Le nouveau ministre de la santé, en prenant ses fonctions, a fait un constat alarmiste : « tout notre système de santé est à bout de souffle ». Tentons de rechercher l’origine des difficultés pour orienter les pistes de rénovation de notre politique de santé publique.
La mondialisation
La mondialisation c’est d’abord la mondialisation de l’économie mais elle comporte aussi de nombreux autres aspects : les flux internationaux des idées et des connaissances, le partage des cultures, la société civile mondiale, l’avenir écologique de la planète etc.…
Les tenants de la mondialisation affirment qu’elle va améliorer le sort de tous, élever les niveaux de vie dans le monde entier, ouvrir les marchés extérieurs aux pays pauvres pour leur permettre de vendre leurs produits, développer les investissements étrangers dans les pays pauvres pour leur permettre de produire de nouveaux produits à meilleur prix, ouvrir les frontières pour permettre la circulation des hommes et des produits pour le bien de tous. Ce qui sous-tend cette affirmation c’est la pensée économique libérale qui a muté à partir des années 1980 en un rameau néolibéral.
Dans les années 1990, le « consensus de Washington » établi par le Fond Monétaire International (FMI), la Banque mondiale, le Trésor des États-Unis, préconisait de réduire l’intervention des États afin de réduire les déficits budgétaires, de déréglementer, de libéraliser, de privatiser au plus vite le maximum de secteurs. C’est sur cette base que les politiques économiques se sont déployées dans presque tous les pays.
La crise financière de 2008 a fait la démonstration que contrairement à l’idéologie néolibérale le « laisser faire » ne conduit pas à l’équilibre. Les banques ont été jugées « trop grosses pour faire faillite ». Les gouvernements les ont perfusées d’euros et de dollars pour éponger les frasques de financiers cupides et irresponsables. Mais cela n’a pas entrainé une remise en question de la doxa néolibérale.
La crise sanitaire de 2020
En début d’année 2020 nous sommes confronté à une nouvelle crise : le coronavirus apparu en Chine se généralise sur toute la planète. La Covid-19 est au moins autant contagieuse que la grippe saisonnière mais est surtout beaucoup plus mortelle.
Au début les mesures de confinement sont le seul moyen efficace de lutter contre la propagation de l’épidémie. Les soignants à l’hôpital et dans les cabinets médicaux demandent pouvoir exercer leur métier sans se mettre en danger ni mettre en danger leurs patients. Ils manquent de masque, de gants, de blouses, de matériels médicaux. L’utilisation de tests est réclamée par certains. Toutes ces demandes mettent en évidence notre dépendance vis à vis d’autres pays. Nous n’avons pas de tests en suffisance car les réactifs sont importés principalement d’Asie, avec difficulté. Nous n’avons pas de stock suffisant de gants car ils ont été réduits pour des raisons de restriction budgétaire. Ces manques sont les conséquences de la désindustrialisation de notre économie et de la réduction des dépenses publiques.
La crise sanitaire s’est abattue sur un service public de santé affaibli et met en lumière les tares de notre système de soins. Comme l’explique le professeur de médecine André GRIMALDI, l’État a abimé l’hôpital public depuis des années, depuis qu’a commencé le règne des économistes de pensée libérale ou néolibérale pour qui les activités humaines doivent être mesurées, valorisées, et mise en concurrence sur un marché. La tarification à l’activité a mis la santé dans une logique de marché. C’est l’entrée du « new public management » dans l’hôpital.
Les médicaments sont devenus des marchandises comme les autres. Les laboratoires abandonnent la production des principes actifs à l’Inde et à la Chine au nom de la rentabilité. Les stocks deviennent une immobilisation financière. L’hôpital devient une entreprise aux mains de managers. On ne répond plus à des besoins on gagne des parts de marché. On travaille à flux tendus. La novlangue a envahi l’hôpital et s’est emparée des esprits. C’est ce qui explique la diminution des lits de réanimation, le manque de médicaments, la pénurie de masques et de tests, etc…
La vision néolibérale de la santé publique
Dans un entretien au journal « Le Monde » daté du 10 avril 2020, Barbara Stiegler, Philosophe, enseignante à l’université de Bordeaux Montaigne où elle dirige le master « Soin, éthique et santé » commente l’impréparation générale des gouvernements néolibéraux face à la pandémie du corona virus. Selon la vision néolibérale de la santé publique nous allons vers un monde immatériel de flux et de compétences, censé être en avance sur le monde d’avant fait de stocks et de vulnérabilités. Nos économies fondées sur « l’innovation » et sur « l’économie de la connaissance » devaient déléguer aux continents du Sud, principalement à l’Asie, la fabrication industrielle des biens matériels. Nos gouvernants ont renvoyé l’épidémie infectieuse et l’industrie manufacturière à un monde sous développé et à des temps anciens que nous, Occidentaux, aurions dépassés. Au fond un tel virus était, comme les stocks de masques, trop archaïque pour concerner nos sociétés, trop performantes pour y être exposées. Quel rapport nos vies aseptisées et nos systèmes de santé ultramodernes pouvaient-ils avoir avec ces images déplaisantes de chauve-souris et de volailles infectées, pourtant emblématiques de notre économie mondialisée qui entasse les vivants dans des environnements industriels de plus en plus dégradés. Le néolibéralisme préfère tourner ses regards vers l’avenir radieux promis par l’innovation biomédicale et continuer d’occulter les facteurs sociaux et environnementaux de toutes les pathologies, tant infectieuses que chroniques.
La vision néolibérale de la médecine est que notre système sanitaire doit en finir avec la vieille médecine clinique. A notre vieille médecine jugée « réactive », la vision « proactive » est une conception qui passe exclusivement par la responsabilité individuelle et qui refuse d’assumer une vision collective des déterminants sociaux de santé, soupçonnée de déboucher sur une action sociale trop collectiviste.
C’est ce qui explique un long retard au démarrage pour prendre des mesures collectives de santé publique, doublé d’une spectaculaire pénurie alors même que des alertes sur les maladies émergentes se multipliaient dans la littérature scientifique depuis des années.
Les maux de l’hôpital
Pénurie de médecins, d’infirmières, d’aides-soignants, fermeture ou fonctionnement dégradé de plusieurs services d’urgence. Les maux des établissements de santé prennent leur source dans plus de vingt ans de réformes avec un objectif de réduction des coûts. La lente asphyxie budgétaire imposée par ces réformes est en grande partie responsable de cette crise.
La croissance de la production de soins s’est accompagnée d’une augmentation bien moindre des effectifs dans les dix dernières années selon Pierre-Louis Bras, ancien Directeur de la Sécurité sociale. Pour combler le déficit de la « sécu » les économies se concentrent sur l’hôpital, plus facile à restreindre que les dépenses de médecine de ville.
Une prise en charge plus légère sur moins de vingt-quatre heures, permis notamment par les progrès de la médecine, justifie une part importante des réductions des capacités des établissements. A partir de ce constat le leitmotiv de toutes les réformes a été la réduction du nombre de lits. Mais les restrictions semblent bien avoir dépassé cette nécessaire transformation.
La gouvernance de l’hôpital constitue l’autre sujet crucial qui a rythmé les débats des vingt dernières années dans l’hôpital public. L’équilibre entre pouvoir médical et pouvoir administratif est difficile à trouver. Les Agences régionales de Santé ont été installées pour piloter et réguler l’offre de santé dans les régions.
Le manque de médecins s’est aggravé avec l’idée que pour limiter la progression des dépenses il fallait diminuer le nombre de médecins. L’hôpital souffre aussi du fait que la permanence des soins (nuit, week-end) s’est concentrée toujours plus entre ses murs, à mesure que « les déserts médicaux » ont progressé en médecine de ville.
Au tournant des années 2000, les pouvoirs publics décident de modifier le mode de financement des hôpitaux. Jusque-là, ils recevaient une dotation globale pour fonctionner, chaque année la même somme. Le principe qui s’impose alors consiste à prendre en compte l’activité réelle des établissements. La tarification à l’activité a fait dériver le système vers un hôpital-entreprise qui ne correspond pas à la mission de l’établissement de soins.
Repenser la politique de santé publique
Des chiffres édifiants : 20% des personnes déclarant avoir renoncé à au moins un soin sont dans diplôme dont un tiers appartient aux 20% de ménages aux revenus les plus bas. Les inégalités se creusent dès le plus jeune âge et se maintiennent tout au long de la vie. Ces éléments sont connus depuis longtemps, de multiples rapports y sont consacrés. Notre politique de santé publique n’est pas satisfaisante. Il faudrait la repenser en nous donnant comme objectif de réduire au maximum les inégalités sociales de santé et sortir d’une approche principalement comptable.
La situation actuelle est la conséquence d’un contexte idéologique intervenu dans les années 1980 selon lequel il faut que l’économique et le social soit séparés et que l’État doit uniquement fixer les règles du jeu économique et éviter dans la politique sociale tout ce qui peut avoir un effet général de redistribution de revenus. C’est une vision néolibérale de l’organisation et du fonctionnement de la société. Comme le dit Barbara Stiegler le néolibéralisme n’est pas seulement dans les grandes entreprises, sur les places financières et sur les marchés, il est aussi en nous et dans nos manières de vivre qu’il a progressivement transformé et dont il s’agit de reprendre le contrôle.
Le système de soins doit être réformé afin de mieux répondre aux besoins de la population et aux crises sanitaires. Passer d’un modèle de santé centré sur l’offre de soins à un modèle axé sur les besoins de santé de la population. Il doit garantir un accès équitable à la santé dans tous les territoires.
La pandémie due au coronavirus a montré d’une part que la santé pouvait être un obstacle à la liberté et à la sécurité des personnes, et d’autre part les carences de notre état sanitaire. La santé publique est une fonction régalienne et doit être considérée comme telle dans sa gestion politique, institutionnelle et financière. L’État stratège doit fixer les objectifs de santé publique, les choix stratégiques et technologiques, mais aussi le financement nécessaire. Comme au lendemain de la dernière guerre nous devons reconstruire un système de santé performant et solidaire avec pour objectif le bien-être de la population.
La santé est bien une victime du néolibéralisme .
Elle doit être rentable, alors qu’elle ne peut l’être.
Les ministres passent, les hauts (sic) fonctionnaires restent dans leurs cabinets et appliquent sans sourciller leurs délires. Quelques oboles de temps en temps, un os à ronger de ci et de là et le tour est joué.
Il faut éliminer ces individus malfaisants et formatés à la rentabilité et au profit.
Ils sévissent dans le monde de la santé mais aussi sont responsables de l’élimination de la biodiversité. Ils ont également infiltré les rouages de l’Europe pour le plus grand bien des multinationales et notamment celles de l’énergie, de l’agroalimentaire.
L’appétit de certains pour le fric fait que je serai réincarné au moins 3 fois avant que le pouvoir de nuisance du néolibéralisme soit éliminé.