La guerre de la Russie contre l’Ukraine

Depuis plusieurs semaines je réfléchissais à la publication d’un article sur la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Cette hésitation venait du fait de ne pas savoir comment aborder ce sujet sans excès tellement la manière dont cette agression a été déployée et le massacre des populations civiles sont insupportables. L’attribution du prix Nobel de la paix 2022 à l’ONG ukrainienne Centre pour les libertés civiles, ainsi qu’au militant biélorusse Ales Bialiatski et à l’ONG russe Memorial, me donne l’occasion de concrétiser cette publication.

C’est en lisant le discours de Oleksandra Matviichuk, présidente de l’ONG Ukrainienne, prononcé à Oslo lors de la remise du prix et publié dans son intégralité par l’édition numérique du monde ce dimanche 11 décembre, que je me suis décidé. Le plus simple aurait été de reproduire ce discours intégralement mais sa traduction est protégée et soumise à autorisation. Je vous invite, si vous en avez la possibilité, à le lire dans « Le Monde ».

A défaut je vais vous donner l’essentiel de son discours et l’analyse qu’elle fait de la situation en Ukraine et dans le monde.

Les droits humains ne sont pas respectés

Cette guerre déclenchée par la Russie depuis plus de huit ans a pour conséquence que les termes « bombardements », « torture », « déportation », « camps de filtration » sont devenus des termes ordinaires. Le peuple ukrainien résiste courageusement aux tentatives de destruction de son pays. Ce prix Nobel rend hommage aux militants des droits humains qui luttent contre la menace militaire qui pèse sur le monde entier. Les droits et les libertés ne sont pas des acquis définitifs même dans les démocraties développées. Les forces qui remettent en cause les principes de la Déclaration Universelle des droits de l’homme gagnent du terrain. Quand des journalistes sont tués, des militants de la paix sont emprisonnés, des manifestations pacifiques sont dispersées c’est une menace pour les citoyens mais aussi pour la région et pour la paix dans le monde entier.Les droits humains devraient avoir autant de poids dans les décisions politiques que les bénéfices économiques ou la sécurité.

La Russie perpètre des crimes en toute impunité

La Russie ne respecte pas systématiquement le droit aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Les troupes russes perpètrent des crimes dansdifférents pays depuis plusieurs années en toute impunité. La Russie a annexé la Crimée sans que personne ne réagisse. Aussi la Russie a estimé qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait sans grand risque. Elle s’en prend aux civils pour mettre un terme à la résistance des ukrainiens et occuper l’Ukraine. Immeubles d’habitation, églises, écoles, hôpitaux sont détruits. Les couloirs d’évacuation sont bombardés. Les gens sont enfermés dans des camps de filtration. Les déportations forcées se multiplient. Dans les territoires occupés des personnes sont enlevées, torturées, tuées. C’est une tentative de restaurer son ancien empire par la force dont le peuple russe devra assumer la responsabilité.

La paix mais pas l’occupation

Le peuple d’Ukraine est pour la paix, mais s’il déposait les armes, ce ne serait pas la paix mais l’occupation. Les ukrainiens se battent pour la liberté et en paient le prix le plus lourd. Ils ont le droit indiscutable de vivre dans un État ukrainiens souverain et indépendant et de faire vivre la langue et la culture ukrainiennes. En tant qu’êtres humains, ils ont le droit de déterminer leur propre identité et de faire leurs propres choix démocratiques.  Les Tatars de Crimée et les autres peuples autochtones ont le droit de vivre librement sur leur terre natale de Crimée.

Une guerre entre deux systèmes

Cette guerre est une guerre entre deux systèmes : l’autoritarisme et la démocratie. Les ukrainiens veulent construire un État où les droits de chacun sont garantis, où les autorités doivent rendre des comptes, où les tribunaux sont indépendants et où les manifestations pacifiques ne sont pas violemment réprimées.

Le système international garantissant la paix doit être réformé

Le système international créé à la fin de la deuxième guerre mondiale pour garantir la paix et la sécurité ne fonctionne plus. Il fait preuve d’une indulgence injustifiée envers certains pays. Ce système doit être réformé pour garantir efficacement la sécurité et les droits humains des citoyens de tous les États quelles que soient leur capacité militaire et leur puissance économique. Les droits humains doivent être au cœur de ce nouveau système.

Traduire les criminels de guerre devant la justice

Le cycle de l’impunité doit être brisé. Sans justice, il ne pourra y avoir de paix durable qui libère de la peur et apporte l’espoir d’un avenir meilleur. Nous devrons instituer un tribunal international et traduire les criminels de guerre devant la justice. C’est audacieux mais nous devons prouver que l’État de droit fonctionne.

Renforcer la solidarité mondiale

Les droits humains ont besoin d’un nouveau mouvement humaniste qui rallie un vaste soutien des populations et implique celle-ci dans la protection des droits et des libertés. Les défis planétaires que sont les guerres, les inégalités, les atteintes à la vie privée, la montée de l’autoritarisme, le dérèglement climatique pourront être surmontés pour faire de ce monde un endroit plus sûr. Il est urgent d’assumer nos responsabilités.

Le discours se termine par un appel à la solidarité. Il n’est pas nécessaire d’être ukrainien pour soutenir l’Ukraine. Il suffit d’être humain.

Ce discours qui se termine sur ces dernières phrases est un appel à la solidarité internationale mais aussi à la raison et à la défense universelle des droits de homme pour que l’humanité ait un avenir. Après avoir lu ce discours nous pouvons mieux comprendre que les ukrainiens se battent pour leur propre existence mais aussi pour la défense de nos propres valeurs au sein de sociétés indépendantes et démocratiques.

Aucun humaniste ne peut rester insensible à ce discours même s’il peut être considéré comme utopique. Mais comme chacun le sait l’utopie d’aujourd’hui peut être la réalité de demain.

PROMOUVOIR LA LAÏCITÉ

Chaque année, au début du mois de décembre, tous ceux qui sont attachés aux principes fondamentaux de la République résumés dans le triptyque républicain, Liberté, Égalité, Fraternité, que l’on peut lire sur les frontons des édifices publics, ont à cœur de fêter la Laïcité le jour anniversaire du vote de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Mais pourquoi est-il important de fêter la Laïcité ?

La Laïcité malmenée

Nous pouvons constater que la Laïcité a été malmenée depuis quelques décennies. Paradoxalement c’est dans une période caractérisée par une majorité croissante de non croyants que nous assistons à un retour de la question religieuse dans tous les domaines de la vie sociale et civile. Les fondamentalistes de tout poil prétendent imposer leur vérité à l’ensemble de la société.

Aux sources de la Laïcité

Au XVIIIème siècle, siècle des Lumières, les philosophes, dans le prolongement des idées héritées de la Renaissance, ont combattu l’obscurantisme, la superstition et l’irrationnel des siècles passés. Ils ont renouvelé les connaissances et l’éthique de leur temps.

La Déclaration universelle des Droits de l’homme adoptée par l’ONU en 1948 indique que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Elle définit la Liberté comme ce qui consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Elle garantit l’expression du pluralisme des opinions et donc la liberté de conscience.

La loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État est un des actes fondateurs de la sécularisation de l’État.

L’article 1 de la constitution de 1958 spécifie que  » La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. « 

La Laïcité est un principe général consubstantiel à la République qui ne se réduit pas seulement au rapport de l’État et des Églises. Elle est avant tout une construction juridique fondée sur une exigence de la raison : l’égalité en droit de tous les êtres humains. Le principe de Laïcité est la convergence d’une évolution législative de plusieurs siècles aboutissant à la séparation des Églises et de l’État et une pensée philosophique humaniste universelle assurant à chacun la liberté de conscience et le primat de l’intérêt général, du bien commun à tous.

Une règle de vie en société démocratique.

La Laïcité impose que soient donnés aux hommes, sans distinction de classe, d’origine, de confession, les moyens d’être eux-mêmes, libres de leurs engagements, responsables de leur épanouissement et maîtres de leur destin.

Un idéal d’émancipation.

La laïcité est un idéal qui permet à tous, croyants et athées, de vivre ensemble sans que les uns ou les autres soient stigmatisés en raison de leurs convictions particulières. L’État laïque incarne la promotion simultanée de la liberté de conscience et de l’égalité, de la culture émancipatrice et du choix sans entrave de l’éthique de vie personnelle.

L’école laïque

 L’école laïque a pour tâche de réaliser cette émancipation.Elle doit tenir à distance la société civile et ses fausses urgences. La laïcité à l’école c’est le fait de refuser aux puissances de conditionnement d’entrer dans les classes, d’offrir à chaque esprit la chance de penser sans tutelle, sans emprises. L’acquisition de savoirs et l’élévation culturelle sont les instruments d’une émancipation individuelle et collective. L’émancipation par l’instruction doit être à la portée de tous c’est-à-dire gratuite, obligatoire, laïque, et la puissance publique doit en assurer la promotion partout et pour tous. L’école laïque fournit à la liberté de conscience le pouvoir de juger qui lui donne sa force.

L’enseignement public doit être affranchi de tout prosélytisme religieux ou idéologique. C’est en vertu de ce principe qu’il est inconcevable d’apposer sur le mur de la classe une croix, un croissant ou une étoile de David symbole d’une religion. C’est aussi la raison de l’interdiction du voile et de tout signe ostentatoire d’appartenance religieuse à l’école.

L’école est un moyen de transmission du savoir mais c’est aussi le moyen de fabriquer une communauté nationale de citoyens.

La liberté de conscience

L’humanisme laïque repose sur le principe de la liberté de conscience. Liberté de l’esprit c’est à dire émancipation à l’égard de tous les dogmes ; droit de croire ou de ne pas croire en Dieu ; autonomie de la pensée vis-à-vis des contraintes religieuses, politiques, économiques ; affranchissement des modes de vie par rapport aux tabous, aux idées dominantes et aux règles dogmatiques.

La laïcité vise à libérer l’enfant et l’adulte de tout ce qui aliène ou pervertit la pensée, notamment les croyances ataviques, les préjugés, les idées préconçues, les dogmes, les idéologies opprimantes, les pressions d’ordre culturel, économique, social, politique ou religieux.

La laïcité vise à développer en l’être humain, dans le cadre d’une formation intellectuelle, morale et civique permanente, l’esprit critique ainsi que le sens de la solidarité et de la fraternité.

La laïcité vise dans ce contexte à donner les moyens à l’être humain d’acquérir une totale lucidité et une pleine responsabilité de ses pensées et de ses actes.

La liberté d’expression est le corollaire de la liberté de conscience. Elle est le droit et la possibilité matérielle de dire, d’écrire et de diffuser la pensée individuelle ou collective.

Refus du racisme et de la ségrégation

Le refus du racisme et de la ségrégation sous toutes ses formes est inséparable de l’idéal laïque. La société ne peut pas être la simple juxtaposition de communautés qui, au mieux s’ignorent, au pire s’exterminent.

L’éthique laïque mène inévitablement à la justice sociale : égalité des droits et égalité des chances. L’éducation laïque, l’école, le droit à l’information, l’apprentissage de la critique sont les conditions de cette égalité.

Séparation des Églises et de l’État

La séparation des Églises et de l’État est la pierre angulaire de la laïcisation de la société. Elle ne saurait souffrir ni exception, ni modulation, ni aménagement. Cette séparation est la condition de son existence. Elle est la seule façon de permettre à chacun de croire ou de ne pas croire en libérant les églises elles-mêmes des logiques de liaisons conventionnelles avec l’État. Si les églises veulent exister, que les fidèles leur en fournissent les moyens, la religion étant affaire de conviction personnelle.

Si l’État garantit la totale liberté des cultes comme de l’expression et de la diffusion de la pensée, il n’en favorise aucun, ni aucune communauté, pas plus financièrement que politiquement. La loi républicaine ne saurait par conséquent reconnaître le délit de blasphème ou de sacrilège qui déboucherait inévitablement sur l’institutionnalisation de la censure. La première manifestation du caractère laïque d’un pays est l’indépendance de l’État et de tous les services publics vis-à-vis des institutions ou influences religieuses.

Une idée de progrès

La Laïcité n’est pas une notion passéiste mais au contraire une idée de progrès. Elle est action et volonté. Elle implique la plénitude de l’égalité de traitement, par la République, des athées et des croyants. Cette égalité est la condition d’une véritable fraternité, dans la référence au bien commun. Laïque signifie indépendant de la religion. La Laïcité implique l’égalité des droits sans distinction de convictions personnelles. Laïque ne s’oppose pas à religieux mais à clérical. L’esprit clérical, c’est la prétention des clercs à dominer au nom d’une religion. La Laïcité ne se confond pas avec l’athéisme et ne se réduit pas au combat anticlérical.

Admettre que chacun puisse à titre individuel ne pas croire ou pratiquer le culte de son choix sans que la société n’en impose aucun est un principe qui consiste à laisser chacun libre de ses choix selon ses propres règles morales avec pour seule limite de ne pas nuire à autrui sans subir celles que lui imposerait la religion ou n’importe quelle idéologie totalitaire d’État.

L’humanisme laïque est le ciment qui donne toute sa force et sa plénitude à la devise républicaine.

Voilà pourquoi il me parait essentiel de célébrer chaque année, le 9 décembre, la Fête de la Laïcité en rappelant sans cesse qu’elle est une idée de progrès qui complète la devise républicaine, qui implique liberté de conscience sans limite, ouverture, bienveillance, respect des autres, primat de l’intérêt général sur l’intérêt particulier, respect de la loi commune, neutralité de l’État et des services publics, neutralité qui a pour objectif l’égalité des citoyens et leur rassemblement par-delà leurs différences, universalisme dans le respect de la diversité plutôt que différencialisme et enfin émancipation à l’égard de tous les dogmes.