Après une période électorale terne, perturbée par la guerre en Ukraine et le bouleversement de l’ordre mondial qui en est la conséquence directe, quel est le nouveau paysage politique français ?
Une assemblée orientée à droite
Tout d’abord l’abstention a atteint des niveaux records et les partis de gouvernement ont été éliminés à la présidentielle et très affaiblis aux législatives. Le Président sortant a été réélu confortablement mais par rejet de la candidate d’extrême droite, et grâce à un Front Républicain qui a encore une fois fonctionné. Ce succès par défaut se trouve confirmé par les législatives. Celles-ci n’ont accordé qu’une majorité relative à la coalition présidentielle comme si les électeurs voulaient empêcher le Président de continuer à gouverner tout seul en petits comités et l’obliger à composer avec le parlement. Ceci étant cette nouvelle assemblée est largement dominée par le Centre droit, la Droite classique et l’Extrême Droite. La gauche de gouvernement sauve les meubles mais se trouve largement dominée par une Gauche qui se définie elle-même comme radicale. L’élection de racialistes, indigénistes, décoloniaux, et autres « wokistes » n’est pas une bonne nouvelle pour la France.
Une progression attendue de l’Extrême Droite
L’Extrême Droite qui a fait de gros efforts pour se dé-diaboliser progresse notablement et envoie 89 députés à l’assemblée. Elle devient incontournable dans la répartition des responsabilités dans l’organisation de l’assemblée et accède même à la vice-présidence. Elle continuera à se présenter comme fréquentable jusqu’à son arrivée au pouvoir, mais après ? Quand les milieux populaires qui la supportent réaliseront sa vraie nature on peut craindre qu’il sera trop tard.
Un gouvernement prêt à se porter encore plus à droite
Ces élections donnent à la Droite classique un important pouvoir de négociation. Elles poussent le gouvernement à se porter encore plus à droite, à accentuer sa politique pro-entreprise et baisser ses dépenses sociales et environnementales pendant que l’Extrême Droite tente de se banaliser et que la Gauche assiste impuissante à renverser le cours des choses.
Le gouvernement avec sa coalition de 250 députés doit s’adjoindre une quarantaine de députés pour pouvoir accéder à la majorité au sein de l’Assemblée et éviter l’immobilisme. Dans l’immédiat aucun groupe n’a intérêt à provoquer une élection anticipée. C’est auprès des députés de la Droite classique que le gouvernement devra aller chercher prioritairement les compromis par affinités doctrinales. Il y a des points de convergence comme la réforme paramétrique des retraites portant l’âge légal à 65 ans, l’alignement des régimes spéciaux et le retour à l’équilibre financier du régime à court terme. Convergence aussi sur la réforme des droits de succession et la baisse des impôts de production.
Sur le plan fiscal le gouvernement sera soumis à la double injonction de la Droite, baisser les impôts pour les entreprises et les ménages de manière pérenne et en même temps stabiliser la dette. C’est donc sur le registre des dépenses que le gouvernement devra concéder c’est-à-dire sur l’adaptation du système de santé, de la formation et du changement climatique.
Première épreuve : la loi sur le pouvoir d’achat
La loi sur le pouvoir d’achat va nous donner des indications sur la manière dont vont se résoudre ces différences. En cette matière la stratégie du gouvernement est de privilégier les mesures temporaires et agir directement sur l’indice des prix en limitant les hausses de l’énergie et du logement, gros contributeurs à l’inflation. La philosophie est très différente du coté de la Droite qui veut préserver le pouvoir d’achat via des baisses pérennes de fiscalité, baisse de la TVA, plafonner le prix de l’essence à 1,50 euro, baisse de la CSG sur les retraites, baisse générale des cotisations sociales des salariés pour booster les salaires nets. Ces mesures auront pour conséquence de restreindre de façon durable les recettes fiscales de l’État et rendre impossibles les dépenses indispensables pour faire face aux crises du système de santé, de l’éducation et aux échéances climatiques.
Une nécessité : revivifier la démocratie
Face aux grands défis qui se présentent à nous (le changement climatique, le recul de la biodiversité, le développement des inégalités provoqué par les politiques néolibérales, le désintérêt des populations pour la politique qui ne peut que préoccuper les démocrates, la nécessité de mettre les sciences et les techniques au service de l’humanité) ce n’est pas le moment de baisser les bras pour tous ceux qui sont attachés à l’humanisme républicain et démocratique. C’est au contraire en portant sur la place publique les débats nécessités par ces grands défis, en sollicitant les citoyens sur les grands choix sociétaux qui s’imposent à nous que l’on pourra revivifier notre système démocratique et œuvrer pour faire en sorte que les citoyens puissent se prononcer en toute connaissance de causes sur ce qui influencera vraiment leur vie à venir.
La constitution de la Vème République est plus souple qu’elle n’y parait. Elle comporte un exécutif fort qui permet de gouverner même avec une majorité relative. Le Président fera tout pour mettre en oeuvre son programme persuadé comme d’habitude qu’il a raison contre tous. Il essayera de faire porter par les oppositions la responsabilité d’un éventuel immobilisme avant de dissoudre l’assemblée en espérant que les électeurs lui donneront une meilleure majorité. Nous ne tarderons pas à le savoir !
Bonjour Maurice et merci pour ton analyse bien venue comme d’habitude.
Ne penses tu pas que tôt ou tard le Président prendra l’initiative d’une dissolution quand le moment lui paraîtra favorable ?
Il hésite car il existe un précédent en 1997…
Dans l’immédiat, il cherchera des accords ponctuels avec les forces de droite quitte à se compromettre avec le RN.
Le climat et la fin de vie pourront attendre des jours meilleurs; il n’existe pas de consensus sur ces sujets et nos enfants et petits enfants pourront, à juste titre, nous blâmer de notre inaction organisée.