Une dissolution pour clarifier ?
Dès l’annonce de l’échec de la liste Renaissance aux élections européennes du début juin 2024, le Président de la république annonce la dissolution de l’assemblée nationale. Il décide ainsi de donner la parole au peuple dans la perspective de provoquer une clarification de la situation. Il convoque les élections législatives dans un délai très court avec un deuxième tour le 7 juillet alors que l’extrême droite réalise une poussée notable.
La gauche émiettée réussit en quatre jours à reconstruire son unité en créant le Nouveau Front Populaire (NFP) avec un contrat de législature basé sur un programme économique et social assez développé. Le parti « Les Républicains » explosent avec le ralliement au Rassemblement national (RN) de son président partisan de l’Union des droites. Le parti du Président (Renaissance) se prononce pour le non aux extrêmes de droite comme de gauche. La campagne est courte et très tendue.
Une poussée inquiétante de l’extrême droite
A l’issue du premier tour le RN est en tête avec le plus grand nombre d’élus mais voit se constituer un front républicain sans condition à gauche et avec quelques hésitations chez Ensemble pour la république ( EPR – le nouveau nom de Renaissance) où l’aile droite maintient le « ni-ni ».
Au soir du 7 juillet le rêve de la majorité absolue pour le RN s’effondre. Le désistement de la gauche et d’EPR pour faire barrage au RN relègue ce dernier en troisième position avec un NFP en première position sans atteindre la majorité absolue. EPR s’en tire bien en arrivant à être le deuxième groupe de l’assemblée.
Une assemblée nationale sans majorité
Au sein de l’assemblée nationale, le NFP, le RN et EPR, sont les groupes les plus importants mais aucun n’atteint la majorité absolue nécessaire pour gouverner. La logique institutionnelle aurait dû amener le Président de la république à nommer un premier ministre issu du NFP quitte à ce que celui-ci constitue un gouvernement minoritaire.
Mais le Président de la république a profité de l’organisation des Jeux Olympiques à Paris pour laisser passer le temps. Il permet que se constitue une minorité plus nombreuse alliant EPR et Les Républicains. Le nouveau premier ministre, issu de LR, constitue son gouvernement minoritaire à l’Assemblée avec la neutralité bienveillante du RN qui impose certaines conditions et le tient comme la corde tient le pendu.
Un déni démocratique
En résumé, le président a voulu sortir son camp d’une minorité à l’assemblée et provoquer une clarification de la situation. Le résultat des élections marque un désaveu de la politique menée par le gouvernement sortant. Le président nomme un nouveau gouvernement avec une minorité encore plus faible que la précédente regroupant les perdants des élections législatives, un déni démocratique.
Une situation financière alarmante
La situation financière s’avère encore plus catastrophique que celle annoncée précédemment et oblige le gouvernement à préparer un budget de crise. Le nouveau premier ministre s’efforce de changer de méthode mais sur le fond pas grand-chose de nouveau. Au niveau économique les ministres concernés sont issus des défenseurs de la politique précédente. IIs veulent continuer la politique néolibérale poursuivie depuis plusieurs années, qui a été rejetée massivement et qui nous a mené dans le mur.
La dette publique s’élève à plus de 3000 milliards d’euros. Après un déficit de 5,5% du PIB (Produit Intérieur Brut) en 2023, la tendance actuelle prévoit 6% cette année et encore plus l’an prochain.
Plus de justice fiscale ?
Certes le premier ministre annonce qu’il faut plus de justice fiscale et veut abandonner le dogme du « pas de nouveaux impôts » soutenu par le président. C’est d’ailleurs une obligation car ce qui est à l’origine de ce déficit, de l’avis de nombreux économistes, c’est le manque de recettes. La croissance qui devait résulter de la politique de l’offre c’est-à-dire, pour aller vite, de l’allègement des charges des entreprises n’est pas au rendez-vous.
Les économistes de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) estiment que la croissance française serait divisée par deux en 2025 si le budget déposé par le gouvernement Barnier était adopté en l’état.
Changer de politique
Changer de politique pour répondre aux besoins des français est le seul moyen d’éviter de nous retrouver dans une impasse dans quelques mois. Le NFP défend une autre stratégie budgétaire et propose de lever de nouvelles recettes. Grâce à ces mesures fiscales, la France serait en mesure de réduire le déficit tout en augmentant immédiatement les investissements dans les services publics et les secteurs d’avenir.
La philosophie est très différente de celle du gouvernement Barnier, qui est centrée sur la simple réduction du déficit, au prix d’effets récessifs significatifs c’est-à-dire réduire la croissance de moitié. Le programme du Nouveau Front populaire propose une stratégie budgétaire qui augmente les dépenses publiques, stimule l’activité économique et permet de dégager des recettes supplémentaires.
A l’Assemblée nationale les différents partis du NFP montrent leur convergence de vue dans le domaine économique et social. L’unité affichée lors du débat budgétaire ne doit pas nous faire oublier que sur l’international, les institutions ou le régalien les positions ne sont pas alignées.
Trouver la voie de l’Union
En France l’histoire nous montre que la gauche a toujours été diverse. Les partis de gauche n’ont pu accéder au pouvoir que lorsqu’ils ont trouvé la voie de l’union. C’est pourquoi les électeurs de gauche, quelque soit leur sensibilité, poussent leurs représentants à faire l’union. Les points d’accord sont bien plus importants que les points de divergence. Chacun doit avoir le souci de respecter ses partenaires et leurs différences.
Au-delà de la guérilla parlementaire qui se déroule à propos du budget 2025, où la Gauche a pu montrer son unité, il faut que chaque composante de la gauche ait en tête l’avenir et recherche les compromis indispensables pour élaborer une politique de long terme qui lierait réforme économique, réforme de l’État et réforme écologique.
Répondre aux défis de ce premier quart de siècle
Ce projet politique doit répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés en ce premier quart de XXIème siècle.
Le défi économique et social avec la mise en place d’une alternative au néolibéralisme et la baisse des inégalités.
Le défi climatique avec la lutte contre le réchauffement de la planète et le recul de la biodiversité.
Le défi technologique avec la confrontation de l’humanité au progrès technologique.
Le défi politique avec l’affrontement larvé entre les États Unis et la Chine pour la domination du monde et l’agression de l’Ukraine par la Russie qui veut reconstituer l’empire russe.
Le défi démocratique en rejetant la verticalité du pouvoir et en favorisant une plus grande participation des citoyens.
Ce sont les réponses à ces défis et les grands choix sociétaux à faire qui détermineront avec un minimum de cohérence les mesures qui devront être prises par les gouvernants sous le contrôle des citoyens. C’est en sollicitant les citoyens sur ces grands choix que l’on pourra revivifier notre système démocratique et les faire se prononcer sur ce qui influencera vraiment leur vie à venir.
Élaborer un projet politique de long terme et répondre à ces défis sont les conditions pour que la gauche redevienne un parti de gouvernement de transformation démocratique et sociale.