Quand on évoque le sens de l’Histoire, de quoi parle-t-on ? cette expression peut s’interpréter de plusieurs façons selon la polysémie du mot sens. Ce mot nous renvoie à différentes interprétations.
Si le mot sens est pris comme orientation, s’interroger sur le sens de l’Histoire nous conduit à nous demander dans quelle direction chemine l’Histoire ? Celle-ci a-t-elle une direction déterminée ?
Si sens est traduit par valeur objective, s’interroger sur le sens de l’Histoire nous conduit à nous demander quelle est la signification des évènements historiques ?
Une direction unique
Depuis des siècles les religions ont cru ou croient encore que l’histoire ne peut progresser que vers le triomphe de leur culte. La direction de l’Histoire est unique et bien déterminée.

Hegel, pour qui l’univers évolue selon un processus continuel de dépassement, pose les principes d’une approche dialectique de l’Histoire. Il confère à l’idée, ou à l’esprit le rôle de moteur premier dans le déroulement du processus dialectique. Il affirme qu’il convient de considérer les choses, non dans leur état, mais dans leur mouvement. L’esprit est la contradiction suprême qui met le monde en mouvement et transforme le réel.

Marx conteste l’idéalisme de la vision d’Hegel, il estime que la dialectique hégélienne « marche sur la tête », c’est la vie qui détermine la conscience et non la conscience qui détermine la vie. Mais il souligne la portée révolutionnaire de la conception dialectique de Hegel et voit en celle-ci le mécanisme annonciateur de la disparition du capitalisme dans son dépassement par une autre forme de société issue de ses contradictions.
Pour Marx, le matérialisme historique est l’étude des formations sociales, c’est-à-dire l’analyse du processus complexe par lequel une formation sociale se produit et se reproduit comme unité, comme un tout structuré. Il permet de penser l’ensemble de la société et de prévoir son évolution. L’Histoire chemine dans une direction donnée, elle est mue par un moteur unique, la lutte des classes.
Les dirigeants des dictatures idéologiques du XXème siècle étaient aussi persuadés que leur victoire inéluctable entraînerait la fin de l’Histoire par l’avènement d’un monde incontesté.
Le progrès scientifique et technique
Au XVIIIème siècle, appelé « siècle des Lumières », philosophes et scientifiques s’affranchissent des interdits religieux, idéologiques et politiques de l’époque. Ils promeuvent des conceptions nouvelles, rationnelles et humanistes. Le progrès scientifique et technique a indéniablement influencé l’évolution de la société. La foi dans le progrès s’accompagne de la foi en l’homme, en sa créativité et sa raison.
De nos jours encore, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, Internet, les réseaux sociaux, l’Intelligence artificielle, le transhumanisme et l’illusion de la vie éternelle ont des conséquences considérables sur les rapports entre les hommes, les nations, les peuples, les économies, l’échange des idées… et donc sur l’Histoire.

Mais cette foi dans le progrès scientifique et technique est aussi porteur de craintes et d’angoisses accentuées par le changement climatique, la pollution, les manipulations génétiques. La notion du progrès comme moteur de l’Histoire est ainsi contrariée comme le furent les religions et les totalitarismes. L’idée que l’Histoire est mue par un moteur constant, unique ou au moins principal, et qu’elle progresse dans une direction donnée est peut-être une illusion.
La signification des évènements historiques
Il est possible aussi de s’interroger sur la signification des faits historiques. Quel sens donner à l’enchainement des nombreux épisodes d’aventures, de passions, de créations, de contradictions, de sentiments, d’interactions et de conflits humains. C’est depuis toujours la question que se posent les historiens. A chaque époque la recherche de la signification des faits historiques se perfectionne, devient plus rigoureuse, plus complète pour aboutir à une interprétation plus argumentée.

Dans la première moitié du XXe siècle, le grand historien Marc BLOCH a œuvré dans ce sens. Au sein d’un courant intellectuel novateur, l’École des annales, il prend à contre-pied la conception dominante de l’histoire qui est essentiellement événementielle et chronologique. Il fait de l’histoire un outil permettant de comprendre le fonctionnement des sociétés et celui de ses mécanismes d’évolution. C’est un courant qui a renouvelé en profondeur l’étude de l’histoire en France et dans le monde. Les faits économiques et sociaux, l’organisation du travail et de la vie des gens sont aussi indispensables que les faits politiques, diplomatiques et religieux de chaque époque, pour la compréhension de l’Histoire.
L’Histoire a des moteurs multiples
L’Histoire est mue par de nombreux moteurs : politiques, culturels, économiques et sociaux. L’interdisciplinarité est essentielle pour comprendre le monde contemporain. L’histoire est une science sociale au coté d’autres disciplines (la géographie, la sociologie, l’anthropologie…) pour contribuer à cette compréhension.
L’Histoire ne progresse pas invariablement dans la même direction mais souvent de manière contradictoire. Les directions prises varient avec le temps. Aucun bouleversement ne peut provoquer la fin de l’Histoire ou son évolution unidirectionnelle. La complexité de la vie et les caractéristiques humaines engendrent la complexité de la science historique qui, elle, cherche à établir et comprendre cette évolution et ses nombreuses inflexions.

Le travail de l’historien est une démarche humaniste. Mieux comprendre le fonctionnement de la société et son évolution permet aux hommes et aux femmes, à leurs dirigeants politiques d’œuvrer à l’amélioration de cette société. L’histoire est une discipline engagée au service de la société et de la démocratie.