La droite tech a pris le pouvoir aux Etats Unis ?

Avec la réélection de Donald Trump à la présidence des États Unis nous assistons à l’augmentation de l’influence d’un courant idéologique faisant la liaison entre les utopies libertariennes et les valeurs conservatrices. Un article du journal « Le Monde » signé par Valentine Faure en fait une analyse détaillée. Je vous en livre l’essentiel.

Des pouvoirs sans précédent

En 2020 Elon Musk était démocrate mais en 2024 c’est avec zèle qu’il s’est employé à la réélection de Trump. Il a investi plus de cent millions de dollars sur quelques mois dans la campagne et mis à disposition du candidat républicain son réseau d’information. Il a fait un bon investissement puisqu’une semaine après l’élection sa fortune personnelle avait déjà augmenté de 70 milliards de dollars.

La mue de l’homme le plus riche du monde n’est pas la seule. D’anciens donateurs du Parti Démocrate ont suivi la même trajectoire que Musk, notamment Peter Thiel qui a cofondé avec lui Pay Pal et qui est devenu très riche avec son investissement dans Facebook. Une partie des dirigeants de la Silicon Valley ont basculé vers le soutien au Parti Républicain. Sur les 70 milliardaires que compte la Silicon Valley, ils sont une vingtaine à soutenir le 47ème président des États Unis. « Mais ces vingt personnes ont un accès direct à l’espace public médiatique mondial qu’ils ont eux-mêmes composé. La concentration des pouvoirs qu’ils ont entre leurs mains, l’accès aux technologies et leur capacité à mettre en pratique ce en quoi ils croient est sans précédent » dit Olivier Alexandre, sociologue, chercheur au CNRS.
 

Un ennemi commun

Selon un rapport de l’ONG Public Citizen l’industrie des cryptomonnaies représente près de la moitié de l’argent versé par les entreprises aux comités d’action politique en 2024. Le Parti Républicain soutenu par ces donateurs reviendra sur les mesures qui entravent le développement des technologies nouvelles.

La bureaucratie est l’ennemi général dans la Silicon Valley. L’État n’est pas efficace, il impose un tas de réglementations idiotes qui font perdre du temps et des talents. Il faut gérer l’État comme une entreprise. Le progrès technologique doit être poursuivi sans relâche, sans se préoccuper des coûts potentiels ou des dangers pour la société. La bureaucratie doit céder la place à un « CAO(PDG) national » dit Curtis Yarvin, qui pense que les différences génétiques font que certains groupes sont « plus aptes à la maîtrise », tandis que d’autres sont « plus aptes à l’esclavage ». Ce penseur de la droite radicale a contribué à populariser un tournant de la droite américaine contre la démocratie et les valeurs conservatrices traditionnelles, tout en aidant à normaliser des vues racialistes autrefois absentes du conservatisme américain. C’est un exemple des nouvelles tendances importantes dans la pensée et l’activisme de l’extrême droite radicale.

La droite tech s’estime muselée par la gauche libérale. Elle considère que l’argent ne doit pas être dépensé pour réduire les inégalités, mais pour financer les progrès technologiques. Elle rejette la discrimination positive et la « diversité ». Un commentateur d’extrême droite, Richard Hanania, estime que : « bien qu’il y ait des différences avec le conservatisme américain, il n’y a aucune raison pour que les deux parties (conservateurs et droite tech) ne puissent travailler ensemble dans un avenir prévisible. La forme de notre politique et de notre culture dans les décennies à venir dépendra de la mesure dans laquelle ils le feront ».
 

Trouver un terrain d’entente

Le nouveau vice-président des États-Unis, J.D. Vance, ancien sénateur anti élite passé par l’université de Yale, est le visage de cette « nouvelle droite » qui tente de donner une orientation encore plus radicale (en matière de nationalisme, de politique anti-immigration, d’opposition à l’interventionnisme américain) à la révolution idéologique commencée par Trump. Cette ligne s’incarne dans le « Projet 2025 » rédigé par la Fondation Héritage, très puissant cercle de réflexion de la droite conservatrice.

The Héritage fondation, leadership for América

Dans un débat sur « la tech et la république américaine », Kevin Roberts, le président de Héritage s’interrogeait : « Comment le conservatisme et la technologie peuvent-ils trouver un terrain d’entente pour stimuler l’innovation tout en protégeant la liberté d’expression, les libertés individuelles et l’autogouvernance ? ». Il y précisait que « les conservateurs et les (gens de la tech) ne doivent pas seulement collaborer, ils sont en réalité des esprits frères » et l’IA représente « un des plus grands espoirs pour protéger la souveraineté de l’être humain ».

La droite tech a son « CAO national » !

Après l’élection du 5 novembre, les félicitations de l’élite technologique à Trump sont arrivées promptement. Elon Musk est remercié par une nomination à la tête de l’efficacité gouvernementale où il prévoit une coupe de deux billions de dollars. L’Amérique a le « CAO national » dont la droite tech rêvait.


Amazon, propriété de Jeff Bezos, et Meta propriété de Mark Zukerberg, ont annoncé donner chacune un million de dollars au fonds d’investiture de Donald Trump. Ces deux patrons de la tech étaient historiquement considérés comme des opposants au futur président. Ces donations témoignent de la volonté qu’ils ont de se rapprocher du président élu.

Comment résoudre la contradiction ?

Comment résoudre la contradiction d’une alliance entre le parti de la tradition qui tient le langage de la nostalgie d’une Amérique perdue (Make América Great Again) et qui défend un retour à une économie pré-New deal, protectionniste et isolationniste, avec une industrie aux intérêts supranationaux qui promet au monde les bouleversements les plus violents et les plus incertains ?

Restons attentif à ce qui risque de se passer aux USA et dans le monde après le mois de janvier 2025  !

Le sens de l’Histoire

Quand on évoque le sens de l’Histoire, de quoi parle-t-on ? cette expression peut s’interpréter de plusieurs façons selon la polysémie du mot sens. Ce mot nous renvoie à différentes interprétations.

Si le mot sens est pris comme orientation, s’interroger sur le sens de l’Histoire nous conduit à nous demander dans quelle direction chemine l’Histoire ? Celle-ci a-t-elle une direction déterminée ?

Si sens est traduit par valeur objective, s’interroger sur le sens de l’Histoire nous conduit à nous demander quelle est la signification des évènements historiques ?

Une direction unique

Depuis des siècles les religions ont cru ou croient encore que l’histoire ne peut progresser que vers le triomphe de leur culte. La direction de l’Histoire est unique et bien déterminée.

Hegel, pour qui l’univers évolue selon un processus continuel de dépassement, pose les principes d’une approche dialectique de l’Histoire. Il confère à l’idée, ou à l’esprit le rôle de moteur premier dans le déroulement du processus dialectique. Il affirme qu’il convient de considérer les choses, non dans leur état, mais dans leur mouvement. L’esprit est la contradiction suprême qui met le monde en mouvement et transforme le réel.

Marx conteste l’idéalisme de la vision d’Hegel, il estime que la dialectique hégélienne « marche sur la tête », c’est la vie qui détermine la conscience et non la conscience qui détermine la vie. Mais il souligne la portée révolutionnaire de la conception dialectique de Hegel et voit en celle-ci le mécanisme annonciateur de la disparition du capitalisme dans son dépassement par une autre forme de société issue de ses contradictions.

Pour Marx, le matérialisme historique est l’étude des formations sociales, c’est-à-dire l’analyse du processus complexe par lequel une formation sociale se produit et se reproduit comme unité, comme un tout structuré. Il permet de penser l’ensemble de la société et de prévoir son évolution. L’Histoire chemine dans une direction donnée, elle est mue par un moteur unique, la lutte des classes.

Les dirigeants des dictatures idéologiques du XXème siècle étaient aussi persuadés que leur victoire inéluctable entraînerait la fin de l’Histoire par l’avènement d’un monde incontesté.

Le progrès scientifique et technique

Au XVIIIème siècle, appelé « siècle des Lumières », philosophes et scientifiques s’affranchissent des interdits religieux, idéologiques et politiques de l’époque. Ils promeuvent des conceptions nouvelles, rationnelles et humanistes. Le progrès scientifique et technique a indéniablement influencé l’évolution de la société. La foi dans le progrès s’accompagne de la foi en l’homme, en sa créativité et sa raison.

De nos jours encore, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, Internet, les réseaux sociaux, l’Intelligence artificielle, le transhumanisme et l’illusion de la vie éternelle ont des conséquences considérables sur les rapports entre les hommes, les nations, les peuples, les économies, l’échange des idées… et donc sur l’Histoire.

Mais cette foi dans le progrès scientifique et technique est aussi porteur de craintes et d’angoisses accentuées par le changement climatique, la pollution, les manipulations génétiques. La notion du progrès comme moteur de l’Histoire est ainsi contrariée comme le furent les religions et les totalitarismes. L’idée que l’Histoire est mue par un moteur constant, unique ou au moins principal, et qu’elle progresse dans une direction donnée est peut-être une illusion.

La signification des évènements historiques

Il est possible aussi de s’interroger sur la signification des faits historiques. Quel sens donner à l’enchainement des nombreux épisodes d’aventures, de passions, de créations, de contradictions, de sentiments, d’interactions et de conflits humains. C’est depuis toujours la question que se posent les historiens. A chaque époque la recherche de la signification des faits historiques se perfectionne, devient plus rigoureuse, plus complète pour aboutir à une interprétation plus argumentée.

Dans la première moitié du XXe siècle, le grand historien Marc BLOCH a œuvré dans ce sens. Au sein d’un courant intellectuel novateur, l’École des annales, il prend à contre-pied la conception dominante de l’histoire qui est essentiellement événementielle et chronologique. Il fait de l’histoire un outil permettant de comprendre le fonctionnement des sociétés et celui de ses mécanismes d’évolution. C’est un courant qui a renouvelé en profondeur l’étude de l’histoire en France et dans le monde. Les faits économiques et sociaux, l’organisation du travail et de la vie des gens sont aussi indispensables que les faits politiques, diplomatiques et religieux de chaque époque, pour la compréhension de l’Histoire.

L’Histoire a des moteurs multiples

L’Histoire est mue par de nombreux moteurs : politiques, culturels, économiques et sociaux. L’interdisciplinarité est essentielle pour comprendre le monde contemporain. L’histoire est une science sociale au coté d’autres disciplines (la géographie, la sociologie, l’anthropologie…) pour contribuer à cette compréhension.

L’Histoire ne progresse pas invariablement dans la même direction mais souvent de manière contradictoire. Les directions prises varient avec le temps. Aucun bouleversement ne peut provoquer la fin de l’Histoire ou son évolution unidirectionnelle. La complexité de la vie et les caractéristiques humaines engendrent la complexité de la science historique qui, elle, cherche à établir et comprendre cette évolution et ses nombreuses inflexions.

Le travail de l’historien est une démarche humaniste. Mieux comprendre le fonctionnement de la société et son évolution permet aux hommes et aux femmes, à leurs dirigeants politiques d’œuvrer à l’amélioration de cette société. L’histoire est une discipline engagée au service de la société et de la démocratie.