Après les élections européennes et la dissolution de l’assemblée nationale par le président de la République nous sortons (provisoirement !) d’une période pleine d’incertitudes mais néanmoins riche en enseignements. Essayons de faire le point.
Les élections européennes de juin 2024
La participation est de 51,5%, légèrement supérieure aux précédents scrutins européens. Les résultats sont sans appel. C’est un net recul de la liste Renaissance avec un taux de 14,6% qui marque un désaveu de la politique menée par le président de la république et son gouvernement même si ce vote ne concernait pas en principe la politique intérieure. Le Rassemblement national réalise un score de 31,4%, la liste Parti socialiste-Place publique 13,8%, la France insoumise 9,9%, les Républicains 7,3%, les écologistes 5,5% et Reconquête 5,5%.
Dissolution de l’assemblée nationale
Dès les résultats annoncés le Président de la république annonce la dissolution de l’assemblée alors que rien ne l’y obligeait. Il décide ainsi de donner la parole au peuple dans la perspective de provoquer une clarification de la situation. Plusieurs commentateurs ont jugé cette décision très risquée à un moment où l’extrême droite réalise une poussée notable. Sans parler de l’incompréhension et l’effroi ressentis par les élus Renaissance de l’assemblée y compris par le nouveau premier ministre.
Les élections législatives
Dans la foulée de la dissolution le président décide de convoquer les élections législatives dans un délai très court avec un deuxième tour le 7 juillet pour que tout soit terminé avant les Jeux Olympiques qui sont prévus pour la mi-juillet. Le Rassemblement national (RN) est ravi. Il se voit déjà en majorité absolue et désigne son candidat premier ministre.
La gauche émiettée réussit en quatre jours à reconstruire son unité en créant le Nouveau Front Populaire (NFP) avec un contrat de législature basé sur un programme économique et social assez développé. Les Républicains explosent avec le ralliement au RN de son président partisan de l’Union des droites. Reconquête se divise et voit sa tête de liste, théoricienne de l’Union des droites, rejoindre le RN. Le premier ministre chef de la majorité relative sortante se prononce pour le ni-ni : ni RN ni La France insoumise (LFI), non aux extrêmes. La campagne est courte et très tendue. Les noms d’oiseaux volent dans tous les sens.
A l’issue du premier tour le RN est en tête avec le plus grand nombre d’élus mais voit se constituer un front républicain sans condition à gauche et avec quelques hésitations chez Ensemble (le nouveau nom de la majorité relative sortante) où l’aile droite maintien le ni-ni. Au soir du 7 juillet le rêve de la majorité absolue pour le RN s’effondre. Le désistement de la gauche et d’Ensemble pour faire barrage au RN relègue ce dernier en troisième position avec un NFP en première position sans atteindre la majorité absolue. Ensemble s’en tire bien en arrivant à être le deuxième groupe de l’assemblée.
Quelles leçons tirées de ces élections ?
La première leçon que l’on peut déduire de ces élections est que la poussée du RN a pour origine plusieurs éléments. D’abord un rejet du pouvoir Jupitérien, méprisant et autoritaire. La stratégie du « moi ou le chaos » est un lamentable échec. C’est devenu, chez beaucoup de français, « Jupiter ça suffit ». Mais cette poussée est due aussi à une inquiétude face à l’immigration non régulée et l’insécurité exploitées à volonté par l’extrême droite. Enfin la politique de banalisation du RN a sans doute donné quelques résultats et laissé croire à certains que ce parti était devenu un parti respectable comme les autres.
La deuxième leçon de ce scrutin c’est que le Front Républicain, que tous les commentateurs disaient disparu, vient de montrer son efficacité. Deux tiers des français estiment que le RN n’a pas changé et que c’est un parti dangereux pour la démocratie, l’image de la France, la République et ses fondamentaux de Liberté, d’Égalité, de Fraternité, de Laïcité et de Solidarité. Ce parti populiste et illibéral qui n’a pour partenaires que les régimes autoritaires en Europe qui a modifié plusieurs fois ses positions en une semaine de campagne, n’est pas fiable et n’est pas majoritaire en France même s’il a su utiliser habilement les erreurs des dirigeants français de ces dernières décennies.
La troisième leçon concerne la gauche française. Elle a à nouveau montré que lorsqu’elle est capable de s’unir malgré sa diversité, elle fait la démonstration qu’avec un programme économique, social et environnemental orienté sur la lutte contre les inégalités et pour la justice sociale, elle est encore capable de provoquer l’enthousiasme du peuple de gauche. Contrairement à l’idée reçue, rabâchée à longueur de journée dans la presse bien-pensante aux mains des milliardaires, la gauche reste vivante en France même si elle n’atteint pas la majorité à l’assemblée.
Pour quel résultat ?
Au moment où j’écris ces quelques lignes nous ne connaissons pas encore les résultats définitifs et la configuration finale de la répartition des sièges au sein de l’assemblée. Mais il est déjà certain qu’aucun des groupes politiques importants ne dispose d’une majorité suffisante pour gouverner. L’objectif de clarification poursuivi par le président ne semble pas être atteint. Il fallait sortir d’une majorité relative menacée de blocage au vote du prochain budget. Nous nous retrouvons avec une assemblée qui ne peut donner qu’une majorité relative encore moins importante que la précédente.
Certains se mettent à phosphorer pour imaginer une coalition très large mais pour faire quoi ? Continuer la politique néolibérale poursuivie depuis au moins sept ans qui a été rejetée massivement et qui nous a mené dans le mur ?
Changer de politique pour répondre aux besoins des français est le seul moyen d’éviter de nous retrouver dans une impasse dans quelques mois. Le changement d’orientation est celui proposé par le NFP mais il n’est pas majoritaire.
Il n’est pas possible de dissoudre à nouveau l’assemblée avant un an soit pas avant le 8 juillet 2025.
Ne pas trouver le moyen de sortir du blocage probable risque de précipiter encore plus de citoyens dans les bras du RN lors des prochaines échéances électorales. Nous en saurons certainement plus dans les prochains jours ou les prochaines semaines !