Lors du premier tour de ces élections présidentielles les électeurs se sont comportés en stratèges et ont plébiscité le vote utile quel que soit leur choix d’orientation réelle. C’est en tout cas le sentiment que l’on peut avoir en analysant les résultats.
A l’extrême droite, c’est la candidate du Rassemblement National qui a bénéficié du vote utile. Les électeurs de droite radicale ont préféré l’apparente modération aux discours excessifs du polémiste d’extrême droite. Ils ont sans doute estimé que c’était le plus sûr moyen d’accéder au second tour. Pari couronné de succès.
A la droite républicaine la candidate écartelée entre une tendance modérée et une tendance clairement identitaire a vu les intentions de vote en sa faveur fondre comme neige au soleil. Une partie de ses électeurs se sont ralliés au président candidat de centre droit et une partie des identitaires préférant la candidate du Rassemblement National. Au-delà du meeting raté c’est cette division qui a probablement annulé les ambitions de ce camp.
Le candidat des insoumis, se qualifiant lui-même de gauche radicale, a très vite appelé au vote utile, estimant qu’il était le seul à espérer arriver au deuxième tour. Malgré son attitude dominatrice à gauche son appel a été entendu et lui a permis de passer de 9% des intentions de vote à un résultat frisant les 22% des votants attirant une bonne partie des électeurs de Europe écologie les verts, du Parti communiste et du Parti socialiste. Ces derniers, sans pour autant adhérer au programme des insoumis, motivés sans doute par l’espoir que la gauche soit présente au second tour, se sont ralliés au candidat des insoumis.
Alors que les sondages depuis de nombreux mois indiquaient que les français dans leur grande majorité ne voulaient pas se retrouver avec un deuxième tour en 2022 semblable à celui de 2017 avec un duel centre droit contre droite radicale. Dans cette perspective la droite républicaine estimait être la seule à pouvoir accéder au second tour et battre le président sortant au deuxième tour. Le polémiste d’extrême droite espérait battre la candidate du Rassemblement national avec, pour aller vite, de la surenchère identitaire. La gauche divisée animée de la volonté de ne pas renouveler le sortant, a permis au candidat insoumis de profiter de la faiblesse de ses concurrents de gauche sans pouvoir accéder au second tour. La stratégie des différents candidats additionnée aux stratégies des électeurs a donné un résultat à l’opposé de ce que souhaitait la majorité des français.
Les électeurs de gauche comme les électeurs de la droite républicaine se retrouvent devant le choix qu’ils souhaitaient éviter à savoir de choisir entre La République en Marche et le Rassemblement National. Est-ce qu’ils refuseront de choisir ou est-ce qu’ils voteront pour éliminer le candidat le plus néfaste de leur point de vue ? Que va faire l’électeur stratège ? La réponse au soir du deuxième tour !
Ceci étant dit, les choses ne seront pas réglées du point de vue de ces électeurs frustrés de n’avoir que la possibilité d’éviter le pire. Quelque soit la personne élue au deuxième tour Président de la République, il restera aux français à se prononcer aux élections législatives. Le seul moyen de peser sur la politique des cinq prochaines années, en dehors de la mobilisation dans la rue pour ceux qui aspirent à la baisse des inégalités et au progrès social et écologique, sera d’éviter de donner une majorité parlementaire « godillot » au prochain Président. La droite républicaine devra s’appuyer sur son implantation locale si elle ne veut pas disparaitre au bénéfice du centre droit et de la droite radicale. La gauche diverse devra trouver le chemin du dialogue et du compromis si elle ne veut pas être réduite à une portion congrue. A force de répéter que le clivage gauche droite n’a plus de signification aussi bien dans les médias que dans les forces politiques adeptes du flou artistique, nous avons assisté à un marché de dupe qui risque d’avoir des conséquences graves pour l’avenir de la démocratie.
Oui comme l’écrit Michel Legrand, c’est un marché de dupes…
Cela fait trop de temps que nous votons , non par adhésion, mais pour éliminer ce qui nous semble dangereux. Cela ne construit pas un projet cohérent avec une vision à long terme. Je pense que le prochain président sera obligé de composer avec une majorité qui ne lui sera pas forcément acquise malgré les appels « à donner au président les moyens de son action » .
Question:
Comment sortir de « ce marché de dupe »?
Le vote est un droit précieux conquis de haute lutte. On ne peut que l’exercer. Donc il faut aller voter ! A chaque citoyen de bien mesurer ce qui se rapproche le plus de son choix même si c’est parfois difficile pour ne pas dire déchirant. Tous aux urnes ! Même si c’est un vote blanc, c’est mieux que l’abstention qui marque un désintérêt. Rappelons nous de la maxime : même si la politique ne t’intéresse pas, la politique s’intéresse à toi.