En réfléchissant à cet article j’ai longtemps hésité sur le titre, plus précisément sur l’utilisation du mot ambiguïté ou du mot dissimulation. J’ai finalement décidé de les cumuler. Mon objectif est de parler d’un parti qualifié d’extrême droite par la majorité de la classe politique mais qui s’en défend.
L’habit ne fait pas le moine
Depuis plusieurs années la direction de ce parti a mis tout en œuvre pour démontrer sa normalisation. Sa volonté est d’être un parti comme les autres, respectueux de l’ordre républicain et se qualifiant d’être ni de gauche ni de droite, slogan qui a tant profité à l’actuel Président de la République. Les dernières élections législatives de 2022 ont permis à ce parti d’être représenté par un groupe de presque une centaine de députés. Ce groupe s’est appliqué à avoir une présence remarquable de modération dans le comportement verbal et vestimentaire.
Mais, comme le dit le vieux dicton populaire, l’habit ne fait pas le moine. Comme le défend l’éditorial du journal « Le Monde » du 23 et 24 juin 2024, « Aucune des manœuvres destinées à « dédiaboliser » ce parti ne peut faire oublier les racines antisémites et les obsessions raciales d’une mouvance dont le prétendu philosémitisme n’est que le paravent de la haine envers les musulmans. » Le point central du programme de ce parti est la xénophobie au travers de « la priorité nationale » qui contrevient au principe constitutionnel d’égalité de notre république et à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Un évènement significatif
Lors de l’émission « envoyé spécial » un couple blanc, sympathisants de ce parti, a un comportement agressif à l’encontre de leur voisine, une aide-soignante noire. « Te voilà encore toi ? on t’a invitée ? non ! Tu dégages ! j’ai quitté les HLM à cause de gens comme toi » vocifère la femme. « On fait ce qu’on veut, va à la niche ! » La candidate à sa réélection dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais, ancienne présidente de ce parti et ancienne candidate à la présidence de la République, interrogée par « La Voix du Nord » estime que ce ne sont pas des propos racistes mais un simple conflit de voisinage. « La question est de savoir si “va dans ta niche” n’est pas une expression populaire de gens qui se détestent », « Est-ce que c’est raciste ? Moi-même, je peux le dire à l’égard de mes amis ! C’est vous qui tirez la conclusion que c’est raciste du fait de la couleur de peau de la victime. Ça, c’est scandaleux ! répond l’ancienne présidente du parti et met en cause une émission ultra politisée à l’extrême gauche. Si ce parti devait arriver au pouvoir, il est fort à craindre que ces comportements agressifs et racistes se multiplieront avec la certitude de ne pas faire l’objet de poursuite judiciaire. Faut-il rappeler que le racisme est un délit dans notre société civilisée ?
La politique et le droit
Ce parti met en cause l’état de droit en contestant les organes qui le garantissent comme le conseil constitutionnel, le conseil d’état, et l’indépendance de la justice en conspuant le gouvernement des juges. Il pense que la volonté de la majorité peut s’exonérer des grands principes de droit de la constitution et des droits de l’homme. Il s’attaque à la liberté de la presse et propose de privatiser l’audio-visuel public seul garant d’une information pluraliste et indépendante des grands groupes financiers qui contrôlent l’essentiel de la presse et de la télévision. S’il accède au pouvoir il fera supprimer le droit du sol. Il détruira ainsi un principe installé dans notre droit français depuis 1515. Même le gouvernement de Vichy n’avait pas voulu le remettre en cause. Son fond de commerce est l’immigration. Pour ce parti il suffit de bloquer l’entrée des migrants et mettre dehors tous les étrangers qui sont sur notre territoire pour régler tous les problèmes d’emploi et de sécurité. Si c’était si simple il y a bien longtemps que cela serait réglé en France mais aussi dans les pays voisins.
Qui sont ses alliés ?
Autre dicton populaire, « dis-moi qui tu fréquentes, je te dirais qui tu es ». Qui sont au niveau européen les mouvances que côtoie ce parti ? Observez ses alliances en Europe et dans le monde. Il se retrouve toujours avec les partisans d’un pouvoir autoritaire, de l’illibéralisme et même de nostalgiques du fascisme. Il fait preuve de complaisance avec les régimes autoritaires à commencer par la Russie poutinienne. Ce parti est un adepte du pouvoir autoritaire et comme tous ses homologues, une fois en place, il sera quasi impossible de le déloger démocratiquement. Après avoir prôné la sortie de l’Union Européenne et le départ du commandement intégré de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), vu l’expérience désastreuse du Brexit et la menace que fait peser la Russie sur la paix en Europe, ce parti a fait apparemment marche arrière. Mais cela ne l’empêche pas de prévoir des mesures contraires aux engagements de la France en Europe et de cultiver l’ambiguïté dans la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine.
Des investitures qui contredisent sa normalisation
Enfin nombre d’investitures de ce parti à l’occasion des prochaines élections législatives contredisent sa normalisation. Nous pouvons trouver parmi ces candidats des gens qui s’intéressent de près à la France de Vichy, des coutumiers de l’usage de slogans antisémites, des amateurs de blagues racistes, de nombreux soutiens du Kremlin, des adeptes de théories du complot, des climatosceptiques, des militants ayant un passé au sein de groupes violents et identitaires, etc… Pour plus de détails il suffit de se reporter à la presse quotidienne de tout bord politique.
Un parti attrape tout
Ce parti d’extrême droite, à tout le moins populiste et souverainiste de droite radicale, proche des régimes illibéraux en Europe, dirigé par un clan familial depuis des décennies, est un parti attrape tout. Il fait des promesses tout azimut même si elles sont irréalisables et parfois contradictoires les unes par rapport aux autres. Avec un mouvement de va et vient où chaque jour de la campagne électorale voit des mesures adoptées ou retirées, modifiées ou reportées. L’important est d’attirer ses supposées clientèles électorales. Il a beau se déclarer prêt à gouverner, il est difficile de voir dans quelle direction tant à court terme qu’à long terme. Plus l’échéance électorale se rapproche plus les hésitations se multiplient. Sans parler des thèmes absents du programme de ce parti : le défi climatique et le recul de la biodiversité, le défi économique et social avec le développement des inégalités et l’hégémonie culturelle du néolibéralisme, le défi technologique avec la nécessité de mettre les technologies au service de l’humanité, le défi politique avec le retour de l’arme nucléaire, la souveraineté stratégique de l’Europe et la nécessité d’une gouvernance mondiale pour éviter le chaos géopolitique. Comment ne pas voir que dans le bouleversement du monde qui est en cours, l’isolement de la France sans l’Europe face aux puissances constituées par les États Unis et La Chine ne peut que nous affaiblir pour résister à leurs hégémonies.
Refuser de bouleverser l’équilibre démocratique
Nous vivons dans un pays démocratique quels que soient ses imperfections. Nous avons la chance de pouvoir donner notre avis sur la direction que doit prendre notre pays pour les cinq prochaines années, ce que beaucoup de pays nous envient. Même si le vote ne suffit pas à garantir la démocratie, il en est une composante indispensable. Ardent défenseur des droits humains, humaniste et universaliste, républicain et démocrate, partisan d’une république démocratique, fraternelle, sociale, laïque et solidaire, convaincu que l’égalité de toutes les femmes et tous les hommes reste un objectif fondamental de l’humanité, je vous invite à voter en conscience et ne pas contribuer par votre vote à porter au pouvoir un parti qui va bouleverser l’équilibre démocratique de notre pays et détruire les principes sur lesquels se fonde notre République.