Tristesse et indignation

Le SARS CoV-2 s’est déployé en Chine à la fin de l’année 2019 puis s’est étendu à l’ensemble de l’humanité. Ne disposant pas de traitement approprié, le seul espoir de sortir de la pandémie était de mettre au point un vaccin. Après huit mois de recherche plusieurs vaccins sont homologués ou en cours d’homologation. C’est une performance formidable et une avancée technologique notable. Parallèlement les progrès de l’immunothérapie ont permis de fabriquer de nouveaux traitements. Cela devrait nous réjouir, mais cette pandémie a non seulement exacerbé les inégalités entre les pays et à l’intérieur de chaque pays, et mis en évidence les aspects obscures de l’humanité.

Les pays sont frappés différemment

Si tous les pays doivent faire face à la pandémie, ils ne sont pas tous touchés avec la même intensité. Les classes d’âge résistent différemment. Les équipements sanitaires ne sont pas développés partout et ne permettent pas toujours de faire face aux conséquences de la maladie. En attendant le vaccin et le traitement adapté, la recommandation des autorités sanitaire est la vigilance et le respect de mesures de distanciation physique et d’hygiène. Ces recommandations sont plus ou moins bien suivies selon la culture de chaque pays.

Avant les vaccins nous avons déjà assisté à un spectacle déplorable de concurrence et de surenchère pour l’acquisition de produits et d’équipements sanitaires. Les tarmacs d’aéroport ont assisté à des rivalités entre pays partenaires au sein de l’Europe pour détourner la destination de containers. Le chacun pour soi a heureusement été vite atténué et la collaboration et le soutien entre pays, et à l’intérieur des pays entre régions, se sont organisés. Quand un hôpital se trouvait submergé dans une ville, les malades étaient transférés et pris en charge dans l’hôpital de la ville voisine et même si celle-ci était dans un pays voisin.

Nous pouvions penser à cette période qu’après quelques errements, le monde avait retrouvé ses esprits et que la solidarité et le partage face à l’adversité allaient retrouver droit de cité. Mais l’arrivée des vaccins en quantité nécessairement insuffisante au début a ruiné cet espoir.

L’achat de vaccins en ordre dispersé

D’abord les pays anglo-saxons où la liberté individuelle poussée à son paroxysme a entrainé le rejet du confinement et du port du masque comme moyens de ralentir la diffusion du virus. La conséquence a été un développement rapide de l’épidémie et un nombre de cas et de morts importants. Aux États-Unis le « make América great again » a donné le « même pas peur » du Président Trump et le choix d’investir massivement dans la recherche du vaccin avec la condition d’être servi le premier. Au Royaume uni, au milieu des dernières négociations du Brexit avec l’Union Européenne, le premier ministre s’est empressé de négocier seul et de précommander avant même l’homologation du vaccin. Alors que le Royaume Unis était encore membre de l’EU, Londres a fait cavalier seul, voyant là l’occasion de tester le Brexit grandeur nature et de prouver ainsi aux sceptiques le bien-fondé de son choix.

Le spectacle désolant qu’ont donné les Européens en mars 2020, au début de l’épidémie, quand les équipements médicaux manquaient à tous et que Paris ou Berlin interdisaient l’exportation de masques, a poussé les dirigeants européens à négocier en commun l’achat de vaccins alors même que la commission européenne n’a pas de compétence en matière de santé. En quelques semaines, la Commission conseillée par des cabinets d’avocats les plus aguerris s’est organisée pour affronter les industriels du vaccin. Comme l’a reconnu la présidente de la commission la décision à 27 est plus lente qu’avec un seul décideur.

Finalement les premiers britanniques sont vaccinés le 8 décembre, les américains du nord une semaine plus tard et les européens à la fin décembre. Donc pas de différence significative d’autant que la stratégie de vaccination diffère selon les cas. Les uns ont fait vite les autres ont pris leur temps. Les pays de l’EU ont mis un point d’honneur à commander ensemble et à démarrer la campagne de vaccination le même jour. Très bien pour la symbolique mais il est légitime de s’interroger sur son bien fait quand chaque jour représente plusieurs centaines de morts.

La guerre des vaccins

Lorsque la vaccination commence en Grande Bretagne, les européens ne cachent pas leur mécontentement vis à vis de Bruxelles. L’Agence européenne des médicaments (AEM) n’a autorisé le vaccin Pfizer-BioNTech que le 21 décembre 2020. L’opacité des négociations entretient la grogne. Les contrats négociés avec les laboratoires sont tenus secrets, ce qui alimente les rumeurs.

Les premières livraisons font apparaître des différences qui sèment la discorde entre les Vingt-Sept au niveau européen. Outre Rhin où la campagne pour les élections générales de 2021 a commencé, certains réclament plus de doses de ce vaccin qui a été conçu par une biotech allemande et s’offusquent d’en être empêchés par Bruxelles. D’autres reprochent à la commission d’avoir dépensé moins pour ses vaccins que n’importe quel autre pays industriel. Pourtant c’est près de 3 milliards qui ont été avancés aux laboratoires pour les aider à préparer leurs usines.

Les industriels qui se sont lancés dans cette course folle au vaccin peinent à mettre à niveau leurs capacités de production, qui doivent permettre une vaccination de masse. Ils annoncent des retards de livraison. A ce jour trois vaccins sont homologués aux EU, au RU et en Europe, Pfizer, Moderna et AstraZeneca. Les vaccins russe, chinois et cubain le seront prochainement. Sanofi a annoncé un retard de plusieurs mois mais devrait être disponible en fin d’année et sans doute d’autres encore en préparation le seront d’ici là. Au début, à l’annonce de l’arrivée aussi rapide du vaccin, beaucoup étaient sceptiques et ne manifestaient pas d’empressement à se faire vacciner. Mais depuis le début de l’année et le manque de doses se faisant sentir au point de ralentir la campagne de vaccination, la grande majorité voudrait l’être.

Alors que Londres ne manque pas de doses et vaccine en grand nombre, Paris et Berlin demandent la mise en place d’un mécanisme de contrôle des exportations des vaccins afin de vérifier qu’AstraZeneca ne vend pas aux Britanniques des doses qu’il aurait dû réserver aux Européens. A Paris certains déplorent le fait que la France soit le seul pays du conseil de sécurité de l’ONU à ne pas avoir son vaccin.

Nous assistons à une concurrence malsaine entre les pays pour s’accaparer le plus de doses. Les dix pays les plus développés ont commandé 80% des doses. C’est une surenchère inacceptable alors que le vaccin devrait être considéré comme un bien commun. Le vaccin seul moyen de protéger la population de la planète contre le coronavirus est devenu un instrument d’influence géostratégique au niveau mondial.

Croire qu’un pays ou un groupe de pays pourra se sauver seul de la pandémie est une illusion. Pour être efficace l’immunité collective doit être mondiale ou ne sera pas. Faut-il rappeler l’unité de l’Humanité ? Toutes les vies se valent, aucune vie n’a plus d’importance qu’une autre. Mais pour éradiquer cette pandémie encore faut-il être capable de produire les vaccins en quantité suffisante. Tout doit être mis en œuvre pour produire de manière prioritaire et au plus vite les milliards de doses nécessaires pour immuniser toute la population de la planète, les pauvres comme les riches, les faibles comme les puissants. L’ensemble de l’humanité est mis en danger par ce virus. Et il y en aura probablement d’autres si nous ne réussissons pas à modifier nos modes de développement.

Face à cet enjeu les rivalités et la concurrence entre États pour s’accaparer le plus de doses sont indécentes. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), quelle que soit ses imperfections, doit être l’outil de la coopération mondiale indispensable pour atteindre cet objectif du vaccin pour tous et organiser la solidarité indispensable pour sortir grandis de cette crise et s’armer pour les suivantes.

février 2021

Auteur/autrice : Maurice

Retraité, diplômé en sciences économiques, j'ai été enseignant, chercheur en sciences sociales, syndicaliste, mutualiste militant, chef d'entreprise d’économie sociale. Depuis mes études je suis intéressé par l'épistémologie en sciences sociales et la pluridisciplinarité. J'ai créé ce blog pour m'exprimer et échanger avec ceux qui le souhaitent.

Une réflexion sur « Tristesse et indignation »

  1. Médecin retraité, j’ai repris du service dans 2 centres de vaccination (Denain et St Saulve). Grâce à la merveilleuse organisation que tu décris très bien, nous avons cessé les premières injections depuis 10 jours !
    Reprise début mars, en théorie.
    La « stratégie » vaccinale française et européenne nous a montré tous les travers d’un système pyramidal, géré par des technocrates cupides et loin des réalités de terrain. La santé n’a pas qu’un coût pour eux, elle doit être mise en coupe règlée pour avoir le tort de ne pas être « rentable ».
    Les vaccins sont dans cette logique au détriment des traitements qui ont été négligés.
    Oui le vaccin peut être considéré comme un bien commun, mais cela n’empêchera pas les politiques de rationner la recherche.

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