Hommage à Samuel PATY

Une barbarie insupportable

Le 16 octobre 2020 un attentat islamiste d’une barbarie insupportable a été commis dans les rues de Conflans-Sainte-Honorine. Un professeur d’histoire-géographie a été décapité pour avoir illustré un cours sur la liberté d’expression en présentant aux élèves des caricatures publiées dans le journal Charlie Hebdo. La consternation et l’émotion sont immenses. Des manifestations d’hommage à cet enseignant et de soutien à sa famille et au monde enseignant sont organisées dans toute la France. Demain mercredi 21 octobre une cérémonie d’hommage national lui sera rendu dans la cour de la Sorbonne, monument symbolique de l’esprit des Lumières et du rayonnement culturel. Au-delà des réactions institutionnelles il est nécessaire que chaque citoyen individuellement et collectivement contribue à amplifier le travail des enseignants pour la promotion des principes de la République Française. C’est le meilleur hommage que l’on puisse rendre à Samuel PATY. C’est ce que je vais m’attacher à faire dans cet article en reprenant l’essentiel du contenu d’un article écrit en avril 2019 et publié dans ce blog en mars 2020.

Une République indivisible, laïque, démocratique et sociale

En France la constitution de 1958 est le texte fondateur de la Ve République. Elle organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. C’est la norme suprême du système juridique français. Les quatre premiers articles de la constitution contiennent l’essentiel des principes sur lesquels repose l’organisation de l’État en France.

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Les partis et groupements politiques contribuent à l’exercice de la démocratie. La loi garantit les expressions pluralistes des opinions.

La liberté

La constitution dans son préambule fait référence explicitement à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui indique que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Elle définit la Liberté comme ce qui consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. La liberté doit être très large mais elle n’est pas illimitée. Toute société qui n’organise pas les limites de la liberté dans le respect de chacun ne peut que mener à ce que certains soient plus libres que d’autres. Chaque citoyen est libre dans un cadre donné défini par la loi.

La loi garantit l’expression du pluralisme des opinions et donc la liberté de conscience.

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi (article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen).

L’Égalité

L’article 1 de la constitution précise que la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Les hommes naissent égaux en droit. La République nourrit ses enfants et les instruit. L’histoire nous prouve que l’égalité des droits n’empêche pas les inégalités. Même si tous les gouvernants affirment orienter l’action de la puissance publique dans le sens d’une plus grande égalité entre les citoyens, nous voyons bien, notamment ces dernières années, que les inégalités s’accroissent. Les privilèges de la naissance ont été abolis sans complètement disparaitre et ont été remplacés par les privilèges de la richesse économique qui se répercutent sur le plan culturel, social et régional.

La Fraternité

La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies à Paris en 1948 parle de la notion de fraternité dans son article premier : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

La devise républicaine invite, en vertu de l’unité du genre humain, de l’égalité entre les hommes, de l’égale dignité de l’homme et de la femme, du respect des droits de chacun, de l’humanisme, à considérer l’autre comme son frère. La fraternité républicaine n’est pas une fraternité de l’immédiateté, fusionnelle et sentimentale. C’est la constitution d’esprits libres décidés à défendre les droits de tous. Les sujets libres et égaux en droit sont frères parce qu’ils produisent la chose publique qui à son tour les unit. La fraternité est la condition d’un cadre commun qui permet l’émancipation de tous.

La Laïcité

C’est dans une période caractérisée par une majorité croissante de non croyants que nous assistons à un retour de la question religieuse dans tous les domaines de la vie sociale et civile. Les fondamentalistes de tout poil prétendent imposer leur vérité à l’ensemble de la société. L’article 2 de la constitution précise que : La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.

La séparation des Églises et de l’État est la pierre angulaire de la laïcisation de la société.

La laïcité c’est la liberté de conscience, la liberté de croire ou de ne pas croire. C’est l’égalité de tous les citoyens quelles que soient leurs convictions. C’est le primat de l’intérêt général, du bien commun à tous.

La laïcité est une règle de vie en société démocratique, un idéal d’émancipation. Elle permet à tous, croyants et athées, de vivre ensemble sans que les uns ou les autres soient stigmatisés en raison de leurs convictions particulières. L’État laïque incarne la promotion simultanée de la liberté de conscience et de l’égalité, de la culture émancipatrice et du choix sans entrave de l’éthique de vie personnelle.

La laïcité vise à développer en l’être humain l’esprit critique ainsi que le sens de la solidarité et de la fraternité. La laïcité vise dans ce contexte à donner les moyens à l’être humain d’acquérir une totale lucidité et une pleine responsabilité de ses pensées et de ses actes.

La liberté d’expression est le corollaire de la liberté de conscience. Elle est le droit et la possibilité matérielle de dire, d’écrire et de diffuser la pensée individuelle ou collective. Le refus du racisme et de la ségrégation sous toutes ses formes est inséparable de l’idéal laïque.

L’éthique laïque mène inévitablement à la justice sociale : égalité des droits et égalité des chances. L’éducation laïque, l’école, le droit à l’information, l’apprentissage de la critique sont les conditions de cette égalité.

L’école laïque

L’école laïque a pour tâche de réaliser cette émancipation. Elle doit tenir à distance la société civile et ses fausses urgences. La laïcité à l’école c’est le fait de refuser aux puissances de conditionnement d’entrer dans les classes, d’ouvrir à chaque esprit la chance de penser sans tutelle, sans emprises. L’acquisition de savoirs et l’élévation culturelle sont les instruments d’une émancipation individuelle et collective. L’émancipation par l’instruction doit être à la portée de tous c’est-à-dire gratuite, obligatoire, laïque, et la puissance publique doit en assurer la promotion partout et pour tous. L’école laïque fournit à la liberté de conscience le pouvoir de juger qui lui donne sa force.

L’enseignement public doit être affranchi de tout prosélytisme religieux ou idéologique. C’est un moyen de transmission du savoir mais c’est aussi le moyen de fabriquer une communauté nationale de citoyens.

Une réponse citoyenne à l’obscurantisme

La promotion de nos principes républicains, leur large diffusion, leur popularisation sont l’indispensable réponse citoyenne à l’obscurantisme liberticide et meurtrier. Elle complétera utilement la nécessaire fermeté de la puissance publique qui doit réaffirmer que la seule loi qui prévaut en France est la loi républicaine, votée par la représentation nationale. Jamais la loi de Dieu ou d’une toute autre croyance, brandie pour contester la règle républicaine, ne doit pouvoir s’imposer à la souveraineté nationale.

20 octobre 2020

Évaluation des réformes de la fiscalité du capital

France stratégie

France stratégie est un organisme créé par un décret du 22 avril 2013 qui a pris la suite du Commissariat général du Plan et du Centre d’analyse stratégique. Chargé d’expertise et d’analyse prospective sur les grands sujets sociaux et économiques il est placé auprès du Premier Ministre. Il formule notamment des recommandations au pouvoir exécutif et contribue à l’évaluation ex-post des politiques publiques.

Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital

Piloté par France stratégie, le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital a été installé en décembre 2018 c’est-à-dire un an après la réforme de la fiscalité du Capital. Cette réforme remplaçait l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), instaurait un prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus de l’épargne et programmait en complément sur toute la durée du quinquennat une baisse de l’impôt sur les sociétés (IS).

Dans un premier rapport publié en octobre 2019 le Comité avait fait un point sur la fiscalité du capital en France et son poids dans l’ensemble de la fiscalité. Il présentait le contenu précis de la réforme et rassemblait les enseignements à priori que l’on pouvait tirer d’une revue de la littérature économique théorique et empirique en la matière. Faute de disposer du recul temporaire suffisant le comité n’avait pu donner beaucoup d’éléments sur une évaluation ex-post. Il ne pouvait conclure sur l’efficacité des réformes en matière de fiscalité du capital.

Les riches plus riches

Ce 8 octobre 2020 le comité a publié un deuxième rapport qui indique de nouveau qu’une évaluation complète reste impossible mais qui fournit des informations plus précises.

Les dividendes sont concentrés sur un petit nombre de personnes. La suppression de l’ISF et l’instauration du PFU a eu pour effet de faire augmenter les revenus des 0,1% des français les plus riches. En 2018, 38000 personnes soit 0,1% des foyers fiscaux ont perçu les deux tiers des montants totaux alors qu’ils n’en recevaient que la moitié en 2017. Les ultra riches, 3800 personnes (0,01% des foyers fiscaux), en ont perçu le tiers alors qu’ils n’en recevaient qu’un cinquième. Les dividendes distribués ont augmenté de plus de 60% en 2018. Ils sont passés de 14,3 milliards d’euros en 2017 à 23,2 milliards en 2018 et la hausse se poursuit en 2019.

La réforme de 2018 avait aussi pour objectif d’endiguer l’exil fiscal. Le nombre de départs hors de France des contribuables aisés a baissé dès 2017 et le nombre de retours tend à augmenter mais cette évolution porte sur de petits effectifs, de l’ordre de quelques centaines à comparer avec les 130 000 contribuables assujettis à l’IFI en 2018.

Selon le rapport la forte hausse des dividendes en 2018 est en partie causée par la réforme du PFU. Reste à savoir ce que les français aisés ont fait et vont faire de cet argent. Selon la théorie des « premiers de cordée », ils devraient l’investir dans l’économie. C’est la théorie du ruissellement. Selon les tenants de la politique de l’offre, soutenir massivement les entreprises permet de doper finalement la croissance et l’emploi.

Impact sur l’économie

En conclusion, le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital se déclare incapable de répondre par oui ou par non à la question de savoir si la réforme de 2018 a eu un impact positif sur l’économie. La seule chose qui est certaine c’est que les plus aisés ont bénéficié d’une augmentation de leurs revenus et que les inégalités se sont accrues.

La crise de 2020, provoquée par la pandémie de covid-19, va avoir un impact important sur le financement de l’économie et sur les choix d’investissements des ménages. Cela rendra plus complexe l’évaluation à moyen terme des effets des réformes de 2018. Le montant des dividendes reçus par les ménages va probablement diminuer en 2020 sans qu’il y ait de lien entre cette chute et les réformes de 2018. Il est donc peu probable que le comité d’évaluation de la réforme puisse répondre avant longtemps sur les effets de cette réforme.

Une seule chose est sûre les inégalités s’aggravent, la pandémie ne fait que les augmenter et la réforme de la fiscalité du capital n’a pas eu à ce jour d’impact probant sur l’économie en matière d’investissements et d’emploi.

12 octobre 2020