La publicité utilise souvent l’expression « vu à la télévision » pour convaincre que le produit présenté est un bon produit. C’est sans doute pourquoi les milliardaires sont friands de contrôler les médias quelle qu’en soit la forme, presse quotidienne, radios, télévisions classiques ou d’information continue. Nous pouvons nous interroger sur les raisons de cet engouement pour les médias des grandes fortunes de ce pays. J’ai ma réponse mais elle pourrait vous paraître très subjective donc je me contenterai de vous donner quelques exemples vécus qui sont certainement fortuits (sic).

Trouver 44 milliards d’économie pour le budget 2026
Dans une chaîne d’information continue privée, lors d’une émission de grande écoute, à propos de la nécessité de réagir à l’endettement de la France, il est question du rapport de la commission sénatoriale sur l’utilité des aides publiques aux entreprises. Cette commission est présidée par un sénateur « Les républicains » et le rapporteur est un sénateur du « Parti communiste Français ». Elle évalue le montant de ces aides à 211 milliards d’euros en 2023.

Est-ce qu’il ne faut pas se tourner vers les entreprises pour alimenter les 44 milliards d’économie que veut faire le gouvernement ? demande l’animateur. Le débat s’engage et le rapport sénatorial, selon tous les journalistes présents sur le plateau, devient la position du sénateur communiste qui mélange des pommes et des poires et qui instrumentalise des chiffres pour des objectifs politiciens. En fait ces 211 milliards sont au mieux à réduire à 112 milliards. Le débat se termine sur l’affirmation qu’il faut cesser de s’attaquer aux entreprises qui sont sources de richesse et si l’on continue à stigmatiser les riches, les grandes fortunes quitteront le pays…

Il n’est dit à aucun moment que la commission a dû évaluer elle-même le montant des aides car aucun service de l’État n’a été capable de le faire. Aussi paradoxale que cela paraît le ministère de l’économie ne comptabilise pas ces aides car elles sont trop diverses. Le rapport du Sénat précise qu’il additionne aides directes, allègements fiscaux, allègements de cotisations sociales mais en excluant les aides des collectivités locales et les aides européennes. Donc le montant est probablement plus élevé. Non seulement l’État est incapable d’en chiffrer précisément le montant mais ces aides ne font l’objet d’aucun suivi. Le rapport du Sénat fait une série de propositions pour améliorer la situation. Sur le plateau aucun des participants ne trouve intéressant d’en parler. Ils oublient aussi de préciser que le rapport a été voté à l’unanimité des membres de la commission composée de membres appartenant à tous les partis politiques représentés au Sénat.
Mensonges par omission et dérives idéologiques caractérisent cette séquence.
Savez-vous que les dealers touchent des aides sociales ?
Autre exemple sur la même chaîne quelques jours auparavant. L’animateur, différent du précédent, interpelle le plateau « savez-vous que les dealers touchent des aides sociales ? » Tous les participants sont dubitatifs mais le débat s’installe et l’animateur insiste. Les dealers gagnent beaucoup d’argent non déclaré, donc ils peuvent bénéficier d’aides sociales. D’ailleurs un maire du sud vient de lancer une alerte et prendre des dispositions pour trouver une solution à cette anomalie. Là il ne s’agit pas d’une infox mais simplement de la manière de présenter les choses. Cette présentation est faite au milieu d’un débat sur l’importance des aides sociales en France. Le message implicite est que ces aides sont bien trop généreuses et sont à l’origine du déficit budgétaire auquel la France doit faire face. L’animateur pouvait simplement annoncer qu’on vient de s’apercevoir qu’il est possible d’avoir des aides sociales quand on a des revenus non déclarés ce qui est le cas notamment des dealers, ce que vient de dénoncer à juste titre un maire. Il n’est pas précisé au cours de l’émission l’importance relative de cette fraude ni si elle est quantitativement significative.

Une présentation sous forme de provocation qui permet de stigmatiser l’importance des aides sociales.
Les jeunes salariés se voient prélevés de 37% pour financer les retraites
Autre exemple, toujours sur la même chaîne qui débat de la dernière sortie du premier ministre accusant les « boomers » de léguer à leurs enfants et petit enfants la charge du remboursement de la dette. Cette fois-ci le plateau n’est pas unanime et estime globalement que les choses ne sont pas aussi simples. Difficile de mettre en cause les personnes âgées et de leur faire supporter des années d’erreurs collectives. Mais une journaliste s’enflamme et prétend que les jeunes salariés aujourd’hui, tout cumulé, se voient prélevés de 37% de leur salaire brut pour financer les retraites des « boomeurs ». Elle affirme la hauteur du prélèvement sans jamais apporter de détail sur ce calcul. Aucun des participants n’a posé une question relative à ce chiffrage qui ne me parait pas refléter la réalité. Aller dans le sens du chef du gouvernement et argumenter sans preuve pour opposer les français les uns contre les autres ne me semble pas très professionnel pour une journaliste. Le débat débouche sur la nécessité de réformer le système de retraite qui comme tous « les exorbitants avantages sociaux » sont à l’origine de la dette. C’est bien connu le déficit budgétaire sert principalement à payer les retraites. Des tableaux sont publiés pour le démontrer. On oublie de préciser que le système de retraite du secteur privé est quasi équilibré et que les chiffres avancés par le gouvernement intègrent les retraites du secteur public qui pèsent directement sur le budget.

Pour le coup il est possible de se demander qui utilise des chiffrages non étayés pour justifier des objectifs politiciens ?
Pour conclure …
Ces quelques exemples n’ont pas la prétention de démontrer que toute l’information dans le pays est biaisée. J’aurais pu évoquer les médias du groupe Bolloré qui, en se prétendant presse d’opinion, prennent ouvertement faits et causes pour les thèses des partis d’extrême droite. Il s’agit simplement d’inviter nos concitoyens à réfléchir sur le fait que si c’est dit à la télé ou dans le journal, ce n’est pas forcément vrai. Il vaut mieux multiplier ses sources d’information avant de se faire une opinion. Malheureusement cela n’est pas possible pour tout le monde. Cela fait partie des nombreuses inégalités de notre monde.