Le monde tangue

Le monde est en proie avec un virus extrêmement virulent. La crise sanitaire a entrainé dans sa suite une crise économique de grande ampleur. Et cela intervient au moment où la planète commence à prendre conscience du réchauffement climatique et de ses conséquences, qui, selon l’avis de nombreux spécialistes du climat, risque à terme de nuire gravement à l’avenir de la planète et de l’humanité.

Sortir de la crise sanitaire

« Covid-19 » pour Corona (Co), virus (vi), disease (d) qui signifie maladie en anglais, et 19 pour désigner l’année de l’infection. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dans un bulletin publié le 12 janvier 2020, indique que l’épidémie de Covid 19 a commencé au début du mois de décembre 2019, dans la ville de Wuhan, dans la province de Hubei, en Chine. Des études scientifiques ont constaté de nombreuses similitudes entre ce virus et des coronavirus prélevés sur des chauves-souris qui pourraient avoir été transmis à l’homme par un animal intermédiaire. Le pangolin est le principal suspect. 

Le scénario d’une infection chez l’homme sous sa forme pathogène actuelle et à partir d’une source animale augmente le risque de futures épidémies, car la souche pathogène du virus pourrait encore circuler en population animale et pourrait à nouveau infecter les humains. C’est la conséquence de la présence toujours plus importante des humains dans des « écozones ».

Parti de Chine, la Covid 19 s’est progressivement étendu à l’Asie, le Moyen Orient, l’Europe, les Amériques, l’Afrique. C’est devenu un évènement planétaire. La quasi-totalité des pays est touchée. Les scientifiques estiment que cette maladie est un réel danger. Ce virus est très contagieux et surtout très mortel. A ce jour il n’existe pas de traitement pour l’éradiquer.

Dès le début l’objectif a été de ralentir la propagation du virus par une politique de confinement associé à des mesures de distanciation sociale et d’hygiène. Il s’agit d’éviter que le nombre de patients gravement atteints dépasse les capacités des hôpitaux à les prendre en charge. En Europe seuls les Pays Bas et la Suède ont choisi de miser sur l’immunité collective, ce qui revient à sacrifier une partie de la population et atteindre la contamination d’au moins 60%. Plus de la moitié de la population mondiale est confinée. A ce jour dans le monde, nous avons plus de 2,6 millions de cas et plus de 175500 décès.

La réduction drastique des déficits budgétaires prônée par la doxa néolibérale a entrainé une baisse des dépenses publiques. La santé publique n’a pas échappée à cet impératif. Nous assistons pratiquement partout à un manque de stocks de produits et matériels médicaux permettant de faire face à la pandémie et à une concurrence effrénée des États pour se procurer ce qui leur manque pour protéger leur population. C’est le chacun pour soi qui domine.

Pourtant face à une pandémie mondiale l’histoire nous enseigne que la coopération internationale est nécessaire. La propagation de l’épidémie dans n’importe quel pays met en péril l’humanité entière. L’OMS, quel que soit ses insuffisances par manque de moyen, est le seul instrument mondial permettant de lutter contre la pandémie. La meilleure défense dont nous disposons contre les pathogènes, ce n’est pas l’isolement, c’est l’information. C’est en mettant en commun leurs informations que les scientifiques parviendront à comprendre les mécanismes de l’épidémie et les moyens de la combattre.

Bien que tous les pays ne soient pas touchés avec la même intensité, le pic de l’épidémie est progressivement atteint. Mais le nombre de cas graves reste élevé et conserve un taux de morbidité élevé. Nous ne sortirons vraiment de cette pandémie que lorsque nous aurons découvert un traitement pour diminuer l’impact du virus et des vaccins pour immuniser les populations. En attendant il faudra bien vivre avec.

Sortir de la crise économique et sociale

La crise économique s’est diffusée à la suite de la crise sanitaire. La Chine représente 20% de la Production Intérieure Brute mondiale et plus de 30% du commerce international. Compte tenu du poids de la Chine dans l’économie mondiale et son intervention dans tous les secteurs d’activité, le ralentissement brutal de son activité industrielle du fait de l’épidémie a eu des répercutions sur l’économie mondiale. Les conséquences économiques et sociales de la pandémie sont colossales. La présidente de la Banque Centrale Européenne estime que nous assistons à « l’un des plus grands cataclysmes macroéconomiques des temps modernes ».

La baisse de la production doublée d’un recul de la consommation, l’arrêt des activités industrielles et de services dues au confinement, l’augmentation du chômage et la chute du pouvoir d’achat ont des conséquences sociales très importantes et ce malgré les mesures de compensation prises par les États. Les pays entrent en récession et les économistes prévoient un recul des produits intérieurs bruts variant de 7% à 10% selon les pays, voire plus. Pour faire face à cette situation les États injectent massivement des liquidités dans les circuits afin de lutter contre la récession et ses conséquences sociales. Oubliés le moins d’État et l’austérité budgétaire préconisés par le néolibéralisme. Le rôle de stabilisateur et de régulation de l’État est redécouvert. Après avoir abondamment privatisé les bénéfices, on collectivise les pertes.

Les dommages économiques issus de la pandémie vont affecter le monde entier. La croissance va être en berne voire négative. Les faillites d’entreprise vont se multiplier et le chômage devenir massif. Les inégalités entre pays et à l’intérieur de chaque pays seront encore augmentées. Seuls les États peuvent gérer une crise d’une telle ampleur et organiser nationalement et internationalement la relance de la machine économique. Les pays sont tellement interdépendants économiquement qu’une coordination internationale est indispensable. Malheureusement ce type de crise fait naître et se développer le chacun pour soi et la croyance que le cadre national est le seul permettant d’échapper aux difficultés.

Au moins au niveau européen un plan de relance fort, coordonné, solidaire et coopératif doit être mis en œuvre.  Il faudra bien que les pays de l’Union Européenne trouvent les moyens de surmonter leurs divergences et leurs intérêts immédiats. Ceux qui ont le moins souffert s’ils refusent la solidarité envers les autres qui sont aussi leurs principaux clients, devront vite se rendre à l’évidence.  Ils ne peuvent condamner l’Union à l’impuissance et par là même risquer de la voir sérieusement remise en cause. Si l’union Européenne ne permet pas de faire face solidairement à une telle crise, elle perd une grande partie de sa justification. Faire plus et mieux ensemble que chacun séparément, peser ensemble significativement sur le reste du monde, en être moins dépendant, tenir ses promesses de prospérité et défendre ses valeurs humanistes sont les raisons de son existence.

Cette dimension internationale de la crise ne signifie pas pour autant que l’action au niveau national est devenue obsolète. Pour qu’il y ait une coordination supranationale encore faut-il qu’il y ait des niveaux nationaux à coordonner. Par exemple chacun s’accorde à penser qu’il n’est plus possible d’être dépendant de la Chine pour les médicaments et le matériel médical. Il est peu probable que chaque pays puisse seul fabriquer tout ce qui lui est indispensable à ce niveau, à un prix compétitif dans une économie ouverte. Par contre il est concevable de le faire au niveau européen.

La souveraineté nationale et européenne permet de conserver un espace de décision politique pour faire valoir des préférences collectives (notion développée par Dani Rodrik, économiste américain) qui ne sont pas partagées par d’autres pays. Il faut donc réduire la mondialisation de sorte que les préférences collectives sur lesquelles chaque nation bâtit son contrat social sont respectées. Même si certains y aspirent, Il parait difficile de déconstruire totalement la mondialisation. Il est plus envisageable de la réduire en préservant les activités stratégiques notamment en matière de santé, d’éducation, d’énergie, de transport, de culture. La souveraineté collective nationale et européenne doit permettre le dépassement de la société de marché. La conception du rôle de l’État doit être transformée à l’occasion de cette crise.

Sans oublier la transition écologique

Avant la crise sanitaire et ses conséquences économiques, la prise de conscience du réchauffement climatique pouvait laisser penser que nos sociétés finiraient par s’engager dans la voie de la transition écologique. L’arrêt de la production et de la consommation dans une grande partie du monde a entrainé une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre. Cela confirme, s’il en était besoin, le lien entre l’activité humaine et le réchauffement climatique.  Cela n’empêche pas les adeptes du néolibéralisme de vouloir revenir au plus vite au monde d’avant.

Les États ne doivent pas se contenter de faire les pompiers. Les fonds publics indispensables à la relance économique doivent permettre à la puissance publique de retrouver sa place centrale. Il faut restaurer une approche planifiée et stratégique, et ne pas s’en remettre uniquement au marché. Et dans le contexte mondialisé cela doit se faire de manière coordonnée au niveau européen. Il faut regagner de la souveraineté économique dans les secteurs stratégiques et organiser la transition écologique. Il ne faut pas injecter de l’argent à l’aveugle, ce serait contre-productif. Il faut orienter les investissements dans le respect de la transition écologique. En clair, à titre d’exemples, ne pas relancer l’industrie automobile sans se préoccuper de la conversion vers la voiture propre, ni de s’engager sur un plan de soutien à l’aérien sans un engagement à moins polluer. Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique les propositions sont nombreuses pour relancer l’emploi, notamment dans l’agriculture et l’industrie, et mettre en avant les métiers essentiels pour la satisfaction des besoins sociaux.

25 avril 2020

Auteur/autrice : Maurice

Retraité, diplômé en sciences économiques, j'ai été enseignant, chercheur en sciences sociales, syndicaliste, mutualiste militant, chef d'entreprise d’économie sociale. Depuis mes études je suis intéressé par l'épistémologie en sciences sociales et la pluridisciplinarité. J'ai créé ce blog pour m'exprimer et échanger avec ceux qui le souhaitent.

Une réflexion sur « Le monde tangue »

  1. Comme toi, je pense que l’Europe a un grand rôle à jouer dans l’organisation future des ressources. En aura t elle la volonté et le courage ?
    Le retour au système préexistant est un objectif des pouvoirs financiers. Il suffit de voir les démarches des groupes industriels pour demander un moratoire dans la transition écologique qui était pourtant plus que molle !
    Leurs choix sont clairs : le fric d’abord , la santé après. La nomination de Castex comme conseiller au de confinement est révélatrice. Voilà un énarque bon teint qui s’est illustré dans la rationalisation des hôpitaux avec les conséquences connues.
    Sa place devrait être dans les poubelles de l’histoire.

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