Liberté de conscience et Laïcité

A l’approche de la fin de l’année il est traditionnel de se rappeler la revendication de faire du 9 décembre le jour de la fête de la Laïcité. C’est une occasion de revenir sur ces notions de Liberté de conscience et de Laïcité.

Philosophie et religion

La philosophie, du grecque philo sophia, c’est l’art de prendre soin de ses pensées, de s’affranchir des limites de l’expérience vécue, des premières illusions, des préjugés, des traditions, de l’idéologie qui présente comme naturel ce qui est social et historique. La notion de liberté de conscience est issue de la philosophie grecque.

SOCRATE

Pour Socrate, le sentiment de soi qui définit la conscience est délié de toute contrainte. Il a été condamné à mort, entre autres, pour irrespect supposé des dieux de la cité. Protagoras, l’auteur de « l’homme est la mesure de toute chose » a été banni pour agnosticisme. Les religions justifient leurs usages par des exigences divines.

Baruch SPINOZA

Dès l’apparition de la notion de liberté de conscience apparait une tension entre les religions et la philosophie. La liste est longue du rejet de la raison philosophique au nom d’une foi inconditionnelle. Nous pouvons citer quelques exemples entre autres de philosophes condamnés par la foi : Descartes, Copernic, Spinoza, Averroès, Kant, Salman Rushdie, etc…

La philosophie nous aide à démêler les univers de la croyance et de la connaissance. Croire ou savoir ? Croire que l’on sait, ou savoir qu’on ne sait pas. Questions essentielles pour clarifier ce qui se passe dans la conscience humaine.

Denis DIDEROT

La philosophie des Lumières

Au XVIIIème siècle qu’on appelle le siècle des Lumières, les philosophes, dans le prolongement des idées héritées de la Renaissance, ont combattu l’obscurantisme, la superstition et l’irrationnel des siècles passés. Ils ont renouvelé les connaissances et l’éthique de leur temps.

Les Lumières sont à l’origine de deux formes de société. L’une qui se fonde sur le religieux, l’inné et l’autorité garantie par la véracité divine. L’autre qui au contraire proclame le libre arbitre, l’acquis et le progrès. Le mouvement des Lumières, c’est un ensemble de philosophies qui changent selon les nations en fonction de leurs pratiques culturelles.

Mais leur force commune, c’est une pensée non figée, une pensée qui se meut, qui échange, qui discute, qui évolue et qui reflète l’homme dans son besoin de se confronter à l’autre pour avancer. C’est une conception de l’homme qui a conquis sa liberté, le refus de tout dogmatisme, une pensée libre pour chaque homme sans messianisme religieux ou politique.

Emmanuel KANT

Pour illustrer cette approche citons la maxime d’Emmanuel Kant : « Sapere aude », pense par toi-même. Le projet des Lumières est un projet humaniste et universel.

Liberté de conscience et émancipation

La Déclaration des droits de l’homme adoptée en 1948 par les Nations Unies mais qui n’a pas de portée contraignante, définit la liberté de conscience et de religion dans son article 18 : «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. » Elle définit la Liberté comme ce qui consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Elle garantit l’expression du pluralisme des opinions et la liberté de conscience.

Aujourd’hui la liberté de conscience c’est la liberté de l’esprit : émancipation à l’égard de tous les dogmes ; droit de croire ou de ne pas croire en une divinité qui dirige le monde ; autonomie de la pensée vis-à-vis des contraintes religieuses, politiques, économiques ; affranchissement des modes de vie par rapport aux tabous, aux idées dominantes et aux règles dogmatiques.

La Laïcité est un principe consubstantiel à la République

La laïcité est un principe fondamental qui vise à séparer les institutions publiques des institutions religieuses et à garantir la neutralité de l’État en matière de religion. Ce concept est particulièrement important en France, où il est inscrit dans la Constitution et joue un rôle central dans l’organisation de la société.

L’article 2 de la constitution actuelle de la France indique que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » La laïcité est un principe consubstantiel à la République qui va au-delà du rapport de l’État et des Églises. C’est sans doute ce qui poussent certains à parler de conception française de la laïcité même si le principe de laïcité porte en lui-même sa force indépendamment du support constitutionnel.

Une pensée philosophique humaniste et universaliste

La Laïcité est avant tout une construction juridique fondée sur une exigence de la raison : l’égalité en droit de tous les êtres humains. Le principe de Laïcité est la convergence d’une évolution législative de plusieurs siècles aboutissant à la séparation des Églises et de l’État et une pensée philosophique humaniste et universaliste assurant à chacun la liberté de conscience et le primat de l’intérêt général, du bien commun à tous.

La séparation des Églises et de l’État est la pierre angulaire de la laïcisation de la société. Si l’État garantit la totale liberté des cultes comme de l’expression et de la diffusion de la pensée, il n’en favorise aucun, ni aucune communauté, pas plus financièrement que politiquement.

La loi ne saurait reconnaître le délit de blasphème ou de sacrilège qui déboucherait inévitablement sur l’institutionnalisation de la censure. La première manifestation du caractère laïque d’un pays est l’indépendance de l’État et de tous les services publics vis-à-vis des institutions ou influences religieuses.

Victor Hugo

La formule clé de l’idéal laïque nous est donnée par Victor Hugo : « L’Église chez elle, et l’État chez lui ».

Un idéal d’émancipation

L’humanisme laïque repose sur le principe de la liberté de conscience. La laïcité est un idéal qui permet à tous, croyants et athées, de vivre au sein de la société sans que les uns ou les autres soient stigmatisés en raison de leurs convictions particulières. Elle impose que soient donnés aux hommes et aux femmes, sans distinction de classe, d’origine, de confession, les moyens d’être eux-mêmes, libres de leurs engagements, responsables de leur épanouissement et maîtres de leur destin.

L’État laïque incarne la promotion simultanée de la liberté de conscience, de l’égalité, de la culture émancipatrice et du choix sans entrave de l’éthique de vie personnelle. La laïcité vise à libérer l’enfant et l’adulte de tout ce qui aliène ou pervertit la pensée, notamment les croyances ataviques, les préjugés, les idées préconçues, les dogmes, les idéologies opprimantes, les pressions d’ordre culturel, économique, social, politique ou religieux.

La laïcité est un idéal d’émancipation qui permet à tous, croyants, athées, et agnostiques, de vivre au sein de la société sans que les uns ou les autres soient stigmatisés en raison de leurs convictions particulières. L’État laïque incarne la promotion simultanée de la liberté de conscience et de l’égalité, de la culture émancipatrice et du choix sans entrave de l’éthique de vie personnelle.

École et Laïcité

L’école publique laïque, pour contribuer à cette émancipation, doit tenir à distance la société civile et ses fausses urgences. La laïcité c’est le fait de refuser aux puissances de conditionnement d’entrer dans les classes, d’ouvrir à chaque esprit la chance de penser sans tutelle, sans emprises. L’enseignement public doit être affranchi de tout prosélytisme religieux ou idéologique. L’école est un moyen de transmission du savoir mais c’est aussi le moyen de fabriquer une communauté nationale de citoyens.

Laïcité et religion

Laïque signifie indépendant de la religion. La Laïcité implique l’égalité des droits sans distinction de convictions personnelles. Laïque ne s’oppose pas à religieux mais à clérical. L’esprit clérical, c’est la prétention des clercs à dominer au nom d’une religion.

La Laïcité ne se confond pas avec l’athéisme et ne se réduit pas au combat anticlérical. Admettre que chacun puisse à titre individuel ne pas croire ou pratiquer le culte de son choix sans que la société n’en impose aucun est un principe qui consiste à laisser chacun libre de ses choix selon ses propres règles morales avec pour seule limite de ne pas nuire à autrui sans subir celles que lui imposerait la religion ou n’importe quelle idéologie totalitaire d’État.

Une vision confuse

Certains croyants considèrent que les laïques ont pour seul objectif de lutter contre leur religion. Comme ils ne se sentent pas respectés cela entraine chez eux un raidissement compréhensible. D’autres reprochent aux partisans de la laïcité d’être dépourvu de tout spiritualisme et ignorent le spiritualisme laïque qui est en rapport avec l’esprit et dépourvu de toute relation avec une quelconque divinité. 

Par ailleurs certains laïques, sans doute insuffisamment informés, font preuve d’intolérance par rapport aux croyants et oublient que la laïcité garantie la liberté de conscience et donc la liberté de culte. C’est un peu un renversement des rôles par rapport à la période où les non-croyants étaient persécutés par les fanatiques religieux. C’est face à cette attitude discriminante que la laïcité s’est affirmée contre l’intolérance de certains croyants et surtout du clergé qui se sentait menacé par la laïcité.

Il ne faut pas non plus ignorer l’attitude de certaines forces politiques qui instrumentalisent la laïcité pour lutter contre certaines religions notamment la religion musulmane en l’assimilant à l’islamisme politique qui veut imposer la loi de Dieu à la place de la loi des hommes.

Conclusion

La laïcité n’est pas une notion passéiste mais au contraire une idée de progrès. Elle est action et volonté. Elle implique la plénitude de l’égalité de traitement par l’État, des athées et des croyants. Cette égalité est la condition d’une véritable fraternité, dans la référence au bien commun.

Les humanistes laïques et universalistes, au-delà de toute règle constitutionnelle, héritiers des philosophes du siècle des Lumières, ont une conception de l’homme qui a conquis sa liberté, qui promeut une pensée libre pour chacun sans messianisme religieux ou politique. Ils sont partisans d’une laïcisation de la société c’est-à-dire d’un État indépendant de tout dogmatisme qui adopte le principe de laïcité, idéal d’émancipation, de liberté, d’égalité, de fraternité et de solidarité humaine qui garantit la liberté de conscience pour tous.

L’alternative au chaos

Une dissolution pour clarifier ?

Dès l’annonce de l’échec de la liste Renaissance aux élections européennes du début juin 2024, le Président de la république annonce la dissolution de l’assemblée nationale. Il décide ainsi de donner la parole au peuple dans la perspective de provoquer une clarification de la situation. Il convoque les élections législatives dans un délai très court avec un deuxième tour le 7 juillet alors que l’extrême droite réalise une poussée notable.

La gauche émiettée réussit en quatre jours à reconstruire son unité en créant le Nouveau Front Populaire (NFP) avec un contrat de législature basé sur un programme économique et social assez développé. Le parti « Les Républicains » explosent avec le ralliement au Rassemblement national (RN) de son président partisan de l’Union des droites. Le parti du Président (Renaissance) se prononce pour le non aux extrêmes de droite comme de gauche. La campagne est courte et très tendue.

Une poussée inquiétante de l’extrême droite

A l’issue du premier tour le RN est en tête avec le plus grand nombre d’élus mais voit se constituer un front républicain sans condition à gauche et avec quelques hésitations chez Ensemble pour la république ( EPR – le nouveau nom de Renaissance) où l’aile droite maintient le « ni-ni ».

Au soir du 7 juillet le rêve de la majorité absolue pour le RN s’effondre. Le désistement de la gauche et d’EPR pour faire barrage au RN relègue ce dernier en troisième position avec un NFP en première position sans atteindre la majorité absolue. EPR s’en tire bien en arrivant à être le deuxième groupe de l’assemblée.

Une assemblée nationale sans majorité

Au sein de l’assemblée nationale, le NFP, le RN et EPR, sont les groupes les plus importants mais aucun n’atteint la majorité absolue nécessaire pour gouverner. La logique institutionnelle aurait dû amener le Président de la république à nommer un premier ministre issu du NFP quitte à ce que celui-ci constitue un gouvernement minoritaire.

Mais le Président de la république a profité de l’organisation des Jeux Olympiques à Paris pour laisser passer le temps. Il permet que se constitue une minorité plus nombreuse alliant EPR et Les Républicains. Le nouveau premier ministre, issu de LR, constitue son gouvernement minoritaire à l’Assemblée avec la neutralité bienveillante du RN qui impose certaines conditions et le tient comme la corde tient le pendu.

Un déni démocratique

En résumé, le président a voulu sortir son camp d’une minorité à l’assemblée et provoquer une clarification de la situation. Le résultat des élections marque un désaveu de la politique menée par le gouvernement sortant. Le président nomme un nouveau gouvernement avec une minorité encore plus faible que la précédente regroupant les perdants des élections législatives, un déni démocratique.

Une situation financière alarmante 

La situation financière s’avère encore plus catastrophique que celle annoncée précédemment et oblige le gouvernement à préparer un budget de crise. Le nouveau premier ministre s’efforce de changer de méthode mais sur le fond pas grand-chose de nouveau. Au niveau économique les ministres concernés sont issus des défenseurs de la politique précédente. IIs veulent continuer la politique néolibérale poursuivie depuis plusieurs années, qui a été rejetée massivement et qui nous a mené dans le mur.

La dette publique s’élève à plus de 3000 milliards d’euros. Après un déficit de 5,5% du PIB (Produit Intérieur Brut) en 2023, la tendance actuelle prévoit 6% cette année et encore plus l’an prochain.

Plus de justice fiscale ?

Certes le premier ministre annonce qu’il faut plus de justice fiscale et veut abandonner le dogme du « pas de nouveaux impôts » soutenu par le président. C’est d’ailleurs une obligation car ce qui est à l’origine de ce déficit, de l’avis de nombreux économistes, c’est le manque de recettes. La croissance qui devait résulter de la politique de l’offre c’est-à-dire, pour aller vite, de l’allègement des charges des entreprises n’est pas au rendez-vous.

Les économistes de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) estiment que la croissance française serait divisée par deux en 2025 si le budget déposé par le gouvernement Barnier était adopté en l’état.

Changer de politique

Changer de politique pour répondre aux besoins des français est le seul moyen d’éviter de nous retrouver dans une impasse dans quelques mois. Le NFP défend une autre stratégie budgétaire et propose de lever de nouvelles recettes. Grâce à ces mesures fiscales, la France serait en mesure de réduire le déficit tout en augmentant immédiatement les investissements dans les services publics et les secteurs d’avenir.

La philosophie est très différente de celle du gouvernement Barnier, qui est centrée sur la simple réduction du déficit, au prix d’effets récessifs significatifs c’est-à-dire réduire la croissance de moitié. Le programme du Nouveau Front populaire propose une stratégie budgétaire qui augmente les dépenses publiques, stimule l’activité économique et permet de dégager des recettes supplémentaires.

A l’Assemblée nationale les différents partis du NFP montrent leur convergence de vue dans le domaine économique et social. L’unité affichée lors du débat budgétaire ne doit pas nous faire oublier que sur l’international, les institutions ou le régalien les positions ne sont pas alignées.

Trouver la voie de l’Union

En France l’histoire nous montre que la gauche a toujours été diverse. Les partis de gauche n’ont pu accéder au pouvoir que lorsqu’ils ont trouvé la voie de l’union. C’est pourquoi les électeurs de gauche, quelque soit leur sensibilité, poussent leurs représentants à faire l’union. Les points d’accord sont bien plus importants que les points de divergence. Chacun doit avoir le souci de respecter ses partenaires et leurs différences.

Au-delà de la guérilla parlementaire qui se déroule à propos du budget 2025, où la Gauche a pu montrer son unité, il faut que chaque composante de la gauche ait en tête l’avenir et recherche les compromis indispensables pour élaborer une politique de long terme qui lierait réforme économique, réforme de l’État et réforme écologique.

Répondre aux défis de ce premier quart de siècle

Ce projet politique doit répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés en ce premier quart de XXIème siècle.

Le défi économique et social avec la mise en place d’une alternative au néolibéralisme et la baisse des inégalités.

Le défi climatique avec la lutte contre le réchauffement de la planète et le recul de la biodiversité.

Le défi technologique avec la confrontation de l’humanité au progrès technologique.

Le défi politique avec l’affrontement larvé entre les États Unis et la Chine pour la domination du monde et l’agression de l’Ukraine par la Russie qui veut reconstituer l’empire russe.

Le défi démocratique en rejetant la verticalité du pouvoir et en favorisant une plus grande participation des citoyens.

Ce sont les réponses à ces défis et les grands choix sociétaux à faire qui détermineront avec un minimum de cohérence les mesures qui devront être prises par les gouvernants sous le contrôle des citoyens. C’est en sollicitant les citoyens sur ces grands choix que l’on pourra revivifier notre système démocratique et les faire se prononcer sur ce qui influencera vraiment leur vie à venir.

Élaborer un projet politique de long terme et répondre à ces défis sont les conditions pour que la gauche redevienne un parti de gouvernement de transformation démocratique et sociale.