En 2024 plus d’un milliard d’adultes sont allés voter dans le monde, aux États Unis, en Inde, au Brésil, au Royaume uni, et dans les 27 pays de l’Union Européenne. Les résultats révèlent des électorats en colère, un mouvement historique de « sortez les sortants ». Une vague de dégagisme qui a pris la forme de procès des élites. La montée continue des mouvements protestataires n’annonçait pas pour 2025 une année du redressement démocratique. L’arrivée de la nouvelle administration étatsunienne a contribué à une aggravation de la situation dans plusieurs endroits du monde.
En Israël
Personne ne peut avoir oublié l’horreur et l’ampleur des massacres commis le 7 octobre 2023 par le Hamas ni contester le droit de l’État israélien à se défendre. Mais après deux ans de guerre la situation a pris une autre dimension.

Le gouvernement de l’État hébreu, dominé par les factions religieuses nationalistes et suprémacistes, soutenu par l’administration américaine, bombarde et affame deux millions de palestiniens épuisés. Les dénominations de génocide, de crime contre l’humanité, de violation du droit humanitaire peuvent être discutés mais la réalité est là. La vie de millions d’hommes, de femmes et d’enfants est en jeu. Un État membre des Nations unies, réputé modèle de démocratie, ne respecte plus aucune des règles internationales, ni aucun principe moral religieux ou humain, pour imposer une solution radicale à la « question palestinienne ».

Jugé depuis 2020 pour corruption, fraude et abus de confiance, le premier ministre israélien n’hésite pas, appuyé par le président américain, à demander une grâce au chef de l’État avant même que le jugement ne soit rendu, grâce qui serait la bienvenue pour lui dans la perspective des élections législatives. Le pouvoir autoritaire est sans vergogne.
En Ukraine
Dès son élection le président américain a modifié son système d’alliance. Il annonce ne plus soutenir l’État Ukrainien et se présente en grand faiseur de paix aspirant à obtenir le prix Nobel de la paix. Il semble plus proche des thèses russes que des positions ukrainiennes. Il place les belligérants sur un même plan oubliant que l’Ukraine est un pays indépendant qui a été agressé par un de ses voisins. Les garanties internationales données à l’Ukraine sur son intégrité territoriale ne sont plus à l’ordre du jour.

Pour inciter le président russe à accepter un cessé le feu, il va jusqu’à lui promettre l’amnistie ainsi qu’à tous ceux qui pourraient encourir des accusations de crimes contre l’humanité. Oubliés les massacres, les destructions massives, les villes entières réduites à l’état de parking, les bombardements de civils, la déportation d’enfants, la russification forcée dans les territoires occupés, le chantage à l’utilisation de sa puissance nucléaire … Accepter l’annexion de territoires en violation du droit international c’est créer un précédent qui pourra être utilisé par d’autres.

Le pouvoir américain n’a pas compris que la Russie veut reconstituer son empire et que rien ne pourra l’arrêter. Il suffit pour cela de lire les discours poutiniens qui n’ont pas changé depuis le départ de l’agression. La Russie a le temps, le mépris de la mort de ses combattants, la masse et pour l’instant les moyens financiers de tenir.
Aux États-Unis
Le président, fort de sa confortable élection, n’hésite pas, en interne, à mettre en cause l’état de droit, expulser massivement les émigrés au mépris de toute règle humanitaire, organiser des camps de rétention, menacer tous ceux qui se sont opposés à lui, à pousser ses soutiens à modifier à leur avantage les règles électorales.
Au niveau international il impose des droits de douane exorbitants, modifie unilatéralement les règles de la diplomatie, pratique l’humiliation de ses interlocuteurs, méprise le droit international, change son système d’alliance, se propose d’annexer des territoires et manifeste le droit d’imposer la paix par la force. Ces exemples ne sont pas exhaustifs.

Le président américain voudrait que la pax americana soit récompensée par des versements du reste du monde de façon à financer ses déficits. Ces soubresauts ne sont-ils pas, en réalité, l’indication que les États Unis sont en train de perdre le contrôle du monde.
La dernière publication de la stratégie de sécurité nationale par la maison blanche prédit à l’Europe un effacement civilisationnel qui sera provoquée par la chute de la natalité, la perte des identités nationales, la répression des oppositions politiques, la censure de la liberté d’expression, l’asphyxie régulatoire, la désindustrialisation et l’immigration. C’est une confirmation du discours du vice-président américain à Munich et l’affirmation du soutien à l’extrême droite européenne.
L’O.N.U.
L’Organisation des Nations Unis a été créée après la seconde guerre mondiale avec l’idée d’éviter le renouvellement d’un conflit mondial. Depuis quelques années cette institution est affaiblie par des membres du conseil de sécurité, États Unis, Russie, et Chine qui privilégient leurs intérêts propres et préfèrent les relations bilatérales au multilatéralisme.

L’envergure mondiale des différentes crises auxquelles nous sommes confrontées rend nécessaire, même si cela apparait complètement utopique, au moins une concertation de l’ensemble des pays de la planète. La réforme en profondeur du seul embryon de gouvernance mondiale existant aujourd’hui, l’ONU, semble indispensable. Il reste la seule institution légitime malgré ses faiblesses pour établir un véritable dialogue et affronter les problèmes qui se posent au monde dans un cadre universel démocratique et rénové.
L’Europe
Au lendemain de la seconde guerre mondiale différents pays européens ont décidé de se regrouper, de s’associer, de se solidariser pour tenter d’éviter de nouvelles guerres et pour, ensemble, peser plus dans les rapports de force mondiaux. Les fondateurs devant la difficulté de l’entreprise ont opté pour la politique des petits pas : d’abord à 6 et, par augmentation successives, pour finir à 27 pays (28- 1) au sein de l’Union Européenne en 2025.

Aujourd’hui le continent européen est le seul qui reste encore plus ou moins fidèle à l’héritage des Lumières, le respect des droits humains, la culture humaniste et la primauté de l’universel sur le différentialisme. Mais les dernières évolutions, avec la montée des identitarismes de tous poils, nous incitent à nous demander pour combien de temps encore.

Face à la réaffirmation des empires, au changement de stratégie de la première puissance politique, économique, technologique et militaire, si l’Europe ne se ressaisie pas en solidifiant son unité et en s’affirmant comme puissance capable d’assurer sa défense sur la scène mondiale, elle risque d’être absorbée par l’un ou l’autre de ces puissants empires. Seul, chaque pays européen ne pèse rien. Ensemble, à condition de laisser les égoïsmes nationaux de côté, ils ont une chance d’être respectés.
Pour conclure
Le chaos du monde est chaque jour en train de s’amplifier. Cela n’a jamais été aussi grave. Cette vision de la situation mondiale n’est-elle pas trop pessimiste ?

Selon Emmanuel Carrère, écrivain, dans la lettre du dimanche du 6 décembre dans la revue numérique « Le Grand Continent », il y a deux façons de voir les choses : une relativement optimiste et l’autre radicalement pessimiste.
Pour les optimistes « l’humanité traverse une phase de chaos tragique et effrayant mais cela lui est déjà arrivé dans son histoire et elle la traversera. »
Pour les pessimistes « un tel chaos, ça n’est jamais arrivé, et ça n’est pas une phase, c’est la fin. »

Pour l’écrivain « le principal et, à son avis le seul, argument en faveur de l’approche relativement optimiste consiste à dire que depuis l’aube de l’humanité, il s’est toujours trouvé des gens pour dire que c’était mieux avant et que la fin du monde était imminente. »
Je ne sais pas vous, mais pour ma part, même si je suis assailli par des sentiments pessimistes, j’ai du mal à ne pas me rallier à l’idée que, dans l’histoire, l’humanité a toujours réussi à surmonter les obstacles, même avec beaucoup de difficultés et de temps.