Polémique à l’université

La ministre demande une enquête

La ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation vient de demander au CNRS d’effectuer une enquête sur l’islamo-gauchisme et le post colonialisme à l’université. Les raisons invoquées sont la protection d’universitaires se disant « empêchés par d’autres de mener leurs recherches » et séparer « ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève du militantisme et de l’opinion ». Cette demande a provoqué de nombreuses réactions et une polémique médiatique très confuse dans laquelle tout se mélange l’académique, l’idéologique, le politique et l’approche des échéances électorales.

Le contre

Tout d’abord plus de 800 membres du personnel de l’enseignement et de la recherche, en réaction aux déclarations de leur ministre, ont publié dans le journal « Le monde » une tribune intitulée « Nous, universitaires et chercheurs, demandons avec force la démission de Frédérique Vidal ». Ils estiment leurs professions diffamées et reprochent à la ministre de faire planer la menace d’une répression intellectuelle. Ils accusent la ministre d’avoir une attitude comparable à celle des gouvernements d’extrême droite de Hongrie, Pologne et Brésil et d’ânonner le répertoire de l’extrême droite française sur un « islamo-gauchisme » imaginaire, déjà évoqué par le ministre de l’éducation nationale en octobre 2020. Enfin ils refusent de laisser bafouer les libertés académiques.

Le pour

Pourtant, en octobre 2020, une centaine d’universitaires et chercheurs de diverses sensibilités, dans une tribune dans le même journal, s’étaient accordés avec le constat du ministre de l’éducation nationale sur « l’islamo-gauchisme » au sein de l’université. Ils y déclarent que « les idéologies indigéniste, racialiste et « dé coloniale » (transférées des campus nord-américains) y sont bien présentes, nourrissant une haine des « Blancs » et de la France ; et un militantisme parfois violent s’en prend à ceux qui osent encore braver la doxa anti-occidentale et le prêchi-prêcha multi culturaliste. » Ils demandent à la ministre de l’enseignement supérieur « de prendre clairement position contre les idéologies qui sous-tendent les dérives islamistes ». Ils estiment dans cette tribune que « les universités ont aussi un rôle essentiel à jouer dans la lutte pour la défense de la laïcité et de la liberté d’expression ». Reprochant à l’époque à la ministre son silence, ils lui demandaient « de mettre en place des mesures de détection des dérives islamistes, de prendre clairement position contre les idéologies qui les sous-tendent, et d’engager nos universités dans ce combat pour la laïcité et la République en créant une instance chargée de faire remonter directement les cas d’atteinte aux principes républicains et à la liberté académique. Et d’élaborer un guide de réponses adaptées, comme cela a été fait pour l’éducation nationale ».

Défendre les libertés académiques

Un collectif de 130 universitaires comprenant ceux qui avaient réclamé une réaction de la ministre en octobre, se félicite de la reconnaissance de l’existence d’un problème au sein de l’université mais marque un premier désaccord avec le fait de se focaliser sur le terme « islamo-gauchisme ». Pour ce collectif ce qui est préoccupant c’est le « dévoiement militant de l’enseignement et de la recherche. Car se développent de façon inquiétante pléthore de cours, articles, séminaires, colloques qui ne sont que du militantisme déguisé en pseudo-science à coups de théories fumeuses (« racisme d’Etat »), de néologismes tape-à-l’oeil (« blanchité ») et de grandes opérations de découverte de la Lune, présentant par exemple comme de lumineuses avancées scientifiques l’idée que nos catégories mentales seraient « socialement construites » (mais qu’est-ce qui ne l’est pas dans l’expérience humaine ?) ou que, « intersectionalité » oblige, être une femme de couleur expose à être moins avantagée socialement qu’être un homme blanc… Quelle que soit la légitimité des causes politiques ainsi défendues, l’indignation ne peut tenir lieu de pensée, ni le slogan d’argumentation raisonnée. » Ce collectif estime donc qu’il faut « rendre le monde universitaire à sa mission : produire et transmettre des connaissances, dûment étayées et vérifiées, et non pas des convictions politiques, fussent-elles animées des meilleures intentions. (…) Mais – et c’est là leur second désaccord avec la ministre – ce travail de régulation de l’offre académique ne peut et ne doit se faire qu’en interne, au sein des instances universitaires dont c’est le rôle.»

Il semble donc que les universitaires, dans leur ensemble, sont d’accord pour défendre les libertés académiques. C’est aux instances universitaires de réguler en interne les enseignements et les travaux de recherche.

La fracture

Mais si certains s’offusquent d’une ingérence inquiétante de la part du gouvernement d’autres se félicitent de la prise de conscience de la ministre qu’il y a un problème au sein de l’université. Manifestement l’université se fracture sur ce qui doit être considéré comme sujets d’études ou de recherche. Pourtant comment reprocher aux sciences sociales de s’intéresser à des thèmes comme le racisme, les inégalités, les effets de la colonisation, l’esclavage, le genre, l’intersectionalité, le post colonial, la laïcité, l’universalisme et bien d’autres thèmes qui traversent la société contemporaine. A l’université comme dans la société les opinions sont variées et opposées. Au niveau académique il faut essayer de faire la différence entre les positions idéologiques et les travaux en sciences sociales même si la frontière est parfois difficile à tracer et ce d’autant plus que nous vivons une période de forte polarisation politique. Les chercheurs qui ont le courage d’aborder ces questions polémiques en intellectuels en apportant plus de réflexions, d’argumentations, d’intelligence collective dans le débat public doivent être soutenus. Il faut garantir pour tous les chercheurs, quelles que soient leurs orientations, l’autonomie de la recherche et l’expression libre des idées.

L’inacceptable

Les libertés académiques sont menacées par l’interférence de la ministre mais pas seulement. Certaines mouvances politiques ont des pratiques qui suscitent des interrogations : boycotter ou faire désinviter un conférencier, l’humiliation en ligne sur les réseaux sociaux, l’interruption de manifestations scientifiques sont autant d’actions qui ne manquent pas d’inquiéter. La peur et l’intimidation sont utilisées pour restreindre la liberté de parole. Ces pratiques portent atteinte aux libertés académiques et doivent être arrêtées dans l’intérêt de l’université. Elles sont inacceptables.

Pour conclure il est nécessaire de distinguer ce qui relève du débat politique qui n’a jamais épargné le monde universitaire, de ce qui relève du débat scientifique. Il est indispensable de préserver les libertés académiques. L’université doit garantir l’autonomie de la recherche et une pensée libre. Mais il est temps de nommer les choses par leurs noms et prendre conscience de la responsabilité d’idéologies communautaristes qui se diffusent dans l’université et vont jusqu’à menacer la liberté d’expression. A l’université comme à l’école il faut sortir du déni.

février 2021

Tristesse et indignation

Le SARS CoV-2 s’est déployé en Chine à la fin de l’année 2019 puis s’est étendu à l’ensemble de l’humanité. Ne disposant pas de traitement approprié, le seul espoir de sortir de la pandémie était de mettre au point un vaccin. Après huit mois de recherche plusieurs vaccins sont homologués ou en cours d’homologation. C’est une performance formidable et une avancée technologique notable. Parallèlement les progrès de l’immunothérapie ont permis de fabriquer de nouveaux traitements. Cela devrait nous réjouir, mais cette pandémie a non seulement exacerbé les inégalités entre les pays et à l’intérieur de chaque pays, et mis en évidence les aspects obscures de l’humanité.

Les pays sont frappés différemment

Si tous les pays doivent faire face à la pandémie, ils ne sont pas tous touchés avec la même intensité. Les classes d’âge résistent différemment. Les équipements sanitaires ne sont pas développés partout et ne permettent pas toujours de faire face aux conséquences de la maladie. En attendant le vaccin et le traitement adapté, la recommandation des autorités sanitaire est la vigilance et le respect de mesures de distanciation physique et d’hygiène. Ces recommandations sont plus ou moins bien suivies selon la culture de chaque pays.

Avant les vaccins nous avons déjà assisté à un spectacle déplorable de concurrence et de surenchère pour l’acquisition de produits et d’équipements sanitaires. Les tarmacs d’aéroport ont assisté à des rivalités entre pays partenaires au sein de l’Europe pour détourner la destination de containers. Le chacun pour soi a heureusement été vite atténué et la collaboration et le soutien entre pays, et à l’intérieur des pays entre régions, se sont organisés. Quand un hôpital se trouvait submergé dans une ville, les malades étaient transférés et pris en charge dans l’hôpital de la ville voisine et même si celle-ci était dans un pays voisin.

Nous pouvions penser à cette période qu’après quelques errements, le monde avait retrouvé ses esprits et que la solidarité et le partage face à l’adversité allaient retrouver droit de cité. Mais l’arrivée des vaccins en quantité nécessairement insuffisante au début a ruiné cet espoir.

L’achat de vaccins en ordre dispersé

D’abord les pays anglo-saxons où la liberté individuelle poussée à son paroxysme a entrainé le rejet du confinement et du port du masque comme moyens de ralentir la diffusion du virus. La conséquence a été un développement rapide de l’épidémie et un nombre de cas et de morts importants. Aux États-Unis le « make América great again » a donné le « même pas peur » du Président Trump et le choix d’investir massivement dans la recherche du vaccin avec la condition d’être servi le premier. Au Royaume uni, au milieu des dernières négociations du Brexit avec l’Union Européenne, le premier ministre s’est empressé de négocier seul et de précommander avant même l’homologation du vaccin. Alors que le Royaume Unis était encore membre de l’EU, Londres a fait cavalier seul, voyant là l’occasion de tester le Brexit grandeur nature et de prouver ainsi aux sceptiques le bien-fondé de son choix.

Le spectacle désolant qu’ont donné les Européens en mars 2020, au début de l’épidémie, quand les équipements médicaux manquaient à tous et que Paris ou Berlin interdisaient l’exportation de masques, a poussé les dirigeants européens à négocier en commun l’achat de vaccins alors même que la commission européenne n’a pas de compétence en matière de santé. En quelques semaines, la Commission conseillée par des cabinets d’avocats les plus aguerris s’est organisée pour affronter les industriels du vaccin. Comme l’a reconnu la présidente de la commission la décision à 27 est plus lente qu’avec un seul décideur.

Finalement les premiers britanniques sont vaccinés le 8 décembre, les américains du nord une semaine plus tard et les européens à la fin décembre. Donc pas de différence significative d’autant que la stratégie de vaccination diffère selon les cas. Les uns ont fait vite les autres ont pris leur temps. Les pays de l’EU ont mis un point d’honneur à commander ensemble et à démarrer la campagne de vaccination le même jour. Très bien pour la symbolique mais il est légitime de s’interroger sur son bien fait quand chaque jour représente plusieurs centaines de morts.

La guerre des vaccins

Lorsque la vaccination commence en Grande Bretagne, les européens ne cachent pas leur mécontentement vis à vis de Bruxelles. L’Agence européenne des médicaments (AEM) n’a autorisé le vaccin Pfizer-BioNTech que le 21 décembre 2020. L’opacité des négociations entretient la grogne. Les contrats négociés avec les laboratoires sont tenus secrets, ce qui alimente les rumeurs.

Les premières livraisons font apparaître des différences qui sèment la discorde entre les Vingt-Sept au niveau européen. Outre Rhin où la campagne pour les élections générales de 2021 a commencé, certains réclament plus de doses de ce vaccin qui a été conçu par une biotech allemande et s’offusquent d’en être empêchés par Bruxelles. D’autres reprochent à la commission d’avoir dépensé moins pour ses vaccins que n’importe quel autre pays industriel. Pourtant c’est près de 3 milliards qui ont été avancés aux laboratoires pour les aider à préparer leurs usines.

Les industriels qui se sont lancés dans cette course folle au vaccin peinent à mettre à niveau leurs capacités de production, qui doivent permettre une vaccination de masse. Ils annoncent des retards de livraison. A ce jour trois vaccins sont homologués aux EU, au RU et en Europe, Pfizer, Moderna et AstraZeneca. Les vaccins russe, chinois et cubain le seront prochainement. Sanofi a annoncé un retard de plusieurs mois mais devrait être disponible en fin d’année et sans doute d’autres encore en préparation le seront d’ici là. Au début, à l’annonce de l’arrivée aussi rapide du vaccin, beaucoup étaient sceptiques et ne manifestaient pas d’empressement à se faire vacciner. Mais depuis le début de l’année et le manque de doses se faisant sentir au point de ralentir la campagne de vaccination, la grande majorité voudrait l’être.

Alors que Londres ne manque pas de doses et vaccine en grand nombre, Paris et Berlin demandent la mise en place d’un mécanisme de contrôle des exportations des vaccins afin de vérifier qu’AstraZeneca ne vend pas aux Britanniques des doses qu’il aurait dû réserver aux Européens. A Paris certains déplorent le fait que la France soit le seul pays du conseil de sécurité de l’ONU à ne pas avoir son vaccin.

Nous assistons à une concurrence malsaine entre les pays pour s’accaparer le plus de doses. Les dix pays les plus développés ont commandé 80% des doses. C’est une surenchère inacceptable alors que le vaccin devrait être considéré comme un bien commun. Le vaccin seul moyen de protéger la population de la planète contre le coronavirus est devenu un instrument d’influence géostratégique au niveau mondial.

Croire qu’un pays ou un groupe de pays pourra se sauver seul de la pandémie est une illusion. Pour être efficace l’immunité collective doit être mondiale ou ne sera pas. Faut-il rappeler l’unité de l’Humanité ? Toutes les vies se valent, aucune vie n’a plus d’importance qu’une autre. Mais pour éradiquer cette pandémie encore faut-il être capable de produire les vaccins en quantité suffisante. Tout doit être mis en œuvre pour produire de manière prioritaire et au plus vite les milliards de doses nécessaires pour immuniser toute la population de la planète, les pauvres comme les riches, les faibles comme les puissants. L’ensemble de l’humanité est mis en danger par ce virus. Et il y en aura probablement d’autres si nous ne réussissons pas à modifier nos modes de développement.

Face à cet enjeu les rivalités et la concurrence entre États pour s’accaparer le plus de doses sont indécentes. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), quelle que soit ses imperfections, doit être l’outil de la coopération mondiale indispensable pour atteindre cet objectif du vaccin pour tous et organiser la solidarité indispensable pour sortir grandis de cette crise et s’armer pour les suivantes.

février 2021

Où va le monde ?

Quand j’ai muri l’idée de créer ce blog, bien avant que la pandémie ne se déclare, la question du changement de monde me paraissait une évidence tant les difficultés s’accumulaient et les inégalités s’aggravaient. D’où le nom de ce blog citoyen : « changer de monde ». Ma cessation d’activité professionnelle me permettant de disposer d’un peu de temps, en toute humilité et sans aucune prétention, je me suis dit pourquoi ne pas en profiter pour y réfléchir et échanger avec d’autres sur différents thèmes concernant ce changement. Je ne pouvais me douter qu’un virus s’attaquant à l’ensemble de l’humanité viendrait renforcer cette nécessité de changer de monde.

La pandémie

L’épidémie de Covid 19 a commencé au début du mois de décembre 2019 en Chine. La Covid 19 s’est progressivement étendue à l’Asie, le Moyen Orient, l’Europe, les Amériques, l’Afrique. C’est devenu un évènement planétaire. La quasi-totalité des pays est touchée. Le virus à l’origine de cette pandémie est contagieux et parfois mortel. A ce jour nous comptons dans le monde plus de 100 millions de cas et plus de 2 millions de morts.

Au début les médecins n’ont pas de traitement pour soigner cette maladie. Ils recommandent la vigilance, la protection et le confinement associé à des mesures de distanciation physique et d’hygiène. Les mesures de confinement sont le seul moyen efficace de lutter contre la propagation de l’épidémie. Ces mesures permettent d’éviter que le nombre de patients gravement atteints dépasse les capacités des hôpitaux à les prendre en charge.

Après huit mois de recherche plusieurs vaccins sont homologués ou en cours d’homologation. C’est une performance extraordinaire quand on sait que le délai habituel de mise au point de vaccin se compte en années. C’est aussi une avancée technologique notable. Parallèlement les progrès de l’immunothérapie ont permis de fabriquer de nouveaux traitements fondés sur des anticorps bloquant l’entrée du virus dans les cellules ce qui pourrait diviser par trois le risque d’hospitalisation. Ces thérapies sont encore à l’étude pour déterminer leur tolérance et leur efficacité avant d’être autorisées.

Pour l’instant tous les scientifiques s’accordent pour estimer que le seul moyen à notre disposition pour éradiquer la Covid 19 est de vacciner au plus vite et le plus massivement possible l’ensemble de la population en commençant par les plus vulnérables. Les fabricants des vaccins certifient qu’ils protègent aussi des virus variants qui sont apparus depuis quelques semaines. Encore faut-il que chaque pays puisse disposer de suffisamment de doses de vaccins et en capacité de développer la logistique adéquate pour réaliser cette vaccination. L’immunité collective ne sera atteinte que si 60 à 70% de la population est vaccinée.

Les trois vaccins autorisés par les autorités sanitaires occidentales sont actuellement fabriqués en quantité insuffisante. Les vaccins chinois et russe n’ont pas fait l’objet de demandes d’homologation. Nous assistons à une concurrence malsaine entre les pays pour s’accaparer le plus de doses. C’est une surenchère inacceptable alors que le vaccin devrait être considéré comme un bien commun. Les dix pays les plus grands (riches !) ont commandé 80% des doses.

Le vaccin seul moyen de protéger la population de la planète contre le coronavirus est devenu un instrument d’influence géostratégique au niveau mondial.

Croire qu’un pays ou un groupe de pays pourra se sauver seul de la pandémie est une illusion. Pour être efficace l’immunité collective doit être mondiale ou ne sera pas de manière durable.

Contraction de l’activité économique

La pandémie du coronavirus a entrainé la plus grave crise économique, financière et sociale du XXIème siècle a estimé le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de Développement économiques (OCDE). Les confinements en début d’année et à l’automne 2020 ont eu pour conséquence un fort ralentissement de l’activité économique.

Les restrictions sanitaires se traduisent en France pour l’année 2020, selon les chiffres publiés le 29 janvier, par une chute du Produit Intérieur Brut (PIB) de 8,3%. En un an, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A de Pôle emploi) a augmenté de 7,5 % sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris), d’après les données publiées mercredi 27 janvier par le ministère du travail. Les mesures de chômage partiel ont permis de limiter le nombre de pertes d’emploi.

Aux États Unis le recul du PIB sur cette année est estimé à 3,5% et les pertes d’emploi à 9 millions. Au niveau mondial la contraction de l’activité est évaluée par les experts autour de 5% ce qui est inférieur à ce que l’on pouvait craindre.

Le Fond Monétaire International, selon des estimations publiées le 26 janvier, prévoit une croissance mondiale de 5,5% en 2021. Il reste toutefois prudent en n’excluant pas que la mutation du coronavirus, le ralentissement des vaccinations par pénurie de doses ou une reprise prématurée de l’austérité budgétaire dans certains pays pourraient freiner la relance. Aux États-Unis, en Europe et au Royaume Uni des sommes considérables ont été injectée dans l’économie pour pallier aux conséquences de la crise sanitaire. A des degrés divers il en a été de même dans l’ensemble des pays, chacun en fonction de ses possibilités et de l’importance de l’épidémie. La doxa néo-libérale prônant l’austérité et la baisse des dépenses publiques a été oubliée. Des sommes tout aussi considérables se chiffrant en milliards vont être investies dans des plans de relance de l’économie. L’inter dépendance de l’ensemble des pays sur le plan économique nécessite, une fois la pandémie maîtrisée, une relance coordonnée au niveau international pour être pleinement efficace. Malheureusement chaque pays mène son action de manière dispersée, les intérêts particuliers de chaque nation primant sur les intérêts communs. Seule l’Europe tente de se coordonner et pas toujours avec succès.

Climat et biodiversité

Depuis quelques années la multiplication des évènements climatiques et la succession des rapports scientifiques sur l’évolution du monde nous alertent avec insistance sur l’avenir de la planète et donc de l’humanité. La Cop 21, qui s’est tenue en France en 2015, a pris une portée mondiale. Le projet d’accord final a été adopté à l’unanimité par les 175 pays participants. Le texte, non contraignant, a fixé l’objectif de limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, en visant la barre des 1,5°C. En décembre 2018 à Katowice en Pologne, les 196 pays participants sont parvenus à s’entendre sur les règles d’application de l’accord de Paris, conclu en 2015, permettant sa mise en œuvre effective en 2020. Mais la communauté internationale, en revanche, a échoué à s’engager sur une hausse des efforts collectifs dans la lutte contre le changement climatique, malgré les catastrophes qui se multiplient à travers le monde.

Selon le bilan annuel du Global Carbon Project (GCP) publié en décembre 2020, les émissions de CO2 d’origine fossile ont connu une baisse record en 2020, liée aux mesures de confinement prises contre l’épidémie. Cette baisse est estimée à 7%. C’est un répit temporaire et cela ne suffit pas pour réduire le réchauffement climatique et ses impacts, les émissions de CO2 se maintenant à des niveaux élevés. Pour atténuer le changement climatique il ne faut pas arrêter les activités économiques mais accélérer la transition vers des énergies bas carbone. Une fois la pandémie maîtrisée il faudra relancer l’économie sans ignorer l’urgence de la transition écologique et la préservation de la biodiversité.

Selon Christian de Perthuis, professeur à l’Université Dauphine, fondateur de la Chaire Économie du Climat, il y a trois enjeux majeurs à la crise climatique :

La transition énergétique doit être fortement accélérée. Elle nécessite une mobilisation à tous niveaux : international, européen, national, local et bien sûr, individuel. Il faut sortir de la dépendance à l’énergie fossile.

Il faut préserver la biodiversité pour atteindre la neutralité carbone en accroissant la capacité d’absorption du carbone grâce à la protection des océans, au développement des forêts et à la préservation des terres agricoles.

Même si l’on atteint la neutralité carbone le monde restera, pendant deux ou trois décennies, lancé sur la trajectoire d’un réchauffement climatique. Il faudra s’adapter à ce réchauffement et ses conséquences. Comme les pays les plus pauvres sont les plus exposés il faut anticiper et les aider à mieux s’y préparer.

Coopération et solidarité internationale

Quel que soit son aspect, sanitaire, économique ou climatique, la crise que nous vivons est mondiale. Aucun État ne peut prétendre répondre seul à tous les défis qui se présentent à tous. Seule une réponse coordonnée au niveau mondial permettrait de la surmonter globalement.

Sur le plan de la pandémie, tant que tous les pays n’auront pas atteint l’immunité collective personne ne sera à l’abri. La vitesse à laquelle se diffusent d’un pays à l’autre les variants du coronavirus malgré les confinements et la fermeture des frontières en est la preuve. Au mieux la circulation du virus est ralentie. Cette immunité ne peut être réalisée que si la population mondiale est vaccinée. Il faut donc considérer les vaccins comme un bien commun destiné à être accessible à tous. Encore faut-il être capable de les produire en quantité suffisantes. Tout doit être mis en œuvre pour produire de manière prioritaire et au plus vite les milliards de doses nécessaires. Face à cet enjeu les rivalités et la concurrence entre États sont indécentes. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), quelle que soit ses imperfections, doit être l’outil de cette coopération mondiale.

Sur le plan économique, une relance coordonnée sera nécessaire pour être efficace. L’économie mondialisée nécessite des mesures de régulation et de contrôle tout en assurant un développement durable équilibré et une réduction des inégalités inter étatiques comme intra étatiques. Le simple énoncé de cette nécessité en montre la difficulté. Raison de plus pour en faire un objectif permanent pour avoir une chance de l’atteindre un jour.

Il ne s’agit pas de reprendre après comme avant, comme si rien ne s’était passé. Il faut tirer les leçons de cette expérience et en premier lieu considérer comme prioritaires les secteurs de la santé car nous ne sommes pas à l’abri de prochaines pandémies.

Il est indispensable de sortir de l’économisme qui consiste à considérer que le développement économique est une fin en soi. L’économie doit être au service de la satisfaction des besoins humains réels et nous ne pouvons plus ignorer le fait que le développement des activités humaines a des conséquences sur l’avenir de la planète.

La relance économique aussi indispensable soit-elle ne doit pas nous faire oublier le changement climatique et la nécessité absolue de réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi que la dégradation de la biodiversité.

La biosphère est un vaste système complexe autorégulé et autoreproducteur de régulations interdépendantes, dans la reproduction duquel la vie, et par conséquent l’espèce humaine, joue un rôle primordial. Le développement de la vie contribue à modifier ce système. L’existence de limites, en-deçà et au-delà desquelles la vie ne peut pas se développer, joue un rôle fondamental dans sa pérennité. La diversité des espèces est un facteur essentiel de sa pérennité.

Les rythmes d’exploitation de l’économie ne respectent pas les temps de cycles naturels, ils franchissent les limites des possibilités de reproduction des ressources renouvelables et des rythmes d’autorégulation des écosystèmes. L’espèce dominante sur la planète, les humains, compromet la reproduction du milieu qui la porte et dont la plasticité n’est pas infinie. Or les humains sont une espèce consciente, qui possède la faculté de penser sa position et de prévoir les conséquences de ses actes au sein de ce milieu. Il leur revient de tout mettre en œuvre pour préserver la planète.

Le respect de ces équilibres n’a de sens et d’efficacité qu’au niveau de l’ensemble de la planète. C’est le rôle des Conventions de Pays (COP) : organiser la coopération et la solidarité planétaire dans la lutte contre le changement climatique et ses conséquences. La COP26 se réunira à Glasgow en Ecosse en novembre 2021 si la pandémie est à cette date maîtrisée. Il faudra passer des recommandations sans contrainte aux engagements fermes sur une hausse des efforts collectifs dans la lutte contre le changement climatique. Il est temps que l’obligation d’agir pour la préservation de notre planète soit une priorité pour tous.

Janvier 2021