique, en usant des réseaux sociaux et en soutenant des candidats affidés à la Russie aux élections (comme en Serbie) sont les signes avant coureurs de l’offensive qui se déploierait pour disloquer l’Europe.
Chaque signe de faiblesse ou d’apaisement ne fait qu’allonger la guerre et les souffrances et ne conduit qu’à de nouvelles agressions.
Une paix durable, non seulement en Ukraine, mais en Europe, n’est réaliste qu’en reconnaissant le seul but de guerre qui la rend possible : une victoire décisive de l’Ukraine, assurant le départ des troupes russes hors de son territoire, dans le respect du droit international.
Les Ukrainiens, leur liberté est la nôtre, la formule utilisée par le Président Macron au lendemain du 24 février 2022 prend tout son sens, une fois compris l’enjeu géopolitique auquel l’Europe doit faire face.

Une aide militaire réelle mais tardive et insuffisante
Alors que le conflit va entrer dans sa troisième année, la France doit évaluer rigoureusement, la pertinence de la stratégie et des moyens mis en oeuvre. Les déclarations répétées « La Russie ne peut, ni ne doit gagner la guerre », « Nous serons avec l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra » et le 25 février « La défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et à la stabilité en Europe » témoignent d’une intention, mais les phrases, même justes, ne suffisent pas.
La stratégie européenne reposait d’abord sur les sanctions économiques qui devaient mettre l’économie russe à terre, réduire son approvisionnement en armes et ramener Poutine à la raison. Elles n’ont pas eu les effets escomptés, du fait de divers facteurs. Les partenariats militaires que la Russie a trouvés avec ses alliés totalitaires Iran et Corée du Nord, les accords commerciaux avec la Turquie, l’Inde et l’Afrique du Sud ont limité les dommages à son économie et assuré son approvisionnement en armes.

L’aide militaire fournie ou promise par les Etats-Unis, comme par l’Europe, a été trop hésitante et modeste pour exploiter les victoires de l’été 2022, trop tardive et limitée pour percer les défenses russes l’été dernier. Les atermoiements successifs sur les livraisons de chars, d’avions ou de moyens anti-aériens n’ont pas limité le conflit, ils l’ont fait durer et ont permis à l’armée russe de renforcer ses positions. Ils n’ont pas évité une escalade mais la rendent plus dangereuse comme l’ont montré l’écocide commis par l’explosion du barrage sur le Dniepr ou l’installation d’armes nucléaires balistiques russes plus à l’Ouest en Biélorussie.
Cet hiver la situation est aggravée et appelle une intervention urgente. Comment l’Ukraine peut-elle se défendre sans munitions ou presque ? Comment détruire les dizaines de drones et de missiles qui mettent les villes à feu, à froid et à sang sans une complète couverture anti-aérienne ? Comment repousser les assauts russes et mener une contre-offensive victorieuse sans une artillerie, des blindés et une aviation supérieure en nombre et en qualité ?
Or, l’aide militaire commence à faire défaut. Celle des États-Unis comme celle de l’Europe, freinée par ses méandres bureaucratiques et la lenteur de la mise en œuvre des investissements nécessaires, paralysée par les hésitations des chefs d’État et de gouvernements.

Les récentes déclarations du Président de la République et du Ministre de la Défense sont une inflexion bienvenue, mais insuffisante en regard des besoins requis par la défense et la libération de l’Ukraine.

Établir un Dispositif de solidarité industrielle et économique avec l’Ukraine

Si l’Ukraine est en péril, l’Europe l’est également. Aussi, une aide militaire de plus grande ampleur s‘impose et avec elle des mesures qui impliquent des priorités nouvelles et une organisation de l’économie adaptée.
Ces mesures constituent un ensemble cohérent sous la forme d’un Dispositif de solidarité industrielle et économique avec l’Ukraine afin d’agir au plus vite dans cinq directions complémentaires :

  • augmenter significativement la cession, la fabrication et les livraisons d’armes et de munitions ;
  • donner des garanties aux industriels de l’armement qui fournissent l’Ukraine ;
  • se doter, avec nos partenaires européens, d’un organisme de contrôle pour assurer un embargo
    strict sur l’exportation des technologies duales ;
  • encourager la mutualisation des outils de production, civils et militaires, au service de la défense ;
  • mobiliser de nouvelles ressources financières en faveur de l’aide à l’Ukraine.

Mesure n°1 : doubler le budget de l’aide militaire à l’Ukraine pour l’année 2024 et le porter à 0,25% de notre PIB pour 2025, afin d’assurer le financement des cessions et de la production des matériels à destination de l’Ukraine, ainsi que la formation de ses soldats.
Mesure n°2 : l’Ukraine n’est pas un client étranger comme les autres. Elle doit devenir prioritaire dans la production d’armes comme dans les livraisons parce que sa défense contribue à celle de notre pays.
Mesure n°3 : les entreprises françaises doivent, selon leurs investissements, obtenir une garantie de 5 à 10 ans sur le volume de leurs commandes au bénéfice de l’Ukraine ou de la
défense nationale.
Mesure n°4 : un pool bancaire avec présence de l’État doit être créé, pour assurer les crédits aux PME et start-ups du secteur de la défense, particulièrement à celles qui doivent répondre à des commandes en provenance directe d’Ukraine.
Mesure n°5 : aucun établissement bancaire ne doit pouvoir opposer une charte d’éthique aux demandes de financement des entreprises ou des associations pour l’Ukraine.
Mesure n°6 : un emprunt national sera lancé ainsi qu’un livret d’épargne réglementé d’aide à l’Ukraine, sur le mode du Livret de Développement Durable, qui sera proposé à nos concitoyens afin de contribuer à financer l’augmentation des investissements des entreprises de la BITD. Ce livret permettra à nos concitoyens de s’impliquer dans le soutien à la démocratie ukrainienne.
Mesure n°7 : un organisme européen doit être créé avec nos partenaires européens afin de contrôler les exportations de technologies duales (c’est-à-dire à usage civil et militaire) et
une revue de celles-ci doit être organisée au plus vite afin de mettre totalement fin aux ventes à la Russie et ses alliés de biens, équipements et technologies duales.

Ce mémorandum est diffusé par l’association « Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! – association loi 1901 » – les illustrations sont de la responsabilité de l’auteur du blog.

https://www.pourlukraine.com/

Pour l’Ukraine

L’association « Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! » lance un appel aux citoyens pour que soit augmentée la production et la livraison d’armes françaises à l’Ukraine. Je reprends ici l’intégralité de cet appel.

Appel à nos concitoyens

La nation ukrainienne est en danger ! Nous devons lui fournir de toute urgence les armes et les munitions dont elle a besoin pour reconquérir l’intégralité de son territoire. Seule sa victoire, en rejetant la Russie hors d’Ukraine, assurera la paix, en accord avec le droit international. Un cessez-le- feu consacrant la mainmise de la Russie sur le Donbass, la Crimée et leur population en échange d’illusoires garanties de sécurité est un leurre. La Russie, une fois ses arsenaux regarnis, serait en mesure de reprendre son offensive contre les démocraties européennes. Les risques vont de la guerre hybride, que la Russie pratique déjà (cyberattaques, désinformation, intrusion dans les processus électoraux), à l’engagement dans un conflit de haute intensité.

Depuis deux ans l’Ukraine fait face à une guerre d’agression menée par Vladimir Poutine, dont les troupes pratiquent à grande échelle les bombardements délibérés de civils, les viols, les tortures et les déportations d’enfants. Depuis deux ans, à la surprise du monde entier, l’Ukraine démocratique et son armée ont réussi à repousser l’envahisseur et à libérer de nombreuses localités, malgré une infériorité en hommes et en matériel. Mais la Russie, appuyée par les livraisons d’armes des dictatures d’Iran et de Corée du Nord, peut aussi compter sur le soutien de la Chine.
La stratégie européenne a reposé d’abord sur les sanctions économiques qui devaient amener Poutine à la raison. Elles ont limité la capacité de la Russie à produire des armes, mais n’ont pas eu tous les effets escomptés : il faut les renforcer. Quant à l’aide militaire fournie à l’Ukraine par ses alliés, elle a été trop hésitante et modeste pour exploiter les victoires de l’été 2022, trop tardive et limitée pour percer les défenses russes l’été dernier. Elle commence même à faire défaut : bloquée aux États- Unis, elle l’est aussi en Europe par le veto hongrois et l’hésitation de certains gouvernements européens. 

Sur le front, dans les régions occupées comme pour l’ensemble des villes et territoires ukrainiens bombardés quotidiennement, la situation est grave. L’Europe doit impérativement tourner son industrie de défense en priorité vers l’Ukraine. Et notre pays peut jouer un rôle moteur, car nous sommes la principale puissance militaire du continent, notre base industrielle et technologique de défense comptant plus de 4000 entreprises.

La mise en œuvre d’un dispositif de solidarité économique et industrielle avec l’Ukraine permettrait d’agir rapidement dans cinq directions :
– augmenter la cession, la fabrication et les livraisons d’armes et de munitions ;
– donner des garanties aux industriels de l’armement ;
– se doter, avec nos partenaires européens, d’un organisme de contrôle pour assurer un embargo strict sur l’exportation des technologies duales ;
– encourager la mutualisation des outils de production, civils et militaires, au service de la défense ;
– mobiliser de nouvelles ressources financières en faveur de l’aide à l’Ukraine.

L’engagement de la France aux côtés de l’Ukraine est indéniable, mais il nous faut trouver les moyens d’augmenter considérablement la production et la livraison d’armes françaises qui ont fait leurs preuves. Notre président a promis 78 canons Caesar et 40 missiles Air-Sol Scalp-EG : il nous faudra assurer intégralement le financement des premiers et céder ou fabriquer davantage de SCALP. Nous disposons aussi de Mirage 2000D, de batteries de défense anti aérienne SAMP/T et Crotale, de missiles Sol-Air Mistral et de missiles antinavires Exocet en nombre, de radars Ground Master 200 et de véhicules du génie, dont les robots de déminage SDZ.


En matière de production, trois priorités apparaissent : la fabrication d’obus de 155 mm, qui n’est pas à la hauteur du programme européen ; la livraison de drones de divers types ; la fourniture d’équipements de guerre électronique. Ajoutons que ces investissements bénéficieront à long terme à l’amélioration des capacités défensives de la France, face aux risques accrus de conflit de haute intensité. Encore faudrait-il que les entreprises françaises puissent obtenir une garantie de 5 à 10 ans sur le volume de leurs commandes, selon leurs investissements. L’Ukraine n’est pas un client étranger comme les autres : elle est prioritaire parce que sa défense contribue à celle de notre pays.


L’effort budgétaire de la France pour l’Ukraine (environ 2 Md € prévus sur 2024-25) devrait être au moins doublé, afin de rétablir la parité avec l’Allemagne, en proportion du PIB. Cette augmentation tient compte:
– des commandes pour l’armée française (en plus de celles prévues par la loi de programmation militaire 2024-2030), en compensation des cessions d’armements sur ses stocks, soit 1 Md € ;
– de l’augmentation du fonds de soutien à l’Ukraine, qu’il faudrait porter à 800 M € en 2024 (au lieu des 200 M € budgétés) et à 1 Md € en 2025 (au lieu de 200 M € si le budget était reconduit à l’identique) ;


Plusieurs sources, bancaires ou fiscales, pourraient être exploitées pour couvrir les dépenses d’armement, comme l’a indiqué le récent Rapport d’information sur l’économie de guerre de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Une autre piste, plus mobilisatrice, serait de faire
appel à l’épargne des Français. Afin d’éviter une hausse de l’endettement public extérieur, pourraient
être lancé un emprunt national et créé un « Livret d’aide à l’Ukraine » (sur le mode du Livret de développement durable). Cela permettrait à nos concitoyens de s’impliquer dans le soutien à la démocratie ukrainienne.


La paix passe par le retrait complet de l’armée russe hors du territoire ukrainien. Aussi les moyens, qui ont manqué à l’Ukraine depuis deux ans, ne doivent plus lui faire défaut. Et la France peut être la première au sein de l’Europe à donner l’exemple d’un engagement décisif. L’association Pour
l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre !
et les signataires en appellent à la mobilisation de tous.

Vous pouvez signer cet appel en vous rendant sur le site de l’association en cliquant sur le lien

https://www.pourlukraine.com/je-signe-armement-francais-ukraine.

Vous y trouverez nombre d’informations pour aider concrètement la lutte des ukrainiens pour leur libération et la nôtre.

Ce qui manque à l’Ukraine résistante, ce n’est pas le courage, mais les armes dont elle a besoin pour résister et vaincre. Aujourd’hui, aider l’Ukraine, c’est armer l’Ukraine.

Mobilisation Nationale

L’association organise une mobilisation nationale lors de l’anniversaire de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février à Paris Place de la République à 14heures. Il n’a jamais été aussi important d’agir autour de la cause ukrainienne et de l’attaque russe sur nos démocraties

Le 24 février 2024, Place la République à Paris, à 14 heures

Ensemble pour la victoire d’une Ukraine libre et démocratique

Faut-il privilégier l’état de droit ou le suffrage populaire ?

Le populisme se développe et prend de plus en plus de place dans le débat public notamment dans nos démocraties occidentales avancées. Il fait planer sur nos sociétés une instabilité politique qui se rajoute à la dégradation de l’ordre du monde. Cela ne peut qu’augmenter l’anxiété que chacun peut éprouver face à l’avenir.

Une « atmosphère » de populisme

Les populistes accusent les élites de dévoyer la démocratie, de dessaisir le peuple de sa souveraineté en abusant de leurs fonctions et d’être tellement éloignés de ses intérêts qu’ils n’ont aucune légitimité à le représenter. Ils s’inscrivent dans la perspective d’une régénération démocratique. Ils instruisent le procès des démocraties libérales-représentatives accusées d’avoir le culte de l’individu et des minorités au détriment de la souveraineté du peuple. Ils privilégient la démocratie directe en appelant à multiplier les référendums d’initiative populaire, dénoncent le caractère non démocratique des autorités non élues et des cours constitutionnelles, et exalte une conception immédiate et spontanée de l’expression populaire. Ils vont jusqu’à remettre en cause l’état de droit.

Citons deux exemples qui illustrent cette situation : les élections présidentielles aux États-Unis d’Amérique et la validation de la loi immigration par le conseil constitutionnel en France.

Les élections présidentielles américaines

Lors des élections présidentielles de 2020, Donald Trump et le Parti Républicain accuse le Parti démocrate d’irrégularités et donc de leur voler la victoire. Cela se termine, si l’on peut dire, par une insurrection cherchant à empêcher le congrès américain de valider les résultats. Pour les élections de 2024, Donald Trump, quadruple inculpé, est à nouveau candidat à la présidence des États-Unis. Il est potentiellement passible d’une peine de prison.

La cour suprême du Colorado l’a déclaré inéligible en vertu du 14ème amendement de la constitution. Cet amendement prohibe la candidature à une fonction officielle de toute personne qui a été engagée dans une insurrection. Une position semblable a été prise dans le Maine. Craignant la multiplication de ces décisions, Donald Trump demande à la Cour suprême des USA de casser le jugement du Colorado.

Que va faire la Cour Suprême ? Elle se prononcera début février.

Les juges vont jouer un rôle important pour ne pas dire capital dans cette élection, qu’ils condamnent ou non l’ancien président. Le judiciaire va peser sur le politique ce qui pose une question de fond. Dans une démocratie, est-ce aux juges ou aux électeurs de décider de l’élection ? Laissons de côté les aspects techniques de ce conflit juridico-politique pour ne retenir que la question de fond qui rejoint celle posée par les populistes. Si l’ancien président est empêché de candidater ce sera haro sur le « gouvernement des juges » et certains prédisent de violents incidents et peut-être plus.

En France

Au cours de l’année 2023, la majorité présidentielle relative a adopté au forceps, deux réformes majeures, retraite et immigration, sans débats dignes de ce nom au parlement et même sans vote pour la réforme des retraites. Pour la loi immigration le gouvernement a obtenu, au-delà de son groupe parlementaire, l’appui de la droite et de l’extrême droite et a concédé des dispositions qui pourraient être refusées par le Conseil constitutionnel pour non-conformité avec la constitution. Les principaux dirigeants de l’exécutif, le président de la république, la première ministre et le ministre de l’intérieur ont tous reconnu que le texte comportait des dispositions contraires à la Constitution.

Le président du Conseil constitutionnel a rappelé au gouvernement que cette instance n’était ni une chambre d’échos des tendances de l’opinion, ni une chambre d’appel des choix du Parlement, mais le juge de la constitutionnalité des lois. La tâche du Conseil est, quel que soit le texte dont il est saisi, de se prononcer en droit. Il a cité un de ses prédécesseurs, Robert Badinter, qui avait dit : « Une loi inconstitutionnelle est nécessairement mauvaise, mais une loi mauvaise n’est pas nécessairement inconstitutionnelle. »

Sollicité le Conseil constitutionnel se prononcera le 25 janvier sur la constitutionnalité des dispositions de la loi immigration. Là aussi nous courrons le risque que la censure du Conseil déclenche le haro sur le « gouvernement des juges ».

Quelle souveraineté ?

La plupart des États démocratiques modernes disposent d’une constitution qui détermine les droits fondamentaux, organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. Tous ne disposent pas obligatoirement d’une cour constitutionnelle qui est chargée de vérifier la constitutionnalité des lois et de régler les contentieux électoraux et référendaire. Les États Unis et la France disposent d’une telle cour.

Dans un État démocratique avancé, nous pouvons toujours modifier l’état du droit, mais il faut toujours veiller à respecter l’état de droit qui se définit par un ensemble de principes cardinaux comme la séparation des pouvoirs, le principe de l’égalité et l’indépendance des juges.

Le président du Conseil constitutionnel a lancé un avertissement à ceux qui dénoncent « le gouvernement des juges » et qui plaident pour le recours systématique au référendum pour se libérer de l’état de droit pour accomplir la volonté générale. Il a affirmé la détermination des juges constitutionnels « à veiller à ce que ne connaisse aucune éclipse le respect de la constitution et de l’état de droit. »

L’état de droit est un concept qui suppose la prééminence du droit sur le pouvoir politique et le respect de la loi par les gouvernants et les gouvernés. Tous, les individus comme la puissance publique, sont soumis à un même droit fondé sur le respect de la hiérarchie des normes. L’État doit se soumettre aux droits fondamentaux. Les juristes français se réfèrent à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 comme un pôle essentiel du contenu de l’état de droit.

Une société dans laquelle il n’y a ni séparation des pouvoirs, ni garantie des droits, ni respect de l’autorité des décisions de justice, de l’égalité de traitement et des libertés publiques, ne peut pas prétendre être une démocratie. Dans une démocratie avancée le suffrage populaire s’exprime dans le respect de l’état de droit.

EGALITE

Article rédigé avec le concours de Nicolas et Nikola

L’idée d’égalité n’est pas une affaire nouvelle. En effet, je voudrais citer Paul Hazard, (1878-1944) historien français qui, dans son livre « La crise de la conscience européenne » (1935) écrit : » « Quel ­contraste ! quel brusque passage ! la hiérarchie, la discipline, l’ordre que l’autorité se charge d’assurer, les ­dogmes qui règlent fermement la vie : voilà ce qu’aimaient les hommes du dix-septième siècle. Les contraintes, l’autorité, les dogmes, voilà ce que détestent les hommes du dix-huitième siècle, leurs successeurs immédiats

Les premiers croient au droit divin, les autres au droit naturel. Les premiers vivent à l’aise dans une société où règne l’inégalité, les seconds ne rêvent que d’égalité.

L’égalité, qu’elle soit politique, économique, sociale ou de genre, fut un leitmotiv de la rupture intellectuelle des philosophes du siècle des Lumières.

J’aborderai ce thème de l’Égalité d’abord sous l’angle de la philosophie, puis son lien avec la Révolution française, comment la constitution de la République Française en traite, les réalités économiques en France et dans le monde pour enfin conclure en démocrate humaniste.

Sous l’angle philosophique

Selon E. Kant, la dignité humaine est intrinsèque, ontologique (par nature) et irréductible pour chaque Être humain. En cela, Kant, nous enseigne l’égalité dans ce qu’elle a de plus pure ! La dignité humaine serait en conséquence, le fruit d’une seule et unique chose : la loi morale qui anime l’âme humaine.

Complémentairement à E. Kant, la conception philosophique de la dignité humaine est également charpentée par Hegel.  Si Kant est le symbole de l’égalité, Hegel est celui de la reconnaissance individuelle et de la singularité de chaque Être humain. Sans la reconnaissance d’autrui, nous ne serions pas pleinement des Êtres humains accomplis dans notre dignité. Sans prise en compte de notre singularité, nous ne serions qu’un numéro parmi tant d’autres. La dignité humaine se révèle non seulement de manière ontologique et inaltérable, mais aussi comme un combat constant afin de comprendre et de reconnaître l’Autre dans ce qu’il a de singulier.

Montesquieu, dans « De l’esprit des lois », établit une relation essentielle entre république, démocratie et égalité : « L’amour de la république, dans une démocratie, est celui de la démocratie ; l’amour de la démocratie est celui de l’égalité ».

Rousseau, dans « Du contrat social », fait du concept d’égalité le moteur de sa théorie. La liberté est la finalité de l’association politique et l’égalité en est la cheville ouvrière.

La Révolution française

A la révolution française s’est établi à la suite de la monarchie un régime politique qui est baptisé « république ». En conséquence de l’abolition de la royauté et des privilèges, la première république française est proclamée. La République française est la fille de la révolution. L’Assemblée Nationale proclame la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

L’égalité est donc intrinsèque à la République dont la devise est « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Les principes d’émancipation, de liberté, d’égalité et de fraternité, énoncés en 1789, consolidés par la République en 1792 valaient pour tous les hommes, pour tous les pays.

Condorcet explique : « Il ne peut y avoir ni vraie liberté, ni justice dans une société si l’égalité n’est pas réelle » ? Il soutient la lutte des Juifs, des protestants et des Noirs pour leur émancipation ». L’égalité politique de l’homme et de la femme est affirmée notamment dans un article qui fit scandale intitulé : « Sur l’admission des femmes au Droit de cité ».

Olympe De Gouges, rédactrice en 1791 de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » a laissé de nombreux écrits en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l’abolition de l’esclavage des noirs. A ce jour, malgré des avancées, nous sommes encore loin de réaliser l’égalité femme homme et de faire disparaître toute discrimination dont sont victimes les femmes.

La Révolution puis les différentes républiques françaises tentèrent sans toujours y parvenir d’instaurer l’égalité de tous les citoyens. Les discriminations de toutes sortes, de genre, de religion, d’origine, sont encore bien trop nombreuses. Le racisme, même s’il est officiellement condamné, est encore présent dans bien des comportements.

Égalité et la constitution de la Vème République

En France la constitution de 1958 est le texte fondateur de la Ve République. Adoptée par référendum le 28 septembre 1958, elle organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. Elle est le quinzième texte fondamental de la France depuis la Révolution Française.

Norme suprême du système juridique français, elle a été modifiée à vingt-quatre reprises depuis sa publication par le pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès, soit directement par le peuple à travers l’expression du référendum. Son Préambule renvoie directement et explicitement à trois autres textes fondamentaux : la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la constitution de 1946, la charte de l’environnement de 2004.

La constitution de 1958, dans sa forme actuellement en vigueur, précise en son article 1 :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Les hommes et les femmes, naissent égaux en droit mais que ce passe-t-il après la naissance ? La République nourrit ses enfants et les instruit. L’histoire nous prouve que l’égalité des droits n’empêche pas les inégalités. Même si tous les gouvernants affirment orienter l’action de la puissance publique dans le sens d’une plus grande égalité entre les citoyens, nous voyons bien, notamment ces dernières années, que les inégalités s’accroissent. Les privilèges de la naissance ont été abolis sans complètement disparaitre et ont été remplacé par les privilèges de la richesse économique qui se répercute sur le plan culturel, social et régional. Même l’école qui a été un formidable instrument d’éducation et d’émancipation reste encore trop un facteur de reproduction sociale et un révélateur de la persistance des inégalités femmes hommes.

Les réalités économiques

En France, l’Observatoire des inégalités rapporte pour 2021 que les 10 % du haut de l’échelle des revenus touchent en moyenne 7,1 fois ce que touchent les 10 % du bas, après impôts et prestations sociales. Si l’on mesure l’écart de salaire total, tous temps de travail confondus, les femmes touchent 28,5 % de moins que les hommes. À eux seuls, les 10 % les plus fortunés possèdent 46,4 % de l’ensemble du patrimoine des ménages. Le patrimoine médian des ouvriers non qualifiés (la moitié possède moins, l’autre moitié plus) est de 12 300 euros, endettement déduit. Le ministère de l’Éducation nationale indique qu’à l’université, les enfants de cadres supérieurs sont beaucoup plus nombreux que les enfants d’ouvriers.

Ces constatations ne sont pas limitées à la France, elles peuvent se constater partout dans le monde. Le « Rapport sur les inégalités mondiales 2022 » de la « World Inequality Database », publié en décembre 2021, montre que l’hyper concentration patrimoniale, qui s’est encore aggravée pendant la crise du Covid-19, concerne l’ensemble des régions de la planète. Au niveau mondial, les 50 % les plus pauvres détiennent en 2020 à peine 2 % du total des propriétés privées (actifs immobiliers, professionnels et financiers, nets de dettes), alors que les 10 % les plus riches possèdent 76 % du total.

Les excès de la mondialisation financière expliquent en partie le creusement des écarts de revenus et de patrimoine ces dernières décennies. En moyenne les 10% des adultes les plus riches de la planète captent 52% des revenus mondiaux, lorsque 50% des plus pauvres s’en partagent 8,5%. Les disparités de richesse se traduisent aussi en inégalités en termes d’empreinte écologique. Les émissions de carbone des 1 % les plus riches de la planète dépassent celles des 50 % les plus pauvres.

De nombreux discours conservateurs tentent de donner des fondements naturels et objectifs aux inégalités et expliquent que les disparités sociales en place sont dans l’intérêt de la société dans son ensemble. Selon eux les inégalités sont nécessaires pour accroitre la productivité et la croissance. Après une période d’après-guerre où les inégalités ont régressé, les politiques néolibérales sont devenues culturellement dominantes et ont bouleversé le panorama des inégalités. La promesse néolibérale de dynamisation de la croissance par la baisse de la fiscalité des plus riches n’a pas marché. La théorie du ruissellement n’a pas généré la prospérité pour tous. Le recul des politiques de redistribution par la fiscalité a eu pour conséquence d’augmenter les écarts de revenus et de patrimoine au bénéfice des plus riches par rapport aux catégories sociales moyennes sans pour autant sortir du marasme les catégories les plus défavorisées.

Pour conclure

Pierre Leroux (1797 – 1871), philosophe et homme politique français, souvent cité par un de mes amis, a écrit : « Toujours est-il que nous sommes fondés à dire que l’Égalité est en germe dans la nature des choses, qu’elle a précédé l’inégalité, et qu’elle la détrônera et la remplacera. C’est ainsi que, de cette double contemplation de l’origine et de la fin de la société, l’esprit humain domine la société actuelle, et lui impose pour règle et pour idéal l’Égalité. Si donc, encore une fois, je crois à la Liberté, c’est parce que je crois à l’Égalité ; si je conçois une société politique où les hommes seraient libres et vivraient entre eux fraternellement, c’est parce que je conçois une société où régnerait le dogme de l’Égalité humaine. En effet, si les hommes ne sont pas égaux, comment voulez-vous les proclamer tous libres ; et, s’ils ne sont ni égaux ni libres, comment voulez-vous qu’ils s’aiment d’un fraternel amour ». Comment ne pas faire nôtre cette pensée !

L’objectif premier de toute société démocratique est d’améliorer le sort de tous. Le bien-être de tous au niveau national comme au niveau international doit être le guide de toute action individuelle et collective.

Les humanistes universalistes ont pour but l’amélioration de l’humanité et pour devoir d’étendre l’égalité et le bien-être à tous les membres de l’humanité. Ils doivent construire de nouvelles Lumières contre le retour des ténèbres. Telle est l’alternative de la société qui s’annonce. Les héritiers des Lumières, militants de la liberté, dotés de raison, n’ont qu’une voie. Et sur ce chemin, l’égalité est leur boussole.

La démocratie en danger

La France est une démocratie, les dirigeants sont élus et il existe des contre-pouvoirs. Mais son histoire montre qu’elle s’est structurée autour d’un pouvoir fort. Le régime de la cinquième république s’inscrit dans ce mouvement. L’actualité nationale et le contexte international incite à réfléchir sur les menaces qui pèsent sur la République.

Une démocratie libérale autoritaire

Selon Pascal Ory de l’académie française (« Ce cher et vieux pays » tract Gallimard, 2023), le destin politique français peut s’éclairer à partir de l’histoire, la centralité et l’unité. Le pays s’est structuré autour d’un pouvoir monarchique fort, un État sophistiqué et le choix du catholicisme préféré à la Réforme. La Révolution française puis l’Empire napoléonien seront l’œuvre d’esprits unitaires. Ensuite la IIIème République fabrique des générations inspirées par la philosophie des Lumières. La culture politique dominante de la nation française sera celle de la laïcité conduisant à la construction en parallèle de deux cultures en miroir, celle des catholiques et celle des laïques. Son unité tiendra dans l’agencement de ses divisions sur le mode de la bipolarité.

Tous les pays frontaliers de la France sont aujourd’hui régis par un régime parlementaire qui est consécutif à l’échec de violentes expériences autoritaires. Le destin politique français est contre-cyclique. La Vème République instaure un régime populaire sur fondement plébiscitaire, synonyme d’autorité. Depuis 1958 les institutions tablent sur le maintien d’un exécutif fort avec des lois électorales qui empêchent mécaniquement toute coalition entre les deux ailes modérées du paysage politique. La France est la seule démocratie libérale qui dote d’aussi larges pouvoirs un chef de l’État élu au suffrage universel. Depuis soixante-cinq ans la France est à contre-courant de la tendance générale de son époque. Depuis trois-quarts de siècle l’hyper-présidentialisation produit une série continue d’aventures personnelles où les logiques partisanes sont secondes. Cette analyse conduit à qualifier la France de démocratie libérale autoritaire.

 L’actualité confirme le destin politique français

Le chef de l’État en exercice a promu la figure « jupitérienne » de la fonction présidentielle. Le gouvernement qu’il a nommé n’a jamais été aussi éloigné de donner la preuve « qu’il détermine et conduit la politique de la nation » tel que prévu par l’article 20 de la constitution.

Le président de la République et son gouvernement estiment que le taux trop élevé des prélèvements obligatoires est un handicap pour l’économie française. Un axe de sa politique est de baisser les impôts. A cette fin il est nécessaire de diminuer les dépenses publiques et en particulier les dépenses sociales. Il œuvre pour affaiblir le rôle des partenaires sociaux et réduire le pouvoir des salariés qu’il sait être favorables à une politique de redistribution. Il développe une politique libérale favorable aux premiers de cordée avec la conviction que cela finira par profiter au plus grand nombre. Cette politique nourrit les inégalités, met l’État au service des riches et des entreprises et alimente le populisme nationaliste (voir l’éditorial de Christian Chavagneux dans le n°442 d’Alternatives Économiques daté de janvier 2024).

L’état de droit piétiné

Paul Cassia, professeur de droit public à l’université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, dans un article publié dans le journal « Le Monde » daté du 23 décembre 2023, estime que « l’exécutif piétine consciemment un état de droit qu’il est plus que jamais nécessaire de défendre. » L’adoption au forceps de deux réformes majeures au parlement, retraites et immigration, sans débats dignes de ce nom entre les représentants de la souveraineté nationale et même sans vote pour la modification du système des retraites. Les modalités de leur adoption illustrent de manière caricaturale le primat autoritaire de l’exécutif, en réalité du seul président de la République, sur les autres pouvoirs constitutionnels, le Parlement et la Justice. « Lorsque le Conseil constitutionnel censurera certaines dispositions de la loi sur l’immigration, ce sera le haro sur le « gouvernement des juges ». C’est ainsi que le populisme s’autoalimente. »

La remise en cause des principes fondamentaux de la République

Parallèlement à ce qui se passe au sommet de l’État, l’époque est de plus en plus marquée par la remise en cause des principes fondamentaux de la République résumés dans le triptyque républicain, Liberté, Égalité, Fraternité, auquel nous pouvons joindre la laïcité qui en est un complément indispensable. Des professeurs de nos écoles, Samuel Paty et Dominique Bernard, ont été assassinés parce qu’ils consacraient leur vie à instruire nos enfants et à leur transmettre les valeurs de notre République pour en faire des citoyens responsables, instruits et libres de leurs choix philosophique, politique et social. C’est à cette tâche que veulent s’opposer les tenants de l’obscurantisme qui privilégient la croyance à la raison. Ils manifestent ainsi leur volonté de détruire les fondements mêmes de notre République.

Les actes antisémites et anti musulmans se multiplient. Les comportements racistes deviennent quotidiens dans le pays. La guerre est aux portes de l’Europe qui pensait en avoir fini avec ce type de conflit sur son territoire. « Plus jamais ça » avait-on dit ! Les massacres de civils en Israël et la riposte de l’État Hébreu à Gaza créent de nouvelles tensions en France où certains voudraient y importer les violences consécutives à ces affrontements.

Résister pour défendre la République

Tous ces évènements dramatiques ne peuvent qu’inciter les républicains et les démocrates à la résistance.  

Résister en contribuant à endiguer les phénomènes d’intolérance, de discrimination, de xénophobie, d’antisémitisme et de racisme,

Résister en manifestant l’attachement à l’humanisme c’est-à-dire à l’unité du genre humain et à l’égalité des droits,

Résister en combattant l’ignorance et le fanatisme,

Résister aux périls identitaires par la promotion de l’universalisme dans le respect de la diversité et le refus de tout communautarisme.

Résister à la dérive autoritaire au sommet de l’État qui ouvre la voie au national-populisme.

En un mot résister pour défendre la République indivisible, laïque, démocratique et sociale prévue par notre constitution qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de couleur de peau, de religion, de culture, de fortune ou de sexe.

Le fanatisme religieux mène au chaos

Le proche orient s’enflamme

Si l’on est attaché à l’humanisme et à l’universalisme comment ne pas condamner sans réserve les attentats criminels et barbares perpétrés par les miliciens du Hamas. Pour les mêmes raisons il est impossible d’être insensible au sort des civils dans la bande de Gaza suite à l’offensive de l’armée israélienne. Les bombardements ne font pas la distinction entre les innocents et les coupables des massacres. La prise d’otages est une violation grave des conventions de Genève, de même que le fait d’empêcher que l’aide humanitaire puisse parvenir sans entrave aux victimes civiles.

Ce conflit au Proche Orient ne cesse de rebondir depuis près de cent ans sans qu’aucune solution n’y soit apportée. L’objet de cet article n’est pas d’en faire une analyse complète. C’est une situation où s’entrecroisent divers facteurs qui la rendent d’une grande complexité. C’est ce qui permet à tous les partisans, de part et d’autre, de multiplier les jugements et les solutions inapplicables du genre que les juifs retournent d’où ils viennent, ou que les palestiniens s’intègrent dans les pays arabes voisins.

Les initiatives diplomatiques visant à la libération de tous les otages et une désescalade rapide des combats et protectrice des vies humaines doivent être encouragées.  L’arrêt des combats ne suffira pas à amener une paix juste et durable dans cette région. Ce conflit ne se règlera pas par la guerre. Tant que chacune des parties sera principalement dirigée par des fanatiques religieux qu’ils soient islamiques ou messianiques, la guerre sera éternelle.

Quand un conflit est de nature territoriale ou politique les opposants finissent par trouver un compromis pour mettre fin à une situation instable et incertaine pour les parties. Même si c’est difficile, le dialogue et le respect de l’autre peuvent permettre de mettre fin de manière durable aux hostilités. Mais un conflit de nature religieuse, où le fanatisme domine la raison, où chacune des parties nie les droits et même l’existence de l’autre, ne peut trouver une fin que dans la disparition de l’autre ou au moins sa totale et définitive soumission.

Les parties au conflit

Le Hamas est une organisation islamiste palestinienne, branche des Frères musulmans. Ses objectifs sont la création d’un État théocratique Islamique sur les territoires de l’ancienne Palestine mandataire, la lutte contre les impérialismes sioniste et occidental, l’annihilation de l’État d’Israël et le refus de toute négociation. Il mènera le Jihad contre Israël jusqu’à sa destruction et affiche son antisémitisme. Plusieurs dirigeants du Hamas n’hésitent pas à déclarer sur les chaînes de télévision leur volonté de tuer tous les juifs en Palestine jusqu’au dernier.

Ce qu’on appelle les Accords d’Oslo en 1991 sont le résultat de négociations qui ont posé les premiers jalons d’une résolution du conflit israélo-palestinien. Les objectifs des deux parties étaient d’établir une autorité palestinienne intérimaire autonome pour la Cisjordanie et la bande de Gaza pour une période n’excédant pas cinq ans en vue d’un règlement permanent fondé sur les résolutions de l’ONU. L’accord intérimaire est signé à Washington le 28 septembre 1995 prévoit les premières élections palestiniennes et le découpage des territoires palestiniens. Cet accord, signé par Yitzhac Rabin et Yasser Arafat, met en place l’Autorité Palestinienne au sein de laquelle l’OLP (organisation de libération de la Palestine) est majoritaire. Cette tentative de processus de paix sera mise en difficulté à la suite du durcissement des positions de part et d’autre sur le statut de Jérusalem, le problème du retour des réfugiés palestiniens et la lutte contre le terrorisme. Après l’assassinat d’Yitzhac Rabin, premier ministre israélien, en 1995 par un étudiant israélien d’extrême droite et la multiplication des attentats menés par le Hamas et le Jihad Islamique, entre 1996 et 1999, le processus d’Oslo ne pourra plus être relancé.

Le premier ministre, Benyamin Netanyahou, principal dirigeant israélien depuis plus de 20 ans, n’a jamais caché son opposition aux accords d’Oslo. Il avait même traité Rabin de traitre. Pour se maintenir au pouvoir ces dernières années, il dirige un gouvernement avec l’appui de l’extrême droite qui pousse à l’implantation d’israéliens en Cisjordanie.  Ce territoire est complètement parsemé de zones occupées par des colons israéliens qui sont de plus en plus agressifs vis à vis des palestiniens et auteurs d’expéditions punitives sous la protection de l’armée israélienne. Le gouvernement Israélien a favorisé le Hamas, rival politique de l’OLP et a considérablement affaibli l’Autorité Palestinienne. Le ministre de la défense israélien lors d’une intervention télévisée qualifie la Cisjordanie de « terre de Judée-Samarie, terre qui a été donnée par Dieu au peuple juif. » Ces implantations en Cisjordanie sont inacceptables et sont destinées à favoriser l’annexion de nouvelles terres qui ont été attribuées aux palestiniens dans les accords antérieurs. Au-delà de la guerre de représailles à Gaza par le gouvernement israélien, cette vision messianique de l’État d’Israël n’est pas pour faciliter la coexistence de deux peuples sur une même terre.

La recherche de la Paix

Après les massacres odieux d’israéliens par des miliciens du Hamas le 7 octobre et en réponse, les représailles inévitables de l’armée israélienne dans la bande de Gaza, retrouver le chemin du dialogue va être très difficile, tant pour les palestiniens que pour les israéliens. Les ressentiments, au sein des deux parties, sont exacerbés. Et pourtant si une issue politique n’est pas échafaudée dans le respect des deux parties, après quelques mois ou années d’accalmie la guerre reprendra en un ou plusieurs épisodes jusqu’à l’élimination définitive de l’autre.

Dans le passé les représentants des deux peuples ont pu se réunir pour trouver une solution de paix. Demain il faudra construire les conditions d’une paix juste et durable acceptable pour les deux parties avec des garanties de sécurité dans le temps long.

Ce conflit montre combien le principe de laïcité est fondamental. C’est un principe fondé sur une exigence de raison à savoir l’égalité en droit de tous les êtres humains, la liberté de conscience qui ne peut se réduire à la seule liberté religieuse et le primat du bien commun à tous. Les dogmes et les croyances religieuses ne doivent pas interférer dans l’organisation politique de la société. Il n’y a pas de fatalité à ce que les plus intolérants, les moins enclins au dialogue, les plus fanatiques, imposent leurs options.

Les humanistes universalistes attachés à l’unité du genre humain et à l’égalité des droits doivent affirmer ces principes face aux promoteurs de haine, de violence et d’obscurantisme qui sévissent tant au Proche Orient que dans notre propre pays.

Un nouveau cycle historique en Afrique

Les récents coups d’États en Afrique de l’Ouest et le chaos provoqué par l’expansion du djihadisme ne manque d’interroger tout observateur attentif. La France est présente en Afrique depuis deux siècles. Après la colonisation, l’indépendance et la période postcoloniale, nous voyons la France se défaire difficilement de ses préjugés sur ses anciennes colonies sur le plan politique comme sur le plan culturel, artistique et littéraire. Après l’afro-pessimisme qui a suivi l’euphorie de l’émancipation, une vision afro-optimiste s’amorce au tournant des années 2010. L’espoir du décollage économique projette l’Afrique comme un continent d’avenir fort de son milliard et demi d’habitants.

« Écrire l’Afrique – Monde »

Porté sans doute par ce courant afro-optimiste j’ai été attiré par la publication d’un livre intitulé « Écrire l’Afrique-Monde ». Ce livre est le produit des « Ateliers de la pensée » dirigés par Achille MBEMBE, historien, politologue et enseignant universitaire camerounais, et Felwine SARR, universitaire et écrivain sénégalais. En octobre 2016 une trentaine d’intellectuels et artistes du Continent et de ses diasporas se sont réunis pour réfléchir sur le présent et les devenirs d’une Afrique au cœur des transformations du monde contemporain. Dès l’introduction il est écrit que « l’Europe ne constitue plus le centre du monde même si elle en est toujours un acteur relativement décisif. L’Afrique pour sa part – et le Sud de manière générale-, apparait de plus en plus comme l’un des théâtres privilégiés où risque de se jouer, dans un avenir proche, le devenir de la planète. »

Felwine SARR

Au terme des contributions diverses, la conclusion indique que les réponses à la question de savoir comment penser le monde à partir de l’Afrique sont divergentes, contradictoires voire irréconciliables. Certains estiment que seuls les africains sont en mesure de dire la vérité au sujet de l’Afrique. Ils souhaitent se servir de leur entendement afin d’échapper au gouvernement par les autres. D’autres sont nombreux à appartenir à tant d’univers de sens qu’il leur est impossible de se revendiquer des appartenances claires car ils ont passé l’essentiel de leur vie à traverser le monde, qu’ils soient physiquement partis ou qu’ils soient restés sur leur lieu de naissance. D’où différentes interrogations. Partant des expériences africaines l’insécurité et la terreur vécues par les migrants sont-elles plus emblématiques que d’autres ? Que dire du présent et de l’avenir de l’État dans le monde contemporain, voire de l’ordre mondial dans sa généralité ? Le temps de l’État est-il différent de celui du marché ? Comment, dans le contexte actuel, repenser le problème des rapports entre la force et le droit, la sécurité et la vulnérabilité ?  Les questions africaines renvoient en même temps aux questions planétaires. Il faut passer à un regard post anthropologique sur l’Afrique pour surmonter les discours sur la différence. L’histoire africaine est partie intégrante de l’histoire du monde.

Achille MBEMBE

L’intérêt suscité par le titre du livre ne s’est pas démenti par sa lecture. Alors intrigué par la situation dans le Sahel, quand j’ai vu qu’Achille MBEMBE publiait un article dans les pages « idées » du journal « Le Monde », je n’ai pas manqué de m’y intéresser. Je vais tenter de vous délivrer l’essentiel de cette analyse qui me parait particulièrement intéressante.

L’analyse d’un intellectuel africain

Un nouveau cycle historique

Selon Achille MBEMBE le continent africain est entré dans un nouveau cycle historique. Les prises du pouvoir par les militaires dans plusieurs anciennes colonies françaises sont les derniers soubresauts de la longue agonie du modèle français de la décolonisation incomplète. Même si la France ne décide plus de tout dans ses anciennes possessions coloniales, il serait temps qu’elle se débarrasse des restes désuets du passé. Les africains seraient ainsi placés devant leurs responsabilités et ne disposeraient plus d’aucune échappatoire. La décolonisation serait parachevée. Dans l’évolution en cours la France n’est plus qu’un acteur secondaire. Pas parce qu’elle aurait été évincée par la Russie ou la Chine mais parce que l’Afrique est entrée dans un mouvement inédit et périlleux d’auto recentrage.

Montée en puissance d’un néo souverainisme

Mue par des forces, essentiellement autochtones, le continent fait l’expérience de transformations multiples et simultanées. Enjeux démographiques, socioculturels, économiques et politiques s’entrecroisent. A cela s’ajoute la montée en puissance du néo souverainisme dans un contexte de désarroi idéologique, de désorientation morale et de crise de sens. Ce néo souverainisme est moins une vision politique qu’un fantasme qui est le ferment d’une communauté émotionnelle et imaginaire qui lui donne toute sa force mais aussi sa toxicité. Les néo souverainistes estiment que c’est en boutant hors du continent les vieilles puissances coloniales, à commencer par la France, que l’Afrique parachèvera son émancipation. A la démocratie ils préfèrent le culte des hommes forts d’où leur indulgence à l’égard des coups d’États militaires. Une partie importante de la jeunesse est déboussolée et sans avenir. Elle se réfugie dans la violence et l’action directe. Ce désir de violence se développe à un moment d’extraordinaire atonie intellectuelle parmi les élites politiques et économiques et plus généralement les classes moyennes et professionnelles.

Un régime d’enfermement

La fin du XXème et le début du XXIème siècle ont été marqués par une intensification de la prédation et une course effrénée à la privatisation des ressources du sol et du sous-sol. Toutes sortes d’acteurs en quête de profit, des multinationales aux services privés de sécurité militaire, sont attirés par les nombreuses ressources, militarisent les échanges et s’arriment aux réseaux transnationaux de la finance et du profit. Cette nouvelle phase dans l’histoire de l’accumulation privée sur le continent a eu pour contrepartie la brutalisation et le déclassement de pans entiers de la société, et la mise en place d’un régime d’enfermement plus insidieux qu’à l’époque coloniale. Les victimes de ce déclassement sont condamnées à de périlleuses migrations.

Les impasses qui s’offrent à l’Afrique

En marge du néo souverainisme plusieurs chemins d’impasse s’offrent à l’Afrique. Le Marché du religieux s’est développé et voit s’opposer plusieurs régimes de vérité. Pour d’autres la solution est à chercher du côté du culte de l’entrepreneuriat et la glorification de l’individu. Dans un contexte de pénurie, de précarité et de lutte pour la survie, une culture hédoniste fondée sur la corruption et l’accaparement des richesses ne cesse de s’affirmer.

Réarmer la pensée

A rebours de ces chemins d’impasse et du fétichisme des élections, il faut selon Achille MBEMBE, miser sur une véritable démocratie, qu’il faudra construire pas à pas, en réarmant la pensée, en réhabilitant le désir d’histoire, en misant sur l’intelligence collective des africains. C’est cette intelligence qu’il faudra réveiller, nourrir et accompagner. C’est ainsi que pourront émerger de nouveaux horizons de sens. Il faut instaurer sur le terrain et dans la durée un mouvement de fond adossé à de nouvelles coalitions sociales, intellectuelles et culturelles.

La place de la France

La France a une place dans ce projet de réanimation de la création générale à condition qu’elle se débarrasse des oripeaux du passé et de ses illusions de grandeur. La stabilité et la sécurité ne s’obtiendront ni par des interventions militaires à répétition, ni par le soutien à des tyrans, ni par des sanctions intempestives, mais par l’approfondissement de la démocratie. Le moment est venu de se poser la question du sens et des finalités de la présence militaire française qui est remise en question par les nouvelles générations. Les raisons des échecs successifs, et de la défaite morale et intellectuelle subie par la France dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, doivent être examinés en profondeur. La stabilité passera par une démilitarisation effective de tous les domaines de la vie politique, économique et sociale.

Quelques réflexions à méditer

Si cette évolution de l’Afrique avait été exposée par un intellectuel français, elle aurait sans doute été qualifiée de paternaliste et entachée de post colonialisme notamment dans son aspect critique de la situation actuelle. Cette analyse lucide, dénuée de tout sentiment anti-français, et effectuée de l’intérieure de la société africaine par quelqu’un qui a pour ambition de réfléchir sur le présent et les devenirs d’une Afrique au cœur des transformations du monde contemporain, nous permet de mieux appréhender ce qui est en train de se passer sous nos yeux sur le continent africain. Pour en sortir par le haut, comme le défend Achille MBEMBE, l’Afrique doit s’appuyer sur les trois grands piliers de la conscience moderne à savoir la démocratie, les droits humains et l’idée de justice universelle.

La France est une société libérale ! un mythe ?

Depuis quelques années s’opposent ceux qui pensent que la France est devenue une société libérale et ceux qui estiment qu’avec son niveau élevé de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires (58,1% du Produit Intérieur Brut – PIB) la France libérale est un mythe.

Pour tenter de faire la lumière sur cette question, le site « Alternatives économiques » a publié un dossier assez complet abordant plusieurs thèmes visant à démontrer que si la France n’est pas devenue un « enfer ultra-libéral » car l’État social fait de la résistance, il n’en reste pas moins que la tendance de fond est aux mesures d’inspiration libérale, même si les temps semblent commencer à changer.

La désindustrialisation

La France s’est engouffrée dans le mouvement mondial vers le libre-échange et la libéralisation financière. Au cours des quatre dernières décennies la place de l’État dans l’économie a nettement reculé. Le nombre d’entreprises contrôlées majoritairement par l’État et le nombre de salariés employés par ces sociétés ont été considérablement réduits. Qui se souvient encore des entreprises qui étaient sous contrôle public : Elf, Rhône-Poulenc, Compagnie générale d’électricité (CGE), Renault, Saint-Gobain, Pechiney, Usinor, CGM…

Les nouveaux propriétaires ont modifié la stratégie suivie. Les privatisations ont accéléré la désindustrialisation en évacuant les activités les moins rentables notamment dans les conglomérats, ces entreprises qui combinaient plusieurs activités variées. Les actionnaires demandent à maximiser le bénéfice par action. La financiarisation des entreprises françaises a ainsi été accélérée.

La tutelle publique était un frein à l’internationalisation de leur stratégie de développement. Grandir à l’international signifie souvent racheter ses concurrents étrangers. Voir une entreprise appartenant à l’État français mettre la main sur une firme nationale pouvait être perçue comme une nationalisation par la France. Les privatisations ont été l’étape nécessaire pour permettre et accélérer cette stratégie d’internationalisation. Elles sont à l’origine de plusieurs champions nationaux français. Ce qui, dans un sens, peut être considéré comme une chance pour la France mais, à contrario, le lien de ces multinationales avec le territoire se trouve amoindri. Plus de la moitié de l’emploi des grandes firmes françaises est aujourd’hui située à l’étranger. Le pays n’a pas su conserver une base industrielle comme l’Allemagne ou le Japon.

La financiarisation des entreprises, et notamment des entreprises à capitaux publics, ne s’est pas faite contre l’État. L’idéologie dominante parmi les hauts fonctionnaires de Bercy s’est imposée avec comme résultat une désindustrialisation et une financiarisation accrues.

La libéralisation des services publics

La conception française des services publics a été bousculée par le droit de l’Union Européenne. L’application d’une logique libérale aux services publics a des conséquences sur le prix, la qualité du service et la cohésion sociale.

Les entreprises jouissant d’un monopole de service public de réseau (électricité, gaz, chemin de fer, postes, télécommunications…) sont ouvertes à la concurrence. Dans le domaine social, l’État a organisé la venue du privé lucratif et imposé un référentiel marchand à tous les acteurs du champ. La privatisation de l’offre et du financement des services publics imprègne les façons de penser et de faire au sein des services : le raisonnement courant devient « pour que l’État et les collectivités dépensent moins, mieux vaut s’en remettre au privé ».

Les expériences dans le domaine social, de la santé (Hôpitaux, Ehpad, Crèches…), de l’éducation et même dans les services publics de réseau montrent les limites du raisonnement. Les prix augmentent et la qualité du service n’est pas forcément améliorée. La privatisation de l’offre ne signifie pas nécessairement une baisse de la dépense publique car elle finance le privé lucratif. Les conditions de travail dans ces secteurs reflètent ces évolutions (suicides de nombreux salariés, troubles dépressifs, absentéisme élevé…)

Les travaux de l’INSEE montrent que les services publics contribuent pour les deux tiers à la réduction des inégalités. Or, la privatisation de l’offre et du financement accroit les inégalités dans l’accès aux services publics et contribue à mettre à mal la cohésion sociale.

Un marché du travail au service des entreprises

Sous le prétexte du plein emploi, la protection sociale et le code du travail subissent des mesures à caractère libéral. Le pays a basculé en réorientant les dépenses publiques en direction des entreprises pour inciter à la création d’emplois et en pensant qu’il faut réduire le coût du travail pour que les entreprises embauchent.

Certes le chômage diminue mais reste supérieur en France par rapport à la moyenne européenne. Les pistes de libéralisation du marché du travail s’inscrivent dans un mouvement à l’œuvre depuis près de quarante ans. Les mesures d’assouplissement pour recourir aux contrats flexibles se sont multipliés et n’ont pas produit les résultats escomptés mais la qualité de l’emploi s’en est trouvée altérée. Les salariés à temps partiel, les travailleurs en contrat à durée déterminée et en intérim ont vu grimper leur part dans l’emploi. Le revenu de solidarité active (RSA) versé aux personnes sans ressource est de plus en plus assorti de « devoirs ». Le fait de fermer progressivement le robinet des allocations n’a pas fait baisser le taux de chômage. Mais ceux qui redoutent une flambée des dépenses sociales peuvent se rassurer, l’Unedic anticipe un excédent « historique » pour les années 2023 à 2025.

Des pans entiers du droit du travail sont délégués aux partenaires sociaux, en partant de l’idée que le conventionnel donne de meilleurs résultats que la loi. Mais comme en même temps une batterie d’outils contribue à affaiblir le pouvoir des syndicats, la capacité de négociation des salariés se trouve diminuée. 

Les coûts cachés de la libéralisation financière

La France s’est résolument engagée dans la libéralisation et l’internationalisation du financement de son économie. Liberté pour les entreprises et l’État de se financer auprès des marchés plutôt qu’auprès des banques. Liberté de ces dernières de développer leurs activités d’échanges de produits financiers plutôt que d’octroyer des prêts aux entreprises et aux ménages. Le mouvement de dérèglementation est complété avec les privatisations de banques et de compagnies d’assurance.

Les banques françaises croissent plus vite que l’économie et sont devenues des mastodontes complexes à gérer. Ce surpoids provient du développement des activités spéculatives sur les marchés financiers et d’une concentration accrue du secteur. La déréglementation financière s’est également traduite par une plus grande présence des banques dans les paradis fiscaux.

La financiarisation de l’économie a mis les actionnaires en position de force. Les entreprises non-financières dépensent aujourd’hui moins en investissements et plus en dividendes nets.

L’État, en faisant de la dette publique une marchandise sur les marchés financiers, a réussi à faire diminuer le taux d’intérêt réel et à augmenter le nombre de ses créanciers. Il a donc été capable de soutenir des déficits publics plus élevés et donc à pratiquer moins d’austérité.

Les idées libérales se sont imposées dans le débat public  

Taxer les riches les fait fuir et nuit à la compétitivité du pays. Le privé est toujours plus efficace que le public. L’assurance chômage trop généreuse pénalise l’emploi. Comment ces idées libérales sont-elles devenues hégémoniques ?

L’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher au Royaume Uni et de Ronald Reagan aux États-Unis avec la victoire de la gauche en France pousse la droite à se reconstruire en développant les idées libérales qui lui permettent de marquer son opposition à la politique économique du gouvernement de gauche. En 1983, tiraillé entre deux ambitions, « l’Europe ou la justice sociale », le président de gauche choisit la première et annonce un plan d’austérité. L’idée est de bâtir une mondialisation avec des règles. L’économie de marché mondialisée est désormais l’horizon des plus grandes formations politiques du pays.

L’hégémonie du discours néo-libéral s’explique aussi par la diffusion de dogmes proférés par des hauts fonctionnaires qui ont fait émerger « une pensée unique ». Le chômage est dû à des salaires trop élevés. La hauteur de la dette publique atteint des sommets dramatiques. La commission Attali au début des années 2010 dénonce des règlementations qui brident l’initiative privée et insiste pour que les réformes recommandées soient mises en place. Les médias jouent un rôle majeur dans la diffusion et la légitimation des idées néolibérales et dans la disqualification des alternatives.

Les dogmes néolibéraux sont aussi promus par des « think tanks » qui produisent des notes didactiques souvent reprises par les médias. La crise de 2008 et le retour de la promotion du rôle de l’État ont suscité une contre-révolution.  Les messages sont clairs : il faut équilibrer à tout prix les comptes publics, les impôts sont trop élevés, les syndicats ne sont bons qu’à bloquer le pays, etc… A force d’être répétés ces messages donnent l’impression que ce sont des idées de bon sens.

La permanence de ces idées dans le débat public tient aussi à l’évolution des sciences économiques et leur enseignement. L’économie dominante traite de l’économie de marché comme un modèle idéal qu’il faudrait au mieux améliorer. Les rapports de force sociaux, le pouvoir des grandes firmes, les dérives de la finance, le protectionnisme, l’entreprise comme institution politique… sont des thèmes largement délaissés. Tant à l’université que dans les médias, nous assistons à la domination d’une lecture libérale du monde.

L’hégémonie des idées économiques libérales a été quelque peu écornée avec les crises, la prise de conscience des inégalités, la contestation de la réforme des retraites, la question climatique. Le libre-échange n’est plus autant loué même s’il n’est pas frontalement remis en cause. Il existe désormais des formations universitaires en économie qui sont ouvertes à d’autres approches. Mais ces inflexions sont encore loin de venir à bout de la doxa libérale.

L’État ne prépare plus l’avenir

Depuis quarante ans, l’investissement public ne cesse de décroître en France sans que l’investissement privé ne prenne pleinement le relais. Une trajectoire inquiétante pour le futur. L’État investit de moins en moins pour construire des routes, des barrages, des logements, pour la recherche et développement (R&D) ou encore pour faire face au réchauffement climatique. Moins d’investissement public ne signifie pas plus d’investissement privé. Au contraire, l’investissement public stimule l’investissement privé.

« Le rôle premier de l’investissement public est de transformer l’environnement de long terme pour améliorer le bien-être de la population et la productivité des entreprises », résume l’Office Français de Conjoncture Économique (OFCE). Pourtant, au nom du respect de sacrosaintes règles d’orthodoxie budgétaire et de choix politiques assumés, certains continuent de s’opposer à la prise en charge des investissements par l’État. Si on renonce au levier fiscal pour augmenter les recettes publiques et qu’on cherche en même temps à réduire fortement la dette, on fait forcément passer l’investissement public au second plan.

Annoncé pendant la crise sanitaire, le plan de relance de 100 milliards d’euros, dont 36 dédiés à l’investissement public, marque une inflexion de la tendance observée ces quarante dernières années. La création, concomitante, d’un Haut-Commissariat au Plan va dans le même sens. Mais quarante ans de politiques de désarmement de l’État et d’organisation de son incapacité à agir pour préparer l’avenir ne prennent pas fin si facilement.

Le néo-libéralisme est à bout de souffle

C’est le thème que défend Christophe Ramaux, économiste, maître de conférence à l’université Paris I-Panthéon Sorbonne, dans le dernier article qui clôture ce dossier. Il estime que les résultats accablants de ces politiques néolibérales doivent nous inciter à en sortir.

Le premier pilier de l’État social est la protection sociale. Les dépenses sociales ont été comprimées mais la protection sociale est loin d’avoir disparue. Le montant total des dépenses de protection sociale dépasse les 900 milliards. Une part de ces dépenses ne fait que réparer les dégâts du néolibéralisme.

La valeur ajoutée des services publics non marchands est stable mais masque en fait une dégradation car une société qui s’enrichit devrait consacrer une part croissante de ses activités à l’éducation, la santé et la culture.

Pour les services publics marchands, les entreprises publiques, la dégradation est encore plus marquée. Le rapport entre leur valeur ajoutée et celle des sociétés non financières privées a fortement baissé avec les privatisations.

Les services publics ont été dégradés mais ils n’ont pas disparu ! Pour les réhabiliter le mieux est d’avoir une stratégie offensive. Lorsqu’ils fonctionnent bien, ils sont moins couteux que le privé. Pas d’actionnaires à rémunérer, pas de dépenses de publicité, des écarts de rémunération bien moindres.

Le néolibéralisme a radicalement changé la donne en termes de politiques économiques. Outre les privatisations, son noyau dur c’est la finance libéralisée, le libre-échange, l’austérité salariale et la contrerévolution fiscale, avec la moindre taxation des plus riches et des entreprises.

Il faudrait oser renationaliser. N’est-il pas aberrant que les énormes rentes de Total ou d’Engie ne puissent être mobilisées pour financer les investissements requis pour l’écologie, cette nouvelle frontière du XXIe siècle ? L’eau est moins coûteuse quand elle est publique. Il faudrait recréer un pôle public pour les médicaments… Le gouvernement français, selon cet économiste, devrait aller au clash pour remettre à plat les règles de la concurrence en Europe qui reste prisonnière d’une Allemagne libre-échangiste.

Le néolibéralisme est à bout de souffle. Mais on ne pourra en sortir qu’en mettant en cause ses différents volets, car la finance libéralisée, le libre-échange, l’austérité salariale et la contre-révolution fiscale se tiennent entre eux. Au-delà, la force du capitalisme néolibéral tient à l’absence d’alternative globale.

Jean Jaurès (1859-1914)

Les quatre piliers de l’État social constituent encore des leviers importants. Avec eux des sphères entières d’activité échappent au capital. L’enjeu est de les développer. Encore faut-il pour cela se départir de ce que Jaurès a appelé, dans un discours de 1908, « le catastrophisme puéril ».

Conclusion

J’ai tenté de vous livrer l’essentiel de ce dossier qui me semble d’un grand intérêt pour comprendre ce qui se déroule sous nos yeux. Il analyse globalement, sans les saucissonner, différents problèmes auxquels nos sociétés sont confrontées. Il montre que la gestion de la société est une question de choix, et que ces choix ne vont pas de soi, ils dépendent du type de société que nous voulons promouvoir. Si ce thème vous intéresse, pour profiter pleinement de ce dossier, le mieux serait d’y accéder directement sur le site « Alternatives-economiques.fr ». Ce dossier illustre très bien mon article intitulé « Le Néolibéralisme, ça marche ? » qui traite des fondements philosophiques du Libéralisme, publié le 7 mai 2023 sur ce blog.