Faut-il privilégier l’état de droit ou le suffrage populaire ?

Le populisme se développe et prend de plus en plus de place dans le débat public notamment dans nos démocraties occidentales avancées. Il fait planer sur nos sociétés une instabilité politique qui se rajoute à la dégradation de l’ordre du monde. Cela ne peut qu’augmenter l’anxiété que chacun peut éprouver face à l’avenir.

Une « atmosphère » de populisme

Les populistes accusent les élites de dévoyer la démocratie, de dessaisir le peuple de sa souveraineté en abusant de leurs fonctions et d’être tellement éloignés de ses intérêts qu’ils n’ont aucune légitimité à le représenter. Ils s’inscrivent dans la perspective d’une régénération démocratique. Ils instruisent le procès des démocraties libérales-représentatives accusées d’avoir le culte de l’individu et des minorités au détriment de la souveraineté du peuple. Ils privilégient la démocratie directe en appelant à multiplier les référendums d’initiative populaire, dénoncent le caractère non démocratique des autorités non élues et des cours constitutionnelles, et exalte une conception immédiate et spontanée de l’expression populaire. Ils vont jusqu’à remettre en cause l’état de droit.

Citons deux exemples qui illustrent cette situation : les élections présidentielles aux États-Unis d’Amérique et la validation de la loi immigration par le conseil constitutionnel en France.

Les élections présidentielles américaines

Lors des élections présidentielles de 2020, Donald Trump et le Parti Républicain accuse le Parti démocrate d’irrégularités et donc de leur voler la victoire. Cela se termine, si l’on peut dire, par une insurrection cherchant à empêcher le congrès américain de valider les résultats. Pour les élections de 2024, Donald Trump, quadruple inculpé, est à nouveau candidat à la présidence des États-Unis. Il est potentiellement passible d’une peine de prison.

La cour suprême du Colorado l’a déclaré inéligible en vertu du 14ème amendement de la constitution. Cet amendement prohibe la candidature à une fonction officielle de toute personne qui a été engagée dans une insurrection. Une position semblable a été prise dans le Maine. Craignant la multiplication de ces décisions, Donald Trump demande à la Cour suprême des USA de casser le jugement du Colorado.

Que va faire la Cour Suprême ? Elle se prononcera début février.

Les juges vont jouer un rôle important pour ne pas dire capital dans cette élection, qu’ils condamnent ou non l’ancien président. Le judiciaire va peser sur le politique ce qui pose une question de fond. Dans une démocratie, est-ce aux juges ou aux électeurs de décider de l’élection ? Laissons de côté les aspects techniques de ce conflit juridico-politique pour ne retenir que la question de fond qui rejoint celle posée par les populistes. Si l’ancien président est empêché de candidater ce sera haro sur le « gouvernement des juges » et certains prédisent de violents incidents et peut-être plus.

En France

Au cours de l’année 2023, la majorité présidentielle relative a adopté au forceps, deux réformes majeures, retraite et immigration, sans débats dignes de ce nom au parlement et même sans vote pour la réforme des retraites. Pour la loi immigration le gouvernement a obtenu, au-delà de son groupe parlementaire, l’appui de la droite et de l’extrême droite et a concédé des dispositions qui pourraient être refusées par le Conseil constitutionnel pour non-conformité avec la constitution. Les principaux dirigeants de l’exécutif, le président de la république, la première ministre et le ministre de l’intérieur ont tous reconnu que le texte comportait des dispositions contraires à la Constitution.

Le président du Conseil constitutionnel a rappelé au gouvernement que cette instance n’était ni une chambre d’échos des tendances de l’opinion, ni une chambre d’appel des choix du Parlement, mais le juge de la constitutionnalité des lois. La tâche du Conseil est, quel que soit le texte dont il est saisi, de se prononcer en droit. Il a cité un de ses prédécesseurs, Robert Badinter, qui avait dit : « Une loi inconstitutionnelle est nécessairement mauvaise, mais une loi mauvaise n’est pas nécessairement inconstitutionnelle. »

Sollicité le Conseil constitutionnel se prononcera le 25 janvier sur la constitutionnalité des dispositions de la loi immigration. Là aussi nous courrons le risque que la censure du Conseil déclenche le haro sur le « gouvernement des juges ».

Quelle souveraineté ?

La plupart des États démocratiques modernes disposent d’une constitution qui détermine les droits fondamentaux, organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. Tous ne disposent pas obligatoirement d’une cour constitutionnelle qui est chargée de vérifier la constitutionnalité des lois et de régler les contentieux électoraux et référendaire. Les États Unis et la France disposent d’une telle cour.

Dans un État démocratique avancé, nous pouvons toujours modifier l’état du droit, mais il faut toujours veiller à respecter l’état de droit qui se définit par un ensemble de principes cardinaux comme la séparation des pouvoirs, le principe de l’égalité et l’indépendance des juges.

Le président du Conseil constitutionnel a lancé un avertissement à ceux qui dénoncent « le gouvernement des juges » et qui plaident pour le recours systématique au référendum pour se libérer de l’état de droit pour accomplir la volonté générale. Il a affirmé la détermination des juges constitutionnels « à veiller à ce que ne connaisse aucune éclipse le respect de la constitution et de l’état de droit. »

L’état de droit est un concept qui suppose la prééminence du droit sur le pouvoir politique et le respect de la loi par les gouvernants et les gouvernés. Tous, les individus comme la puissance publique, sont soumis à un même droit fondé sur le respect de la hiérarchie des normes. L’État doit se soumettre aux droits fondamentaux. Les juristes français se réfèrent à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 comme un pôle essentiel du contenu de l’état de droit.

Une société dans laquelle il n’y a ni séparation des pouvoirs, ni garantie des droits, ni respect de l’autorité des décisions de justice, de l’égalité de traitement et des libertés publiques, ne peut pas prétendre être une démocratie. Dans une démocratie avancée le suffrage populaire s’exprime dans le respect de l’état de droit.

EGALITE

Article rédigé avec le concours de Nicolas et Nikola

L’idée d’égalité n’est pas une affaire nouvelle. En effet, je voudrais citer Paul Hazard, (1878-1944) historien français qui, dans son livre « La crise de la conscience européenne » (1935) écrit : » « Quel ­contraste ! quel brusque passage ! la hiérarchie, la discipline, l’ordre que l’autorité se charge d’assurer, les ­dogmes qui règlent fermement la vie : voilà ce qu’aimaient les hommes du dix-septième siècle. Les contraintes, l’autorité, les dogmes, voilà ce que détestent les hommes du dix-huitième siècle, leurs successeurs immédiats

Les premiers croient au droit divin, les autres au droit naturel. Les premiers vivent à l’aise dans une société où règne l’inégalité, les seconds ne rêvent que d’égalité.

L’égalité, qu’elle soit politique, économique, sociale ou de genre, fut un leitmotiv de la rupture intellectuelle des philosophes du siècle des Lumières.

J’aborderai ce thème de l’Égalité d’abord sous l’angle de la philosophie, puis son lien avec la Révolution française, comment la constitution de la République Française en traite, les réalités économiques en France et dans le monde pour enfin conclure en démocrate humaniste.

Sous l’angle philosophique

Selon E. Kant, la dignité humaine est intrinsèque, ontologique (par nature) et irréductible pour chaque Être humain. En cela, Kant, nous enseigne l’égalité dans ce qu’elle a de plus pure ! La dignité humaine serait en conséquence, le fruit d’une seule et unique chose : la loi morale qui anime l’âme humaine.

Complémentairement à E. Kant, la conception philosophique de la dignité humaine est également charpentée par Hegel.  Si Kant est le symbole de l’égalité, Hegel est celui de la reconnaissance individuelle et de la singularité de chaque Être humain. Sans la reconnaissance d’autrui, nous ne serions pas pleinement des Êtres humains accomplis dans notre dignité. Sans prise en compte de notre singularité, nous ne serions qu’un numéro parmi tant d’autres. La dignité humaine se révèle non seulement de manière ontologique et inaltérable, mais aussi comme un combat constant afin de comprendre et de reconnaître l’Autre dans ce qu’il a de singulier.

Montesquieu, dans « De l’esprit des lois », établit une relation essentielle entre république, démocratie et égalité : « L’amour de la république, dans une démocratie, est celui de la démocratie ; l’amour de la démocratie est celui de l’égalité ».

Rousseau, dans « Du contrat social », fait du concept d’égalité le moteur de sa théorie. La liberté est la finalité de l’association politique et l’égalité en est la cheville ouvrière.

La Révolution française

A la révolution française s’est établi à la suite de la monarchie un régime politique qui est baptisé « république ». En conséquence de l’abolition de la royauté et des privilèges, la première république française est proclamée. La République française est la fille de la révolution. L’Assemblée Nationale proclame la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

L’égalité est donc intrinsèque à la République dont la devise est « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Les principes d’émancipation, de liberté, d’égalité et de fraternité, énoncés en 1789, consolidés par la République en 1792 valaient pour tous les hommes, pour tous les pays.

Condorcet explique : « Il ne peut y avoir ni vraie liberté, ni justice dans une société si l’égalité n’est pas réelle » ? Il soutient la lutte des Juifs, des protestants et des Noirs pour leur émancipation ». L’égalité politique de l’homme et de la femme est affirmée notamment dans un article qui fit scandale intitulé : « Sur l’admission des femmes au Droit de cité ».

Olympe De Gouges, rédactrice en 1791 de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » a laissé de nombreux écrits en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l’abolition de l’esclavage des noirs. A ce jour, malgré des avancées, nous sommes encore loin de réaliser l’égalité femme homme et de faire disparaître toute discrimination dont sont victimes les femmes.

La Révolution puis les différentes républiques françaises tentèrent sans toujours y parvenir d’instaurer l’égalité de tous les citoyens. Les discriminations de toutes sortes, de genre, de religion, d’origine, sont encore bien trop nombreuses. Le racisme, même s’il est officiellement condamné, est encore présent dans bien des comportements.

Égalité et la constitution de la Vème République

En France la constitution de 1958 est le texte fondateur de la Ve République. Adoptée par référendum le 28 septembre 1958, elle organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. Elle est le quinzième texte fondamental de la France depuis la Révolution Française.

Norme suprême du système juridique français, elle a été modifiée à vingt-quatre reprises depuis sa publication par le pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès, soit directement par le peuple à travers l’expression du référendum. Son Préambule renvoie directement et explicitement à trois autres textes fondamentaux : la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la constitution de 1946, la charte de l’environnement de 2004.

La constitution de 1958, dans sa forme actuellement en vigueur, précise en son article 1 :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Les hommes et les femmes, naissent égaux en droit mais que ce passe-t-il après la naissance ? La République nourrit ses enfants et les instruit. L’histoire nous prouve que l’égalité des droits n’empêche pas les inégalités. Même si tous les gouvernants affirment orienter l’action de la puissance publique dans le sens d’une plus grande égalité entre les citoyens, nous voyons bien, notamment ces dernières années, que les inégalités s’accroissent. Les privilèges de la naissance ont été abolis sans complètement disparaitre et ont été remplacé par les privilèges de la richesse économique qui se répercute sur le plan culturel, social et régional. Même l’école qui a été un formidable instrument d’éducation et d’émancipation reste encore trop un facteur de reproduction sociale et un révélateur de la persistance des inégalités femmes hommes.

Les réalités économiques

En France, l’Observatoire des inégalités rapporte pour 2021 que les 10 % du haut de l’échelle des revenus touchent en moyenne 7,1 fois ce que touchent les 10 % du bas, après impôts et prestations sociales. Si l’on mesure l’écart de salaire total, tous temps de travail confondus, les femmes touchent 28,5 % de moins que les hommes. À eux seuls, les 10 % les plus fortunés possèdent 46,4 % de l’ensemble du patrimoine des ménages. Le patrimoine médian des ouvriers non qualifiés (la moitié possède moins, l’autre moitié plus) est de 12 300 euros, endettement déduit. Le ministère de l’Éducation nationale indique qu’à l’université, les enfants de cadres supérieurs sont beaucoup plus nombreux que les enfants d’ouvriers.

Ces constatations ne sont pas limitées à la France, elles peuvent se constater partout dans le monde. Le « Rapport sur les inégalités mondiales 2022 » de la « World Inequality Database », publié en décembre 2021, montre que l’hyper concentration patrimoniale, qui s’est encore aggravée pendant la crise du Covid-19, concerne l’ensemble des régions de la planète. Au niveau mondial, les 50 % les plus pauvres détiennent en 2020 à peine 2 % du total des propriétés privées (actifs immobiliers, professionnels et financiers, nets de dettes), alors que les 10 % les plus riches possèdent 76 % du total.

Les excès de la mondialisation financière expliquent en partie le creusement des écarts de revenus et de patrimoine ces dernières décennies. En moyenne les 10% des adultes les plus riches de la planète captent 52% des revenus mondiaux, lorsque 50% des plus pauvres s’en partagent 8,5%. Les disparités de richesse se traduisent aussi en inégalités en termes d’empreinte écologique. Les émissions de carbone des 1 % les plus riches de la planète dépassent celles des 50 % les plus pauvres.

De nombreux discours conservateurs tentent de donner des fondements naturels et objectifs aux inégalités et expliquent que les disparités sociales en place sont dans l’intérêt de la société dans son ensemble. Selon eux les inégalités sont nécessaires pour accroitre la productivité et la croissance. Après une période d’après-guerre où les inégalités ont régressé, les politiques néolibérales sont devenues culturellement dominantes et ont bouleversé le panorama des inégalités. La promesse néolibérale de dynamisation de la croissance par la baisse de la fiscalité des plus riches n’a pas marché. La théorie du ruissellement n’a pas généré la prospérité pour tous. Le recul des politiques de redistribution par la fiscalité a eu pour conséquence d’augmenter les écarts de revenus et de patrimoine au bénéfice des plus riches par rapport aux catégories sociales moyennes sans pour autant sortir du marasme les catégories les plus défavorisées.

Pour conclure

Pierre Leroux (1797 – 1871), philosophe et homme politique français, souvent cité par un de mes amis, a écrit : « Toujours est-il que nous sommes fondés à dire que l’Égalité est en germe dans la nature des choses, qu’elle a précédé l’inégalité, et qu’elle la détrônera et la remplacera. C’est ainsi que, de cette double contemplation de l’origine et de la fin de la société, l’esprit humain domine la société actuelle, et lui impose pour règle et pour idéal l’Égalité. Si donc, encore une fois, je crois à la Liberté, c’est parce que je crois à l’Égalité ; si je conçois une société politique où les hommes seraient libres et vivraient entre eux fraternellement, c’est parce que je conçois une société où régnerait le dogme de l’Égalité humaine. En effet, si les hommes ne sont pas égaux, comment voulez-vous les proclamer tous libres ; et, s’ils ne sont ni égaux ni libres, comment voulez-vous qu’ils s’aiment d’un fraternel amour ». Comment ne pas faire nôtre cette pensée !

L’objectif premier de toute société démocratique est d’améliorer le sort de tous. Le bien-être de tous au niveau national comme au niveau international doit être le guide de toute action individuelle et collective.

Les humanistes universalistes ont pour but l’amélioration de l’humanité et pour devoir d’étendre l’égalité et le bien-être à tous les membres de l’humanité. Ils doivent construire de nouvelles Lumières contre le retour des ténèbres. Telle est l’alternative de la société qui s’annonce. Les héritiers des Lumières, militants de la liberté, dotés de raison, n’ont qu’une voie. Et sur ce chemin, l’égalité est leur boussole.

La démocratie en danger

La France est une démocratie, les dirigeants sont élus et il existe des contre-pouvoirs. Mais son histoire montre qu’elle s’est structurée autour d’un pouvoir fort. Le régime de la cinquième république s’inscrit dans ce mouvement. L’actualité nationale et le contexte international incite à réfléchir sur les menaces qui pèsent sur la République.

Une démocratie libérale autoritaire

Selon Pascal Ory de l’académie française (« Ce cher et vieux pays » tract Gallimard, 2023), le destin politique français peut s’éclairer à partir de l’histoire, la centralité et l’unité. Le pays s’est structuré autour d’un pouvoir monarchique fort, un État sophistiqué et le choix du catholicisme préféré à la Réforme. La Révolution française puis l’Empire napoléonien seront l’œuvre d’esprits unitaires. Ensuite la IIIème République fabrique des générations inspirées par la philosophie des Lumières. La culture politique dominante de la nation française sera celle de la laïcité conduisant à la construction en parallèle de deux cultures en miroir, celle des catholiques et celle des laïques. Son unité tiendra dans l’agencement de ses divisions sur le mode de la bipolarité.

Tous les pays frontaliers de la France sont aujourd’hui régis par un régime parlementaire qui est consécutif à l’échec de violentes expériences autoritaires. Le destin politique français est contre-cyclique. La Vème République instaure un régime populaire sur fondement plébiscitaire, synonyme d’autorité. Depuis 1958 les institutions tablent sur le maintien d’un exécutif fort avec des lois électorales qui empêchent mécaniquement toute coalition entre les deux ailes modérées du paysage politique. La France est la seule démocratie libérale qui dote d’aussi larges pouvoirs un chef de l’État élu au suffrage universel. Depuis soixante-cinq ans la France est à contre-courant de la tendance générale de son époque. Depuis trois-quarts de siècle l’hyper-présidentialisation produit une série continue d’aventures personnelles où les logiques partisanes sont secondes. Cette analyse conduit à qualifier la France de démocratie libérale autoritaire.

 L’actualité confirme le destin politique français

Le chef de l’État en exercice a promu la figure « jupitérienne » de la fonction présidentielle. Le gouvernement qu’il a nommé n’a jamais été aussi éloigné de donner la preuve « qu’il détermine et conduit la politique de la nation » tel que prévu par l’article 20 de la constitution.

Le président de la République et son gouvernement estiment que le taux trop élevé des prélèvements obligatoires est un handicap pour l’économie française. Un axe de sa politique est de baisser les impôts. A cette fin il est nécessaire de diminuer les dépenses publiques et en particulier les dépenses sociales. Il œuvre pour affaiblir le rôle des partenaires sociaux et réduire le pouvoir des salariés qu’il sait être favorables à une politique de redistribution. Il développe une politique libérale favorable aux premiers de cordée avec la conviction que cela finira par profiter au plus grand nombre. Cette politique nourrit les inégalités, met l’État au service des riches et des entreprises et alimente le populisme nationaliste (voir l’éditorial de Christian Chavagneux dans le n°442 d’Alternatives Économiques daté de janvier 2024).

L’état de droit piétiné

Paul Cassia, professeur de droit public à l’université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, dans un article publié dans le journal « Le Monde » daté du 23 décembre 2023, estime que « l’exécutif piétine consciemment un état de droit qu’il est plus que jamais nécessaire de défendre. » L’adoption au forceps de deux réformes majeures au parlement, retraites et immigration, sans débats dignes de ce nom entre les représentants de la souveraineté nationale et même sans vote pour la modification du système des retraites. Les modalités de leur adoption illustrent de manière caricaturale le primat autoritaire de l’exécutif, en réalité du seul président de la République, sur les autres pouvoirs constitutionnels, le Parlement et la Justice. « Lorsque le Conseil constitutionnel censurera certaines dispositions de la loi sur l’immigration, ce sera le haro sur le « gouvernement des juges ». C’est ainsi que le populisme s’autoalimente. »

La remise en cause des principes fondamentaux de la République

Parallèlement à ce qui se passe au sommet de l’État, l’époque est de plus en plus marquée par la remise en cause des principes fondamentaux de la République résumés dans le triptyque républicain, Liberté, Égalité, Fraternité, auquel nous pouvons joindre la laïcité qui en est un complément indispensable. Des professeurs de nos écoles, Samuel Paty et Dominique Bernard, ont été assassinés parce qu’ils consacraient leur vie à instruire nos enfants et à leur transmettre les valeurs de notre République pour en faire des citoyens responsables, instruits et libres de leurs choix philosophique, politique et social. C’est à cette tâche que veulent s’opposer les tenants de l’obscurantisme qui privilégient la croyance à la raison. Ils manifestent ainsi leur volonté de détruire les fondements mêmes de notre République.

Les actes antisémites et anti musulmans se multiplient. Les comportements racistes deviennent quotidiens dans le pays. La guerre est aux portes de l’Europe qui pensait en avoir fini avec ce type de conflit sur son territoire. « Plus jamais ça » avait-on dit ! Les massacres de civils en Israël et la riposte de l’État Hébreu à Gaza créent de nouvelles tensions en France où certains voudraient y importer les violences consécutives à ces affrontements.

Résister pour défendre la République

Tous ces évènements dramatiques ne peuvent qu’inciter les républicains et les démocrates à la résistance.  

Résister en contribuant à endiguer les phénomènes d’intolérance, de discrimination, de xénophobie, d’antisémitisme et de racisme,

Résister en manifestant l’attachement à l’humanisme c’est-à-dire à l’unité du genre humain et à l’égalité des droits,

Résister en combattant l’ignorance et le fanatisme,

Résister aux périls identitaires par la promotion de l’universalisme dans le respect de la diversité et le refus de tout communautarisme.

Résister à la dérive autoritaire au sommet de l’État qui ouvre la voie au national-populisme.

En un mot résister pour défendre la République indivisible, laïque, démocratique et sociale prévue par notre constitution qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de couleur de peau, de religion, de culture, de fortune ou de sexe.