Nous venons de vivre pendant presque trois mois une des plus graves crises sanitaires que le monde ait connues. Et nous n’en sommes toujours pas complètement sortis. Nous n’avons pas encore de traitement efficace pour soigner la maladie et pas de vaccin pour nous en préserver.
Le confinement
Pendant cette période l’objectif premier dans tous les pays a été d’éviter que le nombre de patients gravement atteints dépasse les capacités des hôpitaux à les prendre en charge. Les gouvernements, conseillés par les autorités médicales, ont recommandé la vigilance, la protection et le confinement associé à des mesures de distanciation physique et d’hygiène. Les mesures de confinement ont été le seul moyen efficace de lutter contre la propagation de l’épidémie. Tous les pays n’ont pas été atteints avec la même intensité, certains ont souffert plus que d’autres. Mais tous ont été surpris par ce nouveau virus et ses effets que nous avons, encore aujourd’hui, du mal à maitriser. Tous ont souffert plus ou moins de l’impréparation des gouvernants face à une telle pandémie. Tous ont manqué de produits et matériels médicaux pour y faire face.
A ce jour la pandémie, au moins pour ce qui concerne l’Asie et Europe, semble sous contrôle et le dé-confinement progressif est en cours. Cette étape fait apparaître l’ampleur de la crise économique conséquente de la crise sanitaire. Les activités non essentielles ont été arrêtées pendant le confinement. Les frontières ont été fermées pour éviter la circulation du virus. Les avions sont restés au sol. Les déplacements ont été considérablement ralentis. La consommation de carburant a chuté et fait baisser le prix du baril de pétrole. Les ventes de voitures sont au point mort. Les activités de service ont été immobilisées. Cafés, restaurants, hôtels, activités sportives, le tourisme, les écoles, les administrations, tout s’est arrêté ou extrêmement ralenti.
La casse économique
Nous commençons à mesurer l’ampleur des dégâts : risque de faillite d’entreprises en chaîne dans plusieurs secteurs d’activités, augmentation du chômage, perte de pouvoir d’achat, etc… La crise sanitaire a mis encore plus en évidence et accentué les inégalités générées par notre système économique. Les dépenses publiques ont explosé pour compenser économiquement le recul de l’activité économique tant au niveau des particuliers que des entreprises. Il va falloir mettre en œuvre des plans de relance pour surmonter la crise économique puis la crise sociale qui ne manquera pas de s’ensuivre. Et la crise climatique ?
En France le gouvernement table sur une réduction de 8% du Produit intérieur Brut (PIB) dans la préparation du budget révisé. Il est difficile aujourd’hui de mesurer précisément le recul de la production tant que la machine économique n’a pas retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire. La récession risque d’être plus importante au final. La consommation des ménages pourrait reculer de 10% et l’investissement de 11%. Le déficit budgétaire serait multiplié par trois. Le nombre de chômeurs dépasse les 4,5 millions. La crise sociale qui s’annonce sera très importante.
Réagir
De nombreuses voix s’élèvent pour s’interroger sur le monde d’après. Va-t-on recommencer comme avant ? Va-t-on en profiter pour revoir notre modèle de développement ? A-t-on déjà oublié la menace du changement climatique provoqué par l’augmentation des rejets de gaz à effets de serre ?
Ceux qui pensent que la décroissance est la seule perspective possible pour faire face au réchauffement climatique peuvent en mesurer concrètement les conséquences sociales. L’ensemble de l’humanité est loin de vivre dans l’opulence, les inégalités sont encore considérables aussi bien entre pays qu’à l’intérieur de chaque pays. La crise sanitaire a mis en avant et exacerbé les inégalités. Le développement humain ne peut se mesurer qu’à l’échelle de la production de biens et de services matériels. Le PIB est un piètre instrument de mesure. Amartya SEN, économiste humaniste, prix Nobel en 1998, a conçu l’indice de développement humain des Nations Unies. Cet instrument de mesure inédit prend en compte, non seulement les tonnes d’acier et les milliards de dollars d’exportation mais aussi des paramètres concrets pour les citoyens comme l’espérance de vie, la mortalité infantile, le niveau d’éducation, la santé et même les droits politiques. Si l’on peut s’interroger sur la production de certains biens, il y a encore beaucoup de choses qui doivent être développée pour améliorer le bien-être des humains et des vivants en général.
Faut-il pour autant ignorer l’urgence d’accélérer la transition écologique ? Le Programme des Nations Unies pour l’environnement souligne la nécessité impérative pour les pays de respecter l’Accord de Paris sur le climat et de maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 2°C. Le rapport propose aux gouvernements des moyens concrets de réduire leurs émissions, notamment par le biais de la politique fiscale, de technologies innovantes, d’actions non étatiques, etc… En décembre 2018 à Katowice en Pologne, les 196 pays sont parvenus à s’entendre sur les règles d’application de l’accord de Paris, conclu en 2015, permettant sa mise en œuvre effective en 2020. La communauté internationale, en revanche, a échoué à s’engager sur une hausse des efforts collectifs dans la lutte contre le changement climatique, malgré les catastrophes qui se multiplient à travers le monde.
Bien évidemment le monde s’est polarisé sur la crise sanitaire au cours de ce premier semestre mais avec le ralentissement de la pandémie la relance économique, sociale et climatique devient la priorité. Les promoteurs de la mondialisation demandent déjà de reprendre comme avant et pour cela réclament un moratoire sur les quelques timides contraintes qui leur sont imposées en évoquant la priorité à l’emploi.
D’autres préconisent de profiter de l’occasion pour dé-mondialiser. Comme le dit Bertrand BADIE, politologue spécialiste des relations internationales dans un entretien publié par Le Monde le 10 mai 2020, « Parler de façon hâtive de « démondialisation » c’est aller vers un non-sens ou de fausses illusions. En revanche, ce qui apparaît de manière très claire et correspond à l’un des grands enjeux des décennies à venir, c’est le besoin d’encadrement, d’accompagnement, de réglementation de la mondialisation, qui s’est construite pratiquement sans aucun contrôle ».
Néanmoins il nous faudra penser à notre sécurité sanitaire et à la réindustrialisation de notre pays. Relocaliser certaines activités pour veiller à préserver, au moins au niveau européen, notre indépendance pour tous les secteurs stratégiques de la santé, de l’énergie, des transports, de l’éducation, de la culture…
La relance de l’activité est la priorité des prochains mois mais ne devra pas ignorer les engagements de l’accord de Paris sur le climat visant à maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 2°C sans oublier la sauvegarde de la biodiversité. L’État doit reprendre sa place et ne pas se contenter de collectiviser les pertes. Nous devons réhabiliter l’État-providence et réduire les inégalités. Nous devons abandonner le court-termisme et définir des objectifs à moyen et long terme, remettre à l’ordre du jour la planification, en un mot réorienter massivement notre économie. Mais aussi rénover notre démocratie et développer différents moyens de participation des citoyens à la définition de ces objectifs car c’est le seul moyen de ne pas laisser décider seules les puissances financières et technologiques.
8 juin 2020
Les citoyens doivent être associés à la réflexion et à l’action et c’est à eux de prendre leur avenir en main à l’occasion de cette pandémie qui a révélé tous les torts de la course aux profits.
Les médicaments doivent être relocalisés dans l’Union Européenne que cela plaise ou non aux dirigeants chinois qui savent bien nous vendre les masques que nous pouvons fabriquer en Europe.
Pour l’application de l’accord de Paris, cela fait longtemps que je pense que c’est un jeu de dupes, mais j’aimerai être le seul à avoir raison. Les puissances financières qui nous gouvernent, en réalité, n’ont pas la volonté d’entrer dans la transition écologique. Une certaine dose de démocratie directe (type helvétique) pourrait restaurer la confiance pour une croissance raisonnée qui ne peut être infinie, ni éternelle.