Pourquoi n’étions-nous pas prêts ?

Nous constatons que la quasi-totalité des pays occidentaux ont été pris de court par la pandémie de coronavirus. Pourtant il ne manquait pas de lanceurs d’alerte nous mettant en garde contre les risques de développement de nouvelles maladies. Mais comme je l’indiquais dans mon article précédent les thèses néolibérales sont devenues le guide plus ou moins avoué des politiques économiques des pays occidentaux et européens en particulier. Il fallait réduire les déficits budgétaires, déréglementer, libéraliser, privatiser au plus vite le maximum de secteurs. La politique sanitaire des États en a fait les frais.

Le cas de la France est particulièrement intéressant. Rappelons-nous de la violente mise en cause de la ministre de la santé en 2009 pour la politique qu’elle avait mis en place pour lutter contre l’épidémie de la grippe provoquée par le H1N1. Elle avait commandé en masse masques et vaccins. A l’automne 2009, la France compte un stock de 1,7 milliards de masques. Que sont-ils devenus ?

C’est Claude LE PEN, spécialiste de l’économie de la santé, professeur à l’Université Paris-Dauphine, qui nous fournit l’explication dans un article publié dans Le Monde daté du 31 mars 2020. A la suite de l’épidémie de grippe aviaire (H5N1) le gouvernement de l’époque a fait adopter en mars 2007 la « Loi relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur ». Cette loi mettait en place la réserve sanitaire et créait « l’Eprus », établissement public de préparation et de réponse aux urgences sanitaires. Sa mission principale était « l’acquisition, la fabrication, le stockage, la distribution et l’exportation des produits nécessaires à la protection de la population face aux mesures sanitaires graves. »

La crise H5N1 avait mis en évidence diverses faiblesses dans la réponse logistique de l’État. Cet établissement a eu les moyens d’acheter des millions de vaccins, d’aiguilles d’embouts et pipettes, de traitements antibiotiques, et antiviraux, des masques de filtration et chirurgicaux, des tonnes de substances actives en cas de pandémie grippale, des tenues de protections, des équipements de laboratoires et des extracteurs ADN/ARN.

Lors de la crise du H1N1 de 2008-2009, la haute administration a eu le sentiment d’en avoir trop fait et d’avoir surestimé la crise. La cour des comptes a estimé que des fonds publics ont été gaspillés inutilement. L’État s’est ainsi convaincu qu’une réduction de la voilure était nécessaire. Le budget de l’Eprus a été réduit et les stocks n’ont pas été renouvelés. En 2011 un changement doctrinal de l’État a conduit à distinguer deux types de stocks pour les produits médicaux, les stocks « stratégiques » à vocation nationale détenus par l’État avec l’Eprus et les stocks « tactiques » confiés aux établissements de santé pour les besoins locaux. Cela a fragmenté le dispositif d’autant que les hôpitaux ont été soumis à une très forte pression budgétaire et ne se sont pas suffisamment dotés..

De plus l’Eprus a disparu et a été noyé en 2016 dans le nouvel institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique appelé « Santé publique France » . Dans cette intégration se mélangent des questions importantes de santé publique avec la gestion logistique des menaces virales. Cela a conduit à démanteler un remarquable dispositif de préparation à une crise sanitaire majeure estime le professeur Claude LE PEN.

Nous voyons donc qu’en plus de l’obsession de la réduction des déficits budgétaires « quoiqu’il en coûte», la certitude que le monde était à l’abri de tout danger épidémique majeur entrainant un changement doctrinal et institutionnel, explique les cruels manques de produits et de matériel auxquels nous devons faire face.

A l’issue de la crise actuelle, l’État disposera sans doute d’un stock de produits de santé équivalent à celui de 2007. Il lui faudra se préserver de l’immédiateté financière et conserver une vision sur longue période pour protéger la santé publique et  éviter que l’histoire se répète.

31 mars 2020

Le Covid 19 révèle les revers de la mondialisation

La mondialisation

La mondialisation c’est d’abord la mondialisation de l’économie mais elle comporte aussi de nombreux autres aspects : les flux internationaux des idées et des connaissances, le partage des cultures, la société civile mondiale, l’avenir écologique de la planète etc.… Sur le plan économique, ce que l’on appelle maintenant la globalisation de l’économie, l’intégration économique croissante des pays du monde par intensification des flux de biens et de services, de capitaux et même de main d’œuvre.
Les tenants de la mondialisation affirment qu’elle va améliorer le sort de tous, élever les niveaux de vie dans le monde entier, ouvrir les marchés extérieurs aux pays pauvres pour leur permettre de vendre leurs produits, développer les investissements étrangers dans les pays pauvres pour leur permettre de produire de nouveaux produits à meilleur prix, ouvrir les frontières pour permettre la circulation des hommes et des produits pour le bien de tous. Ce qui sous-tend cette affirmation c’est la pensée économique libérale qui a muté à partir des années 1980 en un rameau néolibéral.
Dans les années 1990, le « consensus de Washington » établi par le Fond Monétaire International (FMI), la Banque mondiale, le Trésor des États-Unis, préconisait de réduire l’intervention des États afin de réduire les déficits budgétaires, de déréglementer, de libéraliser, de privatiser au plus vite le maximum de secteurs (voir mon article de décembre 2019 sur la mondialisation).
C’est sur cette base que les politiques économiques se sont déployées dans presque tous les pays.

La crise financière de 2008 a fait la démonstration que contrairement à l’idéologie néolibérale le « laisser faire » ne conduit pas à l’équilibre. Les banques ont été jugées « trop grosses pour faire faillite ». Les gouvernements les ont perfusées d’euros et de dollars pour éponger les frasques de financiers cupides et irresponsables. Mais cela n’a pas entrainé une remise en question de la doxa néolibérale.

La crise sanitaire

En ce début d’année 2020 nous sommes confronté à une nouvelle crise : le coronavirus apparu en Chine est en train de se généraliser sur toute la planète. Les scientifiques estiment que cette maladie est un réel danger. La Covid-19 est au moins autant contagieuse que la grippe saisonnière mais est surtout beaucoup plus mortelle. Les modalités de transmission sont multiples. La transmission se fait de personne à personne mais aussi au contact de surfaces ou d’objets sur lesquels le virus est présent. Les médecins n’ont pas à ce jour de traitement pour l’éradiquer. Ils recommandent la vigilance, la protection et le confinement associé à des mesures de distanciation sociale et d’hygiène.

Les mesures de confinement sont le seul moyen efficace de lutter contre la propagation de l’épidémie. Encore faut-il qu’il soit plus rigoureux et que, avec les soignants, seuls les secteurs essentiels puissent continuer à travailler notamment l’équipement médical, l’alimentaire, les transports, le nettoyage et le traitement des déchets.

Les soignants à l’hôpital et dans les cabinets médicaux demandent pouvoir exercer leur métier sans se mettre en danger ni mettre en danger leurs patients. Ils manquent de masques, de gants, de blouses, de matériels médicaux. L’utilisation de tests est réclamée par certains. Toutes ces demandes mettent en évidence notre dépendance vis à vis d’autres pays. Nous n’avons pas de tests en suffisance car les réactifs sont importés principalement d’Asie, avec difficulté. Nous n’avons pas de stocks suffisant de gants car ils ont été réduits pour des raisons de restriction budgétaire. Ces manques sont les conséquences de la désindustrialisation de notre économie et de la réduction des dépenses publiques.

La crise sanitaire s’est abattue sur un service public de santé affaibli et met en lumière les tares de notre système de soins. Comme l’explique le professeur de médecine André GRIMALDI, l’État a abimé l’hôpital public depuis des années, depuis qu’a commencé le règne des économistes de pensée libérale ou néolibérale pour qui les activités humaines doivent être mesurées, valorisées, et mise en concurrence sur un marché. La tarification à l’activité a mis la santé dans une logique de marché. C’est l’entrée du « new public management » dans l’hôpital.

Les médicaments sont devenus des marchandises comme les autres. Les laboratoires abandonnent la production des principes actifs à l’Inde et à la Chine au nom de la rentabilité. Les stocks deviennent une immobilisation financière. L’hôpital devient une entreprise aux mains de managers. On ne répond plus à des besoins on gagne des parts de marché. On travaille à flux tendus. La novlangue a envahi l’hôpital et s’est emparée des esprits. C’est ce qui explique la diminution des lits de réanimation, le manque de médicaments, la pénurie de masques et de tests, etc…

Nous payons cash l’application dogmatique des mesures préconisées par le néolibéralisme.

Le Président de la République, dans son allocution du 12 mars 2020, ne dit pas autre chose. Il a déclaré que « la santé gratuite sans condition de revenus, de parcours ou de profession, notre État-providence, ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe » et que « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie à d’autres est une folie, nous devons en reprendre le contrôle ». Il a aussi promis qu’il assumera « dans les prochaines semaines, les prochains mois des décisions de rupture en ce sens ».

C’est un discours humaniste auquel le Président ne nous a pas habitué. Attendons la suite.

Mars 2020

Libres propos sur la République, la Liberté, l’Égalité, la Fraternité et la Laïcité

La devise de la République est « Liberté, égalité, fraternité ». Nous pouvons lire cette devise sur les frontons des édifices publics. Depuis quelques années la laïcité occupe une place importante dans le débat public. Ce thème est indissociable de notre république. C’est pourquoi il m’est apparu intéressant de réfléchir sur « la République, la Liberté, l’Égalité, la Fraternité et la Laïcité », ces mots qui sont constitutifs de notre état de citoyen.

LA REPUBLIQUE

Le mot république vient du latin « res publica » c’est-à-dire « la chose publique ». Étymologiquement la « res publica » c’est le bien commun à tous, à distinguer de « la chose privée » propre à certains.
La république avec un « r » minuscule désigne un régime politique où les dirigeants sont désignés par le peuple ou ses représentants. Un régime où la souveraineté et la légitimité du ou des chefs provient du peuple directement ou de ses représentants. C’est un régime politique antinomique des régimes comme la royauté où la souveraineté ne vient pas des hommes mais est de droit divin. A la révolution française s’est établi à la suite de la monarchie un régime politique qui est baptisé « république ». En conséquence de l’abolition de la royauté la première république française est proclamée. La République française est la fille de la révolution.


1792 première République. 1848 deuxième République, 1875 troisième République, 1946 quatrième république et 1958 cinquième République. Aujourd’hui, à part quelques illuminés nostalgiques de l’ancien régime, personne ou presque n’envisage de sortir de la République pour revenir à la royauté.
La République, avec un R majuscule, est l’ensemble des éléments de la puissance publique propre à un État qui a choisi comme forme de régime politique la république. Cet État est accessible également à tous ses citoyens et est la propriété collective de tous. La chose publique comprend tout ce qui est public dans un pays donné, le domaine public (les routes, les fleuves, le domaine maritime, …), les services publics, la justice, les lois et règlements d’administration publique, le gouvernement, le parlement, la force publique etc… donc tout ce qui n’est pas privé. La République est propre à un État donné mais est indépendante de la forme de gouvernement. Le mot république est souvent confondu avec le mot démocratie par opposition avec le despotisme. Mais l’histoire de France montre que la République n’est pas forcément démocratique.
La république est aujourd’hui la forme de régime politique la plus répandue dans le monde : sur 193 pays, 136 sont des républiques, 34 des royaumes ou sultanats, trois des principautés et neuf des unions ou fédérations qui peuvent mélanger plusieurs formes d’États.

En France la constitution de 1958 est le texte fondateur de la Ve République. Adoptée par référendum le 28 septembre 1958, elle organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. Elle est le quinzième texte fondamental de la France depuis la Révolution Française (ou le vingt-deuxième si l’on compte les textes qui n’ont pas été appliqués).
Norme suprême du système juridique français, elle a été modifiée à vingt-quatre reprises depuis sa publication par le pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès, soit directement par le peuple à travers l’expression du référendum. Son Préambule renvoie directement et explicitement à trois autres textes fondamentaux : la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la constitution de 1946, la charte de l’environnement de 2004.

La constitution de 1958 dans sa forme actuellement en vigueur précise :
Article 1 – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.
Article 2 – La langue de la République est le français.
L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L’hymne national est la « Marseillaise ».
La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Article 3 – La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.
Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques.
Article 4 – Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.
Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l’article 1er dans les conditions déterminées par la loi c’est-à-dire l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.
La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.

Ces quatre articles contiennent l’essentiel des principes sur lesquels repose l’organisation de l’État en France. – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Les partis et groupements politiques contribuent à l’exercice de la démocratie. La loi garantie les expressions pluralistes des opinions.

Les principes c’est une chose et la pratique une autre. Les différentes modifications de la constitution de 1958 et sa pratique font qu’elle est qualifiée de monarchie républicaine. De plus en plus de voix s’élèvent pour souhaiter une sixième république plus en conformité avec ces principes.

LA LIBERTE

La constitution dans son préambule fait référence explicitement à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui indique que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Elle définit la Liberté comme ce qui consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.
La Loi n’a le droit d’empêcher que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas interdit par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. En clair dans une république démocratique tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Si l’on ne peut faire que ce qui est autorisé alors nous sommes dans une société dictatoriale où l’État décide de ce qui peut être fait, ce qui est contraire aux droits de l’homme et à la liberté de chacun.


La liberté doit être très large mais elle n’est pas illimitée, elle s’arrête à partir du moment où elle nuit à autrui. Certains comme les libertariens défendent la liberté sans limite ce qui ne peut qu’aboutir à la loi du plus fort. Toute société qui n’organise pas les limites de la liberté dans le respect de chacun ne peut que mener à ce que certains soient plus libres que d’autres. Donc chaque citoyen est libre dans un cadre donné défini par la loi.
La loi garantit l’expression du pluralisme des opinions et donc la liberté de conscience.
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi (article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen).

L’EGALITE

L’article 1 de la constitution précise que la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.
Les hommes naissent égaux en droit mais que se passe-t-il après la naissance ? La République nourrit ses enfants et les instruit. L’histoire nous prouve que l’égalité des droits n’empêche pas les inégalités.

Même si tous les gouvernants affirment orienter l’action de la puissance publique dans le sens d’une plus grande égalité entre les citoyens, nous voyons bien, notamment ces dernières années, que les inégalités s’accroissent.

Les privilèges de la naissance ont été abolis sans complètement disparaitre et ont été remplacé par les privilèges de la richesse économique qui se répercute sur le plan culturel, social et régional. Même l’école qui a été un formidable instrument d’éducation et d’émancipation reste encore trop un facteur de reproduction sociale.

LA FRATERNITE

Pendant la Révolution française « Salut et fraternité » est le salut des citoyens. A cette époque il est institué des fêtes nationales pour conserver le souvenir de la Révolution et entretenir la fraternité entre les citoyens et les attacher à la constitution. Il ne fait pas de doute que l’introduction de la fraternité dans la devise républicaine y trouve son origine.
La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies à Paris en 1948 parle de la notion de fraternité dans son article premier : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

Il ne faut pas confondre fraternité et solidarité comme c’est souvent le cas. La devise républicaine invite, en vertu de l’unité du genre humain, de l’égalité entre les hommes, de l’égale dignité de l’homme et de la femme, du respect des droits de chacun, de l’humanisme, à considérer l’autre comme mon frère. La fraternité républicaine n’est pas une fraternité de l’immédiateté, fusionnelle et sentimentale. C’est la constitution d’esprits libres décidés à défendre les droits de tous. Les sujets libres et égaux en droit sont frères parce qu’ils produisent la chose publique qui à son tour les unit.
Si je dis que l’autre est mon frère, cela signifie qu’il est un autre moi-même. Qu’il a les mêmes droits que moi, mais que je lui dois, comme je me le dois à moi-même, le respect de ce qu’il est, la volonté de le voir grandir de la même façon que je travaille à ma propre croissance. Je lui dois de l’attention et de la bienveillance.

Mais ne faisons pas preuve de naïveté excessive, il y a parfois loin de l’idéal à la réalité. Là aussi l’histoire nous enseigne que la volonté de fraternité entre les hommes ne permet pas d’éviter les conflits meurtriers individuels et collectifs.
Comme l’écrit Victor Hugo dans « Le Droit et la loi », Liberté, Égalité, Fraternité sont les trois marches du perron suprême. La liberté, c’est le droit, l’égalité, c’est le fait, la fraternité, c’est le devoir. Tout l’homme est là.
Depuis des années de glissements en glissements l’idéologie différentialiste se fait entendre et est en passe de devenir l’idéologie dominante. Le racisme avance, l’antisémitisme ressurgit, l’homophobie s’installe, l’indifférence vis-à-vis des plus faibles s’étend … Il faut réaffirmer une conception de l’humanité qui transcende les héritages biologiques, sociaux, culturels et religieux et restaurer l’universalisme républicain qui seul libère l’individu et bâtit le collectif. La fraternité est la condition d’un cadre commun qui permet l’émancipation de tous.

LA LAÏCITE

Nous pouvons constater que la laïcité a été malmenée depuis quelques décennies. Paradoxalement c’est dans une période caractérisée par une majorité croissante de non croyants que nous assistons à un retour de la question religieuse dans tous les domaines de la vie sociale et civile. Les fondamentalistes de tout poil prétendent imposer leur vérité à l’ensemble de la société.
L’article 2 de la constitution de 1958 cité en début de cet article précise que :
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.

La laïcité c’est
• la liberté de conscience qui ne peut se réduire à la seule liberté religieuse qui n’en est qu’une version particulière,
• l’égalité de droits de tous les citoyens quelles que soient leurs convictions,
• le primat de l’intérêt général, du bien commun à tous.

La laïcité est une règle de vie en société démocratique. Elle impose que soient donnés aux hommes, sans distinction de classe, d’origine, de confession, les moyens d’être eux-mêmes, libres de leurs engagements, responsables de leur épanouissement et maîtres de leur destin.

La laïcité est un idéal d’émancipation.
La laïcité est un idéal qui permet à tous, croyants et athées, de vivre ensemble sans que les uns ou les autres soient stigmatisés en raison de leurs convictions particulières.
L’État laïque incarne la promotion simultanée de la liberté de conscience et de l’égalité, de la culture émancipatrice et du choix sans entrave de l’éthique de vie personnelle.

L’école laïque a pour tâche de réaliser cette émancipation. Elle doit tenir à distance la société civile et ses fausses urgences. La laïcité à l’école c’est le fait de refuser aux puissances de conditionnement d’entrer dans les classes, d’ouvrir à chaque esprit la chance de penser sans tutelle, sans emprises.
L’acquisition de savoirs et l’élévation culturelle sont les instruments d’une émancipation individuelle et collective. L’émancipation par l’instruction doit être à la portée de tous c’est-à-dire gratuite, obligatoire, laïque, et la puissance publique doit en assurer la promotion partout et pour tous.
L’école laïque fournit à la liberté de conscience le pouvoir de juger qui lui donne sa force.

L’enseignement public doit être affranchi de tout prosélytisme religieux ou idéologique.
C’est en vertu de ce principe qu’il est inconcevable d’apposer sur le mur de la classe une croix, un croissant ou une étoile de David symbole d’une religion. C’est aussi la raison de l’interdiction du voile et de tout signe ostentatoire d’appartenance religieuse à l’école.
De même impensable dans un État laïque d’orner les salles de tribunaux ou les chambres d’hôpitaux publics de signes religieux ou de faire prêter serment sur la bible ou le coran.

L’école est un moyen de transmission du savoir mais c’est aussi le moyen de fabriquer une communauté nationale de citoyens.

L’humanisme laïque repose sur le principe de la liberté absolue de conscience.
Liberté de l’esprit c’est à dire émancipation à l’égard de tous les dogmes ; droit de croire ou de ne pas croire en Dieu ; autonomie de la pensée vis-à-vis des contraintes religieuses, politiques, économiques ; affranchissement des modes de vie par rapport aux tabous, aux idées dominantes et aux règles dogmatiques.
La laïcité vise à libérer l’enfant et l’adulte de tout ce qui aliène ou pervertit la pensée, notamment les croyances ataviques, les préjugés, les idées préconçues, les dogmes, les idéologies opprimantes, les pressions d’ordre culturel, économique, social, politique ou religieux.
La laïcité vise à développer en l’être humain, dans le cadre d’une formation intellectuelle, morale et civique permanente, l’esprit critique ainsi que le sens de la solidarité et de la fraternité.
La laïcité vise dans ce contexte à donner les moyens à l’être humain d’acquérir une totale lucidité et une pleine responsabilité de ses pensées et de ses actes.

La liberté d’expression est le corollaire de la liberté absolue de conscience. Elle est le droit et la possibilité matérielle de dire, d’écrire et de diffuser la pensée individuelle ou collective.

Le refus du racisme et de la ségrégation sous toutes ses formes est inséparable de l’idéal laïque. La société ne peut pas être la simple juxtaposition de communautés qui, au mieux s’ignorent, au pire s’exterminent.
L’éthique laïque mène inévitablement à la justice sociale : égalité des droits et égalité des chances. L’éducation laïque, l’école, le droit à l’information, l’apprentissage de la critique sont les conditions de cette égalité.
La séparation des Églises et de l’État est la pierre angulaire de la laïcisation de la société.
Elle ne saurait souffrir ni exception, ni modulation, ni aménagement. Cette séparation est la condition de son existence. Elle est la seule façon de permettre à chacun de croire ou de ne pas croire en libérant les églises elles-mêmes des logiques de liaisons conventionnelles avec l’État. Si les églises veulent exister, que les fidèles leur en fournissent les moyens, la religion étant affaire de conviction personnelle.
Si l’État garantit la totale liberté des cultes comme de l’expression et de la diffusion de la pensée, il n’en favorise aucun, ni aucune communauté, pas plus financièrement que politiquement.
La loi républicaine ne saurait par conséquent reconnaître le délit de blasphème ou de sacrilège qui déboucherait inévitablement sur l’institutionnalisation de la censure.
La première manifestation du caractère laïque d’un pays est l’indépendance de l’État et de tous les services publics vis-à-vis des institutions ou influences religieuses.

La laïcité n’est pas une notion passéiste mais au contraire une idée de progrès.
La laïcité est action et volonté. Elle implique la plénitude de l’égalité de traitement, par la République, des athées et des croyants. Cette égalité est la condition d’une véritable fraternité, dans la référence au bien commun, qui est de tous.
Dans l’Église catholique, le laïc, avec un « c », est un simple fidèle par opposition au clerc investi d’une mission officielle dans l’organisation ecclésiastique.
Laïque, avec « que », découle de la même racine, du terme grec laos qui veut dire peuple, population comprise dans son unité. Laïque signifie indépendant de la religion. La laïcité implique l’égalité des droits sans distinction de convictions personnelles. Laïque ne s’oppose pas à religieux mais à clérical. L’esprit clérical, c’est la prétention des clercs à dominer au nom d’une religion. La laïcité ne se confond pas avec l’athéisme et ne se réduit pas au combat anticlérical.

Admettre que chacun puisse à titre individuel ne pas croire ou pratiquer le culte de son choix sans que la société n’en impose aucun est un principe qui consiste à laisser chacun libre de ses choix selon ses propres règles morales avec pour seule limite de ne pas nuire à autrui, sans subir celles que lui imposerait la religion ou n’importe quelle idéologie totalitaire d’État.

L’humanisme laïque est le ciment qui donne toute sa force et sa plénitude à la devise républicaine.

avril 1919

L’Humain, les sciences et la technologie

Il est d’une grande banalité de dire que nous sommes dans un monde en pleine mutation. Mais l’histoire de l’humanité n’est-elle pas l’histoire de son évolution ? A chaque période l’homme pense qu’il vit une accélération du changement. Nous n’échappons pas à cette vision. Plus le temps passe plus l’action de l’homme accélère ces mutations. Sommes-nous arrivés à un moment où l’accélération est telle que l’homme va être submergé par ses propres créations ? Ou, est-il encore temps d’œuvrer à la maîtrise de ces bouleversements ? Quels rapports entre l’humain, les sciences et les technologies ?

N’ayant pas de prétention encyclopédique je me limiterai en matière de mutations technologiques à ce qu’on appelle les NBIC, nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives. Je verrais dans un premier temps la notion d’humain puis succinctement les NBIC et le Transhumanisme pour terminer par les rapports entre sciences, technologies et progrès de l’humanité.

Qu’est-ce que l’humain ?

Dans « L’Origine des espèces » DARWIN bouleverse la façon de concevoir l’humain. Il propose une théorie de l’évolution qui modifie la place de l’homme. Sa thèse majeure est la sélection naturelle. Elle résulte des variations innombrables et aléatoires qui se produisent dans l’anatomie des individus et leur conservation ou leur élimination en fonction des avantages qu’elles présentent ou non pour la survie de l’espèce. Les espèces animales ne sont pas fixes et immuables telles que le Créateur les avait conçues comme le prétendent certains. La vie se façonne et se transforme dans le temps sur des populations très importantes sans que la moindre intention ne dicte ces changements. Ce ne sont pas les plus forts physiquement qui sont sélectionnés mais ceux qui peuvent s’adapter à leur environnement.
L’être humain n’est pas une exception. Son anatomie, sa physiologie, sa biologie sont identiques à celles des grands singes. Pour DARWIN tout est évolutif. L’histoire des espèces passe graduellement et d’elle-même, des protozoaires aux mollusques, des reptiles aux vertébrés, des grands singes à l’homme. L’homme n’est pas à part, il s’inscrit dans l’évolution, il est un animal parmi les animaux. Il n’y a pas rupture mais continuité.

Charles DARWIN

Depuis de nouveaux travaux ont conforté cette théorie de l’évolution établissant que c’est dans les gènes qu’interviennent les variations produisant les différences individuelles sur lesquelles s’exerce la sélection naturelle. L’évolution se fait au hasard d’accidents génétiques entrainant des mutations dont certaines permettent l’adaptation à l’environnement.

L’humain n’est pas un animal tout à fait comme les autres ! La raison est constitutive de son humanité. Il dispose de la parole. Le langage est au cœur de toutes les constructions et activités humaines. Il constitue la voie d’accès privilégiée à toutes les créations humaines, qu’il s’agisse des rites religieux, de l’organisation du pouvoir, des mythes, du psychisme, de l’intime, du social … Il existe chez l’homme des pensées, des désirs, des émotions. FREUD parle aussi de pensées qui peuvent échapper à la conscience totalement ou partiellement. L’inconscient psychique est le résultat de conflits enfouis et oubliés, mais toujours actifs. L’humain est un être singulier, sexué, divisé entre pensées consciente et inconsciente, qui parle, crée, rêve, s’inquiète … L’homme n’est pas que biologique. L’homme sait qu’il va mourir et c’est sans doute ce qui le motive à donner un sens à sa vie.

L’humain n’est pas pensable isolément. Le sens ne surgit que de la relation à l’autre. Cette relation à l’autre est constitutive de l’humain. Elle le construit, le façonne et lui permets d’exister. Sa propre subjectivité émerge de tout ce que les autres tissent, par leur existence, leurs discours, leurs désirs, leur présence. Par imitation, échange, opposition, ses connaissances, ses goûts, ses convictions se sont formés et développés en relation avec les autres.
Sa subjectivité est entièrement issue d’une intersubjectivité. L’individu émerge d’un vaste réseau qui existe avant lui, sans lui, hors de lui. Sa singularité résulte du mélange constitué de ces éléments. Humain n’a de sens que sur fond d’exigence éthique, de société et d’histoire. L’intersubjectivité occupe le centre de l’existence et de l’identité humaine. L’individu évolue et se constitue autrement à mesure que bougent les techniques, l’histoire et les sociétés. Il se construit différemment, s’inscrit dans de nouveaux schémas.
Les mutations scientifiques et techniques ont des effets profonds sur l’identité humaine. Le progrès médical a provoqué au XXème siècle un allongement considérable de la vie. Dans le même temps la médecine brouille la définition de la mort. Les enfants qui naissent aujourd’hui ont une espérance de vie de cent ans. La procréation médicalement assistée ne permet pas simplement la naissance d’enfants qui autrement ne seraient pas nés. Elle modifie le désir même d’enfant. Savoir ce qui nous a permis de venir au monde est une question centrale de notre identité subjective. Notre rapport à la santé, à la douleur, au temps, à la mort et à la transmission de la vie, notre manière de nous représenter l’humain et son évolution sont en train de changer. Cela constitue une cassure par rapport à la totalité de l’expérience humaine, ce que Marcel GAUCHET, philosophe, appelle une « rupture anthropologique ».

Les NBIC et le Transhumanisme

• Les nanotechnologies

Un nanomètre est égal à un milliardième de mètre. Il y a le même rapport de taille entre la Terre et une orange qu’entre une orange et une nanoparticule. La physique quantique est la science qui explique le monde de l’infiniment petit, à l’échelle atomique.
Il est devenu possible de déplacer les atomes un par un. A partir de nano objets, les physiciens font évoluer la nanoélectronique, l’électromagnétisme et l’optique.
La nanotechnologie est déjà à l’œuvre dans beaucoup de secteurs qui touchent à la vie quotidienne, depuis les cosmétiques jusqu’à internet en passant par la carte de fidélité des firmes de la grande distribution. Autant de moyens de nous situer, de nous pister, de connaître nos centres d’intérêt, nos achats, notre consommation etc…
Les nanotechnologies permettent de manipuler la matière et de construire de nouvelles structures à l’échelle du nanomètre c’est-à-dire la taille de quelques atomes. Elles ouvrent la voie à la fabrication de matériaux nouveaux mais aussi à des applications biologiques, médicales et pharmaceutiques, notamment à travers des implants artificiels dans le corps humain.

• Le monde numérique

Du milieu du XXème siècle au début du XXIème nous avons basculé dans un autre monde. L’informatique est partout. Le monde entier en porte la marque dans les moindres aspects du quotidien et dans le développement des sciences et des techniques. Plus personne ne peut s’y soustraire. L’industrie informatique pèse 29% du PIB de la planète soit pratiquement le tiers des activités économiques mondiales. Chaque année la capacité numérique générale augmente de 28%.
En 2010 en Europe il y a 362 millions d’internautes qui passent en moyenne plus de 24h par mois en ligne dont un quart sur les réseaux sociaux. 47% des internautes ont moins de 35 ans. Domination des réseaux sociaux et chute du trafic des mails, accroissement de la vidéo en ligne et passage de l’internet fixe à l’internet mobile sont les tendances lourdes actuellement constatées.
Cette technique dont les usagers s’emparent, et qui les transforme, mais qu’ils modifient en retour, alimente les interactions entre sciences et société.


Les technologies de l’information et de la communication (les TIC) permettent d’organiser la communication entre des nano puces, c’est-à-dire la création de processeurs miniaturisés à l’échelle micrométrique et des systèmes informatiques situés dans leur environnement.
Le monde numérique va-t-il contribuer au bien être de l’humanité ou au contraire la mène-t-il à sa perte ?

• La biologie de synthèse

La biologie de synthèse nous laisse entrevoir que l’humain est sur le point de fabriquer des formes de vie nouvelles. Le 20 mai 2010 le biologiste américain Craig VENTER a annoncé la naissance de la première cellule artificielle, première créature vivante synthétique au génome entièrement fabriqué par l’homme. Même si ce génome n’était que la copie d’un chromosome naturel cet exploit n’est pas négligeable. Cette découverte va déboucher sur une nouvelle industrie pouvant produire des OGM aux propriétés inédites, des médicaments, des biocarburants fabriqués à partir de micro algues pourvues d’un génome artificiel. A terme au lieu de transplanter des organes on devrait pouvoir les faire pousser directement dans le corps, les reconstituer du dedans.
La biologie peut agir dans deux directions : la reprogrammation cellulaire c’est-à-dire parvenir à transformer les capacités des cellules et la génomique c’est-à-dire introduire dans l’ADN de nouvelles séquences pour produire des organismes aux propriétés nouvelles.


La reprogrammation cellulaire permet d’envisager la transformation de cellules malades en cellules saines mais aussi de cellules âgées en cellules jeunes. Une fois les maladies vaincues rien ne s’opposerait à l’allongement de la vie humaine.
La frontière entre le vivant et le non-vivant s’estompe. Sommes-nous vraiment que des assemblages de matériaux inertes ? Les biotechnologies peuvent elles changer l’humain ? Intervenir directement sur le vivant, modifier l’homme dans sa nature biologique, le faire passer à une autre espèce plus développée ou moins développée, plus évoluée ou moins évoluée est-ce envisageable ?
Les enjeux de la biologie de synthèse sont trop importants pour être laissés à la seule appréciation des scientifiques même au sein de groupes pluridisciplinaires. L’intervention de penseurs humanistes et philosophes ainsi que le contrôle citoyen démocratique sont indispensables.

• Sciences cognitives et neurosciences

Grâce aux progrès vertigineux de l’imagerie cérébrale par résonnance magnétique (IRM) les neurosciences se déploient à grande vitesse. Comprendre comment nous recevons les données de l’extérieur, voir en temps réel sur un écran comment le cerveau fonctionne de l’intérieur, c’est l’objet de recherches en neurosciences.


De nombreuses expériences montrent que l’impulsion du mouvement pour exécuter une action précède systématiquement la conscience que le sujet a de passer à l’action. Peut-on trancher expérimentalement des questions comme celles du libre arbitre, des relations entre corps et esprit, de la nature de la conscience ? Que sommes-nous ? Sommes-nous essentiellement en tant qu’être humain, les 1500 cm3 de matière cérébrale contenue dans notre boite crânienne ?
Les explorations du cerveau sont influencées et influencent à leur tour les représentations que nous nous faisons de l’homme. Sur des milliards de neurones reliés par quelque 60 milliards de synapses, les plus fines études ne repèrent encore que des phénomènes lacunaires.
Les derniers travaux mettent l’accent sur l’importance de l’épigénèse qui englobe tous les mécanismes qui se superposent à l’action des gènes. Le cerveau d’un individu est modelé à la fois par sa croissance biologique et par ses interactions avec son environnement.


Selon David CHALMERS (cognitiviste cité dans « HUMAIN » de M. Atlan & R.P. Droit) les avancées des neurosciences ne proposent jusqu’à présent aucune méthode pour résoudre le problème de la conscience. Le vrai défi de la conscience est celui du problème corps-esprit, celui des débuts de la philosophie. Comment expliquer la présence de notre expérience intérieure subjective ? Entre ce qui s’observe dans nos circuits cérébraux et ce que nous éprouvons, comment faire le lien ? Soit on considère que le cerveau peut produire la conscience, perspective matérialiste qui attribue à la matière cérébrale la capacité de générer les états mentaux, c’est globalement la perspective des neuroscientifiques. Soit la conscience reste une singularité irréductible à toutes les explications qu’on s’efforce de fournir, ce qui mène à soutenir qu’il existe une réalité de la conscience indépendante de ce que les neurosciences mettent en lumière. Cette dernière position est celle que soutient David CHALMERS qui dit y avoir été conduit par l’examen rigoureux de l’insuffisance des arguments opposés.

• Le Transhumanisme

Julian HUXLEY, premier directeur général de l’UNESCO, est le créateur du mot « transhumanisme ». Il avait une croyance dans les capacités bienfaitrices du progrès des sciences qui pousseraient vers le dépassement des limites de l’humanité actuelle. Certains transhumanistes vont jusqu’à parler de « posthumanisme ». Avant de devenir des « post » nous serions des « Trans » œuvrant à la grande mutation.

Ray KURZWEIL, ingénieur et businessman, que Bill GATES considère comme « la personne la plus douée qu’il connaisse en matière d’anticipation de l’avenir de l’intelligence artificielle », estime que l’existence humaine ne dépend pas d’un corps biologique. Quitter le corps ne signifierait pas quitter l’humanité. Ainsi il prévoit de vaincre la mort en transférant son cerveau sur une machine. Il décrit une ultime évolution de l’univers où tout deviendrait intelligence. Il pense que nous aurons un jour des créatures artificielles plus intelligentes que les êtres humains. C’est ce qu’il appelle l’avènement de la « singularité ». La question qui se pose est de savoir si ces créatures seront conscientes ou simplement intelligentes. L’intelligence artificielle sera-telle toujours amicale ? Certains craignent qu’un jour elle se retourne contre les humains et soit à l’origine de la disparition de l’humanité.

Antonio DAMASIO, neurobiologiste, Université de Californie du Sud, estime que la science est en train de remplacer la philosophie par des études expérimentales, de substituer à des discussions sans fin des vérités rigoureusement établies. Pour lui nous sommes déterminés par nos gênes. Le développement in utéro fait que dans le tout début de la vie on en sait déjà beaucoup. Puis vient ensuite l’influence de la parenté et de la culture. Nous sommes déterminés par toutes ces influences.
Nous savons maintenant que nos neurones peuvent se régénérer. La mise en lumière de la neurogénèse permet de comprendre que le cerveau adulte a la possibilité de s’adapter aux changements qui surviennent au cours de la vie. Si notre cerveau peut se régénérer indéfiniment n’est-ce pas à terme une remise en question de notre finitude ?
Depuis toujours perception, mémoire, intelligence, calcul, langage, conscience, identité sont des domaines privilégiés de réflexion pour les philosophes. Si la science du cerveau parvenait à expliquer la conscience sous toutes ses formes, tout serait élucidé et la philosophie dissoute, c’est la thèse d’Antonio DAMASIO (cité dans « HUMAIN » de M. Atlan & R.P. Droit).

Autour du cerveau et des enjeux de son exploration ce sont des affrontements philosophiques qui se déroulent et qui engagent des représentations de l’humain et de ses relations à la nature.
Qu’il y ait une relation étroite entre notre cerveau et nos pensées, personne n’en doute. Mais qu’il s’agisse d’un lien de causalité, de production cela n’est nullement établi. Les avancées scientifiques de la neurobiologie ne risquent-elles pas de négliger d’autres conceptions de l’humain, de l’esprit, du sens, d’autres représentations mentales du réel que celles induites par l’imagerie ?

Sciences, techniques et progrès de l’humanité

Pourquoi la technique, au lieu d’être en harmonie avec ce qui l’entoure, est-elle devenue perturbatrice, voire dangereuse ?
Le mouvement transhumaniste voit l’être humain accéder à un stade supérieur de son évolution grâce aux technosciences. Il promeut l’avènement d’un surhomme technologique soustrait à tout ancrage naturel. Il prétend défendre un modèle d’amélioration de l’être humain qui se veut en continuité avec celui promu par le siècle des Lumières. Mais le sociologue, Nicolas Le DEVEDEC dans la revue Esprit de novembre 2015, démontre que le transhumanisme a une conception de l’émancipation humaine étroitement technoscientifique, biocentrée et individualiste. Jamais il n’est question d’apporter une réponse sociale et politique aux problèmes sociaux qui se présentent. L’amélioration de l’individu et de ses performances physiques, intellectuelles et émotionnelles n’est envisagée que sous l’angle technoscientifique. Cette quête biotechnologique de l’amélioration et de l’augmentation de l’humain occulte la dimension sociale du combat des Lumières pour l’institution d’une société plus juste.

En biologie le clivage entre vivant et non vivant devient problématique. Dans le domaine de l’intelligence artificielle, la différence entre machine et conscience se brouille. Dans le monde numérique, où par définition on ignore les frontières, la prétention est de les abolir. Le rêve est de s’affranchir des limites du corps, du temps, de l’espace, nous nous efforçons d’augmenter indéfiniment nos capacités productives, notre confort de vie. Mais une conscience aigüe des limites émerge comme l’autre face de notre présent et révèle une tension entre le désir d’illimité et la conscience des limites.

Sur les mutations en cours, quel est notre pouvoir d’agir ? Qu’est-ce qui nous incombe ? Sur quelle image de l’humain, de sa dignité, de ses capacités pouvons-nous guider nos choix ? Quelles représentations de la science, de la technique et de l’avenir sous-tendent et mobilisent ces réflexions ? Comment ne pas oublier que l’être humain est un individu qui vit en société et que le sort de chacun est lié au sort de tous ? L’humain n’est pas pensable isolément. Le sens ne surgit que de la relation à l’autre. Cette relation à l’autre est constitutive de l’humain. Elle le construit, le façonne et lui permets d’exister. Sa propre subjectivité émerge de tout ce que les autres tissent, par leur existence, leurs discours, leurs désirs, leur présence. Par imitation, échange, opposition, ses connaissances, ses goûts, ses convictions se sont formés et développés en relation avec les autres. Sa subjectivité est entièrement issue d’une intersubjectivité. L’individu émerge d’un vaste réseau qui existe avant lui, sans lui, hors de lui. Sa singularité résulte du mélange constitué de ces éléments. L’humain n’a de sens que sur fond d’exigence éthique, de société et d’histoire. L’intersubjectivité occupe le centre de l’existence et de l’identité humaine. L’individu évolue et se constitue autrement à mesure que bougent les techniques, l’histoire et les sociétés. Il se construit différemment, s’inscrit dans de nouveaux schémas.

Longtemps nous avons cru avec le siècle des lumières que la responsabilité des humains était de faire progresser les savoirs, perfectionner les techniques, et ainsi permettre à l’humanité de gagner sa liberté sur terre. Mais l’histoire du XXème siècle a prouvé que sciences et techniques, loin de rendre les humains meilleurs, pouvaient leur permettre de tuer plus. Les progrès des sciences et les raffinements de la culture ne constituent en rien des digues contre la barbarie.

Pour certains philosophes la technique est autonome et échappe à ses créateurs. Le monde de la technique moderne vide la réalité de toute épaisseur, déshumanise le quotidien, ravale l’existence au statut de marchandise. Hannah ARENDT dans « la condition de l’homme moderne » développe l’idée que le travail dans la société moderne, conditionnée par la technique, transforme profondément le rapport des êtres humains à leur propre vie. Notre responsabilité est de contrôler le pouvoir de nuire de la technique. Sa puissance est devenue telle qu’une catastrophe pourrait mettre un terme à l’humanité.

Face à ce catastrophisme d’autres philosophes mettent l’accent sur la continuité de la technique et la vie. Georges CANGUILHEM, philosophe des sciences, plutôt que d’opposer la technique et la vie, propose de concevoir la technique comme un fait de la vie, son véritable prolongement, sa manière de construire sa relation avec ce qui l’entoure, et ce dans un processus dynamique. Gilbert SIMONDON, philosophe contemporain, s’est efforcé de réhabiliter la technique comme une réalité humaine, une composante de la culture. Il ne s’agit plus d’attendre de la technique l’émancipation de l’humanité, pas plus que de craindre sa déshumanisation ou son anéantissement. Nous sommes responsables de notre compréhension de ce que signifie la réalité humaine de la technique. Avec les nouvelles possibilités de manipulation du vivant, de réorganisation de l’ADN, cette analyse se révèle d’une actualité brulante.

Selon Jürgen HABERMAS, philosophe allemand contemporain le risque principal est celui d’un nouvel eugénisme, c’est-à-dire d’une tentative volontaire d’amélioration de l’espèce humaine. Comment faire le tri entre une technique scientifique constituant un progrès légitime et une technique qui menacerait la nature humaine dans son essence biologique ? Comment préserver la nature humaine ?


Laissons la parole à Jürgen HABERMAS.
« Les hommes sont des êtres sociaux qui ne peuvent exister qu’inscrits dans des formes culturelles de vie, et ces formes n’apparaissent qu’au pluriel. Dès le commencement, notre espèce est impliquée dans un processus de développement culturel qui n’a cessé de s’accélérer. Par le biais des progrès techniques cette « seconde » nature empiète sur notre constitution organique. ….
La technologie a servi d’abord à améliorer nos organes.
Dans cette perspective, on peut être tenté de tenir également pour tout à fait « naturelle » la nanopuce qu’il faudra un jour implanter dans le cerveau afin d’améliorer sa fonction de mémoire. …
Tant que les interventions chirurgicales restaurent une fonction organique endommagée, nous considérons qu’elles sont inoffensives. ….
Mais, au bout de la chaîne, nous atteignons une zone grise où la limite entre interventions chirurgicales à caractère thérapeutique et interventions chirurgicales visant une amélioration devient floue. …
Il est difficile pour les profanes d’apprécier jusqu’où, au juste, on peut aller dans le développement des technologies permettant une « amélioration » de l’organisme humain. Parce que tout cela a lieu en dehors de toute publicité, au sein d’entreprises privées. Le véritable scandale réside dans la naïveté, qui consiste, en accord avec la recherche et l’industrie, à partir du principe que les améliorations eugéniques seraient souhaitables par elles-mêmes. …
Nous ne devons pas abandonner les cas les plus évidents « d’augmentation de l’humain », que nous pouvons anticiper aujourd’hui, à la loi du marché. La problématique morale et juridique de ce développement exige une régulation politique. Le véritable défi n’est pas la nouveauté du problème, mais surtout la croissance rapide des développements technologiques commandés par le capital. Ils sont tellement importants qu’une politique volontariste, réactive, doit s’en occuper à temps. Comme d’autres développements à risques, ceux-ci exigent une évaluation morale des suites techniques envisageables, probables. Étant donné que cette estimation ne saurait être abandonnée aux soi-disant experts, c’est finalement une affaire qui relève de la formation de la volonté démocratique – à condition que règne le pluralisme idéologique. …
Dans les conceptions abstruses de l’homme de certains « technofreaks » – adeptes fous de la technologie -, les conditions préalables pour une vie en commun ne sont plus satisfaites, je veux dire pour une vie en commun qui pourrait être soumise à une évaluation morale. C’est pour cela que j’ai introduit le concept « d’éthique de l’espèce humaine », qui permet d’évaluer si demeurent réunies les conditions pour un mode de vie en commun, qui soit encore sensible aux questions de justice en général. »


Préserver les conditions d’une vie éthique collective et démocratique, d’une pensée de la dignité de l’humain, d’une résistance à la prolifération des techniques sous la pression du marché c’est le souci constant de Jürgen HABERMAS, convaincu que nous pouvons demeurer responsables des techniques sans être submergés par elles.

Jean-Claude MILNER, linguiste et philosophe contemporain, contrairement à ceux qui considèrent qu’il n’existe qu’un seul vaste ensemble fusionnant sciences et techniques dans la technoscience, maintient la distinction. La technique n’est pas la science, elle peut devenir de la marchandise, la science pas nécessairement. Pour le philosophe c’est l’usage capitaliste des techniques, leur rentabilisation immédiate dans la recherche du profit qui favorisent et introduisent ces mutations accélérées. La technique est rendue dangereuse par sa prolifération marchande incontrôlée.

Toutes les cultures et toutes les philosophies s’accordent sur le fait que ce qui définit l’homme, c’est qu’il ne se produit pas en série. Il n’est ni « sérialisable » ni « sérialisé ». Un individu humain ne peut jamais être un autre, l’un n’est pas substituable à l’autre. Si le clonage humain est possible cela introduit la sérialisation et le substituable. L’éventualité d’une marchandisation des biotechnologies devient d’autant plus forte que le règne de la biologie a désormais succédé à celui de la physique. Pour MILNER il y a une responsabilité générale qui concerne tout le monde, celle de résister à la mise en série par la pression du système marchand qui est pour lui in-distinguable aujourd’hui du système technique.

Finalement les travaux scientifiques nous racontent des histoires de toujours : ne plus souffrir, cesser d’être malade, demeurer durablement jeune, ne pas mourir… Le propre de l’humain est de tisser des histoires, construire des récits. Pas d’humain sans mythes, fables, récits, narrations, autant de manières d’assembler les évènements, de leur donner sens, d’avoir prise sur le monde. C’était vrai dans les huttes de feuillage ou dans les cabanes de pierres sèches, c’est toujours vrai au sein des sciences. Découvrir, pour les scientifiques, c’est aussi raconter une histoire. Nous vivons dans un monde d’innovations permanentes et nos représentations se transforment plus vite que les humains. Certains revivifiés par les nouvelles technologies prolongent le vieux mythe de « l’homme nouveau ». En finir avec l’humain, le transcender, passer à autre chose. Comme au XXème siècle cette histoire d’homme nouveau a provoqué les plus grands amoncellements de cadavres humains, nous avons toutes les raisons d’être méfiants.

La bioéthique est un pont entre les sciences de la vie et les valeurs humanistes.
La confiance aveugle envers les sciences et les techniques est une erreur, la défiance systématique en est une autre. La technologie n’est pas, dans son essence, radicalement différente des outils les plus simples. Un marteau peut servir à assembler des planches ou à défoncer des crânes. Dans un cas comme dans l’autre il n’est en rien responsable, seuls le sont ses utilisateurs. Ce n’est pas la technique qui est en soit bénéfique ou maléfique, mais les usages qu’on choisit d’en faire.

La complexité des technologies actuelles n’est pas comparable à un marteau. Leurs usages ne sont pas simplement individuels et le choix lui-même se complexifie. Ce choix ne doit pas être une affaire de spécialistes mais être ouvert à un large public. La bioéthique est l’affaire de tous. Nous devons rester vigilants quant aux possibles dérives, aux possibles mauvais usages des découvertes scientifiques. Aidons le plus grand nombre à comprendre, à avoir accès aux connaissances, pour que chacun ait les moyens d’un jugement approprié. L’ignorance laisse à un petit nombre la responsabilité des choix qui peuvent être sujet à toutes les influences et notamment à la pression économique dès lors que les découvertes qui ont des applications à grande échelle, laissent entrevoir une rentabilité financière. Gardons un œil critique sur les conséquences sociales et les dérives possibles de la recherche et ses applications. Veillons à faire participer la société au débat sur les orientations de la recherche en biologie et ses applications.

L’interdépendance des différentes espèces au sein d’un écosystème n’est plus à démontrer. Les activités humaines détruisent des équilibres naturels, produisent des gaz à effet de serre, provoquent le réchauffement climatique, épuisent les stocks d’énergie que l’on sait limités. L’idée que l’humain peut détruire le monde terrestre et ainsi se détruire lui-même émerge et pose le problème des limites de l’activité humaine et de sa responsabilité vis-à-vis de la nature. L’humain n’est pas la seule source des valeurs, il est une partie d’un tout qui a la particularité d’être responsable de la conservation de ce tout. Les partisans de « l’éthique de la terre » nous font prendre conscience de nos limites et nous obligent à développer un humanisme différent, un humanisme de la diversité et de l’altérité.

Corinne PELUCHON, philosophe, nous propose de retenir la continuité fondamentale de la nature, des animaux et des humains mais en ne perdant pas la spécificité et la responsabilité humaines. Le point de vue humain sur le non-humain peut évoluer, prendre en compte l’écosystème. Il peut aller de l’instrumentalisation au respect, de l’indifférence à la reconnaissance. Il n’en demeure pas moins le point de vue humain.

Aujourd’hui c’est la définition même de l’humain qui est mise en cause, ce qui explique la difficulté qu’il a de se définir, de s’identifier. Nous assistons à la naissance de ce que l’on peut appeler le « posthumain », ou le « transhumain », issu d’une science et d’une technique qui ignorent la morale, effacent la limite entre le permis et l’interdit, n’ont pas à se poser la question du Bien et du Mal. …
« Demain avec les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) que restera-t-il de l’humain originel avec ses pulsions, ses désirs, ses fourvoiements ?

Nous devons prendre la mesure du bouleversement en cours, peut-être le plus important de l’histoire de l’humanité, puisqu’il touche à ce qui fait de l’homme et de la femme, des êtres humains, penser cette mutation anthropologique et entreprendre avec ces nouveaux outils l’édification de l’avenir de l’humanité.

Plus que jamais, avec sens des responsabilités et sagesse, l’homme a besoin des principes éthiques des Lumières pour mettre les sciences et les technologies au service de l’humanité et non l’inverse.

Références bibliographiques

« La mort de la mort – comment la techno médecine va bouleverser l’humanité » – Dr Laurent ALEXANDRE – JC Lattès
« Humain – une enquête philosophique sur ces révolutions qui changent nos vies » – Monique ATLAN et Roger-Pol DROIT – Flammarion
« L’avenir de la nature humaine » – Jürgen HABERMAS – tel Gallimard
« La condition de l’homme moderne » – Hannah Arendt – Agora Pocket
« La technologie et la science comme idéologie » – Jürgen HABERMAS – NRF Gallimard
« Habermas, dernier philosophe » dans Revue Esprit Août-septembre 2015
« Retour vers le futur transhumaniste » de Nicolas LE DEVEDEC dans Revue Esprit novembre 2015