A la veille des élections européennes les sondages prévoient une très forte abstention qui avoisine les 50%. Même si institutionnellement cela ne remet pas en cause la légitimité des élus, cela ne peut manquer d’inquiéter les démocrates.
Vote et démocratie
Quelle que soit l’élection, quand on sait combien de personnes ont risqué leur vie pour avoir le droit de voter et donner leur avis sur l’organisation de la société, il est indispensable de faire l’effort de se déplacer et d’aller participer à l’élection. C’est ce qu’on appelle faire son devoir de citoyen. En effet c’est un devoir par respect pour tous ceux qui nous ont précédés et qui se sont battus pour ce droit. Le vote est indissociable de la démocratie. L’organisation régulière d’élections est une condition nécessaire pour que l’on puisse parler de démocratie. Cette condition est nécessaire mais, certes, elle n’est pas suffisante. Il existe nombre de pays où le vote se déroule après que les opposants sont empêchés de se présenter au suffrage. Parfois le vote lui-même est entaché de fraudes avec le bourrage d’urnes et le non contrôle des listes électorales ou autre. Il est difficile, dans le cadre de cet article, de citer tous les vices de forme possibles, la liste serait trop longue.
Pour que le vote contribue au développement de la démocratie, il faut aussi qu’il soit universel, ouvert à tous les citoyens, homme ou femme, ayant atteint l’âge de raison, fixé en général à la majorité légale. Il faut qu’il soit transparent et que chacun soit informé et conscient des enjeux. Cela passe donc par l’organisation de cette information de la manière la plus objective possible et accessible à tous. L’organisation de débats contradictoires permettant la confrontation des différentes propositions est aussi essentiel à la réalité de cet exercice démocratique.
L’organisation d’élections périodiques aux différents niveaux de la structuration politique de la société (communes, départements, régions, parlement, etc…) doit être complétée par la liberté de conscience, la liberté d’expression, la liberté politique, la liberté d’entreprendre, la liberté syndicale, la liberté d’association, l’égalité des droits et des devoirs, l’existence de contre-pouvoirs.
Le plein exercice de la démocratie exige aussi la séparation des pouvoirs, entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Le respect de ces principes est indispensable à la démocratie mais tout ne se trouve pas réglé pour autant puisqu’il existe une infinité de variations dans la concrétisation de ces principes. C’est le débat démocratique qui permet de trancher entre ces différentes possibilités.
Les enjeux des prochaines élections européennes
Nous sommes à la veille d’élections européennes que tous les candidats s’accordent à dire que ce sont probablement les plus importantes depuis la création de l’Union Européenne à la lumière des défis auxquels elle se trouve confrontée. Il est donc doublement important d’aller voter. Ce qui doit nous intéresser comme citoyens européens c’est ce que proposent les candidats pour faire face aux défis européens que nous devons affronter pour les cinq prochaines années. Ces défis sont européens dans un monde instable et en plein bouleversement et non pas nationaux, même si les choses ne sont pas indépendantes. Je veux simplement dire qu’il ne faut pas se tromper de cible. Il ne s’agit pas d’infliger une défaite à l’exécutif national mais de donner son avis sur les défis auxquels l’Union Européenne devra faire face. Ces défis sont d’ordre climatique, économique, politique, et technologique
Le défi climatique
La biosphère est un vaste système complexe autorégulé et autoreproducteur de régulations interdépendantes, dans la reproduction duquel la vie, et par conséquent l’espèce humaine, joue un rôle primordial. La biodiversité est compromise.
Les effets du changement climatique sont incontestables. La crise environnementale, la crise du développement, et la crise de l’énergie ne font qu’un. Cette crise n’inclut pas seulement le changement climatique, le recul de la biodiversité mais aussi d’autres problèmes liés à la croissance de la population mondiale.
Il est impératif de respecter l’Accord de Paris sur le climat et de maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 2°C. Quels que soient les chiffres ou les courbes que l’on regarde les indicateurs sont tous au rouge. Mai 2024 est le mois le plus chaud jamais enregistré à l’échelle mondiale depuis le début des relevés.
Le dérèglement climatique est causé par la hausse continue des émissions de gaz à effet de serre liées à la combustion d’énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz. Les prévisions publiées par l’Organisation météorologique mondiale confirment qu’il est probable que la température moyenne annuelle du globe franchisse le seuil de 1,5°C de réchauffement.
La rupture de l’équilibre entre la planète et les humains qui l’habitent fait ressortir notre immense responsabilité mais crée aussi l’opportunité de redéfinir notre rapport à la terre.
Le défi économique et social
Les inégalités culminent à des niveaux historiquement élevés. En moyenne les 10% des adultes les plus riches de la planète captent 52% des revenus mondiaux, lorsque 50% des plus pauvres s’en partagent 8,5%. Les disparités de patrimoine sont plus fortes que celles de revenus. La moitié la plus pauvre de la population mondiale ne possède que 2% de la richesse des ménages tandis que les 10% les plus aisés en détiennent 76%.
Les politiques néolibérales sont devenues culturellement dominantes et ont bouleversé le panorama des inégalités. La promesse néolibérale de dynamisation de la croissance par la baisse de la fiscalité des plus riches n’a pas marché. La théorie du ruissellement n’a pas généré la prospérité pour tous. Le recul des politiques de redistribution par la fiscalité a eu pour conséquence d’augmenter les écarts de revenus et de patrimoine au bénéfice des plus riches par rapport aux catégories sociales moyennes sans pour autant sortir du marasme les catégories les plus défavorisées.
Sans un rééquilibrage des taux de croissance du capital et du travail et sans une politique volontariste de redistribution par la fiscalité et les prestations sociales, les inégalités ne pourront que continuer à se développer. L’objectif premier de toute société démocratique est d’améliorer le sort de tous. Si les pouvoirs publics continuent de laisser le 1% de la population s’accaparer l’essentiel des richesses et mettre à contribution les classes moyennes et populaires, il laisse se développer une désespérance qui ne peut que nuire à la démocratie.
Le défi politique
L’affrontement monde capitaliste contre monde socialiste disparait progressivement et laisse la place à l’affrontement entre démocraties et autocraties. Les dirigeants chinois et russes ne cachent pas leur mépris du système démocratique qui est faible et incapable d’assumer des risques importants. Ils louent ensemble l’efficacité de leur système autocratique.
L’utilisation de l’arme nucléaire est aujourd’hui brandie comme possible. Depuis le début de l’offensive en Ukraine, le Président russe agite la menace nucléaire. Il a averti les pays qui s’opposeraient à son intervention qu’ils s’exposeraient à des conséquences « comme ils n’en ont jamais vu ».
L’Union Européenne doit prendre conscience qu’elle doit d’abord compter sur elle-même pour sa défense devant les orientations futures de la puissance américaine en direction de l’Asie. La guerre en Ukraine aide à cette prise de conscience qu’il n’est plus possible devant ce nouvel ordre du monde, s’il ne l’a jamais été, d’être uniquement dépendant des Américains. Les chars russes en Ukraine et une agression à ses frontières par une puissance nucléaire ont réveillé l’Union Européenne.
Après la crise sanitaire et maintenant la guerre à ses portes qui ont mis en évidence les faiblesses de l’UE et ses dépendances stratégiques, la souveraineté européenne et son autonomie stratégique sont une priorité incontournable.
L’envergure mondiale des différentes crises auxquelles nous sommes confrontées rend nécessaire, même si cela apparait complètement utopique, au moins une concertation de l’ensemble des pays de la planète. La réforme en profondeur du seul embryon de gouvernance mondiale existant aujourd’hui, l’ONU, semble indispensable. Il reste la seule institution légitime malgré ses faiblesses pour établir un véritable dialogue et affronter les problèmes qui se posent au monde dans un cadre universel démocratique et rénové.
Le défi technologique
La confiance aveugle envers les sciences et les techniques est une erreur, la défiance systématique en est une autre. Ce n’est pas la technique qui est en soit bénéfique ou maléfique, mais les usages qu’on choisit d’en faire. Nous devons rester vigilants quant aux possibles dérives, aux possibles mauvais usages des découvertes scientifiques. Aidons le plus grand nombre à comprendre, à avoir accès aux connaissances, pour que chacun ait les moyens d’un jugement approprié.
L’idée que l’humain peut détruire le monde terrestre et ainsi se détruire lui-même émerge et pose le problème des limites de l’activité humaine et de sa responsabilité vis-à-vis de la nature. L’humain est une partie d’un tout qui a la particularité d’être responsable de la conservation de ce tout. Nous devons prendre conscience de nos limites et développer un humanisme différent, un humanisme de la diversité. Plus que jamais l’homme a besoin des principes éthiques des Lumières pour mettre les sciences et les technologies au service de l’humanité et non l’inverse.
Pour conclure
Il est souvent reproché aux hommes politiques leur vision à court terme. Comme électeurs européens veillons à orienter notre vote en déterminant comment les différents candidats comptent faire face à ces grands défis que nous venons d’énumérer et quel type de société ils comptent mettre en œuvre. Ce sont les réponses à ces défis et les grands choix sociétaux qui en découlent qui détermineront l’évolution de notre avenir.
Une belle analyse des enjeux , Maurice.
Les politiques et politiciens actuels en Occident ont fait le pari de la mondialisation néo libérale.
Malgré les preuves scientifiques, ils se voilent la face et jouent la procrastinisation en matière d’environnement.
Méfions nous du réveil des jeunes générations auxquelles nous devrons tôt ou tard rendre compte de nos errements.
Le vote d’hier n’est un début.