Améliorer la gouvernance mondiale, une nécessité

En ce premier quart de XXIème siècle, plus que jamais le monde est confronté à de multiples défis. Dérives financières, épuisement des ressources naturelles, dérèglement climatique, productivisme agricole, manipulations génétiques dangereuse pour notre alimentation, destruction de la biodiversité, rareté croissante de l’eau potable, développement des inégalités inter et intra nationales, menaces terroriste et nucléaire, pandémies virales, dérèglements politiques, … cette liste n’est hélas pas exhaustive. Il s’agit d’une conjonction de crises d’envergure mondiale.

Collegium international

Aucun État ne peut prétendre répondre seul à ces défis. Ce constat a été fait déjà en 2002 et a suscité la création d’une association intitulée Collegium international éthique, scientifique et politique. Cette association basée en France a été fondée par Milan Kucan, président de la Slovénie, Michel Rocard, ancien Premier ministre français, coprésidents, Stéphane Hessel, vice-président, et Sacha Golman, secrétaire-général. Parmi les membres nous pouvons citer entre autres Edgar Morin, Peter Sloterdijk, Jurgen Habermas, René Passet, Joseph Stiglitz, Amartya Sen, Mireille Delmas-Marty.

Son objectif : « Prendre la mesure des dérèglements et des contradictions de notre monde, imaginer et proposer des orientations qui soient à la hauteur des périls qui menacent l’équilibre de la planète, rechercher un nouveau sens à donner aujourd’hui à l’aventure humaine, marquée par la mondialisation et l’Interdépendance de tous les pays, tous les peuples et de tous les êtres humains ».

Le Collegium s’appuie sur la diversité de ses membres, leur sagesse politique et leurs connaissances scientifiques, ainsi que leur expérience et leur intégrité. Par sa composition, réunissant aussi bien des hommes de pensée dans les domaines philosophique, scientifique et artistique, que des dirigeants politiques de grande responsabilité, le Collegium veut tenter de répondre pour les hommes et les femmes du XXI siècle aux trois questions essentielles, inspirées d’Emmanuel Kant :

  • Que voulons-nous faire de notre planète ?
  • Que voulons-nous faire de l’espèce humaine ?
  • Que voulons-nous faire de notre vie ?

Appel pour une gouvernance mondiale solidaire et responsable

Dès sa création le Collegium a lancé un Appel pour une gouvernance mondiale solidaire et responsable, aujourd’hui toujours d’actualité de mon point de vue.

Pour résumer cet appel :

Les crises que nous vivons sont fortement interconnectées et forment une seule « polycrise » menaçant ce monde d’une « polycatastrophe ». Aucun État ni aucune Institution Internationale n’est aujourd’hui en mesure de faire respecter un ordre mondial et d’imposer les indispensables régulations globales. L’inter-gouvernementalisme est un échec. Il faut repenser les principes juridiques internationaux et bâtir des mécanismes de prise de décisions planétaires dans l’intérêt de l’humanité. Le premier pas vers cette communauté mondiale est la reconnaissance universelle d’un principe nouveau qui résulte de l’interdépendance, l’intersolidarité planétaire. Principe qui devra préserver la diversité dans un esprit de tolérance et de pluralisme.

Trois mesures sont à prendre d’urgence : l’éradication effective des paradis fiscaux, la séparation des banques de dépôt et d’investissement spéculatif, la taxation des transactions financières.

Relancer des négociations fondamentales relatives

  • d’une part aux mesures de régulation et de contrôle d’une économie mondialisée tout en assurant un développement durable équilibré et une réduction des inégalités inter étatiques comme intra étatiques et
  • d’autre part pour la survie de la planète la sauvegarde de la biosphère, la suppression des armes de destruction massive et le contrôle de l’énergie nucléaire.

Selon le Collegium la mise en œuvre de cet Appel suppose :

  • de réaffirmer l’ensemble des droits fondamentaux des individus dans le respect de l’ordre public national et supranational ;
  • de reconnaître que la détention d’un pouvoir d’échelle globale implique le corollaire d’une responsabilité globale ;
  • d’inciter les États souverains à reconnaître la nécessité d’intégrer l’ordre public supranational à la défense des valeurs et des intérêts communs
  • de favoriser le développement des institutions représentatives des communautés internationales régionales, en même temps que de renforcer la communauté mondiale et l’émergence d’une citoyenneté globale.

Cet Appel invite à concevoir et construire ensemble une communauté mondiale de destin.

Plaidoyer pour une charte d’interdépendance

Depuis sa création, le Collegium a produit de nombreux travaux en rapport avec son objet. Il travaille notamment sur le concept d’interdépendance solidaire et responsable et son application à une gouvernance mondiale qui ne saurait être conçue sur le seul modèle étatique, mais englobe les acteurs supra-étatiques et trans-étatiques, publics (Collectivités territoriales et Organisations internationales) ou privés (Entreprises transnationales), et la société civile.

Les humains sont partie intégrante de l’écosystème constitué par la nature. Doués de raison et de conscience leur spécificité est d’assumer la préservation de la nature. La relation des humains avec les vivants non humains est asymétrique et sans réciprocité. C’est donc aux seuls humains qu’il revient de s’engager sur une véritable « Charte d’Interdépendance » proposant trois principes d’action : préserver les différences, promouvoir des solidarités, répartir les responsabilités.

Ainsi en décembre 2018, le Collegium International a entrepris la création d’une CHARTE D’INTERDEPENDANCE réalisée comme un Appel solennel aux Nations Unies et à son Secrétaire Général, qui a, d’ailleurs, fait part de son soutien à ce projet.

Comme le publie le Collegium, « Adaptée à notre Humanité à la fois unique et multiple, cette Charte n’oppose pas la diversité à l’unité, le différent au commun, le relatif à l’universel. Elle se sert du droit comme d’une boussole afin de rendre compatibles les différences et répartir les responsabilités de façon différenciée. C’est la condition d’une mondialité apaisée qui ne prétend garantir ni la Paix perpétuelle imaginée par Emanuel Kant, ni la Grande paix des Classiques chinois, mais plus modestement préparer le cheminement vers une paix toujours réinventée. »

Dépasser l’inter gouvernementalisme

L’Organisation des Nations unies (ONU) a été créée en 1945 par la Charte de San Francisco, à la fin de la seconde guerre mondiale, en remplacement de la Société des Nations. Elle est née de la volonté de 51 pays qui voulaient construire un monde de paix. Elle regroupe aujourd’hui 193 États. Selon sa Charte l’ONU est un lieu où se construit un avenir meilleur pour tous les êtres humains. Après des débuts prometteurs, notamment la Déclaration universelle des Droits de l’Homme en décembre 1948, et la création d’institutions spécialisées comme la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International, l’Organisation internationale du Travail, l’Organisation Mondiale de la Santé, l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture, l’Organisation mondiale du commerce,… l’ONU a vu ses actions mises en échec par les grands pays occidentaux qui ont montré à chaque occasion peu d’empressement à partager le pouvoir.

Dans les années 80 la vision friedmanienne de l’économie inspirée par l’École de Chicago s’est imposée en quelques années. Toutes les règlementations par nature antiéconomiques selon la doxa néolibérale sont remises en cause. Les nouvelles règles du jeu définies sont simples et ne font l’objet d’aucune contestation : libéralisation généralisée des échanges, liberté totale de mouvement des capitaux, respect sans nuance du dogme de la concurrence, mise au pas des institutions internationales considérées incompétentes. Les multiples discussions dans un cadre onusien concernant la régulation des divers marchés furent bloquées sous la pression des gouvernements des grands pays occidentaux qui considéraient que les errements interventionnistes devaient prendre fin, seul le marché étant habilité à décider du bien et du mal. La marginalisation du système onusien a ainsi été programmée au nom de son immobilisme et de son irréalisme. Un cadre renouvelé de coopération internationale lui a été substitué, d’abord le G5, puis le G7/G8 élargi finalement aux leaders de pays émergents incontournables en devenant le G20.

Pour répondre aux problèmes mondiaux il faut des réponses mondiales. Des éléments de régulation internationale et quelques institutions agissent à l’échelle mondiale mais c’est loin d’être suffisant. Les intérêts nationaux prévalent encore en transformant chaque rencontre internationale en séance de marchandages. Comme l’a définie Stéphane Hessel, « la gouvernance mondiale c’est la capacité de s’élever au-delà des marchandages entre intérêts nationaux pour prendre des décisions politiques planétaires au nom de l’humanité. »

Pour le Collegium international les défis planétaires du XXIème siècle, le réchauffement climatique, la destruction de la biodiversité, les pandémies virales, les difficultés économiques et le développement des inégalités, remettent en question la notion de souveraineté étatique et son expression internationale : l’inter gouvernementalisme. La réforme en profondeur du seul embryon de gouvernance mondiale existant aujourd’hui, l’ONU, semble indispensable. Il reste la seule institution légitime malgré ses faiblesses pour établir un véritable dialogue et affronter les problèmes qui se posent au monde dans un cadre universel démocratique et rénové.

26 novembre 2020

Auteur/autrice : Maurice

Retraité, diplômé en sciences économiques, j'ai été enseignant, chercheur en sciences sociales, syndicaliste, mutualiste militant, chef d'entreprise d’économie sociale. Depuis mes études je suis intéressé par l'épistémologie en sciences sociales et la pluridisciplinarité. J'ai créé ce blog pour m'exprimer et échanger avec ceux qui le souhaitent.

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