EGALITE

Article rédigé avec le concours de Nicolas et Nikola

L’idée d’égalité n’est pas une affaire nouvelle. En effet, je voudrais citer Paul Hazard, (1878-1944) historien français qui, dans son livre « La crise de la conscience européenne » (1935) écrit : » « Quel ­contraste ! quel brusque passage ! la hiérarchie, la discipline, l’ordre que l’autorité se charge d’assurer, les ­dogmes qui règlent fermement la vie : voilà ce qu’aimaient les hommes du dix-septième siècle. Les contraintes, l’autorité, les dogmes, voilà ce que détestent les hommes du dix-huitième siècle, leurs successeurs immédiats

Les premiers croient au droit divin, les autres au droit naturel. Les premiers vivent à l’aise dans une société où règne l’inégalité, les seconds ne rêvent que d’égalité.

L’égalité, qu’elle soit politique, économique, sociale ou de genre, fut un leitmotiv de la rupture intellectuelle des philosophes du siècle des Lumières.

J’aborderai ce thème de l’Égalité d’abord sous l’angle de la philosophie, puis son lien avec la Révolution française, comment la constitution de la République Française en traite, les réalités économiques en France et dans le monde pour enfin conclure en démocrate humaniste.

Sous l’angle philosophique

Selon E. Kant, la dignité humaine est intrinsèque, ontologique (par nature) et irréductible pour chaque Être humain. En cela, Kant, nous enseigne l’égalité dans ce qu’elle a de plus pure ! La dignité humaine serait en conséquence, le fruit d’une seule et unique chose : la loi morale qui anime l’âme humaine.

Complémentairement à E. Kant, la conception philosophique de la dignité humaine est également charpentée par Hegel.  Si Kant est le symbole de l’égalité, Hegel est celui de la reconnaissance individuelle et de la singularité de chaque Être humain. Sans la reconnaissance d’autrui, nous ne serions pas pleinement des Êtres humains accomplis dans notre dignité. Sans prise en compte de notre singularité, nous ne serions qu’un numéro parmi tant d’autres. La dignité humaine se révèle non seulement de manière ontologique et inaltérable, mais aussi comme un combat constant afin de comprendre et de reconnaître l’Autre dans ce qu’il a de singulier.

Montesquieu, dans « De l’esprit des lois », établit une relation essentielle entre république, démocratie et égalité : « L’amour de la république, dans une démocratie, est celui de la démocratie ; l’amour de la démocratie est celui de l’égalité ».

Rousseau, dans « Du contrat social », fait du concept d’égalité le moteur de sa théorie. La liberté est la finalité de l’association politique et l’égalité en est la cheville ouvrière.

La Révolution française

A la révolution française s’est établi à la suite de la monarchie un régime politique qui est baptisé « république ». En conséquence de l’abolition de la royauté et des privilèges, la première république française est proclamée. La République française est la fille de la révolution. L’Assemblée Nationale proclame la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

L’égalité est donc intrinsèque à la République dont la devise est « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Les principes d’émancipation, de liberté, d’égalité et de fraternité, énoncés en 1789, consolidés par la République en 1792 valaient pour tous les hommes, pour tous les pays.

Condorcet explique : « Il ne peut y avoir ni vraie liberté, ni justice dans une société si l’égalité n’est pas réelle » ? Il soutient la lutte des Juifs, des protestants et des Noirs pour leur émancipation ». L’égalité politique de l’homme et de la femme est affirmée notamment dans un article qui fit scandale intitulé : « Sur l’admission des femmes au Droit de cité ».

Olympe De Gouges, rédactrice en 1791 de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » a laissé de nombreux écrits en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l’abolition de l’esclavage des noirs. A ce jour, malgré des avancées, nous sommes encore loin de réaliser l’égalité femme homme et de faire disparaître toute discrimination dont sont victimes les femmes.

La Révolution puis les différentes républiques françaises tentèrent sans toujours y parvenir d’instaurer l’égalité de tous les citoyens. Les discriminations de toutes sortes, de genre, de religion, d’origine, sont encore bien trop nombreuses. Le racisme, même s’il est officiellement condamné, est encore présent dans bien des comportements.

Égalité et la constitution de la Vème République

En France la constitution de 1958 est le texte fondateur de la Ve République. Adoptée par référendum le 28 septembre 1958, elle organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. Elle est le quinzième texte fondamental de la France depuis la Révolution Française.

Norme suprême du système juridique français, elle a été modifiée à vingt-quatre reprises depuis sa publication par le pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès, soit directement par le peuple à travers l’expression du référendum. Son Préambule renvoie directement et explicitement à trois autres textes fondamentaux : la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la constitution de 1946, la charte de l’environnement de 2004.

La constitution de 1958, dans sa forme actuellement en vigueur, précise en son article 1 :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Les hommes et les femmes, naissent égaux en droit mais que ce passe-t-il après la naissance ? La République nourrit ses enfants et les instruit. L’histoire nous prouve que l’égalité des droits n’empêche pas les inégalités. Même si tous les gouvernants affirment orienter l’action de la puissance publique dans le sens d’une plus grande égalité entre les citoyens, nous voyons bien, notamment ces dernières années, que les inégalités s’accroissent. Les privilèges de la naissance ont été abolis sans complètement disparaitre et ont été remplacé par les privilèges de la richesse économique qui se répercute sur le plan culturel, social et régional. Même l’école qui a été un formidable instrument d’éducation et d’émancipation reste encore trop un facteur de reproduction sociale et un révélateur de la persistance des inégalités femmes hommes.

Les réalités économiques

En France, l’Observatoire des inégalités rapporte pour 2021 que les 10 % du haut de l’échelle des revenus touchent en moyenne 7,1 fois ce que touchent les 10 % du bas, après impôts et prestations sociales. Si l’on mesure l’écart de salaire total, tous temps de travail confondus, les femmes touchent 28,5 % de moins que les hommes. À eux seuls, les 10 % les plus fortunés possèdent 46,4 % de l’ensemble du patrimoine des ménages. Le patrimoine médian des ouvriers non qualifiés (la moitié possède moins, l’autre moitié plus) est de 12 300 euros, endettement déduit. Le ministère de l’Éducation nationale indique qu’à l’université, les enfants de cadres supérieurs sont beaucoup plus nombreux que les enfants d’ouvriers.

Ces constatations ne sont pas limitées à la France, elles peuvent se constater partout dans le monde. Le « Rapport sur les inégalités mondiales 2022 » de la « World Inequality Database », publié en décembre 2021, montre que l’hyper concentration patrimoniale, qui s’est encore aggravée pendant la crise du Covid-19, concerne l’ensemble des régions de la planète. Au niveau mondial, les 50 % les plus pauvres détiennent en 2020 à peine 2 % du total des propriétés privées (actifs immobiliers, professionnels et financiers, nets de dettes), alors que les 10 % les plus riches possèdent 76 % du total.

Les excès de la mondialisation financière expliquent en partie le creusement des écarts de revenus et de patrimoine ces dernières décennies. En moyenne les 10% des adultes les plus riches de la planète captent 52% des revenus mondiaux, lorsque 50% des plus pauvres s’en partagent 8,5%. Les disparités de richesse se traduisent aussi en inégalités en termes d’empreinte écologique. Les émissions de carbone des 1 % les plus riches de la planète dépassent celles des 50 % les plus pauvres.

De nombreux discours conservateurs tentent de donner des fondements naturels et objectifs aux inégalités et expliquent que les disparités sociales en place sont dans l’intérêt de la société dans son ensemble. Selon eux les inégalités sont nécessaires pour accroitre la productivité et la croissance. Après une période d’après-guerre où les inégalités ont régressé, les politiques néolibérales sont devenues culturellement dominantes et ont bouleversé le panorama des inégalités. La promesse néolibérale de dynamisation de la croissance par la baisse de la fiscalité des plus riches n’a pas marché. La théorie du ruissellement n’a pas généré la prospérité pour tous. Le recul des politiques de redistribution par la fiscalité a eu pour conséquence d’augmenter les écarts de revenus et de patrimoine au bénéfice des plus riches par rapport aux catégories sociales moyennes sans pour autant sortir du marasme les catégories les plus défavorisées.

Pour conclure

Pierre Leroux (1797 – 1871), philosophe et homme politique français, souvent cité par un de mes amis, a écrit : « Toujours est-il que nous sommes fondés à dire que l’Égalité est en germe dans la nature des choses, qu’elle a précédé l’inégalité, et qu’elle la détrônera et la remplacera. C’est ainsi que, de cette double contemplation de l’origine et de la fin de la société, l’esprit humain domine la société actuelle, et lui impose pour règle et pour idéal l’Égalité. Si donc, encore une fois, je crois à la Liberté, c’est parce que je crois à l’Égalité ; si je conçois une société politique où les hommes seraient libres et vivraient entre eux fraternellement, c’est parce que je conçois une société où régnerait le dogme de l’Égalité humaine. En effet, si les hommes ne sont pas égaux, comment voulez-vous les proclamer tous libres ; et, s’ils ne sont ni égaux ni libres, comment voulez-vous qu’ils s’aiment d’un fraternel amour ». Comment ne pas faire nôtre cette pensée !

L’objectif premier de toute société démocratique est d’améliorer le sort de tous. Le bien-être de tous au niveau national comme au niveau international doit être le guide de toute action individuelle et collective.

Les humanistes universalistes ont pour but l’amélioration de l’humanité et pour devoir d’étendre l’égalité et le bien-être à tous les membres de l’humanité. Ils doivent construire de nouvelles Lumières contre le retour des ténèbres. Telle est l’alternative de la société qui s’annonce. Les héritiers des Lumières, militants de la liberté, dotés de raison, n’ont qu’une voie. Et sur ce chemin, l’égalité est leur boussole.

Auteur/autrice : Maurice

Retraité, diplômé en sciences économiques, j'ai été enseignant, chercheur en sciences sociales, syndicaliste, mutualiste militant, chef d'entreprise d’économie sociale. Depuis mes études je suis intéressé par l'épistémologie en sciences sociales et la pluridisciplinarité. J'ai créé ce blog pour m'exprimer et échanger avec ceux qui le souhaitent.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.